Macroéconomistes : à plat ventre devant le pouvoir ?

Adopter l’analyse macroéconomique plutôt que microéconomique a des conséquences néfastes très concrètes sur nos libertés.

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Macroéconomistes : à plat ventre devant le pouvoir ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 16 juin 2015
- A +

Par Ludovic Malot.

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Rappelons en grandes lignes la démarche des macroéconomistes et à quel niveau de raisonnement ils se positionnent. « Macro » à contrario de « micro » signifie qu’ils s’intéressent avant tout à la dimension globale des phénomènes économiques en utilisant notamment des abstractions subjectives comme le PIB (produit intérieur brut), la balance des paiements, les politiques monétaires et fiscales et d’autres indicateurs pour analyser, quantifier, interpréter et se donner une légitimité en formulant des recommandations sur les mesures à prendre pour, par exemple, « relancer la croissance ». Les macroéconomistes croient que les actions humaines peuvent être modélisées et interprétées en utilisant des indicateurs pertinents et en fournissant des explications qui, à priori, ont toutes les apparences d’une démarche scientifique. Cette approche globale « Keynésienne » ultra médiatisée depuis les années 50, et clairement la pensée dominante aujourd’hui dans les milieux économiques et universitaires, est extrêmement toxique. Non seulement elle endort les esprits en se focalisant sur les symptômes en ignorant les causes mais elle détruit la liberté, la prospérité, la responsabilité et les droits de propriété. Elle constitue la base idéologique de l’interventionnisme étatique et de la centralisation du pouvoir, c’est à dire du collectivisme. Tout ceci peut paraître un peu difficile à comprendre, en réalité cela ne l’est pas. Comment pourrions-nous corréler cette approche avec l’actualité ? Voici un exemple :

Michel Santi, macroéconomiste, a publié récemment dans le magazine Suisse Bilan un article « Le jour où le cash n’existera plus ». Analysons les sous-jacents :

 « Une banque peut invoquer de multiples prétextes dès lors qu’il s’agit pour elle d’empêcher son client de retirer des espèces »

Rappelons que le système monétaire est monopolistique et contrôlé par des banquiers centraux. Historiquement et en toute logique, dans une société libre, ce sont les acteurs échangistes du marché, c’est-à-dire vous et moi qui avons le droit de décider quel médium nous entendons utiliser comme réserve de valeur pour acheter et vendre et pour préserver notre pouvoir d’achat. Chacun devrait librement utiliser ce qu’il considère comme monnaie et en quoi il a le plus confiance (que cela soit de l’or ou de l’argent métallique, des bitcoins ou tout autre chose). Vous noterez que je n’ai pas mentionné de monnaie papier comme le dollar ou le franc Suisse. Et pour cause, car ce ne sont plus des monnaies (couvertes pas une valeur réelle) ! Si le monopole monétaire venait à être aboli, ces monnaies sans valeur intrinsèque disparaîtraient. Aucune monnaie papier n’a d’ailleurs émergé spontanément sur un marché. Elles donnent l’apparence de monnaies car elles bénéficient du cours légal, elles sont imposées par coercition. Les gouvernements se sont illégitimement appropriés cette prérogative et l’ont pour la plupart transféré aux banquiers centraux, c’est-à-dire entre les mains d’intérêts particuliers. La Banque centrale américaine est par exemple une société privée qui appartient à un pool de banques. Elle n’a de gouvernemental que son nom « Federal Reserve ».

macroéconomistes rené le honzecLa tentation d’imposer un cours légal et une monnaie à cours forcé présente plusieurs avantages pour les hommes d’État et les banques commerciales, comme éliminer toute concurrence et contrôle extérieur de la monnaie (les bonnes monnaies sont empêchées de chasser les mauvaises, c’est-à-dire celles qui ne reposent sur rien, en l’occurrence le papier monnaie), ce qui leur a permis de mettre un cadre légal de confiscation à travers les réserves fractionnaires et l’injection de liquidités par les banques centrales (fausse monnaie créée ex-nihilo) au profit des banques et des premiers utilisateurs de la nouvelle monnaie émise. (voir notre article « Fausse monnaie et réserves fractionnaires : la descente en enfer ») Ceci explique pourquoi toutes les principales monnaies à cours forcé ont perdu 99% de leur valeur depuis 1913. Cela permet aux gouvernements de s’endetter sur les marchés financiers de manière illimitée par le biais de l’inflation monétaire (c’est à dire de la dilution et perte de notre réserve de valeur, la monnaie que nous sommes obligés d’utiliser dans nos transactions puisqu’elle est imposée). Les réserves fractionnaires ne sont rien d’autre qu’une pyramide de Ponzi, c’est à dire une abominable violation des droits de propriété, raison pour laquelle Monsieur Santi reconnaît sans en être gêné le moins du monde : « … si tous les clients des banques exigeaient de convertir en même temps la totalité de leur comptes bancaires en espèces, l’ensemble du système financier serait condamner à s’effondrer ! »

« ..l’avènement des taux négatifs en 2015 a sonné le coup de grâce de l’utilisation des espèces qui sont désormais très réglementées par les banques, et surtout par la première d’entre elles, à savoir la banque centrale »

Les mesures prises par la Banque Nationale Suisse (BNS) avec les taux négatifs (il faut payer pour acquérir du franc Suisse ou si on le dépose sur des comptes bancaires) appliquées aux institutionnels pour l’instant semble-t-il, encourage les retraits massifs d’espèces. Si cette mesure a pour objectif de tuer dans l’œuf une plus grande appréciation du franc Suisse, on se demande pourquoi  « les autorités françaises viennent d’adopter des mesures très strictes consistant (entre autres à réduire de 3000 à 1000 euros tout paiement en espèces. » Donc les taux négatifs ne sont qu’un alibi, dans le cas de la France et d’autres pays (tous signataires du FMI, de la Banque mondiale et membres de la BRI) il ne s’agit ni plus ni moins d’une volonté du cartel des banquiers centraux de supprimer les espèces. Plusieurs objectifs sont visés : contrôler toutes les transactions, éradiquer toute possibilité d’émergence d’une monnaie parallèle qui serait une menace au cartel, confisquer à tout moment les avoirs des déposants (« Bail-in » comme à Chypre) et dont la législation existe déjà au niveau européen et enfin la mise en place logique d’une gouvernance mondiale et totalitaire. Car soyons très clairs : la dématérialisation monopolistique de la monnaie met de facto fin aux libertés individuelles. Une monnaie immatérielle empêche l’autonomie, d’échanger librement (acheter ou vendre de manière anonyme) de vivre hors du système si on le souhaite, de se déplacer librement etc.

« les espèces en circulation au sein du monde occidental empêchent donc son redressement économique »

Voici le summum de l’absurdité ! Cela revient à dire que la toison laineuse des moutons empêche de faire pousser l’herbe (donc il faudrait les tondre) d’où la préconisation « …alors que la masse des liquidités en circulation atteint des niveaux record, il devient impératif d’éradiquer le cash de nos sociétés » et « l’absence d’espèces permettrait de répercuter le manière optimale les taux négatifs sur les comptes bancaires ». Ce qui reviendrait à forcer les épargnants à dépenser leur argent d’une manière ou d’une autre faute de quoi ils seraient taxés par la banque avec un taux négatif !

Ces macroéconomistes feignent d’ignorer, soit par malhonnêteté intellectuelle ou par logique sectaire, que le redressement économique est aujourd’hui littéralement plombé par un système monétaire et bancaire illégitime qui viole les droits de propriété des individus, les détrousse à travers l’inflation et engendre des bulles, la spéculation, récessions et dépressions par la manipulation continue et systématique de la monnaie par les banques centrales.

Nous prônons avec force et détermination l’abolition des banques centrales, du monopole de la monnaie et du cours légal qui n’ont absolument aucune légitimité dans une société libérale authentique qui respecte les droits de l’homme. Cela permettrait enfin une libre circulation des monnaies naturelles et une saine concurrence entre elles (or, argent métal principalement) mais aussi de mettre fin à l’endettement débridé, aux déficits publics, de stopper la destruction du pouvoir d’achat et l’esclavagisme économique généralisé.

L’abolition du monopole de la monnaie doit mettre fin au développement incontrôlé et parasitaire d’un système de gouvernance collectiviste qui s’est octroyé un pouvoir considérable et ayant toutes les caractéristiques d’une pieuvre totalitaire qui s’autofinance par l’inflation monétaire. Un monstre sans frontières qui détruit peu à peu toutes les libertés individuelles, foule aux pieds les droits de propriété et entretient l’appauvrissement général.

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  • Ben m….. alors, moi qui lit Contrepoints je croyais que le pouvoir du mal, c’était l’État !!!
    En fait ce serait les banquiers ?!

  • « [La Fed] n’a de gouvernemental que son nom « Federal Reserve »  »
    Plait-il? Tout le Board est nommé par le Président des Etats-Unis. La Fed n’est pas indépendante du gouvernement, elle est indépendante au sein du gouvernement. En faire une créature à part « parce que c’est privé » a autant de sens que si on le faisait pour Fannie Mae.

  • J’ai arrêté de lire après le couplet faux sur la FED, relayé de proche en proche apr des journalistes à deux balles et des trolls. Pour la énième fois, la forme juridique de la FED et sa gouvernance n’ont aucun lien. Le fait que ce soit une société de droit privé ne joue en aucune manière sur son degré de dépendance ou non vis à vis du gouvernement fédéral. Par ailleurs, en parlant de gouvernance, son conseil d’administration est composé exclusivement de personnes désignées par le gouvernement fédéral.
    Je lirai peut-être la suite quand je serai calmé, parce que sur le fond, oui, la macroeco est plus une méthode de manipulation qu’une science.

    • la FED est une corporation dont les actionnaires sont les principales banques de la place. Tout est dit ! Que les membres soient élus par le gouvernement fédéral ne change rien au rôle et aux actions réels de cette institution. Pour information l’intégralité de l’impôt sur le revenu aux Etats-Unis va au remboursement de la dette à la FED. Donc? …cette institution n’a en réalité strictement rien de gouvernemental si ce n’est qu’en façade.

  • Ce que vous appelez macroéconomie keynésienne n’a justement pas grand-chose à voir avec la pensée keynésienne originelle, il conviendrait plutôt de parler de macroéconomie néokeynésienne, c’est-à-dire une macroéconomie qui tente la synthèse impossible entre Keynes et la pensée néoclassique. Cette synthèse repose sur l’extension de concepts microéconomiques comme l’équilibre, la rationalité des agents économiques, les anticipations rationnelles, la loi de l’offre et de la demande, etc, des concepts vivement critiqués par Keynes et ses successeurs formant l’école postkeynésienne (restés fidèles à Keynes). Mais laissons de côté ce détail pour nous concentrer sur le cœur de votre propos, la monnaie.

    Tout d’abord, il est dans la nature de la monnaie d’être monopolistique. Imaginons une société qui ne possède aucune monnaie, les échanges se résument à du troc. Maintenant imaginons un groupe d’individus qui décident pour faciliter les échanges entre eux de s’entendre sur une marchandise commune qui servira d’intermédiaire entre les échanges, une proto-monnaie est née. On peut bien entendu imaginer qu’à l’intérieur de cette société, d’autres groupes se formeront et institueront leur propre proto-monnaie (dans la suite du paragraphe afin d’alléger, je parlerai de monnaie). Un individu isolé qui veut commercer, sera donc contraint d’adopter la monnaie d’un des groupes. Ainsi, lorsque vous écrivez « chacun devrait librement utiliser ce qu’il considère comme monnaie et en quoi il a le plus confiance », c’est impossible en matière monétaire. Ce qui compte ce n’est pas ce que vous considérez comme monnaie mais ce que considère les autres comme monnaie, non seulement pour pouvoir vous procurez des marchandises mais également lorsque vous vous faites payer, pour être certain que ce qu’on vous donne comme monnaie sera acceptée par les autres agents si vous voulez vous procurer des marchandises. Il sera alors plus avantageux pour l’individu isolé d’adopter la monnaie du plus grand groupe, puisque celle-ci lui permettra d’effectuer un plus grand nombre d’échanges. Les membres des groupes minoritaires auront eux-aussi intérêt à adhérer au groupe majoritaire s’ils veulent augmenter leurs possibilités d’échange. Sinon, pour commercer avec des membres du groupe majoritaire, ils devront convertir leur monnaie en monnaie du groupe majoritaire, ce qui entraînera des coûts de conversion. Pour minimiser ces coûts de conversion tout en ayant la plus grande possibilité d’échanges, la meilleure solution est bien d’adopter la monnaie du plus grand groupe. Ainsi, petit à petit, le groupe majoritaire deviendra dominant jusqu’à devenir monopolistique. Bien entendu, on peut imaginer qu’il restera un groupe minoritaire qui préfèrera conserver sa propre monnaie pour des raisons extra-économiques mais si on s’en tient à la dimension économique, on voit bien qu’il est dans la nature de la monnaie de devenir monopolistique.

    Mais pourquoi ai-je commencé par distinguer proto-monnaie et monnaie ? Cela correspond à a distinction entre économie de troc et économie monétaire. Dans le processus décrit ci-dessus, la proto-monnaie reste une marchandise potentiellement produite par n’importe quel agent. On reste fondamentalement dans une économie de troc, la différence avec une économie de troc pur (qu’on pourrait qualifier d’amonétaire) c’est qu’on est obligé de troquer une marchandise spécifique (la proto-monnaie). Dans une économie monétaire, la monnaie n’est pas une marchandise, c’est un objet symbolique qui ne peut être produit par n’importe qui, et cela que le système monétaire soit hypercentralisé (c’est-à-dire une banque unique qui a le contrôle de la monnaie) ou hyperdécentralisé (chaque individu peut produire sa propre monnaie et est le seul à avoir le contrôle sur celle-ci, dans ce cas il existe autant de monnaies que d’individus). Et c’est justement grâce à cette rupture entre la marchandise et la monnaie, à la dimension symbolique de la monnaie que le crédit ex-nihilo, le crédit non adossé à l’épargne, la création monétaire est possible. Or sans cette création monétaire, pas de capitalisme possible, pas de profits monétaires possibles, comme l’ont démontré des auteurs aussi variés que Marx, Keynes, Schumpeter ou Minsky. Ainsi ce que vous prônez est tout simplement la fin du capitalisme, le retour à une économie proto-monétaire, primitive comme dirait Marx !

    • Citez Marx et Keynes ne va pas suffire à convaincre nos amis de l’urgence qu’il y aurait à créer de la monnaie pour sauver le capitalisme. Car ce que vous décrivez c’est la vision « mainstream » ou « économiquement correcte » de la monnaie, avec une petite ambiance de fin du monde à la fin pour pimenter ce ragout cuit et recuit. Non vraiment ça ne va pas suffire.

      Je n’ai qu’à tendre le bras pour attraper un auteur pas du tout d’accord avec cette vision :

      « « Le meilleur des mondes, c’est celui où il y a une quantité de monnaie stable. Il n’est pas nécessaire dans une société quelconque de créer de la monnaie. À partir du moment où une certaine quantité de monnaie existe, il n’est pas nécessaire d’en créer. La quantité de monnaie existante peut satisfaire indéfiniment, pour l’éternité, les besoins monétaires : elle prend de la valeur, et le prix des biens diminue tandis que la valeur de la monnaie augmente. Tout le monde croit qu’il est nécessaire de créer de la monnaie et d’avoir une banque centrale. Pourquoi ? Parce que implicitement on fait le raisonnement que la création de la monnaie c’est la création de crédit, et la création d’investissements. »

      Vous aurez reconnu Pascal Salin.

      • justement non. La vision mainstream est de considérer la monnaie comme un « voile ». la vision mainstream croit encore à la loi de Say. C’est bien là le problème.

        Vous pouvez vouloir un monde avec une quantité de monnaie stable, mais dans ce cas, vous ne vivrez pas dans un monde capitaliste. Vous voulez la démonstration que sans création monétaire pas de profit et donc pas de capitalisme possible ? Je vous la donne si vous voulez, mais vous pouvez la trouver assez facilement sur le web.

    • Merci pour votre message.
      Veuillez trouver entre ** mes commentaires.

      Ce que vous appelez macroéconomie keynésienne n’a justement pas grand-chose à voir avec la pensée keynésienne originelle, il conviendrait plutôt de parler de macroéconomie néokeynésienne, c’est-à-dire une macroéconomie qui tente la synthèse impossible entre Keynes et la pensée néoclassique. Cette synthèse repose sur l’extension de concepts microéconomiques comme l’équilibre, la rationalité des agents économiques, les anticipations rationnelles, la loi de l’offre et de la demande, etc, des concepts vivement critiqués par Keynes et ses successeurs formant l’école postkeynésienne (restés fidèles à Keynes). Mais laissons de côté ce détail pour nous concentrer sur le cœur de votre propos, la monnaie. ** Il n’est pas très honnête de vouloir dissocier Keynes de la macroéconomie. Il y a deux choses d’important à retenir : 1/Keynes est un fervent défenseur de l’interventionnisme étatique et notamment par le biais des politiques monétaires. C’est lui qui est d’ailleurs à l’origine du système monétaire d’après guerre. 2/ Dans ses théories erronées, il s’inspire largement de la macroéconomie. Le reste, comme vous le dîtes, est du détail.**

      Tout d’abord, il est dans la nature de la monnaie d’être monopolistique. ** Cette affirmation est fausse. Vous vous trompez sur la nature même du monopole qui est « une situation dans laquelle un offreur se trouve détenir une position d’exclusivité sur un produit ou un service offert à une multitude d’acheteurs » et l’usage d’une ou plusieurs monnaie dans une société sans qu’il y ait monopole.** Imaginons une société qui ne possède aucune monnaie, les échanges se résument à du troc. Maintenant imaginons un groupe d’individus qui décident pour faciliter les échanges entre eux de s’entendre **Restons dans le réel: il n’y a pas « d’entente » proprement dit entre les individus, la seule monnaie réelle, réserve de valeur, spontanée et universellement connue, reconnue, acceptée et qui a fait ses preuves depuis des millénaires est l’or et l’argent métallique, et le cuivre dans une moindre mesure – les trois pouvant cohabiter ensemble sans problème** sur une marchandise commune qui servira d’intermédiaire entre les échanges, une proto-monnaie est née. On peut bien entendu imaginer qu’à l’intérieur de cette société, d’autres groupes se formeront et institueront leur propre proto-monnaie (dans la suite du paragraphe afin d’alléger, je parlerai de monnaie). Un individu isolé qui veut commercer, sera donc contraint d’adopter la monnaie d’un des groupes. **l’individu isolé accepte et utilise la monnaie dominante – parce qu’elle est digne de confiance dans un système de monnaie non monopolistique** Ainsi, lorsque vous écrivez « chacun devrait librement utiliser ce qu’il considère comme monnaie et en quoi il a le plus confiance », c’est impossible en matière monétaire. **Dans l’absolu si, dans la pratique, très rapidement un ou deux biens vont s’imposer comme monnaie. On l’a vu c’est l’or et l’argent métallique, ce n’est pas un hasard** Ce qui compte ce n’est pas ce que vous considérez comme monnaie mais ce que considère les autres comme monnaie, non seulement pour pouvoir vous procurez des marchandises mais également lorsque vous vous faites payer, pour être certain que ce qu’on vous donne comme monnaie sera acceptée par les autres agents si vous voulez vous procurer des marchandises. **Vous oubliez que le rôle d’une monnaie est d’être une réserve de valeur, une réserve de pouvoir d’achat. Il ne suffit pas que la monnaie soit acceptée par tout le monde pour qu’elle soit bonne. Surtout si elle est imposée par coercition** Il sera alors plus avantageux pour l’individu isolé d’adopter la monnaie du plus grand groupe, puisque celle-ci lui permettra d’effectuer un plus grand nombre d’échanges. Les membres des groupes minoritaires auront eux-aussi intérêt à adhérer au groupe majoritaire s’ils veulent augmenter leurs possibilités d’échange. Sinon, pour commercer avec des membres du groupe majoritaire, ils devront convertir leur monnaie en monnaie du groupe majoritaire, ce qui entraînera des coûts de conversion. Pour minimiser ces coûts de conversion tout en ayant la plus grande possibilité d’échanges, la meilleure solution est bien d’adopter la monnaie du plus grand groupe. **Il est vrai qu’au final, seulement quelques monnaies 2 ou 3 vont naturellement s’imposer pour faciliter les échanges comme précisé plus haut** Ainsi, petit à petit, le groupe majoritaire deviendra dominant jusqu’à devenir monopolistique. **Le groupe dont vous parlez n’est certainement pas propriétaire de la monnaie! Il ne fait que l’utiliser pour acheter et vendre car il reconnaît ses caractéristiques qui font d’elle une réserve de valeur de confiance, donc il n’y a pas de monopole. Il y a monopole dès qu’il y a instauration du cours légal (qui empêche la circulation d’autres monnaies concurrentes) et création monétaire frauduleuse en gonflant la masse monétaire via la monnaie fiduciaire ou/et scripturale dans le cas d’une monnaie papier comme l’euro et toutes les autres. Dans la situation de monopole, les acteurs du marché sont obligés d’utiliser la monnaie à cours légal même si elle perd de la valeur avec l’inflation** Bien entendu, on peut imaginer qu’il restera un groupe minoritaire qui préfèrera conserver sa propre monnaie pour des raisons extra-économiques mais si on s’en tient à la dimension économique, on voit bien qu’il est dans la nature de la monnaie de devenir monopolistique. **Il est dans la nature des choses que seulement deux ou trois biens représentant une réserve de valeur réelle soient choisis par la grande majorité comme monnaies et qu’elles deviennent universellement reconnues (historiquement or et argent métal) mais cela n’a rien à voir avec une situation monopolistique comme précisé plus haut**

      Mais pourquoi ai-je commencé par distinguer proto-monnaie et monnaie ? Cela correspond à a distinction entre économie de troc et économie monétaire. Dans le processus décrit ci-dessus, la proto-monnaie reste une marchandise potentiellement produite par n’importe quel agent. **Il n’y a pas de proto-monnaie. Soit nous sommes dans une situation de troc ou dans une situation d’échange de monnaie. Dans un tel cas, il y aura naturellement un bien rare et précieux qui sera considéré comme monnaie** On reste fondamentalement dans une économie de troc, la différence avec une économie de troc pur (qu’on pourrait qualifier d’amonétaire) c’est qu’on est obligé de troquer une marchandise spécifique (la proto-monnaie). Dans une économie monétaire, la monnaie n’est pas une marchandise, c’est un objet symbolique **La monnaie papier n’a jamais émergé spontanément sur un marché, elle a bénéficié au préalable d’une couverture métallique, d’une vraie réserve de valeur. Cette vraie valeur (convertibilité en or) a disparu par la suppression de la couverture. Ceci n’a pu être fait que par coercition à cause du cours légal et du monopole** qui ne peut être produit par n’importe qui, et cela que le système monétaire soit hypercentralisé (c’est-à-dire une banque unique qui a le contrôle de la monnaie) ou hyperdécentralisé (chaque individu peut produire sa propre monnaie et est le seul à avoir le contrôle sur celle-ci, dans ce cas il existe autant de monnaies que d’individus). Et c’est justement grâce à cette rupture entre la marchandise et la monnaie, à la dimension symbolique de la monnaie que le crédit ex-nihilo, le crédit non adossé à l’épargne, la création monétaire est possible.**la création monétaire ex-nihilo dans un contexte de monopole est une fraude, une violation des droits de propriétés** Or sans cette création monétaire, pas de capitalisme possible, **la monnaie n’est pas une fontaine qui coule à flots et dont on peut se servir à souhait pour s’enrichir et faire crédit. C’est une réserve de valeur qui doit être rare, fongible, transportable, précieux – critères que remplissent l’or et l’argent métal. Et ils jouent pleinement leur rôle de monnaie justement car ils ne peuvent pas être créés ex nihilo** pas de profits monétaires possibles, comme l’ont démontré des auteurs aussi variés que Marx, Keynes, Schumpeter ou Minsky. Ainsi ce que vous prônez est tout simplement la fin du capitalisme, le retour à une économie proto-monétaire, primitive comme dirait Marx ! **Toutes vos remarques indiquent que vous ne comprenez absolument pas les fondamentaux de la monnaie. Je vous conseille le livre de Jörg Guido Hülsmann, « L’éthique de la production de monnaie » comme cours de rattrapage**

      • Merci de votre réponse. Je reviens sur certains points.

        (a) Je n’oppose pas Keynes et la macroéconomie, bien au contraire. J’explique seulement que ce que vous appelez macroéconomie keynésienne n’a pas grand-chose à voir avec la pensée de Keynes. Cette macroéconomie dont vous parlez est issu d’économistes comme Hicks ou Samuelson, c’est-à-dire des économistes néoclassiques qui ont essayé de maintenir le dogme en synthétisant la pensée néoclassique et les idées de Keynes. Le problème c’est qu’étant donné l’incompatibilité des deux écoles, ils ont déformé la pensée de Keynes.

        (b) « il est dans la nature de la monnaie d’être monopolistique ». Je veux bien admettre que la formulation peut prêter à confusion. Je veux signifier simplement que dans une société avec plusieurs monnaies, une parmi elle a tendance à émerger, à dominer les autres et à devenir la seule monnaie acceptée pour des transactions. On pourrait ainsi dire que cette monnaie a le monopole du paiement lors des échanges marchands. Je décris le processus par la suite le processus qui l’amène à cette conclusion. Je ne prétends pas que cela décrit ce qui s’est réellement passé, mon raisonnement n’est pas historique mais conceptuel, logique, un peu comme les robinsonnades à la Rothbard. Mon raisonnement repose également sur certaines hypothèses qui me semblent acceptables pour un libertarien : (1) un individu recherche toujours à maximiser ses possibilités d’échanges, (2) un individu cherche à réduire ses coûts.

        (c) Je ne sais pas ce que vous entendez par « dans l’absolu, chaque individu pourrait choisir librement ce qu’il considère comme monnaie ». Pour moi, cela contredit la nature de la monnaie. Un individu ne choisit pas ce qu’il considère comme monnaie, ce qu’il veut, mais ce qu’il pense que les autres individus veulent puisque la nature de la monnaie est de permettre et faciliter les échanges. S’il choisit une marchandise que personne ne veut, cela ne lui permet pas d’effectuer des échanges, comment peut-on alors parler de monnaie, cela perd son sens.

        (d) Lorsque vous écrivez « il ne suffit pas que la monnaie soit acceptée par tout le monde pour qu’elle soit bonne », je suis d’accord avec vous, mais cela reste une condition nécessaire.

        (e) Concernant la question des monopoles, Nozick distingue monopole de jure et monopole de facto. Ici le monopole de jure correspondrait à ce que vous appelez le cours légal. Le monopole de facto correspondrait plutôt au processus que je décris. Cependant, on peut émettre une critique à cette distinction, la même qu’on peut émettre à l’encontre de la distinction de Hayek entre ordre spontané et ordre dirigé. Cette critique est celle de Sciabarra : en distinguant de manière aussi tranchante ordre spontané/ordre dirigé, monopole de facto/monopole de jure, cela empêche de comprendre comment l’Etat (ordre dirigé, monopole de jure) a émergé. Après tout, on peut très bien considérer que l’émergence de l’Etat est un produit de l’ordre spontané, de la main invisible. C’est même à mon sens la seule possibilité dans ce cadre d’analyse, car la seule alternative possible serait que l’émergence de l’Etat (lui-même à l’origine de l’ordre dirigé) serait issu de l’ordre dirigé… Raisonnement un peu circulaire.

        (f) Maintenant, concernant la monnaie, à mon tour de vous conseiller une lecture de rattrapage, « The theory of the monetary circuit » d’Augusto Graziani, dans lequel il commence par caractériser la distinction entre économie de troc et économie monétaire via la différence de nature entre monnaie_marchandise et monnaie_symbole.

        (g) Enfin, concernant la nécessité de crédit non adossé à l’épargne pour l’existence de profit monétaire et donc du capitalisme. La preuve apparait évidente lorsqu’on emploie un tableau emploi/ressources. Il existe plusieurs variantes plus ou moins complexe, ici j’en utiliserai une élémentaire mais qui permet de comprendre comment ça fonctionne. Appelons I l’investissement des entreprises, C la consommation des ménages, S les salaires (on fait l’hypothèse que tout le salaire est consommé), E l’épargne disponible au début de la période (on fait l’hypothèse que toute l’épargne est transformée en crédit aux entreprises), R le crédit remboursé (on suppose qu’il est entièrement remboursé à la fin de la période, P le profit et M le crédit non adossé à l’épargne (la création monétaire des banques). Colonne emploi : I,S,P,R. Colonne ressources : I,C,E,M.a alors l’égalité suivante : P=I+C+E+M-(I+S+R)=E+M-R. On a alors P>0 si M>R-E et donc si M>0. Dit autrement, le profit existe parce qu’il y a eu anticipation du profit.

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