SNCF : un monstre ferroviaire en situation de monopole

Mammouth. Hypertrophiée, mal gérée, surendettée, la SNCF ne doit son salut qu’à la générosité des contribuables et à l’absence de concurrence.

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Grève SNCF (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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SNCF : un monstre ferroviaire en situation de monopole

Publié le 9 juin 2015
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Par Alexis Constant.

Grève SNCF (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)Des prix qui augmentent et une qualité de service qui ne cesse de baisser : voilà le constat que dressent les millions de passagers contraints de prendre le train pour aller travailler. Selon un sondage Ipsos d’avril 2014, 69 % d’entre eux estiment que l’ouverture à la concurrence est le seul moyen de parvenir à une baisse des prix, à moins de retards et à moins de grèves.

La grève ! Comme les saisons, elle revient immanquablement dans le calendrier de la SNCF, généralement en période de vacances, pour mieux pénaliser les familles. La dernière, celle de juin 2014, a coûté plus de 200 millions d’euros à l’entreprise publique, l’équivalent du prix de 7 rames de TGV ou de 10 trains neufs pour l’Île-de-France.

Ces grèves accentuent le déficit de l’entreprise. Fin 2014, la dette totale de la SNCF frôlait les 45 milliards d’euros, dont 37 milliards d’euros pour SNCF Réseau, le gestionnaire des voies ferrées. Chaque année, l’ardoise monte de 1,5 milliard supplémentaire. Selon les experts, le passif continuera à filer jusqu’à 2017 pour ralentir ensuite si les promesses de maîtrise des coûts sont tenues, ce qui ne convainc pas grand monde. Améliorer sa productivité ? Mission impossible pour la SNCF. Si, après une perte de 180 millions d’euros en 2013, elle est parvenue à dégager un bénéfice de 605 millions d’euros en 2014, ce n’est pas en améliorant sa productivité, mais en se développant à l’étranger grâce à l’argent du contribuable, des pays où elle doit d’ailleurs faire face à la concurrence.

La SNCF peut dire merci à Keolis. Ce groupe privé, dont elle détient la majorité aux côtés d’investisseurs comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, est un opérateur de transports (train, bus, tramway…) actif à l’international. En 2014, il a décroché de nouveaux contrats au Royaume-Uni et aux États-Unis, et son chiffre d’affaires a progressé de 20 % à 5,6 milliards d’euros. Voici 10 ans, l’opérateur qui emploie 60 000 salariés réalisait 64 % de son activité en France et le reste à l’étranger. Cette proportion est désormais de 50/50 et près de la moitié du personnel est employée à l’international.

Salut venant de l’étranger encore, avec SNCF Logistics, implanté dans plus d’une centaine de pays. L’année dernière, ce logisticien (entreposage, gestion des centres de distribution…) a vu son chiffre d’affaires atteindre les 8,8 milliards d’euros. Sa marge opérationnelle s’est améliorée. De zéro en 2009, elle est passée à 130 millions en 2012, puis à 400 millions en 2014. Enfin, même l’activité fret de la SNCF a connu une timide embellie avec des pertes opérationnelles divisées par quatre entre 2010 et 2014. À en croire, Alain Picard, Directeur Général de la branche, 2015 pourrait être l’année du renouveau.

 

Une productivité 30 % inférieure à celle de ses concurrents

Alors que son activité et ses résultats s’améliorent hors de France, l’activité transport de la SNCF stagne dans l’Hexagone. Elle a reculé de 1,1 % en 2014 alors que la marge opérationnelle du TGV se tassait autour de 10 %, soit près de 7 points perdus en l’espace de sept ans. De quoi inquiéter quand on sait que les recettes du TGV constituent la première source de revenus de l’entreprise dans la branche voyageurs.

Le bond du chiffre d’affaires enregistré l’année dernière est un trompe l’œil. Il résulte de la hausse de 3 points de la TVA. Hors cet effet « taxe », le chiffre d’affaires de la société régresse. Intercités, TER, Transilien, grande vitesse, le recul est général. Pour redresser ses comptes, la SNCF a préféré réviser son plan de lignes plutôt que de mettre l’ensemble de ses 245 000 collaborateurs au travail. Des salariés habitués pour certains à se la couler douce. Selon un rapport interne de la SNCF, la productivité de ses agents est inférieure de 30 % à celle de ses concurrents européens. En cause, un coût moyen par agent élevé, un nombre journalier d’heures travaillées insuffisant et des effectifs trop fournis, notamment dans les bureaux.

Au fil du temps, le nombre de personnes présentes sur les voies a diminué et une hiérarchie intermédiaire s’est mise à enfler comme la grenouille de la fable. « Le nombre de bureaucrates planqués dans les bureaux est incroyablement élevé », peste Mathieu Gouttefangeas, cofondateur de l’Association de défense des usagers de Lyon-Saint-Étienne, une ligne touchée par des dysfonctionnements chroniques. « Le principal talon d’Achille de la SNCF est de compter une multitude de cadres intermédiaires, coupés de la réalité, et qui compliquent les processus de décision à l’infini », ajoute Pascal Perri, auteur d’un livre intitulé SNCF, un scandale français.

Cette inflation de cols blancs explique pourquoi la masse salariale de la SNCF a progressé de plus d’un milliard d’euros en dix ans alors que ses effectifs baissaient de 14 % pendant la même période. Selon un rapport confidentiel présenté au conseil d’administration de l’entreprise en 2014, la proportion est passée d’un cadre pour 6,8 agents en 2003 à un cadre pour 4,2 agents dix ans plus tard. Les guichetiers ont été remplacés par des gratte-papiers ! Du coup, la rémunération moyenne du personnel a bondi de 3,87 % par an durant une décennie alors que l’inflation plafonnait autour de 1,60 %.

Début 2015, dans un entretien accordé aux Échos, Guillaume Pepy, le président de la SNCF depuis 2008, indiquait que le futur de l’entreprise se jouerait dans la refonte de son cadre social. « Notre objectif est de faire en sorte que chaque heure payée soit une heure productive », poursuivait-il. En promettant que la négociation, qui se déroulera sur 2015-2016, permettra de remettre à plat l’organisation du travail, la définition des métiers et le temps de travail, avec les salariés et les syndicats « dans le respect des 35 heures ».

Pour être complet, ce programme devra aussi porter sur le système de retraites des cheminots. Leur caisse affiche un déséquilibre croissant avec 157 000 actifs pour 274 000 retraités. Elle ne doit sa sauvegarde qu’au renflouement de l’État qui lui octroie une « subvention d’équilibre » de 3,3 milliards par an (chiffres de 2013).

 

Des cars à la place des trains ?

Si les contribuables attendent toujours de voir les effets de la « mise à plat » promise par Guillaume Pepy, ils n’ont pas eu à attendre pour mesurer les conséquences de la révision du « plan de lignes » de la SNCF.

Un audit commandé par l’entreprise publique en 2015 à un cabinet externe préconise la fermeture de 7500 à 15 000 kilomètres de ligne et la diminution des rotations sur de nombreux itinéraires. La SNCF envisagerait, par exemple, de réduire la fréquence moyenne des trains Intercités de 50 %, de supprimer six lignes, dont Caen-Le Mans-Tours et Bordeaux-Clermont-Ferrand-Lyon, de supprimer 50 % des trains sur la ligne Paris-Troyes, de clore des lignes en Bretagne (Quimper-Landerneau), et dans le sud (Montréjeau-Luchon/ Béziers-Clermont-Ferrand), de fermer des gares comme à Quillan (Aude)…

Toutes ces lignes seront-elles remplacées par des trajets en car ? Contrairement à la Deutsche Bahn qui va étendre son réseau (+ 25 %) d’ici à 2030 pour lutter contre la concurrence du car, la SNCF n’a pas caché son intention de profiter des effets de la loi Macron. Des lignes de bus à la place des trains Intercités ? « À nous de vous faire préférer le train » promettait pourtant l’entreprise voici encore moins de deux ans !

  • «SNCF, ça déraille !», Les Enquêtes du contribuable de juin/juillet 2015– 5,50€. En kiosque  Vous pouvez commander en ligne ce numéro. Également sur abonnement.

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  • Les voyages en autocar, c’est excellent pour les sans dents : ça leur rappelle qu’ils ne sont que des gueux qui ont tout leur temps alors que l’élite républicaine a elle, une mission civilisatrice qui ne saurait attendre : amener le progrèèèèès et lutter contre la haiiiine !

  • Plutôt que de fermer des lignes (enfin, dans l’hypothèse ou ils le feraient) ils feraient mieux d’essayer d’abord de les vendre. Il y a pas mal de km de voies donc l’exploitation voyageurs est déplorable, mais qui servent au transports de marchandises, et même si certaine (la plupart) ne sont pas rentables non plus dans cet objectif-là, une gestion spécialisée, financièrement intéressée et sans argent public, pourrait peut-être parvenir à être rentable. En outre, ça pourrait aussi réduire un petit peu la dette accumulée à nos dépens.

  • bonjour ,pas de quoi tomber du placard, ; d’après certains de mes ancêtres qui furent pourtant cheminots ; la SNCF est en déficit quasiment depuis sa création ! Dixit un oncle retraité, ex mécanicien sur les locos à vapeur !

    • exact. En fait la SNCF est née du sauvetage de compagnies privées en faillite … capitalisme de connivence, déjà, qui arrangeait tant les gros actionnaires (qui sans cela perdait leur mise) que le pouvoir et les cocos (qui prenait directement la main sur l’instrument.

  • Je crois que le chiffre d’affaires est toujours HT, non? Donc sa hausse ne peut pas se justifier par la hausse de la TVA, il me semble… si?

  • Quel train peut lutter contre un Poitiers-Berlin aller-retour, plus voitures et escorte pour vous emmener à l’aéroport de Poitiers et vous ramener à un congrès, plus escorte en Allemagne de l’aéroport au stadium et retour, plus entrée en salon VIP au stade pour 18 personnes…Plus les repas, et boissons…. Pour seulement 15 000Euros (chiffres faux comme tous les chiffres que l’état nous communique).

  • On continue de maintenir cette catastrophe à bout de souffle pour continuer de subventionner certains syndicats marxisants…

    • « la grève a coûté 200 millions »….
      Certes. Mais ce n’est pas la SNCF qui est responsable des grèves, elle qui accorde à ses salariés un statut que les autres travailleurs envient.

  • La SNCF est un « monstre ferroviaire » en France car elle a une mission de service public à assurer (trains d’équilibre du territoire, transilien hors RER…), contrairement à ses activités hors territoire national qui sont non subventionnées et pensées dans une pure « logique business ».

    La SNCF est un « monstre ferroviaire », car elle se doit d’atteindre les objectifs fixés par son seul et unique actionnaire, l’État.

    La SNCF est un « monstre ferroviaire » car sa gestion des ressources humaines est, ou plutôt a été, médiocre.

    Mais le vent tourne doucement, que ce soit d’un point de vue managérial, réglementation du travail (fin du RH0077) régime de retraite… et bien sûr « stratégie de développement ».

    • Concernant les ressources humaines, pour avoir eu une amie qui a travaillé là bas, le problème est justement qu’elles sont pieds et poings liés par les syndicats de conducteurs…une RH n’a pas le droit de faire la moindre remarque à un conducteur qui s’est pointé en gare 5 mn après le départ prévu de son train par exemple…

      Sinon, il y a un problème organisationnel monstrueux…observez bien le personnel des train de marchandise de la SNCF dans une gare…vous verrez que les train de la compagnie europorte embarquent 2 personnes…et que ces deux personnes sont polyvalentes…on s’arrête en gare, on sort de la loco, on met les freins sur les wagon, on contrôle les niveaux, etc…alors que sur la SNCF, pour effectuer les mêmes opérations, du personnel extérieur au train est requis…de plus, en parlant d’europorte, cette compagnie utilise des motrices plus puissantes et plus économes que la SNCF, ce qui lui permet d’en mettre moins que la SNCF et donc de diminuer ses coûts…

      • On le fait déjà en Suisse .et nous sommes seul à bord .quand j’arrive en Suisse je coupe mon train ,je cale .
        Les niveaux comme vous dites sont fait par nous aussi ,ça s’appelle une préparation courante .
        Et pour avoir connu un collègue qui est arrivé en retard il a eu droit à une demande d’explications et avertissement.
        On ne fait pas n’importe quoi c’est fini le temps de se la couler douce.
        Les personnes de mon entourage sont étonnées quand aux journées assez longue que je fait .

  • 3,3 milliards (payés pas le contribuable) par an pour équilibrer les retraites de 247 000 agents… Pendant ce temps l’Arcco et l’Agirc (12 millions de personnes), meure…sans que l’état ne donne 1 centime.

  • Effectivement TROP de cadre a la SNCF qui ne servent pas a grand chose , ils touchent des salaires incroyables , ca prend des décisions soit disant révolutionnaire mais ça ne sait pas regarder plus loin que le bout de leur NEZ et veulent tous conserver leur petit train de vie et cela en ecrasant et en abusant sur le petit personnel .
    Pendant ce temps dans la RESTAURATION FERROVIAIRE des BARS TGV le petit personnel est surexploité avec des amplitudes allant régulierement au delà des 16 H !!!! des Salaires de PLUS en PLUS bas !! Des RUPTURES sans cesses tous le jour mettant en conflit CLIENT et Personnel du BAR.
    Au RDV il n’est plus question de sandwich et boissons fraiches mais plutot d’ACCIDENT de TRAVAIL et D’arret MALADIE tellement les conditions de travail a BORD sont intenables !
    Tant pour le personnel qui subit ces dites conditions , tant pour la clientèle qui est sans cesses obligée de subir des refus tellement il y a de rupture produit a bord !
    Pour finir il sera bientot question DE NOMBREUX LICENCIEMENT !!
    Nous entendons de nombreux bruit de couloir qui nous font penser de plus en plus a un TRES PROCHE licenciement de SALARIES de PROVINCE et pas que ….. Licenciement qui sera provoqué suite a la Volonté de la SNCF de limiter tous les TGV de Paris Montparnasse a BORDEAUX en 2017 avec la Nouvelle LGV !!
    Je trouve incroyable que le STAFF Dirigeant de la SNCF soit si bien rémunéré tellement leur Décisions concernant le SERVICE de RESTAURATION a Bord et la qualité de VOYAGE a bord est MEDIOCRE !
    Leur SALAIRE devrais etre en fonction de la qualité de celui ci , ça eviterai ainsi des décisions Ubuesque et l’explosion du DEFICIT !!
    Merci de m’avoir lu , l’image que veux donner la SNCF est belle , communication maitrisée , publicité en veux tu en voilà !! vous saurez au moin en me lisant la Réalité de se qui se produit dans les TRAINS !!

    PS : PERSONNEL DU BAR TGV = PAS CHEMINOT / PAS DE STATUT / AUCUN AVANTAGE SNCF .. donc svp ne tirez pas encore .. sur le petit personnel ..

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