Le monopole de la Sécurité Sociale, illégal ou non ?

La fin du monopole de la Sécurité sociale, réalité ou non ? Le débat continue à faire couler de l’encre.

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Bâtiment de la sécurité sociale à Rennes (Crédits 01.camille, image libre de droits)

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Le monopole de la Sécurité Sociale, illégal ou non ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 mai 2015
- A +

Par Bernard Martoïa.

Bâtiment de la sécurité sociale à Rennes (Crédits 01.camille, image libre de droits).JPG
Bâtiment de la sécurité sociale à Rennes (Crédits 01.camille, image libre de droits)

Retour sur la portée de l’arrêt C-59/2012 de la Cour de Justice européenne qui opposait la caisse d’assurance maladie BKK Mobil Oil Körperschat à l’office central allemand de lutte contre la concurrence déloyale (Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs).

La France a ratifié le traité de l’Acte Unique du 28 février 1986 portant sur la « finalisation d’un marché unique» concocté par la commission européenne présidée à cette époque par Jacques Delors. C’était le parachèvement d’un processus engagé en 1952 avec la création d’un marché européen du charbon et de l’acier. Il était impensable dans l’esprit des dirigeants européens que ce marché exclut le secteur de la santé. C’est ce qu’a démontré avec constance la jurisprudence de la CJUE à chaque fois qu’elle a été saisie d’une question préjudicielle par un État membre.

En 2008, BKK avait mis sur son site internet une information visant à dissuader les assurés de la quitter :

« Si vous choisissez de quitter maintenant BKK, vous resterez affilié à la nouvelle [caisse d’assurance-maladie obligatoire] pendant dix-huit mois à compter de ce changement. Alors, vous ne pourrez plus bénéficier des offres intéressantes que fera BKK l’année prochaine et vous devrez peut être finalement verser un supplément si la somme attribuée à votre nouvelle caisse ne lui suffit pas et qu’elle prélève en conséquence une cotisation supplémentaire. »

Sommée par l’office central allemand de lutte contre la concurrence déloyale de retirer cette annonce, BKK avait obtempéré. Toutefois, elle contestait la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales en invoquant que celle-ci ne s’appliquait pas à elle en raison de sa qualité d’organisme de droit public ne poursuivant aucun but lucratif.

C’est ce que prétend toujours la Sécurité sociale sur son site en invoquant que la concurrence ne lui est pas applicable parce qu’elle n’exerce pas une activité économique. Dans cet arrêt C-59/2012, la CJUE conclut :

« La directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d’application personnel un organisme de droit public en charge d’une mission d’intérêt général, telle que la gestion d’un régime légal d’assurance maladie. »

La CJUE ne pouvait être plus explicite que cela.

Dans son arrêt du 23 mars 2015, la cour d’appel de Limoges prend le contre-pied de cet arrêt de la CJUE en prétendant que les règles de la concurrence ne s’appliquent pas aux régimes de protection sociale. Par cette interprétation manifestement erronée, la cour enfreint la suprématie du droit européen sur le droit français qui a été reconnue par le Conseil d’État dans l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989.

Si BKK se contentait d’envisager une période incompressible de dix-huit mois pour se désaffilier, la sécurité sociale, de son côté, va beaucoup plus loin.

« De lourdes sanctions pénales (peine de 6 mois de prison et 15 000 euros d’amende) sont prévues à l’encontre de toute personne qui incite les assurés sociaux à refuser de se conformer aux prescriptions de la législation de Sécurité sociale, et notamment de s’affilier à un organisme de Sécurité sociale ou de payer les cotisations dues [L. 114-18 du code de la Sécurité sociale]. Ces sanctions sont aggravées à l’encontre de toute personne qui, par voie de fait, menaces ou manœuvres concertées, organise ou tente d’organiser le refus des travailleurs indépendants à se conformer aux prescriptions de la législation de Sécurité sociale [L. 652-7 du code de la Sécurité sociale].»

En sus de son caractère d’intimidation caractérisée, il s’agit bien d’une pratique commerciale déloyale reconnue par la CJUE dans son arrêt C-59/2012 du 3 octobre 2013. En conséquence, nous demandons aux plus hautes autorités juridiques françaises (Cour de Cassation et Conseil d’État) de reconnaître la fin du monopole de la Sécurité sociale et au gouvernement français de faire enlever du portail de ladite Sécurité sociale cette information erronée visant à dissuader les « consommateurs » de quitter cette « entreprise » selon les termes employés par la CJUE dans cet arrêt reprenant ceux de la directive sur les pratiques commerciales déloyales (Alinéa 27 dudit arrêt).

À l’instar de l’Allemagne qui applique scrupuleusement le droit européen, nous demandons également la création d’un office central français de lutte contre la concurrence déloyale.

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  • le premier algorythme de la surveillance generalisée sera pour identifier TOUS les francais qui consultent un site évoquant le non respect du droit par l’état Francais et les organismes de sécurité sociales…

    Pas pour que le droit soit respecté..

    Mais il s’agit de préserver les interêts economique et financier de toutes les mafias qui se gavent sur le dos de nos assurances sociales…

  • Le texte qui a été voté légalise juste ce qui se fait déjà…sinon, comment la France (et plus particulièrement la fililale Amésys de Bull (désormais racheté Atos)) a pu vendre des équipements de surveillance de masse à toutes les grandes démocraties de la planète.

    Au final, et puisque le jeu (et le « je ») des socialistes de tout bords consiste à détourner le sens des mots – combien désormais confondent libertaire et liberticide (ou libéralisme forcené et capitalisme de connivence) – nous finirons par :
    1/ soit perdre le sens des mots – la masse de la population
    2/ détourner le sens des mots pour leur donner un sens tiers – comme ce qui se fait en Chine pour countourner la censure

  • vous vous posez de drôles de questions , je viens d’être radié de la sécu comme plein de gens ne voulant pas profiter du système lorsqu’ils n’ont pas de revenus soumis a cotisations et moi je cherche à y retourner ..et c’est pas facile , je n’ai pas bac+10 pour remplir le dossier 😉

    • hum vous avez fait comment pour etre radié?

      • rien a faire , c’est automatique après 10 ans sans emploi ou rsa ou retraite , je suppose . il faut que quelqu’un cotise !
        je vais peut être demander l’asile politique 😉

      • Créez une SASU avec le statut de salarié non rémunéré. Vous ne serez affilié dans aucune caisse et les seules « contributions sociales » qu’ont vous demandera seront sur les dividendes. Ces contributions seront contestables dans la mesure où elles sont considérées par le CJCE comme des cotisations sociales et non comme un impôt, et vous avez donc pas à les payer. 15.5% de contributions qui sauteront.

        • Enfin, ça c’est la théorie, hein et ils chercheront à vous faire cracher au bassinet comme tout le monde 😉

  • Est « illégal », de facto, ce qui pourrait miner leur pouvoir.

    Donc, si les financements de la Sécu sont menacés, alors le « droit » sera ajusté, modifié au besoin.

    Il est vain d’attendre une décision de « justice », ou des « réformes ».

    Seule la réduction d’autorité des financements du Leviathan… l’asphyxiera et provoquera sa disparition, et donc notre libération.

    Les leviers on les connaît :
    -expatriation
    -réduction des revenus, de la consommation, des investissements

    Vous vivrez beaucoup mieux, avec davantage de temps, vous retrouverez le sens de l’essentiel… et vous mettrez à mort la Sécu, l’Etat… tous ces mots orwéliens, vidés de leur sens, et qui ne désignent en fait qu’une seule et même entité : un groupement mafieux d’intérêts bien privés qui se cache derrière la notion de « public ».

  • Très bonne analyse. Précisons qu’il s’agit de la décision de la Cour d’appel de Limoges du 23 mars 2015 (et non 25 pour ceux qui voudrait la retrouver) et que les peines encourus pour incitation etc… ont été doublé en début d’année avec 30.000€ d’amendes et 2 ans de prison.
    Pour comparaison, inciter à ne pas payer ses impots c’est seulement 3750€ d’amende et 6 mois de prison.
    Le monopole de la sécu est chèrement défendu !

    • Je sais que c’est pas bien de souhaiter le malheur des gens, mais je vais sauter de joie, quand je vais savoir tout ce beau monde au chômage.

  • bon courage, mais ce sera difficile d’obtenir autre chose qu’un renforcement, par le législateur français, du monopole de la sécu.
    vous oublier que nous sommes un pays socialo-communiste depuis longtemps si on se réfère à la définition ancienne de VGE.
    Outre un gouvernement en place hostile(mais cela peut changer), il existe une énorme machine étatique, syndicale, et médiatique dont l’inertie complaisante ressemble à un rouleau compresseur.

  • merci pour cet éclairage juridique
    maintenant j’ai envie de dire c’est bien beau sur le papier mais on fait quoi dans la pratique??
    je vois un reel sentiment d’impuissance qui s’installe…

  • @reacttude La MUTUA MADRID en ESPAGNE- vous assure à 295Euros par timestre le TOTAL, c’est à dire dents et médecins et hospitalisations et médicaments – dans le monde entier.
    C’est bien moins cher que ces assurances britanniques à 395Euros par mois.

    • Vous parlez de mutua.es? Dommage c’est tout en espagnol pour s’y retrouver et souscrire c’est moins évident que amariz en fr ou en.
      Si vous avez des infos je suis preneur merci.

    • Bonjour,

      Vous êtes assuré par Mutua.es tout en étant citoyen français ?
      Ça m’intéresse…Merci d’en dire un peu plus.

  • Finalement sur ces bases le MLPS et/dont Laurent C auraient les moyens de faire une action de groupe sur ce sujet.

    S’ils ne l’ont pas déjà il faut absolument leur passer l’information

    • Une action de groupe à la française n’est pas une class action à l’américaine, c’est une action en justice lancé par l’une des 15 associations autorisées par la loi. Les associations sont : CNAFAL, CNAFC, CSF, Familles de France, Familles rurales, UNAF, Adeic, AFOC, Indecosa-CGT, ALLDC, UFC-Que choisir, CLCV, CGL, CNL et Fnaut.
      Vous en voyez une qui se préoccupe de la légalité du monopole de la Sécu ?

  • « criminaliser l’incitation à la désobéissance » c’est ce que les socialistes appellent ailleurs « le consentement à l’impôt »…

  • Cette « analyse juridique » est malheureusement totalement erronée.

    Dans son arrêt la cour d’appel de Limoges n’enfreint pas la suprématie du droit européen sur le droit français. Elle rappelle qu’en droit français il y a monopole de la Sécurité sociale.

    L’arrêt de la CJUE affirme pour sa part que lorsqu’il n’y a pas monopole les organismes qui sont chargés de gérer un régime légal d’assurance-maladie doivent appliquer les règles de la concurrence, même s’ils sont de droit public. Et donne raison à l’office allemand de la concurrence qui avait forcé une caisse publique à modifier un avertissement tendancieux.

    Ni plus. Ni moins.

  • « Analyse juridique » malheureusement totalement fausse.

    En aucun cas la cour d’appel de Limoges n’enfreint la suprématie du droit européen sur le droit français. Elle rappelle seulement qu’en France le régime légal de sécurité sociale est géré par des monopoles définis par la loi pour chaque catégorie de bénéficiaires.

    L’arrêt de la CJUE pour sa part précise que lorsqu’il n’y a pas monopole, les organismes assurant la gestion d’un régime légal d’assurance maladie doivent s’abstenir de pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs , même si ils sont en charge d’une mission d’intérêt général et de droit public. Et donne raison à l’office allemand de la concurrence qui avait demandé à une « caisse » publique de rectifier son discours tendancieux. En fait celle-ci contestait la légitlmité de l’intervention de cet office.

    Ni plus.Ni moins.

    Pas la peine de créer un office français de la concurrence. Il existe déjà.C’est l’Autorité de la Concurrence. Il est plutôt efficace.

    Mais il ne peut intervenir lorsque la loi érige le monopole.

    • que répond le rédacteur de l’article?

      • voici mon argumentaire sur le site de Reichman concernant l’arrêt de la cour d’appel de Limoges

        http://www.claudereichman.com/articles/martoialafrancehorslaloi.htm

        ainsi que mon dernier article sur le sujet

        http://www.claudereichman.com/articles/martoialemonopoleestillegal.htm

        • Merci de votre réponse

        • Je ne suis pas un partisan des monopoles.

          Mais je persiste : il est vrai que le droit européen prime sur le droit français. Mais rien dans l’arrêt cité ne permet de conclure que le monopole accordé en France à certains organismes pour gérer le regime légal de securite sociale de certaines catégories est contraire au droit européen.

          Quant à l’idée du dernier article selon laquelle le gouvenement aurait implicitement reconnu l’absence de monopole en utilisant le terme « Un organisme  » pour remplacer dans la loi  » La » sécurité sociale il ne tient pas. Il suffit de lire les deux versions avant et après données par l’article pour constater que cette mention d’ « Un organisme » a toujours existé. D’ailleurs dans le regime etudiant il y en a bien plusieurs…

          Ce n’est pas sur le plan du droit qu’il faut se placer.

          Mais il est faux de conclure de l’arrêt mis en avan

          Mais il est tou fallaci

          L’argumentation du dernier article repose sur

        • Pour poursuivre dans l’explication de pourquoi vous faites fausse route en vous plaçant sur le plan juridique.

          Un de vos arguments est que le la CJE aurait qualifié la caisse allemande mise en cause d' »entreprise ». Donc les caisses de sécurité sociale seraient des entreprises. Et en tant que telles soumises à la concurrence.

          La CJE ne dit pas cela.

          Elle prend acte du fait que la directive sur la concurrence déloyale utilise effectivement le terme d’entreprises. Mais, à la caisse allemande qui plaidait le fait que cette directive ne s’appliquait pas à elle car elle n’était pas une entreprise elle répond que sur le fond la directive vise à la concurrence loyale et que dès lors que la caisse est effectivement en concurrence elle dot respecter les mêmes règles de concurrence que les entreprises.

          Autrement dit, les « entreprises » visées par cette directive sur la concurrence loyale ne sont pas que les entreprises stricto sensu mais toutes les entités en concurrence.

          Ce n’est pas nouveau car la notion d’entreprise prévue aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, a été définie par la jurisprudence communautaire comme s’entendant de toute « entité qui exerce une activité économique indépendamment du statut de cette entité et de son mode de financement », ce qui recouvre donc indifféremment les structures de droit public et de droit privé

          Ce principe est directement dans le droit français à l’article L. 410-1 du code de commerce, qui prévoit que les règles de la concurrence « s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques (…) ».

          Mais une fois de plus certaines activités de nature économique peuvent être en monopole légal. Qu’il s’agisse du transport par chemin de fer, de la distribution d’électricité, de l’impression des cartes d’identité ou de la gestion des régimes d’assurance maladie.

  • En France il y a déjà l’Autorité de la concurrence. C’est une autorité administrative indépendante, spécialisée dans le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, l’expertise du fonctionnement des marchés et le contrôle des opérations de concentration. Au service du consommateur, elle a pour objectif de veiller au libre jeu de la concurrence et d’apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international.

    http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=421

  • Toujours les mêmes non sequitur énormes. En l’occurrence ici de considérer que ce que raconte la CJUE sur les « pratiques commerciales déloyales » implique l’illégalité du monopole. Il ne s’agit même pas des mêmes directives…

  • Qu attendez vous pour saisir la cour européenne ?

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