Le patrimoine fantôme des Français

Si vous bénéficiez du système de retraite public, vous êtes réputé pauvre. Si vous constituez le capital nécessaire à produire les mêmes effets, vous êtes réputé riche.

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Le patrimoine fantôme des Français

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 avril 2015
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Par Guillaume Nicoulaud.

Casper friendly ghost credits stu_wp (CC BY-NC 2.0)
Casper friendly ghost credits stu_wp (CC BY-NC 2.0)

 

Combien vaut le versement, garanti par l’État, d’une rente de 12 000 euros par an pendant les 20 prochaines années ?

Au 31 mars 2015, ça valait un peu plus de 227 000 euros.

On sait calculer ce genre de choses assez facilement : il suffit d’actualiser ces revenus futurs sur la base d’une courbe zéro-coupon1 et de faire la somme des valeurs obtenues. Conceptuellement, ça revient à calculer le montant qu’un individu devrait investir aujourd’hui sur des obligations zéro-coupon2 pour s’assurer, avec une garantie équivalente à celle de l’État, qu’il touchera bien 12 000 euros, capital et intérêts, l’année prochaine et les dix-neuf qui suivront. Sur la base des taux du 31 mars 2015, il fallait un peu plus de 227 000 euros pour espérer obtenir cet effet ; on en déduit donc que la valeur actuelle de cette rente est de 227 000 euros.

Si j’en crois les révolutionnaires fiscaux, avec un patrimoine de 227 000 euros, vous faites partie des 18% des Français les plus riches.

Et maintenant, considérez le cas théorique d’un individu qui, selon l’administration fiscale (et selon les révolutionnaires fiscaux) dispose d’un patrimoine de zéro – il n’est pas propriétaire de son logement, sa voiture ne vaut plus rien et son compte en banque est désespérément vide (etc.) – mais qui partira à la retraite l’année prochaine avec une pension de 1 000 euros par mois et une espérance de vie à la retraite de 20 ans.

En principe, vous devriez me voir venir. Concrètement, nos retraites sont des rentes garanties par l’État et à ce titre ont une valeur patrimoniale qui est loin d’être négligeable. Jugez du peu : une retraite de 1 000 euros par mois, c’est loin d’être Byzance mais ça correspond tout de même à ce que peut produire un capital de 227 000 euros au regard du niveau actuel des taux. Seulement voilà : l’État – admettez que c’est piquant – estime que ça ne vaut rien.

Et encore, 227 000 euros c’est une estimation très conservatrice parce que notre système de retraite recèle quelques aménagements supplémentaires qui rendent nos droits encore plus précieux : votre pension est garantie à vie3, elle est protégée contre l’inflation et, bien sûr, le régime fiscal de ce patrimoine invisible est infiniment plus doux que celui qui s’applique à ceux qui ont l’outrecuidance de capitaliser.

Autrement dit, si vous bénéficiez de notre système de retraite public vous êtes réputé pauvre tandis que si vous constituez vous-même le capital nécessaire à produire les mêmes effets, vous êtes réputé riche. Autant dire qu’au regard des montants en jeu, les données sur le patrimoine des Français dont on nous abreuve régulièrement sont fausses et pas qu’un peu.


Sur le web

  1. J’utilise la courbe zéro-coupon de l’EIOPA – un grand merci à Fabrice Borel-Mathurin pour le lien !
  2. On utilise des taux zéro-coupon afin de contourner le problème du réinvestissement des coupons d’obligations classiques.
  3. Et peut même, dans certain cas, être étendue partiellement à votre conjoint.
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  • Vous dénoncez ce que tout le monde sait mais, votre texte est simple et clair pour ne dire limpide, ainsi expliqué, je pense que vous pourriez être compris des plus obtus en la matière (si si !).

    Quant à la garantie des retraites par l’état, c’est la douce illusion qui berce la plupart des français, salariés du public ou du privé, travailleur indépendant inclus. Tous ceux-la oublient un peu vite l’Espagne, le Portugal, la Grèce, etc.. L’état, au mieux, garanti une pension mais en aucun cas son montant, l’état peut décider à tout moment de dévaloriser les pensions retraites selon ses besoins en liquidités qui sont hélas croissants.

    La retraite, comme la sacro-sainte protection sociale, coûtent des milliards aux citoyens en prélèvements obligatoires, pour des reversements qui vont en diminution sinon nuls, seuls les plus aisés peuvent encore faire un complément auprès d’organismes privés, les plus pauvres, ceux à qui s’adresse normalement cette pyramide de Ponzi, se voient paupérisés.

    Reste nos élus et fonctionnaires (souvent les mêmes) pour qui ce système est profitable, à croire qu’il n’a été fait que pour eux.

    Le socialisme d’état ce n’est bien que dans les intentions, jamais dans les faits, et pourtant il perdure.

  • Excellent article. On néglige trop souvent le capital nécessaire à l’établissement d’un rente du public.
    S’il fallait provisionner chaque année les rentes futures des fonctionnaires, l’endettement public aurait déjà dépassé le rapport dette/budget de 100%. Quand on sait ce que signifie le PIB, c’est inquiétant 🙁
    Et pour la part de l’état au PIB, ce ne serait plus 57.5% mais sans doute plus de 60%.

  • Je n’ai pas bien compris comment on peut avoir simplement avoir une rente de 12k/an en investissant 227k ?
    5.3% de rendement ça laisse rêveur par les temps qui courent.

  • Traduction pratique:
    Le capital correspondant à la retraite par répartition n’est pas soumis à l’ISF.
    Contrairement à la rente servie à partir du capital que vous avez pu épargner…

  • J’ai rien compris, tout le monde a droit à une retraite? Si vous capitalisez en plus 227 000 eur vous avez au total 454 000 eur, à l’heure actuelle on ne choisit pas uniquement retraite versée par l’état ou uniquement retraite par capitalisation. On a bien les 2, non?

    • Puisque vous êtes une femme, vous êtes forcément jeune, donc vous n’aurez pas la répartition puisque le système sera en faillite avant, ni la capitalisation — si vous y cotisez — qui vous sera chyprée.

    • Bien sur on a le droit au deux.
      L’auteur montre simplement que l’état ne les considère pas de la même manière les deux « capital retraite » alors qu’il sont équivalent en terme patrimonial (à la différence près que pour l’une on sort par rente viagère et l’autre par capitale).

    • et non, beaucoup on une toute petite retraite(commerçant, agriculeur,…) compensée parfois heureusement par un peu d’épargne .
      A cause de cette épargne l’auteur montre qu’ils peuvent être faussement considérés comme plus riche

    • Je suis désolée monsieur, je comprend très bien le système des retraites mais ni l’objectif de cet article qd à vos commentaires, oui et …..
      @ Michel: très beau jeu de mot 🙂

      • La retraite est garantie par le minimum vieillesse.
        Ce minimum veillesse est de 800 euros par an.
        Cette somme de 800 euros par mois, pour être versée mensuellement nécessiterait d’avoir bloqué 320 000 euros en considérant qu’il s’agit d’intérêts à 3% sur ce capital.

        Aujourd’hui, les taux d’intérêts sont plutôt à 1%, la valeur d’une retraite « de misère » est donc de 960 000 euros. Pas trop loin de la valeur à laquelle on commence à taxer à l’ISF.

        Les français sont bien tous aussi riches que bien de ceux qu’ils envient en les croyants riches.

        L’auteur a tout à fait raison de signaler la toute relativité de cette chasse à la richesse qu’Hollande a lancée.

        D’ailleurs pour verser la future retraite de 30.000 euros mensuels de ce président, il faudrait bloquer 36 Millions d’euros (une belle startup).

        Très généreux pour celui qui a détruit 1M d’emplois et qui n’aime pas les riches.

  • Espérance de vie quand on prend sa retraite : 20 ans, c’est pour le Privé. Pour le Public, c’est 30 ans.

  • On peut aussi calculer ce que représentent en capital les retraites dorées de nos élus.

  • On a un peu de mal avec ce calcul. Si on veut obtenir 1000 d’un capital avec un taux de 1%, sans toucher au capital, on doit disposer de 100 000 déjà épargnés. Pour obtenir 12 000 par an, il est nécessaire de mobiliser 1,2 million. Après, on peut faire varier le taux ou ce qu’on espère obtenir d’un capital hypothétique, mais le calcul reste identique.

    Le principe de la retraite par répartition, c’est qu’on ne touche jamais au capital puisque, par définition, il n’y a pas capital. Sinon, on n’appellerait pas ça répartition mais capitalisation. Donc, l’équivalent en capital à retenir pour toucher 12 000 par an à 1% dans le cadre de la répartition, c’est bien 1,2 million et non 240 000 au départ.

    • attention, là on parle d’une rente au terme de laquelle le capital est entièrement consommé, alors que vous évoquez le cas où ce capital est conservé et qu’on ne consomme que les intérêts produits. Évidemment ça n’a rien à voir et la seconde somme est bien plus forte que la première.

      La « répartition » est une escroquerie intellectuelle : si vous avez des droits financier vous avez un capital. Le fait que ce capital ne soit pas sous forme de titre type obligations ne change rien (et cet article le rappelle d’ailleurs très bien). Le capital, en l’occurrence, c’est le droit de racketter les actifs. De sorte que le terme correct pour désigner la répartition c’est « mafieux » ou « esclavagiste ».

      Et bien sûr on y touche, au capital, en répartition : le jeune actif commence avec un monceau de dettes, qu’il réduit progressivement, puis il commence à accumuler jusqu’à un maximum à la veille de sa retraite, après quoi ça descend progressivement à zéro. Progressivement, ou … brutalement, le jour où l’État fait faillite.

      • Mon propos avait pour but de montrer que la répartition est une rente hors capital, puisqu’il n’y a pas de capital. C’est l’expression du fameux « capitalisme sans capital » défendu par les collectivistes obtus qui pullulent en France. Si on souhaite calculer le capital fictif nécessaire pour obtenir un effet équivalent à celui de la répartition, il convient de retenir cette méthode plutôt que celle de l’auteur. Pour avoir l’équivalent de 1000 euros de retraite par répartition, le capital de départ nécessaire est bien 1,2 million à 1%. Les rentiers de la répartition qui touchent 1000 ou plus par mois vivent comme des millionnaires qui s’ignorent. Pour 15 millions de retraités, la répartition nécessite de stériliser l’équivalent de 15 000 milliards que le reste du pays finira par payer sur la durée, d’une manière ou d’une autre. Un tel gâchis de capitaux est tout simplement intenable sur la durée.

    • en epuisant le « capital »…
      12 000 pendant 20 ans font juste 240 000 euros…

      • sinon 1,2 millions la retraite c’est 1000 euros maintenant, pour toujours pour une personne…

      • oui, et ?
        Vous avez juste oublié le supplément que vont apporter les intérêts du capital.
        De sorte que 227 000 € suffisaient quand l’article a été écrit.

    • De toutes manières, avec les aléas sur les taux, il vaut mieux partir sur la consommation du capital.
      Et puis pourquoi laisser du capital à l’état ?
      J’en connais aux States qui font des donations pour que l’état ne touche rien.

  • Vous pouvez pousser le raisonnement un poil plus loin.

    Quelqu’un qui a fait sa carrière en dehors de France et dont la retraite sera quasiment égale à zéro va se heurter à un gros problème en rentrant en France: Les sous mis de côté en vue de l’indispensable retraite seront très probablement soumis à l’ISF si ce quelqu’un dispose d’immobilier en France.

    Dans mon cas, la valeur de mon immobilier est à la limite du plafond de l’ISF.
    Pour me servir €10.000/mois – avant impôt et CSG bien entendu – il faudrait ajouter à cela un capital de €2,770M.
    Cela porterait l’assiette de l’ISF à €3,180M, soit un impôt d’environ €17,400 (14.5% du Revenu)

    En sus de l’ISF il faudra régler impôt et la CSG correspondants à ces €120.000 de Revenu. Soit environ €43.300 si mes calculs sont corrects.
    Bref, au total près de €60.700/an d’impôt – soit 50.5% d’impôt et un revenu net de moins de €5.000/mois.

    On comprend mieux pourquoi tant de retraités quittent la France.
    Cette fiscalité punitive fait partir les entrepreneurs (j’en suis) depuis des années et interdit aussi à ces derniers de prendre leur retraite dans leur pays sauf à se faire traire.

    On peut très confortablement au Maroc, Thailande, Ile Maurice, Portugal etc. avec €5,000/mois et avoir encore €60,000 à dépenser.
    Avec €5,000/mois en France le train de vie est a des années lumières.

  • AH MAIS NON (pour le titre et la conclusion ; le reste est OK)

    Si le fisc comptabilisait le capital équivalent retraite, il lui faudrait en sens inverse déduire ce que les actifs « doivent », d’une valeur rigoureusement égale mais de sens opposé, et pour un total patrimonial de ZÉRO.
    L’impact sur le patrimoine de la population est nul (*) et votre dernière phrase et le titre de l’article sont faux.

    ET
    un capital « Madelin » pour sa future retraite n’est pas non plus compté pour l’ISF. Il y a des conditions (le fisc reste le fisc, n’est-ce pas …) mais pas assez pour qu’on puisse dire que le capital est martyrisé par rapport à une rente des organismes retraites.

    (*) en toute rigueur on peut chipoter sur les marges : actifs cotisant non français, retraités du système français mais vivant à l’étranger ….

    • Les rentes viagère sont par défaut comptabilisées et soumises à ISF en équivalent capital. Celle qui ne le sont pas, le sont par niche fiscale qui peut disparaître du jour au lendemain, on en a l’habitude.
      Je n’ai pas le lien du texte fiscal officiel mais on trouve les infos partout sur le net. http://votreargent.lexpress.fr/impots/isf-quelles-sont-les-regles-a-respecter-pour-evaluer-son-patrimoine_1584095.html

      • oui, c’est bien ce que je dis.
        Évidement, toute niche fiscale peut disparaitre d’une année à l’autre (pas du jour au lendemain quand même, hein…) mais ça s’applique tout autant aux rente des pension de retraite, qui sont AUSSI une niche fiscale.

    • Le fisc n’a jamais rendu l’ISF a ceux qui avaient un capital négatif.

      Ni des impôts à ceux qui ont des revenus variables et qui ont gagné moins, que ce qu’ils ont dépensé pour assurer leurs charges annuelles fixes.

      çà se saurait…

    • En plus tous les salariés ont un capital retraite, garanti par promesse par le système, dès leur premier trimestre de cotisation.

      La promesse des retraites futures n’est que du plus, il n’y a pas de négatif à déduire par le fisc.

  • Au barême de l’ISF, 1 € de Rente annuelle vaut, à 62 ans : 19,55 €. Ce qui implique qu’un rentier du même àge devrait aliéner un capital de 235.000 € (vente en viager libre de son appartement par exemple) pour espérer un revenu mensuel de 1.000 €.
    Donc la même retraite d’un salarié versée par une caisse (SS,Compl…etc) équivaut selon les Services Fiscaux au même capital et celà quoique ce retraité n’ait jamais rien épargné.

    • Je ne comprends pas votre message Yago.
      La rente viagère, pour les services fiscaux, entraine l’imposition à l’ISF de l’équivalent capital de cette rente, en plus de l’imposition sur les revenus, CSG… de la rente elle même.
      La retraite par répartition ou les pensions de l’Etat n’entrainent en aucun cas cette imposition à l’ISF de cet équivalent capital de la pension ou retraite. C’est là le scandale le plus important.

  • Avec la nuance que la retraite est un capital potentiel mais non acquis (si vous mourez après 2 ans de retraite vous ne toucherez qu’une partie du ‘capital’ retraite), alors que si vous vous êtes constitué vous-même votre capital, il vous appartient (enfin à vous successeurs), si vous mourrez après 2 ans de retraite.

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