Canada : une loi zéro émission au mieux neutre, au pire nuisible

Une loi imposant au marché automobile de pousser les ventes de véhicules hybrides et électriques peut-elle avoir un impact autre que négatif ?

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Canada : une loi zéro émission au mieux neutre, au pire nuisible

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 mai 2015
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Par Serge Rouleau.

voiture electrique credits alden jewell (licence creative commons)
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« La tâche curieuse de l’économie est de démontrer aux hommes à quel point ils connaissent vraiment mal ce qu’ils s’imaginent pouvoir planifier. » — Friedrich Hayek

En matière d’écologie, le Québec est le paradis des groupes d’intérêt subventionnés. Le 31 mars dernier naissait la Coalition zéro émission Québec (CZÉQ). Pas moins d’une douzaine de groupes d’intérêt sont membres de cette nouvelle coalition.
La Coalition milite en faveur d’une loi zéro émission. Cette loi imposerait aux constructeurs automobiles l’obligation d’allouer au marché québécois un nombre prédéterminé de véhicules hybrides et entièrement électriques. Dans son communiqué de presse elle prétend :

« En plus de ne rien coûter à l’État, cette loi permettra de diminuer notre dépendance au pétrole, de contribuer à améliorer la balance commerciale du Québec, de favoriser le développement économique dans un domaine de pointe, de réduire de façon significative les émissions polluantes et de valoriser l’électricité propre du Québec.« 

Ce paragraphe en dit long sur le peu de crédibilité des représentants de cette Coalition.
Il faut être de bien mauvaise foi pour prétendre qu’une loi zéro émission ne coûtera rien à l’État. Le but de cette loi serait évidemment de pousser les ventes de véhicules hybrides et électriques. Au mieux, la loi n’aura aucun effet sur les ventes de véhicules. Dans ce cas, les coûts de la loi se limiteront à la bureaucratie nécessaire pour gérer cette nouvelle intervention dans l’économie, ce qui est loin d’être négligeable. Au pire, la loi favorisera la vente de véhicules hybrides et électriques. Puisque le gouvernement subventionne à concurrence de 8 000$ l’achat d’un véhicule hybride ou électrique, l’augmentation des coûts pour le gouvernement pourrait exploser.

Il est bien sûr évident que la multiplication des véhicules hybrides et électriques réduira d’autant la consommation de pétrole. Mais est-ce que cela aura un impact significatif sur les émissions de CO2 ?

Il existe près de 8 millions de véhicules immatriculés au Québec dont seulement 5 000 sont hybrides ou électriques. Pour réduire de seulement 10% la consommation de pétrole, il faudrait donc remplacer 800 000 véhicules à essence. À 8 000$ par véhicule le gouvernement devrait débourser 6,4 milliards en subventions ! Alors que le ministre Coîteux gratte les fonds de tiroir pour balancer son budget, un tel objectif serait une pure folie.

Cette loi n’aura pas non plus d’impact significatif sur la balance commerciale négative du Québec. Les gains obtenus par la réduction des importations de pétrole seront annulés par les coûts d’importation des véhicules hybrides et électriques, lesquelles coûtent 30 % de plus que des véhicules à essence comparables. Si les politiciens veulent vraiment améliorer la balance commerciale du Québec ils devraient faciliter l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste plutôt que de chercher à amadouer les groupes écologistes.

La Coalition prétend aussi que cette loi favorisera le développement économique du Québec. Permettez-moi d’en douter. Le Québec ne compte aucune usine d’automobiles ou de batteries. Bien sûr, Hydro-Québec vendra les kilowatts consommés par les véhicules hybrides et électriques, mais en retour elle devra subventionner l’installation d’un réseau de bornes de recharge. Les contribuables et les consommateurs en sortiront-ils gagnants ? C’est loin d’être acquis. Il est possible que certaines entreprises québécoises se tailleront une niche enviable dans l’industrie du transport du futur, mais elles le feront malgré l’État et non grâce à lui.

Les technologies qui domineront l’industrie du transport seront déterminées par les forces du marché et non par le gouvernement du Québec. Mondialement, les géants de l’automobile investissent des centaines de milliards pour se tailler une place au soleil. À l’échelle mondiale, le Québec est un marché minuscule et n’a certainement pas les moyens d’influencer significativement les technologies du futur en matière de transport.

Actuellement, les technologies hybrides et électriques ont une longueur d’avance, mais les jeux sont loin d’être faits. Honda et Toyota misent aussi sur la pile à hydrogène. Peugeot a établi un record de consommation pour une voiture de série à moteur thermique, soit 2 litres/100 km, une performance supérieure à la plupart des véhicules hybrides. C’est sans compter que la théorie du réchauffement climatique anthropique sera probablement discréditée à plus ou moins court terme. Dans ce contexte, il serait sage de laisser l’industrie sélectionner à ses frais les gagnants et les perdants.

Les tenants d’une politique industrielle déterminée par l’État s’imaginent pouvoir tout planifier. Ils sous-estiment grandement le rôle des entrepreneurs et de l’accumulation d’informations que possède l’ensemble des individus qui composent le libre marché. Seules l’arrogance et la foi permettent de croire que le gouvernement du Québec jouera un rôle déterminant dans l’avenir de l’industrie des transports.

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  • 8000$ c’est le prix d’une voiture d’entrée de gamme.

    C’est quand même sympa pour un citoyen moyen qui paye ses impots et se prive pour acheter son auto « basique » à 8000$ de constater que ces impôts servent à payer des jouets avec des aides du même ordre de grandeur à des gens bien plus aisés qu’eux-mêmes.

    Cela fait déjà des années que l’on nous fait le coût avec le logement en permettant au riches de ne pas payer d’impôts en investissant dans la construction de logements à louer … pour un résultat nul puisqu’il y a toujours pénurie et que le BTP est en faillite.

    Et ensuite, ces mêmes dirigeants vont nous donner des leçons sur l’injustice sociale …

  • Venant d’un des pays les plus pollueurs du monde- C’est bien vu.

  • Il ne faut pas confondre buts et moyens.
    C’est par des normes techniques que des but stratégiques (environnementaux ou autres) peuvent être poursuivis, et non par des choix techniques dictés par l’autorité.
    Pour cela il faut que ces normes soient directement liées au but poursuivi et, à terme, techniquement atteignables.
    Imposer une limite de consommation de carburant des véhicules peut ainsi faire diminuer la dépendance pétrolière.
    Mais croire au zéro émission est similaire à vouloir vivre d’amour et d’eau fraîche.

    Les solutions techniques viendront du marché, et il est contre-productif de favoriser un type de technologie plutôt qu’un autre.
    Ces subventions (= donner à l’un les sous des autres) sont non seulement une faute systémique, mais elle visent immanquablement à côté de la plaque. Les incitations par ristournes, privilège fiscalaux etc. sont tout aussi fausses.

    Aujourd’hui l’hybride est la meilleures solution du point de vue énergétique (et vraisemblablement économique), mais demain personne ne sait quelle invention changera la donne.

  • Les commentaires sont fermés.

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