Quel avenir pour l’« Arabie du chèque » ?

Remaniement à la tête du royaume : mais que se passe-t-il en Arabie ?

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Quel avenir pour l’« Arabie du chèque » ?

Publié le 11 mai 2015
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Par Yves Montenay

Par Carport [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
Arabie Saoudite – Credits : Carport [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
Prise dans l’engrenage yéménite, l’Arabie Saoudite fait la guerre, dit qu’elle ne la fait plus et la fait quand même1, et elle change son organigramme au sommet, comme abondamment décrit par la presse française. Les deux sont peut-être liés.

La nouvelle équipe

Vous savez que le roi Salman, le nouveau roi, défait ce qu’avait fait le précédent, et a choisi les numéros deux et trois dans sa famille proche. Des gamins, puisqu’ils ont respectivement 55 et 30 ans, alors que l’on avait pris l’habitude de voir des octogénaires dont la politique extérieure n’était que financière (voir plus bas) et se contentant de réformes homéopathiques à l’intérieur.

Le bruit court que Mohammed ben Salmane, le nouveau numéro trois, aurait bénéficié pour sa nomination de l’appui des religieux, ce qui mettrait fin à ces réformes homéopathiques et notamment aux bourses d’études pour les États-Unis. En effet de nombreux Saoudiens et Saoudiennes vont actuellement se former dans ce pays et l’on pouvait supposer qu’à terme ils contribueraient à moderniser l’Arabie.

En attendant, ce « gamin » (pour ses oncles éliminés) est non seulement numéro trois, mais aussi ministre de la Défense. Il profite de l’ambiance nationaliste chauffée au rouge par le poids croissant de l’Iran, l’attaque par l’État islamique au nord et l’intervention au Yémen au sud. Espérons pour sa carrière qu’il saura se sortir brillamment de ce bourbier, malgré son inexpérience évoquée par les jaloux.

La France tombe à pic

Dans ce contexte la France est bien vue dans la péninsule et François Hollande a été invité au Conseil de Coopération du Golfe. Sa position plus ferme que celle des États-Unis vis-à-vis de l’Iran a été très remarquée – en veillant néanmoins, semble-t-il, à ne pas faire capoter l’accord sur le nucléaire : nous avons un ministre des Affaires étrangères ayant des qualités diplomatiques et commerciales… Nous appuyons au moins verbalement les monarchies de la région et leur rappelons que la situation internationale les oblige à moderniser leurs armées, en choisissant un fournisseur plus fiable que les États-Unis, trop tenté par l’Iran. Les résultats tombent en Rafale, si j’ose dire, et ce n’est peut-être pas fini.

La fin de l’Arabie du chèque ?

Que faisait l’Arabie avant de montrer les dents ? Elle sortait son chéquier. Elle avait massivement assuré les fins de mois de l’Égypte du général Sissi, éradicateur des Frères Musulmans que l’Arabie poursuit de sa vindicte (alors qu’ils ont longtemps été soutenus par le Qatar). Elle finance les écoles coraniques du Pakistan d’où sortent les talibans et autres djihadistes pakistanais. Cela a déclenché une vigoureuse réaction de ce dernier pays, enfin réveillé par le massacre de 150 enfants par les terroristes. Les États-Unis, pourtant alliés, reprochent à l’Arabie d’avoir financé le terrorisme dans de nombreux pays, et notamment en Algérie. Seraient-ils un peu moins alliés depuis qu’ils n’ont plus besoin de son pétrole, du fait de la production africaine et canadienne, et de celle du gaz et pétrole de schiste sur leur propre territoire ?

Plus généralement nous avons souvent parlé ici des missionnaires wahhabites qui jouent un rôle de plus en plus important dans l’islam mondial. L’Arabie proclame qu’elle ne fait que son devoir en favorisant « le véritable islam » qui doit refouler les croyances locales. Les pays à islam moins littéral n’apprécient pas, et estiment que les djihadistes non seulement sont souvent issus de l’enseignement wahhabite, mais de plus ont gardé des liens financiers avec de riches particuliers ou institutions de la péninsule.

D’où la question : quel est l’avenir de cet « Arabie du chèque » devant les réactions des pays frères, mais aussi suite à la baisse du prix du pétrole et aux dépenses de guerre qui la rendront peut-être moins généreuse ? Même question pour le Qatar, mais là le processus est plus avancé, car ce pays a lâché les Frères Musulmans et a chargé sa chaîne de télévision Al-Jazira de « démontrer » que l’État islamique n’est pas musulman.


Sur le web.

  1. Voir notre dernière lettre, confirmée par des événements survenus depuis.
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  • « Nous appuyons au moins verbalement les monarchies de la région et leur rappelons que la situation internationale les oblige à moderniser leurs armées, en choisissant un fournisseur plus fiable que les États-Unis, trop tenté par l’Iran. Les résultats tombent en Rafale, si j’ose dire, et ce n’est peut-être pas fini. »

    J’ai un problème avec cette partie et son inexactitude.
    En quoi les Etats-Unis ne sont pas un fournisseur fiable ? Et en quoi cela a changé ? Vouloir un accord nucléaire avec l’Iran n’a jamais signifié un changement de camp en direction de l’Iran, accord nucléaire et politique étrangère ne sont pas liés sur ce point, les 2 sont séparés.

    La preuve ? Les USA ont empêché l’Iran de livrer des armes aux Houthis en bloquant leurs navires, et ils va y avoir très bientôt une réunion entre Obama et des dirigeants du Golfe où les pays sunnites recevront de nouvelles assurances écrites de la volonté américaine de protéger ces pays, dont l’autorisation d’achat d’armes très avancées semble-t-il, alors qu’auparavant seul Israël y avait droit.

    L’achat des Rafales est en effet une bonne nouvelle pour la France qui est récompensée de sa position dure et claire, et permet à ces pays de diversifier leur approvisionnement, donc on est tous gagnants, cependant les USA restent de loin les premiers fournisseurs de la région.

    • D’ailleurs au Yémen les USA ont neutralisé celui qui avait revendiqué les attentas de Charlie Hebdo, comme quoi on peut lutter contre les mascarades iraniennes sans aucunement renoncer à faire de l’antiterrorisme. Attendons quelques années pour en juger, mais pour l’instant l’opération au Yémen a toutes ses chances d’être une réussite.

  • « Les pays à islam moins littéral n’apprécient pas, et estiment que les djihadistes non seulement sont souvent issus de l’enseignement wahhabite, mais de plus ont gardé des liens financiers avec de riches particuliers ou institutions de la péninsule » ???
    La majorité des états musulmans ( l’état policier qui veut garder ses privilèges ) apprécient pas mal la version wahabbite de l’Islam, dont une de ses principales doctrines est DE NE JAMAIS DIRE NON A L’EMIR MEME S’IL VOUS PREND VOTRE ARGENT ET VOTRE TERRE, TANT QU’IL EST MUSULMAN MEME S’IL S’AVERE QUE C’EST UN EGARE.
    Les librairies et même les bouquins du programme officiel à l’école sont remplis par la doctrine wahabbite …

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