Fête des Patriotes: l’art de confondre des fauteurs de trouble avec des héros

De nos jours, accepterions-nous que le parti élu rassemble des milliers de jeunes, les fanatise, leur fournisse des armes et les encourage à abattre des policiers au péril de leur vie ?

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Fête des Patriotes: l’art de confondre des fauteurs de trouble avec des héros

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 24 mai 2015
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par Gabriel Lacoste, pour le Québécois Libre

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Le lundi qui précède le 25 mai a été consacré par l’Assemblée nationale Journée des Patriotes. Sous la direction du Parti québécois, nos politiciens ont choisi comme héros nationaux des individus violents et armés motivés à tuer ceux qui se mettaient sur leur chemin. Bien sûr, les événements nous sont présentés autrement. Nous étions alors sous le contrôle d’un peuple étranger motivé à nous assimiler et une « avant-garde révolutionnaire » s’est battue pour nous en libérer. Par ce geste, ils ont posé les premiers jalons de la démocratie québécoise.

Cette idéalisation des Patriotes devrait pourtant nous laisser songeur. Accepterions-nous, aujourd’hui, que le parti élu à l’Assemblée nationale rassemble des milliers de jeunes, les fanatise avec des slogans effrayants sur le Canada, leur fournisse des armes et les encourage à abattre des policiers au péril de leur vie ? Quelques fanatiques en mal de gloire, peut-être, mais pas l’écrasante majorité d’entre nous. Pourquoi alors prendre le même genre de tuerie du passé et en faire un jour férié ?

Probablement parce que nos institutions politiques ont besoin d’asseoir leur légitimité sur un sacrifice légendaire. Ce n’est pas nouveau. Le christianisme s’est fondé sur la crucifixion du fils de Dieu. La France et les États-Unis ont également marqué la naissance de leur État moderne par un gigantesque bain de sang, chantant des hymnes meurtriers en leur honneur. J’imagine que la mort héroïque inspire de la grandeur d’âme. La recette est bonne alors pour enchanter les institutions de contrôle qui en découlent, et permettre aux bien-pensants de nous rappeler que des gens sont morts pour elles. Nous ne voulons pas répéter l’expérience, mais tant que ce jeu est situé dans un passé fort lointain, c’est pittoresque.

Il est important de jeter un éclairage différent sur ces événements, car ce genre de récit illustre bien comment nous interprétons ce qui entoure le pouvoir politique de fables dangereuses.

Il faut d’abord comprendre que la monarchie britannique n’était pas un régime totalitaire dont le projet était d’assimiler des peuples. Des journalistes anglophones le souhaitaient, et des francophones le craignaient, mais cela n’avait que peu à voir avec la réalité.

Cette autorité reposait sur une tradition de limitation du pouvoir par une assemblée, une institution juridique et une culture plutôt libérale. En tant que puissance coloniale, l’Angleterre tissait des alliances avec les aristocraties et élites locales de manière à sécuriser son commerce dans le monde.

Ensuite, sa présence au Canada découle en partie des agressions constantes que les représentants du roi de France commettaient contre ceux qui traitaient la fourrure en Amérique. Ce racket se faisait au bénéfice du petit groupe de seigneurs entourant la cour de l’intendant à Québec et non des coureurs des bois canadiens qui leur faisaient concurrence. Bien sûr, dans ce combat, il y a eu la déportation des Acadiens et les incendies de Wolfe dans son avancée vers Montréal en 1760, mais il est important de garder à l’esprit l’ensemble de la situation. Des soldats de France avaient brûlé des villages et tué leurs habitants dans une guerre précédente, nourrissant des réactions de haine en Nouvelle-Angleterre. Ensuite, ils avaient laissé leurs alliés amérindiens massacrer des milliers de personnes désarmées au fort William Henry. Les familles canadiennes ordinaires étaient acculées à la famine par la mainmise de Bigot sur l’économie, dans une colonie transformée en camps militaire. La victoire des Anglais aux plaines d’Abraham était-elle une libération ? La question se pose.

D’autre part, les autorités de Londres ont été timides, de la Conquête jusqu’à 1838. Par peur des Américains, elles ont concédé à l’Église catholique et aux seigneurs d’ici la mainmise sur le Canada en leur reconnaissant leurs privilèges légaux. Les immigrants protestants d’ici, qui étaient à l’origine des réfugiés de guerre et non des conquérants, voyaient ainsi le pouvoir anglais les abandonner au profit du clergé et de l’aristocratie canadienne-française.

Du point de vue du « petit peuple » canadien-français et de ses curés, la principale raison derrière la mise sur pied d’un Parlement élu en 1791 était la volonté du pouvoir anglais de lever des taxes. C’est donc dire que de 1763 à 1791, la monarchie anglaise n’avait même pas le pouvoir de se financer à même notre travail. Par la suite, le gouverneur cherchait constamment à obtenir l’accord des députés francophones simplement pour financer de façon autonome ses minces activités. Cette prudence n’était pas due à sa bonté, mais au fait qu’étant dirigée par des étrangers relativement faibles, la population d’ici était moins prompte à lui obéir (illustrant la théorie de H-H Hoppe concernant les avantages de la monarchie sur la démocratie). Les autorités se faisaient donc relativement plus discrètes pour éviter une révolte.

Pour couronner le tout, les Patriotes n’étaient pas des héros. À l’origine, ce mouvement est né de députés francophones désireux de faire payer les taxes aux commerçants anglais plutôt qu’aux seigneurs canadiens-français. Ils ont mis sur pied un organe de presse qui a stimulé les ressentiments ethniques pour favoriser leur élection. Pendant plus de vingt ans, ils ont fait campagne pour avoir un droit de veto sur les finances du gouverneur. Ils en ont fait à répétition un argument pour coaliser des appuis. Louis-Joseph Papineau est alors arrivé pour fanatiser les foules. Lorsque les passions de celles-ci se sont transformées en émeute, il s’est enfui aux États-Unis.

Est-ce que la cause en valait la peine ? Non. C’est l’Angleterre qui a mis sur pied un Parlement ici face à la résistance d’un peuple canadien-français content de simplement payer la dîme à leur curé. Les premiers bénéficiaires de ce geste ont été les députés francophones qui se sont vu alloués des pouvoirs inexistants avant. En reconnaissance de ce cadeau de Londres, qu’ont-ils fait ? Ils ont demandé de contrôler la totalité des finances de la province, sans même excepter le conseil du gouverneur, dont les dépenses étaient insignifiantes. Tout cela se déroulait dans un contexte où l’Église catholique contrôlait les écoles, les hôpitaux, les orphelinats, les mœurs (ce qui compte) face à un roi qui peinait à faire payer la moindre activité de ses représentants ici. Vu sous cet angle, les Patriotes ne se battaient pas pour libérer les Canadiens français, mais pour légitimer les taxes de Londres moyennant plus de pouvoir pour eux.

Loin de moi l’idée que cette époque était parfaite, mais les rebelles d’alors se trompaient de cible lorsqu’ils prétendaient faire progresser notre peuple vers la liberté. Plutôt que de s’attaquer à la monarchie britannique, ils auraient mieux fait de combattre l’emprise du clergé catholique qui représentait alors la véritable structure de contrôle conservatrice sur nous. Malheureusement, maintenant comme avant, l’oppression est plus difficile à percevoir lorsqu’elle provient du voisinage.

Nos historiens vont analyser les événements en rapportant le récit de voyage de Lord Durham ou les éditoriaux de journalistes anglophones qui souhaitaient l’assimilation de notre peuple. Cependant, ces faits sont mal interprétés. Les anglophones du Bas-Canada étaient une minorité qui craignait pour sa liberté d’expression, de commerce et de religion, entourée d’une majorité docile aux commandes des évêques et des restes d’une aristocratie seigneuriale française. Si cette affirmation surprend, c’est parce que nous sommes habitués à confondre faussement les anglophones en une grande famille unie contre nous. Or, les Anglais d’ici ont fui les Anglais des États-Unis alors que les autorités d’Angleterre étaient plus soucieuses de veiller à leur amitié avec l’élite francophone d’ici qu’avec eux. Dans ce contexte, ils étaient réellement en minorité.

En 1838, ces gens-là avaient des voisins armés conditionnés aux ressentiments ethniques (les Patriotes) disposés à tuer les représentants de l’ordre pour imposer leur volonté. Disons que c’est une raison d’avoir peur, dans un contexte où la révolution est alors connue pour ses tueries collectives. Lorsqu’ils parlaient de nous assimiler, ils compensaient surtout leur sentiment d’impuissance dans des fantaisies délirantes de contrôle. Ils ne planifiaient rien de tangibles. Lord Durham a écrit son rapport immergé dans cette atmosphère délirante.

J’écris à partir de faits disponibles dans le second tome de l’Histoire populaire du Québec de Jacques Lacoursière. Bien sûr, ni lui, ni aucun historien québécois ne les interprètent à ma manière, ne les reliant pas comme je le fais dans une théorie critique de l’État-nation. Il y a une raison à cela. Lorsque nous racontons l’histoire de notre peuple, nous nous identifions spontanément aux autorités politiques qui agissent en notre nom. Nous prenons leurs déclarations comme des paroles d’évangile. Le roi de France, le clergé, les Patriotes, Jean Lesage, René Lévesque, et ainsi de suite, sont transformés en prophètes qui menaient notre peuple vers la Terre promise selon le modèle de Moïse. Par ce détour, nous nourrissons une attitude dévote envers les institutions de contrôle. Les historiens sont des individus qui se sont passionnés pour ces récits enchanteurs dès leur adolescence et qui les rapportent candidement sans trop de scepticisme.

Pour ma part, je ne respecte pas l’État et n’y voit qu’une institution de contrôle qui cherche frauduleusement à bien paraître. C’était le cas en 1838 comme aujourd’hui. J’éprouve aussi de l’empathie pour l’histoire des Anglo-Québécois. Plutôt que de m’identifier à ces combats, je préfère m’en tenir à distance. Au temps des Patriotes, je me serais concentré à servir mon prochain en travaillant, en commerçant et en laissant les autres et leur propriété tranquille. Je crois que la plupart des Canadiens français agissait de cette manière.

C’est ainsi qu’au lieu de consacrer les élucubrations du chevalier de Lorimier devant la potence et le récit bourré de préjugés d’un lord Durham, nous aurions pu, à la place, retenir les paroles de repentir de François Nicolas, s’exclamant face à la mort:

Pères et mères qui élevez des enfants, déclare-t-il, employez donc tout le pouvoir que vous avez sur vos enfants pour éteindre dans leurs jeunes cœurs tous ressentiments possibles qu’il peut y avoir entre les personnes de différents pays ou de différentes croyances. Ne sommes-nous pas tous enfants d’un même pays ? Tous sujets de la même couronne ? Et pourquoi montrer tant de vindication les uns contre les autres ? Il faut mettre à bas tous les préjugés et être tous membres de la même famille. J’ai vu un temps où je me flattais d’être un sujet britannique, et j’en avais grand droit dans le temps; mais ce n’est que depuis que des esprits fanatiques m’ont représenté les choses sous un autre point de vue […]. (Jacques Lacoursière, Histoire Populaire du Québec, De 1791 à 1841, 1996, Le Septentrion, p. 414.)

Bizarrement, la Maison « nationale » des Patriotes lui attribue d’autres propos

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  • Intéressant contrepoint à l’analyse habituelle.

    Sauf cependant sur le paragraphe justifiant les exactions anglaises sous prétexte que les Français ont harcelé les Anglais et bien pire encore. Certes, cette attitude historique des Français en Amérique du Nord (notamment) est bien souvent passée sous silence « de notre bord culturel », mais tourner cela en argument digne de l’école primaire « c’est lui qu’a commencé ! »…. ce n’est pas sérieux.

    Vous sous-entendez que les Anglais seraient paisiblement restés chez eux si les Français avaient fait de même. C’est simplement grotesque. De toute façon il y avait des guerres en Europe, qui avaient leurs répercussions en Amérique du Nord, de toute façon il y avait des échauffourées frontalières qui se transformaient en vendetta, de toute façon il y avait des guerres entre les Amérindiens, bien content d’avoir des alliés européens, etc. sans compter les tensions relatives au marché de la fourrure.

  • Et pas un seul mot sur le gouvernement responsable ni sur les révoltes contemporaines dans le Haut-Canada, pourtant parfaitement anglophone.

    Tiens, tiens.

    Non, parce que Lord Durham, dans son rapport, très mal lu en effet, leur donne quand même raison sur plusieurs de leurs revendications de base, tout en blâmant durement les moyens, il ne faudrait pas l’oublier ça…

    • « Le gouvernement responsable », j’en ai parlé en disant que les patriotes voulaient un contrôle total des finances du gouverneur. C’est ça le « gouvernement responsable » ; c’est à dire la souveraineté totale du parlement. Ensuite, la révolte du Haut-Canada n’est pas pertinente dans le contexte, car c’est de la dimension ethnique du conflit qu’ il est question ici et cette dimension était propre au Bas-Canada.

  • Vous vous attaquez à une caricature de mon propos. J’ai spécifié que les politiques française étaient « en partie responsable » et non « en totalité responsable » précisément parce que je suis conscient de vos subtilités logiques. Ici, au Québec, très peu de gens connaissent, ni même conçoivent la contrepartie anglaise à nos récits de victimisation, d’où l’intérêt de les mentionner. Quant à la possibilité que les anglais soient restés paisiblement chez eux si les français n’avaient pas obstrués leur commerce en Amérique, je ne sais pas trop quoi en penser. Dans les faits, ce sont les français qui obstruaient leur commerce en plaçant des forts un peu partout et non l’inverse. Les français d’Amérique étaient obstrués par les membres de l’aristocratie française d’Europe et non par les anglais. Qu’est-ce qui se serait passé s’ils avaient autrement ? Je n’en ai aucune idée, mais j’ai un problème avec les historiens qui justifient sans arrêt les agressions passés sous prétexte que le défenseur aurait été l’agresseur autrement. Cette vision suggère un univers de rapport de force à l’intérieur duquel le respect de la liberté et du droit d’autrui n’existe pas.

    • Je crois que c’est à moi que vous répondez. Je ne justifie en rien les actions françaises… Je dis simplement qu’on ne peut certainement pas simplifier en disant « ce sont eux qui ont commencé », ce que vous faites.

      L’histoire des hommes n’est que rapports de force.

  • C’est toujours un plaisir de vous lire, mais si je peux me permettre un hors sujet, prévoyez vous publier « La confusion des autorités face à la jeunesse militante » sur cp? Je trouve qu’il est pertinent même pour les français.

    Merci

    • C’est Contrepoints qui prend parfois les textes que j’envoie sur QL. Quant à moi, j’envoie au QL habituellement des textes centrés sur l’actualité québécoise et ici des textes plus généraux.

  • Je ne vais pas discuter ce point de vue partial. Simplement, Monsieur, quand on prétend parler du « massacre » de Fort Henry, qu’on donne en plus un lien, et que je me donne la peine de lire l’article en question, je ne peux que constater que, soit vous mentez, soit vous êtes incompétent. Peut-être les deux?
    Pour ceux qui ne savent pas: il n’y a jamais eu de « massacre » de Fort Henry; l’article cité par l’auteur analyse en détail cette affaire et conclut à » the maximum number killed on August 10 « including those who happily or unhappily lived the rest of their lives in the villages and forests of New France’s Indian allies, could not have numbered more than 184. » His minimum figure is 69. »

    • Le dernier des Mohican (remarquable film soit dit en passant) est passé par là. 😉

    • Je suis faillible monsieur Le Honzec et, oui, l’incompétence est parfois un de mes vices. J’ose espérer que je ne suis pas foncièrement incompétent, mais que c’est seulement une maladresse très occasionnelle.

    • En ce qui concerne l’étiquette « partiale », elle me rend perplexe. C’est équivalent de reprocher à quelqu’un d’émettre une opinion « hypothétique ». Partialité et incertitude sont le lot de l’esprit humain. S’il fallait atteindre l’impartialité et la certitude avant de parler en public, nous devrions tous nous taire.

  • Pour les autorités américaines d’aujourd’hui les pères fondateurs (Washington, Jefferson,etc.) auraient été des terroristes.
    La révolution francaise idem.
    Je ne connais pas d’autorité qui les qualifierait autrement.

    La monarchie britannique c’est tellement bien Oh! Quel histoire magnifique ! J’écoutais la série les Tudors l’an passé et wow. Je n’ai que d’admiration envers, un roi qui tue toutes ses femmes et qui massacre ces alliés. C’est bien mieux que des révolutionnaires crasseux avec des cannons en bois et qui s’accouple avec des indigènes.

    Il aurait fallu que la monarchie de l’époque s’investisse un peu plus auprès des gentils orangistes qui eux n’étaient pas du tout extrémiste. Oh que non ! C’est trop facile de prendre quelques élément positif d’un bord, ignorer quelques éléments négatifs de l’autre bord … et Hop! Réécriture de l’histoire.

    Belle réécriture de l’histoire monsieur Lacoste. L’histoire vus de notre époque avec nos lois, moeurs et valeurs est toujours plus simple hein ?

    Vous m’avez presque convaincu de m’inscrire a la Liste Monarchiste du Canada.

    Sérieux, sur contrepoint, je me serais attendu a lire un texte qui explique aux Péquistes que les Patriotes n’étaient pas à gauche et qu’il faut arrêter de les associés avec la gauche.

    Bonne journée,

    Philippe

    • C’est exactement ce que je pensais. S’il fallait rectifier des idées populaires au sujet du mouvement républicain historique au Québec, c’est certainement d’éliminer cette fausse idée que les patriotes étaient Étatistes.

      D’ailleurs, il est absurde d’analyser les ±40 premières années du Canada sans tenir compte de plus de 200 ans de coureurs des bois, métissés et acadiens avant celà. 200 ans loin des rois et de la puissance de l’État, sous le seul règne des lois naturelles, c’est ce qui a forgé l’esprit de liberté en amérique.

    • À mon avis, les « Pères fondateurs » et les révolutionnaires français étaient des terroristes, puis je n’ai aucune sympathie pour eux. Historiquement, je me serais rangé du côté des défenseurs de la monarchie limitée en 1789, puis je me serais exilé en Angleterre dès 1791.

      Ce que vous racontez de la monarchie est un lieu commun. Je ne pense pas que c’est le modèle idéal, puis il y avait effectivement des assassinats, des guerres, de la spoliation, etc. Seulement, c’est le cas AUSSI en démocratie, dans des proportions plus grandes. Au lieu d’avoir un roi qui tue ses six femmes, il y a un Peuple qui en bombarde un autre à mort à coup de B-52, puis tue plus de 100 000 personnes en une nuit.

      La seule raison pour laquelle je minimise les méfaits de la monarchie, c’est parce que le portrait dramatique qui en est véhiculé dans la version établie sert de background pour idéaliser la démocratie et ses institutions. Je sais que de nombreux libéraux \ libertariens croient en la démocratie. Ils pensent que la limitation du pouvoir provient ou ne peut provenir que de l’association politique, puis que celle-ci ne peut être que démocratique. Ils acceptent la version de l’histoire qui dit « Avant la démocratie, c’était les ténèbres. Avec la démocratie, la lumière fut. » À mon avis, c’est mal comprendre la dynamique à l’œuvre. Je crois que les violations de la propriété ont une cause centrale: l’idée que l’État incarne la volonté du Peuple. Comme l’État incarne la volonté du Peuple, les gens qui refusent d’y participer en payant des taxes agissent contre le Peuple. Or, cette idée EST la démocratie. C’est elle que je rejette.

      Quant à la monarchie, je n’y vois pas de qualité intrinsèque. Cependant, je vois une qualité intrinsèque dans la tradition. La propriété privée n’a pas été protégé par des assemblées élus, mais par des traditions, puis ces traditions étaient fortes en Angleterre. Je m’inspire beaucoup de Hayek sur ce point. Selon moi, la tradition contient des règles issus des interactions d’individus qui forment un ordre spontané. Cette tradition peut évoluer, mais de façon graduelle et non brutale. Lorsque les révolutionnaires autant français qu’américains et canadiens voulaient renverser la monarchie et y substituer le principe démocratique, ils ne s’attaquaient pas seulement à la monarchie, mais à la tradition et ils étaient disposés à le faire par la violence. Ce principe qui est à mon avis précurseur du socialisme contemporain et de ses dérives.

      Oui, au début, ces gens-là n’allaient pas jusqu’à vouloir redistribuer la richesse, puis ils se réclamaient du libéralisme. So what ? Aujourd’hui, les politiciens se réclament de l’aide aux pauvres et je pense qu’ils nuisent aux pauvres. À l’époque, ils se réclamaient de la défense de la propriété privée, puis ils bâtissaient les premiers jalons d’un pouvoir capable d’en spolier 50 %.

  • Vous déformez l’histoire de manière malsaine. Les républicains étaient politiquement inspirés des valeurs libérales et étaient surtout motivés par des tensions économiques. Les tensions linguistiques et ethniques étaient une conséquence du traitement de faveur du gouvernement à l’égard de certaines classes. C’est que la couronne Britannique et de nombreux hommes d’affaires étaient de connivences pour utiliser le pouvoir de coercition afin d’obtenir des avantages et d’accumuler des richesses de manière illégitime. D’ailleurs, l’usage de l’État à travers le capitalisme de connivences fait toujours rage de nos jours.

    Vous présentez également une position politique malsaine. Puis vous vous drapez d’une idéologie soit-disant libertarienne en feignant une opposition à l’État tout en défendant naïvement une autre forme d’odre établi à travers le déséquilibre de la propriété privée. Votre position politique par rapport à l’histoire ne peut pas être celle d’un libertarien. Du coté purement idéologique, un libertarien ne peut strictement pas adhérer de plein consentement à une constitution permettant un tel usage du pouvoir, telle que la constitution Canadienne est actuellement ou pire comme elle était à cette époque. Du coté de l’économie, un libertarien ne peut pas par définition reconnaitre la légitimité du capital acquis par l’usage d’agression et par conséquent doit refuser de participer à un marché à l’intérieur duquel de tels capitaux circulent.

    « Accepterions-nous, aujourd’hui, qu’un gouvernement qui utilise le pouvoir de coercition pour enrichir quelques minorités, rassemble des milliers de jeunes, les fanatise avec des slogans effrayants sur les opposants politiques, leur fournisse des armes et les encourage à abattre des citoyens révoltés? »

    La simple attitude passive face à un ordre établi par l’agression, avec l’espoir de trouver une part de profit par collaboration, fait aujourd’hui de vous un néolibéral, à une autre époque on aurait parlé d’un collabo ou d’un loyaliste. Certainement pas d’un libertarien.

    Voici la documentation historique provenant d’une aide aux devoirs pour les enfants du secondaire:

    http://bv.alloprof.qc.ca/histoire/histoire-et-education-a-la-citoyennete-(2e-cycle-du-secondaire)/revendications-et-luttes-dans-la-colonie-britannique-(1791-1850)/les-rebellions-des-patriotes-(1837-1838).aspx

    • La manière d’être libertarien est flexible. Oui, la plupart des libertariens partagent votre opinion, puis je suis dans la marge. Cependant, votre manière de vouloir m’exclure d’un courant de pensée supposément parce qu’Il y aurait une bonne et une mauvaise manière de l’incarner m’apparaît problématique. Une idéologie saine inclut des formes de raisonnement divergent.

      Comme j’ai répondu à Phillipe, ce n’est pas à mon avis la démocratie qui est garante de la propriété privée, mais la tradition et l’idéal démocratique s’est construis contre elle. Bien sûr, les gens l’ont fait en se drapant des idéaux de liberté, mais déployer la violence comme eux devrait nous alerter sur la compréhension qu’ils en avaient.

      Ensuite, votre accusation de passivité est étrange. Selon vous, la manière socialement acceptable d’exprimer son désaccord en 1838 était de prendre les armes. Pourquoi donc dans la situation actuelle ne faites-vous pas la même chose ? Il me semble qu’avoir un État qui saisi de force 50 % de votre propriété est plus grave que devoir composer avec un conseil de quelques individus payés sans avoir passé par une procédure légitime.

      • Il y a différentes nuances à travers toutes les idéologies. Les groupes les plus puristes finissent par exprimer le narcissisme de la petite différence. Mais vous et moi sommes loin de là.

        Je ne sais pas d’où vous provient vos notions au sujet de l’idéologie libertarienne. Personnellement, je suis très Rothbardien dans l’approche économique et politique, lui-même fondé sur la praxéologie de Von Mises. Fondé sur ces références, je n’arrive pas à voir en quoi votre position peut se décrire comme libertartienne. Vous êtes néolibéral à mes yeux. Mais enfin, je ne prétend pas avoir le monopole des définitions et des termes, vous pouvez vous décrire comme vous voulez, c’est à ceux que vous vous adressez de juger.

        « Selon vous, la manière socialement acceptable d’exprimer son désaccord en 1838 était de prendre les armes. Pourquoi donc dans la situation actuelle ne faites-vous pas la même chose ? »
        Si vous pensez que les fusils sont les seules armes, vous n’avez pas compris la guerre.

        • Ma réflexion sur les patriotes est inspirée surtout de H-H Hoppe, puis je suis aussi assez sympathique à Rothbard. Mon propos dans le texte ici discuté peut facilement etre mal interprété. Ce n’est pas tant la faute des lecteurs que le caractère inusité de l’intuition qui m’a animé à l’écrire. L’étiquette « néo libéral  » est trompeuse parce qu’ elle suggère que je détourne de façon hérétique la notion de liberté au profit des puissants. Je ne me reconnais pas dans cette critique et, croyez-moi, je suis capable d’auto-critique.

  • « Plutôt que de s’attaquer à la monarchie britannique, ils auraient mieux fait de combattre l’emprise du clergé catholique qui représentait alors la véritable structure de contrôle conservatrice sur nous »

    Brillante idée ! Vous ne seriez pas là pour en parler. En tous cas pas en français.

    Comme toujours cette attaque contre « le pouvoir de l’Église » est absurde, puisque c’est précisément la laïcité chrétienne qui permettait que le peuple canadien accepte un pouvoir anglais sans bains de sang.
    Absurde aussi la condamnation des écoles et hôpitaux catholiques: Eût-il fallu que l’Église cessât d’instruire et de soigner ? L’Auteur serait-il un apôtre de l’État-Providence ?
    Pour ma part, je préfère mille fois les institutions catholiques aux monopoles publics qui le socialisme leur a substitué, non sans spolier l’Église.
    Au Québec comme en France, c’est la religion communiste qui a pris leur place par la violence, et celle-là ne connaît pas la laïcité, même si elle dévoie couramment ce terme pour justifier sa violence.
    Résultat habituel: Effondrement de la qualité, envol des coûts…

    « Probablement parce que nos institutions politiques ont besoin d’asseoir leur légitimité sur un sacrifice légendaire. Ce n’est pas nouveau. Le christianisme s’est fondé sur la crucifixion du fils de Dieu. »
    Quel rapport avec une institution politique ?
    Ce que Jésus a fondé, c’est plutôt le libéralisme.
    Le pouvoir a été au nombre des tentation que Satan lui a présentées au désert, au tout début, sans succès.
    Puis maintes fois les foules lui ont demandé d’être leur roi, sans plus de succès.
    Il ne contraignit personne à quoi que ce fût, ni ne questionna jamais la propriété (exhorter à donner, c’est affirmer la propriété).
    Et pourtant sa passion et la plupart des martyrs viennent des étatistes, les idolâtres de l’État.

    Car en refusant le pouvoir tout en affirmant son autorité divine, Jésus a instauré le principe de laïcité, qui s’oppose au totalitarisme, seul depuis 2000 ans…
    C’est pourquoi attaquer le christianisme au nom de la liberté est absurde et suicidaire.

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