Pourquoi Assange a tort de demander l’asile à la France

François Hollande refuse l’asile à Julian Assange. Mais pourquoi demander asile à la France ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Julian Assange (Crédits New Media Days-Peter Erichsen, licence Creative Commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pourquoi Assange a tort de demander l’asile à la France

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 juillet 2015
- A +

Julian Assange demande l’asile à la France, François Hollande le lui refuse. Des politiques de tous bords s’élèvent contre une décision hâtive qui servirait les intérêts américains et ce, alors qu’on découvrait il y a quelques jours à peine qu’ils nous espionnaient. Plus rares sont ceux qui estiment qu’il faudrait lui accorder l’asile au nom de la liberté et de la vérité, et même ceux-là ont tort : la liberté et la vérité, la France n’en veut pas.

Julian Assange lui-même a tort d’espérer de la France. La France n’est plus le pays des droits de l’homme, elle n’est pas un phare pour le monde moderne, elle n’est pas un modèle. Si critique vis-à-vis des Américains auxquels elle aimerait sans doute pouvoir être moins liée, la France reproduit – à l’intérieur et à l’international – les pires pratiques de l’Oncle Sam.

Sur le plan intérieur, la France instaure avec 10 bonnes années de « retard » la surveillance généralisée des citoyens. Les Américains ont eu leur 11 septembre, nous avons eu notre 11 janvier, qui tous deux ont débouché sur le piétinement des libertés individuelles. Nous raillons l’enseignement américain, où le Créationnisme est encore admis ; mais l’histoire ou l’économie telles qu’enseignées dans nos écoles sont au moins aussi risibles. Nous moquons le « fiscal cliff » qui menace régulièrement de paralyser l’État américain si un accord budgétaire n’est pas trouvé ; nos députés votent chaque année, en toute décontraction, des budgets déséquilibrés. Nous nous étonnons du nombre et de la durée des peines d’emprisonnement américaines, sans trop nous attarder sur nos prisons surpeuplées et insalubres qui nous valent régulièrement des condamnations pour atteinte aux Droits de l’Homme. Et nous oublions de nous inspirer des meilleures pratiques américaines, qui reviennent enfin sur leur « Guerre contre la Drogue » alors que notre gouvernement « progressiste » s’y refuse.

Sur le plan extérieur, la France mène elle aussi ses petites guerres, soutient ses petits alliés et fait tomber les anciens amis « devenus » dictateurs. Après s’être longtemps moqués des Américains, de leurs fallacieuses « armes de destruction massive », de leurs GIs qui apportent la démocratie et repartent avec du pétrole, les Français apprenaient récemment que l’intervention française en Libye n’avait pas été décidée suite à un appel de BHL au standard de l’Élysée, mais un peu plus tôt, alors que la DGSE structurait et entraînait les rebelles libyens en l’échange de juteux contrats pour les entreprises françaises. On raillait leur diplomatie économique qui fait débarquer en même temps tanks et bulldozers ; on découvre nos hommes politiques « apporteurs d’affaires » dans un cadre plus que douteux. On déplorait l’impact désastreux de leur géopolitique de barbouzes, où les dictateurs renversés sont remplacés par pire qu’eux ; on découvre (sans surprise) que les « rebelles » que nous armions hier doivent désormais être appelés « terroristes » et combattus. On dénonçait l’influence de leur complexe militaro-industriel alors que nos hommes politiques s’échinaient à vendre des Rafale. Le « rayonnement de la France » ne vaut pas mieux que l’impérialisme américain.

Julian Assange a donc tort de demander l’asile à la France, de voir en elle un potentiel contrepoids à une puissance américaine,  un autre « champion du monde libre » : la France ne vaut pas mieux que les États-Unis, et le monde libre ne l’est plus.

Comme les États-Unis, la France s’est écartée des principes qui la fondent. Parce que en France comme aux États-Unis, le pouvoir politique a été confisqué aux citoyens – à leurs dépens.

Les citoyens sont surveillés par leur gouvernement. Les gouvernements, eux, et les hommes politiques qui les composent, agissent dans une opacité et une impunité incompatibles avec une saine démocratie, et ne sont que trop rarement inquiétés lorsque sont découverts les scandales qu’un tel pouvoir génère immanquablement.

Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument. – Lord Acton

Les citoyens sont censés être protégés de la violence par l’État et le gouvernement est censé en être le juge impartial. Et que voit-on ? En France, le gouvernement plie face à la colère des taxis, qui manifestent en agressant, brûlant, cassant. Aux États-Unis, le gouvernement renfloue les institutions qui saisissent illégalement des maisons achetées à crédit. Nos États outrepassent et vont à l’encontre de leurs missions, et c’est la liberté qui en pâtit. Les citoyens aussi, bien évidemment. Pour combien de temps encore ?

S’il faut attendre un changement, il ne viendra pas de notre classe politique. Au lieu de faire amende honorable, prendre ses responsabilités et accueillir à bras ouverts les lanceurs d’alerte qui ont le courage de dénoncer un état de fait, ils les poursuivent et les condamnent, ou refusent de les accueillir. Snowden avant Assange avait demandé asile à la France, qui le lui avait également refusé – et était allée jusqu’à inderdire à l’avion présidentiel bolivien de survoler le territoire français sur la simple rumeur de la présence de Snowden à bord.

S’il faut attendre un changement, il viendra des citoyens, il viendra de nous. Et dans ce cas, il faut cesser de l’attendre, et le faire advenir.

Le temps joue contre nous, alors que s’étend une surveillance qui ne présage rien de bon. Combien de temps encore avant que certaines opinions soient interdites ? C’est déjà fait. Avant que des groupements politiques, aussi douteux soient-ils, soient dissous de force ? Déjà fait aussi. Avant que nous ne comprenions que nous sommes in fine les seuls garants de notre liberté, et les seuls responsables ? L’avenir le dira.

Voir les commentaires (18)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (18)
  • Entièrement d’accord.
    Réclamez l’asile à la france c’est comme si une victime demandait protection à un ami de son bourreau. De plus ça donne à la france une image qu’elle n’a plus et dans un sens Assange ne rend pas service à tous ceux qui disent que nos libertés s’amenuisent de jour en jour.
    Mais pour un gars qui vit depuis 2-3 ans entre les 4 murs d’une ambassade je comprends que même la Corée du Nord puisse être un paradis.

  • Très bel article. Mais peut-être que la demande de Assange est calculée. Il vient de démontrer encore plus que la France est à genoux devant les states.

    Dans le même temps on accorde des asiles a un tas de types qui viendront pour l’aide sociale….

  • Sauf que M. Assange N’A PAS DEMANDÉ l’asile en France. Il l’a dit lui-même et, de fait, il NE PEUT PAS le demander, car il ne se trouve pas physiquement, en France. Toute cette affaire ne relève que d’un délire d’une poignée de « personnalités » qui ont mis dans leur tête de demander à Hollande quelque chose qu’il n’a pas le pouvoir de faire, au nom d’une pseudo « rétorsion » contre les USA. Et forcément, le « refus » de Hollande ne peut-être interprété que comme une soumission auxdits USA. C’est aussi grotestque que ridicule.

    • Il faut ajouter qu’Assange fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen. Mandat que la France devrait exécuter, conformément à nos engagements librement consentis, si Assange venait sur notre sol. Devons-nous donner une géométrie variable à notre parole?

  • « S’il faut attendre un changement, il viendra des citoyens, il viendra de nous. Et dans ce cas, il faut cesser de l’attendre, et le faire advenir. »

    J’applaudis des deux mains. J’aimerais même beaucoup que cela devienne la ligne éditoriale de ce journal. Tout le reste est perte de temps : que pouvons-nous faire, dès aujourd’hui ? C’est la seule question qui vaille la peine d’être posée.

  • Que les étrangers comme Mr. Assange se fassent une idée complètement fausse de la France des droits de L’homme, mais VOUS ?
    Faire croire que la France ne peut rien faire, est un peu fou ! Il suffit d’envoyer un véhicule diplomatique Français aller chercher Assange dans son ambassade, et le sortir en roulant dans le même véhicule , qui même chargé sur le shuttle ne peut être ouvert et fouillé.
    OSS117 ?? Non il y a quelques jours, un fils de diplomate, humiliait notre police, sans qu’elle n’ait pu rien faire, relâché AVEC EXCUSES, il s’est empressé de leur faire des « doigts » et autres « bras ». Ce statut diplomatique est très fort et personne ne peut le briser.
    Ne comptez jamais sur le pays des droits de l’homme, même quand vous êtes Français et que vous rencontrez un souci à l’étranger.. Il faut voir comment nos consuls et autres ambassadeurs, vous recevront,…s’ils vous reçoivent….

  • Pourquoi Assange a tort de demander l’asile à la France ? :

    Parce qu’il doit répondre de crime de viols et d’agressions sexuelles en Suéde et fait à ce titre l’objet d’un mandat d’arrêt européen et que l’asile politique ne peut être accordé pour échapper à une juridiction européenne.

    Une fois qu’il aura été jugé et le cas échéant fait les années de prison de sa condamnation, ALORS se posera la question de son extradition vers les USA. De mon point, de vue la suède ne procédera pas à l’extradition si il risque la peine de mort aux USA.

    C’est insultant, je trouve, pour les suédois de laisser à penser que c’est un état de non droit. Si il avait répondu aux convocations de la justice suédoise pour répondre des accusations il en serait pas là. Personne n’est au dessus des lois, assange aussi.

  • «  » S’il faut attendre un changement, il viendra des citoyens, il viendra de nous. Et dans ce cas, il faut cesser de l’attendre, et le faire advenir. » »

    Comment cela pourrait ‘ il <>….? Par le vote ? !? Soyons sérieux … Donc, votez avec vos pieds …. J’ai pas de sous j’peux pas partir !! Zut ….

    La révolte …. M’ouais, mais sans calibre et vu les moyens dont ils disposent en face !!

    Après toutes ces années, depuis tout ce temps que vous écrivez… Voila plus d’ une décennie que j’arpente ce site et ses publications , et si vos analyses et réflexions sont pertinentes , elle ne font que souligner notre incapacité à faire changer les choses.

    L’ultime question reste posée …. COMMENT ?

    • Le syndrome de Jeanne d’Arc est fortement ancré dans notre société, d’où le désir constant d’un homme providentiel sans lequel nous ne saurions rien faire. Je pense qu’il faut simplement commencer par nous-mêmes, nos proches, nos enfants, nos amis, en étant simplement lucides et en ne déviant pas de la ligne philosophique qu nous nous sommes construite. Soyons un peu taoïstes, quoi. On ne peut pas changer le monde entier par la force et persuader contre leur gré ceux qui ne pensent pas plus loin que le bout de leur nez. On la vu, ça ne marche jamais, et aboutit souvent à des dictatures. L’idée est donc de changer les choses que nous pouvons atteindre nous-mêmes, au fil de notre temps. C’est humble, ça prend des années, mais le résultat est solide, au moins.

  • Que la France ne soit plus le pays de la Liberté et des Droits de l’Homme c’est un peu vite dit! Il est très probable que la majorité de la population reste attachée à ces valeurs et regrette la réponse de ses dirigeants qui se sont montrés ainsi aussi méprisants à l’égard d’Assange qu’ils le sont vis à vis de nous. Tous partis confondus, les dirigeants français s’arrogent le droit de mener « leur » politique, pas la nôtre. Nous sommes les droits-de-l’hommistes de messieurs Hollande ou Sarkozy, peu importe, ce sont les mêmes sur bien des points, alliés contre les français, la république et les valeurs de la France. Ah, au fait, rappelons nous avec quelle célérité l’asile a été accordé à la femen exhibitionniste (pléonasme) Inna Shevchenko et comment en 2013, un nouveau timbre, choisi par le président François Hollande, montre Inna Shevchenko en Marianne! Décidément Hollande a fait de la France le pays des droits des amis des Etats-unis.

  • Bon article mais qui n’apporte rien de nouveau. Nous ne somme pas des citoyens mais soit des electeurs soit des consommateurs ni plus ni moins. tant qu’on se laissera considerer comme des enfants par nos gouvernement (le cadre de vie imposé c’est pour les momes non?) a qui on doit tout expliquer ou qu’ils faut protéger (maman sait ce qui est bon), comment voulez vous que ça se passe autrement? accepter que l’histoire de chacun repond a ce qu’il est, comprendre ce qui est juste et ce qui releve de la vengeance, et enfin depuis quand j’ai besoin d’une loi pour savoir que ce qui nuit a la vie et/ou a la dignité d’autrui ne permet pas de vivre en société (de maniere durable)?

  • Robespierre, Marat, Bonaparte, Fouché, Charles X, Napoléon III, Thiers, Clemenceau (Nah pas Clémenceau!) Laval… (Quelques autres?) étaient des ardents défenseurs des libertés, lumières Etc.
    Ca a bien changé.

    Et la IV°. république était complètement indépendantes des US
    Ca a bien changé.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe... Poursuivre la lecture

Le système de protection sociale français se caractérise par une grande et excessive générosité à l'égard des immigrés. Les récents débats sur la loi immigration, qui a abordé plusieurs volets tels que le travail, l’intégration, l’éloignement ou encore l’asile, ont mis en lumière la difficile recherche de consensus sur la question.

Parmi eux figuraient des propositions telles que la révision de l'aide médicale d'État (AME), la régulation des sans-papiers dans les métiers en tension, le durcissement du regroupement familial et de l’accè... Poursuivre la lecture

Article disponible en podcast ici.

Jadis, seuls les criminels se retrouvaient sur écoute. La traque du citoyen par les bureaucrates était une exception. Les surveillances de masse étaient réservées aux régimes totalitaires, impensables dans nos démocraties.

Or depuis le 11 septembre, nos gouvernements nous considèrent tous comme des potentiels criminels qu’il faut espionner constamment. Et toute comparaison aux régimes totalitaires fera glousser nos fonctionnaires devant une telle allusion.

J’ai déjà longuement commenté... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles