Logovarda, de Slobodan Despot

Un commentaire inspiré de l’œuvre de Franz Landry.

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Logovarda, de Slobodan Despot

Publié le 19 juin 2015
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Par Francis Richard.

logovardaIl y a plus de trente ans, Franz Landry s’est rendu à Paros. C’est là qu’il « a revêtu son nom de guerre et l’armure de son destin ». Car, depuis son retour, il signe ses œuvres, encres et sculptures, du nom du monastère érigé sur cette île des Cyclades, Logovarda.

Slobodan Despot l’a visité dans son « couvent » de La Ferrière, dans le Jura, où il vit retiré, seul ou presque, avec sa femme, Danielle, et quelques animaux, au milieu de nulle part, dans un antre spacieux et silencieux, propice à la création de son monde rêvé.

Le monde de Logovarda est en lutte contre le monde extérieur, où prédomine le Mal, pour lequel il n’éprouve que répulsion et qui le révolte: « La normalité du monde, c’est ce qui nous fait admettre, au jour le jour, que des humains poussent d’autres humains menottés, qu’ils les fouettent, les jugent, les supplicient. »

À Logovarda, sur l’île de Paros, les moines orthodoxes mènent « une existence archaïque, c’est-à-dire supérieure et première ». Dans son cloître jurassien, Franz est l’officiant d’une « liturgie souterraine qui sourd de ses toiles » et qui est comme l’écho de ce mode de vie monastique grecque.

À La Ferrière, Logovarda a emporté avec lui le paradis perdu que furent pour lui les Cyclades, avant que les villas et leur béton ne les envahissent. On peut dire qu’au fond il n’a pas quitté cet archipel ou que celui-ci l’a suivi jusque chez lui, lui permettant de conserver une lumière intérieure intacte, primale.

S’il fallait le qualifier, on pourrait dire de lui qu’il est un peintre rupestre, rétif aux représentations académiques ; qu’il s’est fait lui-même, par inadéquation justement avec tout ce qui est académique ; qu’il peint avec ses tripes ; qu’il puise son inspiration dans un monde à part où le Mal est certes décrié, mais tout de même représenté ; qu’il est médium.

Comme certains écrivains écrivent le même livre tout au long de leur vie, sous couverture de titres qui, indirectement, se répondent, Logovarda peint indéfiniment le même tableau, expression de l’univers singulier qui le hante, composé des mêmes figures (des à-plats de couleur « rouge d’enfer » ou « noir de pétrole » surtout), inlassablement.

Ce beau livre éponyme, illustré, en couleur, contient de nombreux exemples de ces figures : « Elles sont élémentaires, fondamentales, sexuelles et chastes, géométriques et issues de la terre, preuves que cet univers n’est qu’une formule esquissée dans un rêve divin. »

 Cet univers, plutôt que pâle esquisse conçue dans un rêve divin, apparaît en fait comme une représentation forte, cauchemardesque, inquiétante et, en même temps, fascinante. Les formes de ces figures toujours les mêmes sont « récurrentes et typées, comme sortant d’un cartouche qui, d’une itération à l’autre, s’use et se déforme imperceptiblement ».

Slobodan Despot dit que la simplicité de ces formes, telles que bâtons, mains, cercles vivants, tiennent de la signalétique. Il dit même qu’au prix d’un effort d’épuration et de systématisation supplémentaire, on pourrait créer à partir d’elles un alphabet. J’aurais presque envie de dire que, de la juxtaposition de ces lettres élémentaires, pourraient bien naître des ébauches de mots, mystérieux.

Des mots proprement dits, Logovarda en écrit parfois à même ses toiles : « Souvent les surfaces se recouvrent d’inscriptions à moitiés déchiffrables, faisant penser à des fragments d’écriture automatique. Plus d’une fois, un début de phrase ou de slogan s’enchaîne sur des syllabes décousues, de purs rythmes graphiques. »

Sans les commentaires d’une grande acuité de Slobodan Despot, ne regarderait-on pas sommairement les œuvres de Logovarda quand elles sont exposées ? Ne se contenterait-on pas de les considérer superficiellement comme de l’art brut, sans chercher plus que ça à approfondir tout ce qui émane d’elles ? Y verrait-on l’omniprésence, essentielle, du meurtre originel ?

 « Nul n’a jamais peint le crime à traits plus épurés. Un bras qui s’abat, un outil sommaire et, ça et là, un chœur antique de bouches ouvertes qui se lamentent, à moins qu’elles ne louent le supplice. Lorsque le sang va couler, Logovarda et les sages le savent, l’horreur clamée n’est jamais éloignée du délice obscur.« 

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