Philippe Nemo : « La beauté d’une société libre »

Selon Philippe Nemo, il existe une relation entre la beauté et la liberté, et a contrario une relation entre le socialisme et la laideur.

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Philippe Nemo : « La beauté d’une société libre »

Publié le 30 mars 2015
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Par Francis Richard

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Philippe Nemo invité de l’Institut Libéral à la Société de Lecture de Genève – Crédit photo : Francis Richard (tous droits réservés)

 

Jeudi 26 mars 2015, il est dix-neuf heures passées. Nous sommes dans le Grand Salon Jaune de la Société de Lecture de Genève, laquelle se trouve dans un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle, au 11 de la Grand-Rue, dans la vieille cité. Un lieu magique qui fait rêver avec sa bibliothèque de 400 000 volumes… Après une brève présentation de Philippe Nemo par Pierre Bessard, directeur de l’Institut Libéral, l’auteur d’Esthétique de la liberté commence sa conférence sur « La beauté d’une société libre ».

L’idée d’écrire son livre est venue à Philippe Nemo lors d’un séminaire en Italie, à Dogliani, où il avait été invité à s’exprimer sur le thème de l’anthropologie de la liberté, en octobre 2011. À cette occasion il avait pu établir la relation entre la beauté et la liberté, la beauté et le libéralisme. Et a contrario la relation entre le socialisme et la laideur.

Tout était en fait parti d’une fable de La Fontaine, Le loup et le chien. Où le loup, tout maigre et efflanqué qu’il est, apparaît beau, tandis que le chien, gras et poli, apparaît laid. Le premier est en effet libre, tandis que le second a le cou pelé par le collier auquel il est attaché…

Philippe Nemo part de trois points :

  1. Avec les philosophes grecs et chrétiens, et avec Kant, il apparaît que le vrai, le bien et le beau ne peuvent être poursuivis que dans la liberté. Avec Orwell, Arendt, Hayek et Zinoviev, que la laideur est la marque de la servitude.
  2. Il existe un lien étroit entre l’être et l’avoir : la propriété privée permet de conserver ce que nous avons et ce que nous sommes, alors que le collectivisme confond les avoirs et empêche les êtres de se différencier.
  3. Le voyage, qui comporte de l’imprévu, change l’être et révèle à nous-mêmes ce que nous sommes.

 

Conclusion : seules les sociétés libérales permettent de donner un sens à la vie.

Barry Smith, philosophe britannique qui enseigne à l’université de Buffalo, définit ainsi le sens de la vie : créer une forme originale qui modifie le monde et qui est constatée par des témoins extérieurs. Exemples : Beethoven, Mahomet, Alekhine (joueur d’échecs), Faraday ont donné, dans cette acception, un sens à leur vie… Or, seules les sociétés libérales, c’est-à-dire libres, maximisent les chances qu’un individu pris au hasard donne un tel sens à sa vie.

Libéralisme Socialisme - René Le Honzec - Contrepoints337Philippe Nemo conteste cependant qu’il soit besoin de témoins extérieurs pour créer une œuvre originale qui donne du sens à la vie. Celle-ci peut avoir un sens sans conscience et inversement. Ce qui compte, c’est le commerce avec les idéaux de l’esprit, une œuvre pouvant être créée en réalité sans conditions. Une vie, si brève soit-elle, a d’ailleurs de la valeur si elle a plu à Dieu…

Pour Philippe Nemo, ce qui importe, c’est donc de poursuivre les idéaux de l’esprit : il faut ainsi préférer le bien au mal et aimer la vérité quand bien même elle n’est pas reconnue. Pour ce qui est de la beauté, il s’agit là d’un idéal de l’esprit différent des deux précédents.

Il existe en effet deux conceptions de la beauté :

  1. Platonicienne : la beauté est transcendante, elle n’est pas fonctionnelle.
  2. Aristotélicienne : toute découverte est merveilleuse, elle rend semblable à Dieu, elle est le signe de la perfection, c’est-à-dire étymologiquement de ce qui est fait entièrement.

 

Dans les deux conceptions, c’est l’idée d’éclat qui ressort. Le sage rayonne par sa beauté morale (les Grecs parlent de καλοκἀγαθία, Cicéron d’honestas) : le sage est bel et bon, il pratique les vertus.

Pour que la beauté puisse éclore il y a nécessité d’un contexte. Ce contexte pour l’Homme doit favoriser l’exercice par lui des quatre vertus cardinales que sont la prudence, la tempérance, la force d’âme et la justice. Mais la première de ces vertus est encore la justice, parce que les autres s’ensuivent.

Il existe deux sortes de justice :

  1. La justice distributive (selon le mérite)
  2. La justice commutative (où il y a égalité dans les échanges)

 

On ne peut être pleinement juste que dans la cité. On ne peut pas être homme dans son coin. On ne peut pas l’être dans une société de servitude.

Dans sa Somme théologique, sur 3000 pages, Saint Thomas d’Aquin en consacre 2000 à la morale et il passe en revue vertus et vices. Parmi les vertus connexes :

  • la véracité peut se définir comme la propension à dire le vrai : la société socialiste favorise au contraire la tromperie sur la marchandise par l’irresponsabilité ;
  • la libéralité consiste à donner un peu plus que ce que l’on doit : on ne peut pas être libéral dans ce sens-là si l’on ne possède rien ;
  • l’esprit de paix reconnaît que la prédation n’est pas payante : il est difficile de commercer en cas de guerre et commercer, c’est renoncer à la violence ;
  • la tolérance revient à laisser autrui faire ce qu’il veut et à ne pas se préoccuper de ce qu’il fait : les socialismes, au contraire, sont intolérants, par construction, puisqu’ils font des comparaisons entre ce que possèdent les gens.

 

richardToutes ces vertus ne peuvent donc se développer que dans le contexte d’une société libre où on aime produire et non pas dans celui d’une société socialiste où on fait du lobbying, ce qui se traduit par un amoindrissement de l’humain.

Philippe Nemo termine par les trois vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité. Ce ne sont pas des vertus qui sont en elles-mêmes favorisées par la société libre, mais il est tout de même plus facile de les y pratiquer que dans la société socialiste.

Répondant à des questions, Philippe Nemo remarque qu’en France les adversaires du libéralisme ont réussi leur coup en prenant l’école. Si la gauche a perdu en fait la bataille des idées, elle n’en possède pas moins les institutions, qu’elle détient le pays légal et qu’elle n’écoute pas le pays réel…

François Hollande a déclaré qu’il ne lisait pas de livres. En sortant de La Société de Lecture, je fais remarquer à Philippe Nemo la phrase latine – elle est de Saint Thomas d’Aquin -, inscrite sur son frontispice : « Timeo hominem unius libri », c’est-à-dire « Je crains l’homme d’un seul livre ». Il me fait remarquer en retour que c’est une phrase qu’un musulman ne devrait en principe pas apprécier… Je lui réponds qu’il faut de toute façon craindre davantage l’homme d’aucun livre…


Sur le web.

Lire aussi : Esthétique de la liberté de Philippe Nemo

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  • Le socialiste persiste à faire passer le cube dans l’ouverture ronde, ce qui pose un problème. Du coup, il saisit le marteau pour forcer le cube qui du coup passe, sous l’œil émerveillé devant tant d’intelligence de papa et maman socialistes.

    Devenu adulte, comme Maduro, il fera mitrailler la foule, assassiner les opposants. En fRance, le petit (monstre) grandit jour après jour, rognant sur toutes libertés, imposant sa présence partout, stigmatisant des parties de populations tout en les accusant de stigmatiser.

    C’est pour cela que le socialisme ne peut être que laid 😉

  • Vous oubliez Gagarine, Karl Orff, Prokofiev, Alekseï Pajitnov … ou dernièrement, Grigori Perelman !
    Ha flûte, ils ne rentrent pas dans votre schéma. Pas grave, on en est pas à un grand écart près. Par ailleurs, il y a tout un tas de génies dans l’histoire qui ne répondent pas aux critères énoncés.

    C’est dommage, parce que j’aurai été volontiers d’accord avec cet article.

    A propos de grand écart, Philippe Nemo doit parler avec une voix supra-aigue :
     »
    Conclusion : seules les sociétés libérales permettent de donner un sens à la vie.
     »
    entre les trois points et la conclusion, le raccourcit est énorme ! 🙂 bien que je pense que dans le texte original, ça doit être bien mieux argumenté que ça. Au Cambodge, j’ai vu des femmes emmenées à l’usine par bétaillères entières, dans des bennes de camion. Si c’est un sens à des vies, ce n’est pas le sens que je souhaite donner.

    Les sociétés libérales permettent, plus que d’autre, de rétribuer au mérite, ce qui est un très bonne chose: mais pas la peine de se congratuler à tours de bras, le système est loin d’être parfait. Par exemple, la réciproque n’est pas vraie : un bon salaire, ou une forte rétribution, n’est pas forcément méritée !

    Quand à La Liberté (l’autre face de la pièce mythique « Vérité »), à défaut d’être espoir, elle est surtout illusion. Il n’y a qu’à lire un bouquin sur l’économie comportementaliste pour s’en convaincre.

    Et enfin, pour la beauté, il y aurait bien une troisième explication (qui par ailleurs, est indissociable de son contexte) :
    – un effet de bord des du fonctionnement du cerveau ?
    La beauté et le gout sont d’abord l’expression de l’identification sociale. Les neurosciences le prouvent chaque jour.

    • Je ne comprends pas votre critique.

      Elle n’est pas en rapport avec la thèse de Némo…
      Je crains que vous n’ayez compris ce qu’il exprime qu’à concurrence de ce que j’ai compris de votre long commentaire abscons.

  • Très belle synthèse d’un orateur dont on connaît l’amour des digressions, merci 😉

  • euh c’est une blague de dire que liberté vont avec beauté…. Je vais aller faire réviser mes yeux, ils sont où les beaux libéraux????

  • En architecture la laideur socialisteS peut confiner au sordide . moi je trouve que cette école de l’ Isère dont il est question dans l’ édito de ce jour est laide
    J’ ai bati ma maison en pierres de pays tendres et sèches c’ est beau évidemment mais il faut du temps , un peu plus d’ argent et surtout , SURTOUT avoir la gnass
    Je vis mieux dans la Beauté

  • Si j’en crois l’article, Nemo oublie les sociétés ni libérales ni socialistes. L’Inde et la Chine traditionnelles n’étaient guère libres mais produisaient de nombreux chef d’oeuvres.
    Les sociétés esclavagistes, telles les Cités grecques où les philosophes définissaient tant qu’ils voulaient les vertus, regorgeaient de chefs d’oeuvres… ce qui me fait penser que peu importe que toute la société soit libre mais qu’il suffit qu’une mince couche, ni esclaves ni femmes, le soient.

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