Lendemain de victoire électorale au Royaume-Uni

Quelle leçon tirer de la victoire de David Cameron en Grande-Bretagne ?

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David Cameron (Crédits : Number 10, licence CC BY-NC-ND 2.0)

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Lendemain de victoire électorale au Royaume-Uni

Publié le 19 juin 2015
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Par Robin Norman Lewis.

David Cameron (Crédits : Number 10, licence CC BY-NC-ND 2.0)
David Cameron (Crédits : Number 10, licence CC BY-NC-ND 2.0)

Jeudi 7 mai, prenant à contre-pied tous les instituts de sondages du pays, David Cameron, Premier ministre sortant et leader du Parti conservateur, a remporté la majorité absolue des sièges à la Chambre des communes à Westminster.

Les résultats définitifs après dépouillement des 650 circonscriptions allouent :

  • 331 députés aux conservateurs (+24),
  • 232 aux travaillistes (-26), 56 au SNP (+50),
  • 8 aux libéraux démocrates (-49),
  • 1 à l’Ukip (-1).

 

Chaos politique dans tout le Royaume : le Parti conservateur remporte la majorité absolue à la Chambre des communes ce jeudi 7 mai 2015. Ce score signifie que David Cameron ne va pas avoir besoin d’alliance pour former son gouvernement, comme cela avait été le cas en 2010 avec les Lib-Dem de Nick Clegg. Désormais, pas de détail, la chambre basse est bien remportée par ce qu’on appelle en France une vague bleue. Le résultat est propre, net et sans bavure.

Cette victoire convaincante de la droite britannique n’est pas si surprenante que cela. En effet, elle est d’abord due à la confiance qu’a su établir le Premier ministre sortant avec son électorat. En 2010, David Cameron avait été élu sur un programme impliquant une cure économique d’austérité assumée. Les Anglais avaient alors choisi la voie de la raison ainsi que celle de la rigueur.

Dès sa prise de fonction, le leader conservateur avait établi son calendrier et s’était engagé à le tenir afin de remettre sur pied une économie nationale mal en point : chômage de masse, endettement de l’État, déficit public, etc. Dès le début de ce premier mandat, le locataire du 10 Downing Street n’avait pas hésité à amorcer de douloureuses réformes, maitrisant son timing tout comme Margaret Thatcher avait su le faire durant ces deux premiers mandats. Il faut donc croire que ce courage politique a porté ses fruits.

La victoire de David Cameron peut être perçue comme une approbation des Britanniques de sa politique stricte et dynamique pour replacer le pays sur le devant de la scène internationale et européenne. Elle s’explique par un bilan remarquable : chute du taux de chômage à 5,4 % de la population active, baisse des dépenses publiques passées de 50 % à 43 % du PIB (pour 57 % en France), mise en place d’une fiscalité avantageuse et mesurée dite business friendly, accompagnée d’une flexibilité accrue du marché du travail conduisant à une croissance atteignant les 2,6 % en 2014 (pour 0,4 % en France).

La réélection de David Cameron apparaît en conséquence comme une approbation de sa politique globale marquée par son courage politique (il a su « oser l’effroyable austérité ») et par une maîtrise d’un timing législatif serré. Il y a de quoi ici adresser une première leçon aux politiques français qui sont en train de se noyer dans leurs conflits d’intérêts sur fond de scepticisme ambiant envers toute politique dite d’austérité, leur survie électorale primant sur les intérêts communs et nationaux.

 

Un impact politique

Ces élections générales de 2015 sont également marquées par des conséquences politiques non négligeables et que nous sommes peu habitués à voir de notre côté du channel.

Pour commencer, la destruction électorale de la droite souverainiste à qui les organes de sondages promettaient une percée sans nom. Il n’en est rien. Au lendemain des élections, UKIP, le parti de Nigel Farage, a pratiquement disparu de l’horizon politique britannique, n’arrachant qu’un seul siège à la Chambre des communes (contre deux en 2010), son leader pourtant charismatique ayant été battu dans sa propre circonscription. Ces résultats catastrophiques reflètent à mon sens l’échec des médias à faire peser sur les enjeux électoraux cette peur de la radicalisation du champ politique. Or, dès qu’un pays est administré de manière rationnelle, et qu’un gouvernement répond aux attentes de ses administrés tout en prenant en compte le climat économique global, alors, la menace radicale s’évapore. C’est ce qu’a obtenu David Cameron après cinq années de travail, et UKIP n’a rien pu faire contre cela. Jouer sur la peur ne rapporte guère lorsque le travail est fait. C’est une autre leçon adressée à la France qui s’enlise dans la peur face à la montée du Front national.

Le deuxième échec politique britannique de ces élections réside dans la défaite du Labour, emmené par Ed Miliband, et qui n’a pas su faire face au Parti conservateur. Le parti de centre-gauche est d’ailleurs littéralement évincé d’Écosse au profit d’un autre parti de centre-gauche, le SNP : parti nationaliste pro-indépendance. Face à David Cameron et sa solide défense de son propre bilan au 10 Downing Street, la gauche anglaise a manqué d’arguments et a été abandonnée par une partie de son électorat. Défaite de la gauche doublée d’un renforcement indépendantiste en Écosse qui ne va pas dans le sens de l’Union. David Cameron devra donc composer avec des Écossais opposés à sa politique, et défendant un nouveau référendum sur la sortie de l’Écosse du Royaume-Uni.

Prenant la suite du Labour, les libéraux-démocrates (Lib Dem) se sont fait quasiment éradiquer de la Chambre des communes, passant de dix élus à deux. Les anciens alliés des Tories qui avaient permis à ces derniers de former une coalition gouvernementale en 2010 n’ont pas su envisager la percée conservatrice. Le centre anglais serait-il en passe de tomber dans l’oubli politique comme son voisin français ?

Autre grande surprise, en extérieur de la scène politique cette fois-ci : le sévère revers subi par les instituts de sondages. Ces derniers prédisaient un score (très) serré à l’issue de ces élections générales, prévoyant une âpre confrontation des partis gouvernementaux pour la constitution d’une majorité. Résultat ? Point de coalition dans le Royaume pour cette fois, bien au contraire. David Cameron remporte une confortable majorité au-dessus de la barre des 50 % des suffrages exprimés. Un score écartant toute éventualité d’éclatement du champ politique et favorisant d’autant plus les grandes formations au détriment des plus petites qui ont considérablement souffert.

Le plus marquant à la suite de ces élections générales britanniques fut la démission en chaîne des dirigeants des partis perdants. Suite à leur défaite, les chefs de partis tels que Ed Miliband (Labour), Nigel Farage (Ukip) ou encore Nike Clegg (Lib-Dem) ont successivement démissionné de leur poste de leader politique. Une sacrée leçon donnée aux pays comme la France où certains dirigeants n’hésitent pas à s’accrocher à leurs postes (Mitterrand, Chirac, Nicolas Sarkozy, Juppé) au risque de fausser le jeu démocratique, et d’obstruer tout renouvellement politique. Bien que les intéressés n’excluent pas de come back (Farage a été réélu à la tête de son parti malgré son annonce de départ), ces réactions naturelles et immédiates dénotent un état d’esprit totalement différent et responsable outre-Manche. Les Grands-Bretons ont su faire preuve de maturité, tant dans leur façon de diriger leur pays dans la restructuration de leur économie en pratiquant l’austérité, que dans leur façon de faire la politique.

 

Qu’attendre de ces résultats ?

Arrive en tête des questions que nous sommes en droit de nous poser à la suite de la victoire des Conservateurs le 7 mai dernier celle de la possibilité de Brexit (contraction de British Exit). Le terme fait référence à l’expression renvoyant à la possible sortie de la Grèce de la zone euro du fait de l’état désastreux de ses finances, le Grexit.

David Cameron a effectivement promis à l’aile droite de son parti un référendum sur le maintien, ou non, du pays dans l’Union européenne, ce qui n’a pas manqué d’alerter les politologues et journalistes sur le continent : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aurait en effet de graves et profondes conséquences sur l’économie des 27. Néanmoins, il apparaît que ce débat ne pourrait amener à une sortie britannique, cela n’étant pas du tout dans ses intérêts. Rompre, à court terme, le processus d’intégration du pays à l’Union provoquerait des répercussions qui seraient, à terme, plus néfastes au pays qu’à l’Union. Les intérêts britanniques sont bel et bien en Europe, quoi qu’en disent les membres du UKIP ou de l’aile droite tories. Le risque de perte est beaucoup plus grand que celui de possibles gains, et David Cameron le sait. Il ne prendra donc pas le risque de voir ses efforts récents détruits dans le seul but de servir des fins aussi irrationnelles. Il ne fait pas de doute que le Royaume-Uni restera dans les 27, à moins de quelques surprises non prévisibles.

C’est en plus sans compter sur le poids, important désormais, de l’Écosse fraîchement acquise au SNP. Le parti indépendantiste largement europhile s’affiche d’ores et déjà opposé à toute tentation d’un Brexit. À cela il faut ajouter les résultats d’un récent sondage Pew Research réalisé ces derniers mois. Alors, bien que ce genre d’institution soit discrédité à moyen terme chez nos voisins, les résultats avancés peuvent se révéler intéressants à prendre en compte : 55 % de la population britannique serait opposée à la sortie de leur pays de l’Union européenne. Un chiffre qui représente neuf points de plus qu’il y a deux ans. Ce spectre du Brexit pousserait les Britanniques à revoir leur appréciation de l’Union ? C’est à voir, le référendum promis par David Cameron devant se tenir avant fin 2017, si ce n’est courant 2016.

 

Conclusion

Ces élections générales britanniques sont avant tout la victoire d’un homme et de son équipe : David Cameron et son gouvernement. Ils ont été élus en promettant l’austérité, ils ont tenu leur engagement et cela a payé.

C’est le message que doit entendre la France qui doit cesser de se voiler la face quant à la direction du pays face à la crise. Les mesurettes et règlements de comptes politiques doivent cesser au profit de politiques et mesures qui bénéficieraient au pays et à sa santé économique largement défaillante. Défaillante, la France l’est en courage politique (pour reprendre l’expression de Jean-Louis Thiérot) ainsi qu’en réalisme politique. Face à un système politique et social dépassé, l’heure est à l’encouragement de la société civile et de l’entrepreneuriat.

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  • Le succès de Cameron n’est pas du qu’au succès de la politique qu’il mène depuis quelques années. En vrac:

    – le UKIP a été annoncé très haut (jusqu’à 25%), mais tous les commentateurs indiquaient que ce chiffre devait être modéré en raison du découpage des circonscriptions, qui ne pouvait donner qu’un maximum de 5 sièges au parti de Farage (les Lib Dem font face au même problème depuis longtemps, comme le FN en France d’ailleurs – le sondage sur le plan national n’est absolument pas représentatif du nombre de sièges obtenu in fine)
    – les Conservateurs (donc Cameron) chassent ouvertement sur les terres UKIP (promesse de réduction de l’immigration, tenue d’un référendum sur la sortie de l’Europe)
    – le succès de Cameron n’éclipse pas le succès des nationalistes en Ecosse (même si les conservateurs n’avaient là bas qu’un siège, et que ce résultat écossais a surtout pénalisé les travaillistes)
    – Ed Milliband (tories) a été fortement attaqué sur le plan personnel, ce qui a joué sur son impopularité lors de ces élections (vie sentimentale, lutte politique contre son propre frère, etc).

    • comme je l’ai dit, la plupart des sondages ne sont pas trompé concernant l’UKIP (entre 0 et 2 sièges).
      « le UKIP a été annoncé très haut (jusqu’à 25%) » vous êtes sur que vous vous êtes pas trompés avec les élections européennes ?? la plupart des sondages donnait en nombre de voix dans les alentours de 12 %. Les sondages ne se sont pas trompés concernant l’UKIP ni non plus concernant le score des nationalistes écossais. L’UKIP a fait près de 25 % aux élections européennes ce qui montre que l’électoral potentiel de l’UKIP est d’environ 25 % mais étant donné que les élections britanniques (contrairement aux élections européens) sont majoritaires (à un tour), les gens préfèrent voter pour le parti conservateur car voter UKIP s’est donner la victoire aux travaillistes (en 2010, c’est à cause de l’UKIP si les conservateurs n’ont pas eu de majorité absolue).

  • « la destruction électorale de la droite souverainiste à qui les organes de sondages promettaient une percée sans nom » il y a bien eu une percée de l’UKIP qui a fait plus de 12 % en voix. Le score de l’UKIP était prévisible. Les sondages lui donnaient entre 0 et 2 sièges, il en a obtenu 1. De plus, une partie de l’électorat qui aurait pu voté UKIP à préférer voter pour le parti conservateur pour empêcher les travaillistes d’arriver au pouvoir et pour avoir un référendum sur l’europe.

  • Ed Millband est sorti à jamais de la vie politique : on se souvient des promesses Françaises du même tonneau : Jospin puis Sarkozy..
    Maintenant c’est la sortie de l’Europe.: ces gens là tiennent leur promesses. Bravo les gars.

    Avec une particularité des Écossais, qui sont pour le BRexit, mais pour une forme de ralliement à l’Europe une fois qu’ils seront indépendants (attention, ils ne veulent pas d’un rattachement total, seulement ce qui les arrange)

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