L’Europe des corporations : le cas des taxis

Comment les taxis sont-ils devenus en Europe, voire dans le monde entier, la caricature du corporatisme primaire ?

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Manifestation des taxis contre Uber à Londres (Crédits : David Holt, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

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L’Europe des corporations : le cas des taxis

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 24 juin 2015
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Par Ferghane Azihari.

Manifestation des taxis contre Uber Londdres Credit David Holt (Creative Commons)
Manifestation des taxis contre Uber Londdres Credit David Holt (Creative Commons)

Malgré les accusations fantaisistes d’une Europe jugée trop libérale, les déboires du transport urbain peer-to-peer dans les États les plus riches du vieux continent montrent que celui-ci n’a aucune culture de la libre-entreprise.

Comment les taxis sont-ils devenus en Europe, voire dans le monde entier, la caricature du corporatisme primaire ? Après tout, leur monopole ne choquait pas plus que ça jusqu’à très récemment. Cette prise de conscience collective, nous la devons à de multiples entreprises qui opèrent sur le marché des transports en facilitant la rencontre de l’offre et de la demande, tout en permettant aux particuliers qualifiés de s’improviser auto-entrepreneurs.

En effet, ceci est permis grâce à l’utilisation des nouvelles technologies qui neutralisent la plupart des coûts d’entrée sur les marchés, ce qui a pour effet immédiat de démocratiser l’entrepreneuriat. Ainsi aujourd’hui, n’importe quel individu détenant une voiture peut librement subvenir à ses besoins en transportant des individus. Librement ? Enfin…pas tout à fait.

 

Corporatisme primaire et mafia légale

Qu’est-ce qu’une mafia ? Le Larousse se contente d’une « association de malfaiteurs ». La mafia est en effet une organisation criminelle qui n’hésite pas à nuire à autrui en utilisant la violence pour défendre ses intérêts économiques. Maintenant, qu’est-ce qu’un taxi ? Dans la plupart des pays européens, la profession de taxi est protégée par un privilège gouvernemental qui s’appelle la licence.

L’État qui détient le monopole de la violence légale a donc la possibilité de limiter le nombre de professionnels sur ce marché. Ainsi, une véritable chasse aux sorcières s’est ouverte contre les particuliers qui osent subvenir pacifiquement à leurs besoins en utilisant une voiture. Du Portugal jusqu’en Allemagne en passant par quelques cantons suisses, les corporations de taxis espèrent toutes instrumentaliser la puissance publique pour nuire aux particuliers, lesquels se voient désormais menacés par des sanctions pénales.

 

La partie visible de l’iceberg

Si je vous parle de tout cela, c’est pour rendre compte du fait qu’il n’y a aucune différence de nature entre un groupe mafieux et une corporation avide de monopoles qu’elle obtient via l’utilisation de la puissance publique. L’avantage de la corporation tient à ce qu’elle bénéficiera de la légalité, et donc de l’appui des autorités quand la mafia stricto sensu sera généralement en confrontation avec le pouvoir politique (quoique certains penseurs vous diront que persister à criminaliser certaines activités – comme le marché des drogues – revient exactement à protéger les mafieux).

Les taxis sont loin d’être la corporation la plus spoliatrice. Seulement, ce sont leurs privilèges qui sont aujourd’hui sous le feu des projecteurs. Mais si ces privilèges sont aussi nuisibles sur un marché aussi anodin que le transport urbain, alors on n’ose pas imaginer ce qu’il en est sur des marchés plus élitistes et plus concentrés (voir par exemple le cas des banques, ou du secteur pharmaceutico-médical).

Du reste, ces distorsions ne sont pas délétères uniquement vis-à-vis de la liberté individuelle. En entravant la démocratisation des circuits de production, elles sont la source d’une injuste répartition des richesses. C’est pourquoi la dé-monopolisation des activités économiques, si elle veut être juste, doit s’inscrire dans un projet global de société. Seulement, est-ce vraiment ce que veulent les élites politiques ?

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  • les elites admistratives qui dirigent le pays fondent leurs pouvoirs sur la spoliation non consenti ( vol) de la richesse du pays, avec la complicité de politicien porte parole, et des citoyens se complaisant dans le clientelisme et le corporatisme.

    L’emergence de l’economie et du business collaboratif, ( à ne pas confondre avec le partage non monétisé qui lui aussi se developpe (troc)) pose un gros problème à ces olligarchies.

    – comment continuer à recouvrer impots et taxes, pour pouvoir continuer à acheter une pseudo démocratie et faire durer notre confortable position ?

    A noter que le sort des taxis ou autres dépositaires actuels des monopoles, ils s’en tapent.

    Il n’y a qu’une seule solution : faire cesser la taxation du travail, source de toute les distorsions, les fraudes, etc… pour taxer les mouvements d’argent de compte à compte… collecté par les banques…
    Très facile à mettre en oeuvre en fait.
    une oeuvre de simplification reelle pour les entreprises : plus de tva ( 40 milliard de fraude) , plus de travail pour le compte d’autrui (impots, urssaf, etc…)
    une contributiuon de l’économie parrallele au budget de l’état, et au budget social de base.
    Bon d’accord, cela necessite de virer 200 000 fonctionnaires au bas mot…

  • La photo montre des Black Cabs. Ayant vécu à Londres une bonne partie de ma vie, je voudrait souligner deux choses:

    1/ les Cabbies font minimum deux ans « d’études », The Knowledge, pour connaitre Londres à fond. Leurs connaissance de la ville est incroyable, il y a quelques années diverses études scientifique ont montrées qu’ils étaient plus efficaces qu’un GPS et qu’en plus la masse de leur cerveau était plus importante que la moyenne. Je ne galège pas. Le service cher et est en général impeccable et amical, les véhicules sont propres et vérifiés. Leurs nombre est limité.

    2/ Ça fait belle lurette que les minicabs, l’équivalent des VPC, sont légaux. Trés longtemps, à peine régulés, la plupart des véhicules étaient des poubelles incroyables conduites par des personnages louches, souvent sans assurance, voir sans permis de conduire. C’était un nid de crimminalité. Depuis une dizaine d’années une régulation stricte a été mise en place, les véhicules sont vérifiés, propres et récents et les conducteurs sont enregistrés. Chaque véhicule et sont chauffeur ont un numéro. Les prix sont abbordables. D’aprés ce que j’ai compris leur nombre n’est pas limité. Ça marche impeccable.

    A Amsterdam, il n’y a que des Taxis licensiés. Ils ont un systéme informatique qui calcule le nombre idéal de véhicules à un temps T. Les chauffeurs ont des tranches horraires qui leurs sont allouées selon leurs critères. Ils peuvent ensuite se les échanger via une bourse en ligne. Uber y est interdit.

    Je trouve intéressant comment deux capitales bien libérales envisagent ce problème et quelles solutions et régulation sont mises en place….

    • En quoi un véhicule ancien ne pourrait pas être de bonne qualité ? Consumérisme quand tu nous tiens… C’est de ça que la société est en train de mourir : du gaspillage de biens encore parfaitement utilisables.

  • Et les Français qui pérorent d’avoir aboli les privilèges le 4 août 1789 …

  • La solution: rendre la licence de taxi gratuite

    • Ca tombe bien, elle l’est déjà 😉 Les licences fournies par l’état sont gratuites.
      Maintenant, allez empêcher quelqu’un qui y tient d’acheter pour 300 000€ quelque chose de gratuit…

      Le coeur du problème, c’est la notion même de licence (ou du moins, le fait d’en limiter le nombre). C’est cet outil qui permet d’empêcher des gens qualifiés (= qui ont le permis B, une voiture, et qui sont assurés) de proposer leur service.

    • Elle l’est déjà. Ce sont les chauffeurs de taxis qui se les échangent contre espèces sonnantes et trébuchantes.

  • Ce sujet me rappel une discussion que j’ai eu avec des collègues hier à propos de Uber (plus précisément UberPOP).
    Certains de leurs arguments m’ont fait réagir, l’un d’eux est le fait qu’ils ne trouvent pas ça « normal » que n’importe qui puisse effectuer, en plus de son travail, une activité complémentaire qui viendrait (selon eux) prendre le travail des personnes dont c’est l’activité principale.
    Ensuite, ils me disaient ne pas trouver ça rassurant qu’un quidam puisse effectuer du transport de personne sans licence, etc… Bien que pour être chauffeur UberPOP, il faut envoyer certains documents :
    *un extrait de casier judicaire n°3 vierge
    *avoir le même nom sur le permis et le carte grise
    *avoir plus de 21ans, etc…
    J’ai essayé de contre argumenter en leur demande de m’expliquer la différence entre eux transportant des amis, de la famille, etc… et de transporter un inconnu (la principale différence étant pour moi la notion de transaction financière). Quel est la prise de risque avec un chauffeur UberPop par rapport à eux ?

    Là où j’ai du mal avec UberPop, c’est l’impression de distorsion de concurrence entre ce service et un chauffeur Uber « standard ». J’ai le sentiment que dans ce cas, un particulier travaillant uniquement via UberPop serait plus avantagé car moins de contrainte ? (c’est une interrogation, pas une affirmation ^^)

    Et pour revenir au sujet de l’article, oui le système de corporation des taxis relèvent, par moment, d’un système mafieux et biaisé dès le départ. L’idée de revendre la licence à prix d’or est ridicule, comme le fait d’avoir un nombre fixe de taxis.

    • Nombre fixe de taxis : merci le front populaire !
      C’est dire si cette décision date…

      • En gros, les socialistes sont obligés de nettoyer leur merde d’il y a 80 ans. Car sans numerus closus point de bulle sur le prix des licences, et point de licence chère point de chauffeur de taxi pris financièrement à la gorge. C’est jouissif

    • « une activité complémentaire qui viendrait (selon eux) prendre le travail des personnes dont c’est l’activité principale. »

      Cet argument est intéressant car on ne peut pas le rayer en une ligne, ça mériterait presque une dissertation et je n’en ai ni l’envie ni le temps. Seulement cet argument est à la fois valable et non valable.

      Pour résumer grossièrement, dans la société que l’on a aujourd’hui cet argument est totalement valable puisqu’on impose aux gens de se déclarer professionnellement pour pratiquer une activité et même pire on doit apporter la preuve de nos compétences par un diplôme ou certificat. Si demain je veux ouvrir une boulangerie pour faire moi même mon pain, l’état m’en empêchera donc si l’on est cohérent on devrait également dire que chaque activité est un monopole en soit puisqu’il faut obligatoirement montrer patte blanche pour la pratiquer sinon c’est illégal. Pourquoi donc accepter dans le transport de personnes ce que l’on n’accepte pas dans d’autres ?

      La où cet argument ne serait pas valable, c’est justement si toute profession était ouverte à quiconque. Si je suis en mesure de faire l’activité que je souhaite simplement, je n’ai pas à me plaindre qu’un autre vienne faire la mienne.

  • C’est un peu le principe oligarchique non ? Je bouffe mes concurrents afin qu’il y ait moins de concurrence, comme la récente tentative de Sfr à 10 G€ contre Bouygues Telecom. Dans le temps on appelait ça une OPA.

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