Nigeria : Élection présidentielle à haut risque

Violences de Boko Haram, insécurité, corruption, économie en état critique : le Nigeria vit ce week-end une élection sous tension aux enjeux importants.

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Nigeria : Élection présidentielle à haut risque

Publié le 29 mars 2015
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Par Japheth J. Omojuwa, depuis le Nigeria.

Goodluck Jonathan at CHOGM 2011 - Credits The Commonwealmth (CC BY-NC-ND 2.0)
Goodluck Jonathan at CHOGM 2011 – Credits The Commonwealmth (CC BY-NC-ND 2.0)

 

L’insécurité nationale, l’économie et le défi de la corruption auraient dû dominer les débats des élections au Nigeria de 2015, mais ces questions ont été reléguées au second plan face aux trivialités remontées à la surface au cours des dernières semaines. L’élection présidentielle se déroule aujourd’hui, 28 mars, sur fond de violences et de problèmes techniques dans le déroulement du scrutin. Pourtant, aucun des principaux candidats, ni le président sortant (Goodluck Jonathan) ni le challenger, l’ancien Major Général (Muhammadu Buhari), ne se sont engagés dans quelque débat que ce soit. Ils ont chacun séparément tenté de dominer l’espace médiatique. En l’absence de cette volonté de débattre, il sera utile d’examiner ici des questions cruciales concernant le développement du pays.

La dernière expérience démocratique du Nigeria a démarré en 1999 et les dernières seize années ont été la plus longue période démocratique de la nation. Il y a un semblant de stabilité au centre. Les élections 2015 sont susceptibles d’offrir le plus grand test d’autant que la probabilité pour le Parti au pouvoir (Parti démocratique populaire, PDP) de perdre devant le principal parti d’opposition (le Parti du Congrès de tous les Progressistes, APC) est la plus élevée depuis le début de son leadership au Nigeria en 1999.

Les enjeux sont importants au point que le secrétaire d’État américain, le sénateur John Kerry, s’est rendu le 25 janvier dernier à Lagos, en dépit de ses engagements à Davos, pour exhorter les principaux candidats à respecter les principes de la justice et de la non-violence lors des élections. Le défi du Nigeria avec le groupe terroriste, Boko Haram, est un autre sujet au menu. Malgré la déclaration du président que l’intégrité du scrutin ne serait pas compromise, un report politique a été effectué le 8 février dernier.

Ce sont des moments risqués pour le Nigeria et les élections ne sont qu’une scène dans un film qui avait duré longtemps après que les élections se soient achevées et les résultats annoncés. La chute des prix du pétrole a pris au dépourvu le Nigeria. Le Naira continue son plongeon face au dollar américain, les taux d’intérêt sont plus élevés que jamais, le temps nécessaire à la création des entreprises continuera d’être un fardeau pour les entrepreneurs, les mesures d’austérité sont si dures que même un privilégié comme Aliko Dangote – de loin l’homme le plus riche en Afrique  – a perdu environ 10 milliards de dollars l’an dernier. La diversification économique ne serait plus considérée comme un luxe à mesure que la manne du pétrole se réduit comme une peau de chagrin.

L’insécurité est et l’économie est toujours en état critique. Boko Haram a tué environ 10 000 personnes l’an dernier. Ce mois-ci, ils ont déjà tué plus que leur moyenne mensuelle de l’année dernière. Deux mille personnes auraient été tuées puisque les insurgés ont massacré des civils à Baga, dans l’État de Borno. Il faudrait s’attendre à une refonte majeure de la sécurité mise en place par le Nigeria après les élections.

Concernant la corruption, le président sortant a promis de se servir de la technologie dans la lutte contre la menace mais beaucoup aurait ricané car la technologie n’est pas à l’origine de la propagation de la corruption au Nigeria. Qu’est-ce que la technologie pourrait faire face à l’impunité cautionnée par l’État ? Quelle technologie pourrait stimuler la volonté politique ? C’est ce qui manque justement et son déficit se reflète également dans la guerre mal gérée contre les insurgés dans le Nord-Est. Les récents progrès sont louables, mais cela ne change pas le fait que les gens du Nord-Est ont été abandonnés aux insurgés depuis plusieurs années. Un progrès seulement aux élections ? Mieux vaut tard que jamais. Mais, quelques milliers de vies auraient pu être sauvées si nous avions réalisé que ne jamais être en retard est mieux.

Peu importe celui qui gagne les élections, les réformes seront inévitables. Le pétrole ne sera pas vendu à 100 $ pour longtemps, ce qui veut dire qu’environ 95% des recettes en devises du Nigeria sont menacées. Le gouvernement de Santa Claus devra trouver des alternatives. La fonction publique devra être considérablement réduite et réformée. Le processus d’enregistrement des entreprises reste l’un des plus ardus sur le continent, mais la nouvelle réalité du Nigeria nécessite que les entreprises privées devraient être autorisées à prospérer, alors que le gouvernement doit se contenter du rôle de facilitateur. Le secteur des télécommunications est le seul secteur les Nigérians paient beaucoup moins pour le même service qu’il y a un peu plus d’une décennie. Il y avait une certaine prétention à propos de la libéralisation du secteur de l’énergie, mais la réalité sur le terrain montre que le gouvernement reste toujours interventionniste, y compris en matière de fixation des prix.

Les subventions au carburant ont disparu récemment, lorsque le coût de départ de l’essence a chuté de 141 N à environ 84 N. Mais le gouvernement qui vendait pour 97 N a soudainement décidé de réduire le prix à 87 N. Les subventions gouvernementales pour l’essence sont passées d’environ 40 N/litre à 2 N/litre à peu près, mais cela est susceptible de changer quand les prix du pétrole remonteront à nouveau. Les jours de subventions sont comptés dans la mesure la baisse de prix était juste une manœuvre dans la bataille pour convaincre l’électorat de voter pour le président. Mais peut-être pas.

Le Nigeria va-t-il survivre aux moments difficiles à venir ? Seulement si le gouvernement nigérian se décide à agir ensemble pour implémenter des réformes dans tous les domaines. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Il serait utile de voir les autorités dissiper le bruit à propos du retrait du chef de la commission électorale, le Professeur Jega. Les Nigérians regardent et attendent. La communauté internationale a été alertée. Le retrait de l’arbitre en chef quelques jours avant les élections ne peut envoyer qu’un signal : le titulaire veut obtenir un avantage supplémentaire contre son principal adversaire. Le temps pour ces manigances est révolu. Le Nigeria mérite mieux.


Article initialement publié en anglais par African Liberty. Traduction réalisée par Libre Afrique.

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  • « Violences de Boko Haram, insécurité, corruption, économie en état critique : le Nigeria vit ce week-end une élection sous tension aux enjeux importants. »

    S’il n’y avait que ce pays de corrompu jusqu’à l’os ça se saurait.
    Qui manipule les cartes en douce dans l’ombre ???

  • Je vs remercie sincèrement pr l’infos que vs portée à la connaissance du monde puisque c’est par votre canal du genre que je m’informe de la situation de mon cher continent. J’aimerais demander prquoi presque tous les pays africains attendentl’approche des élections de cette ampleur pr se préparer. Pourquoi chaque fois ce doute à chaque scrutin. Mais j’aimerais qu’on sorte de ce doute quotidien qui s’observe sur le continent. Pourquoi ne pas se servir du passé des autres. Je vs remercie.

  • C’est beaucoup plus intéressant que ce que l’on lit dans nos journaux ou voit sur les chaînes d’info en boucle..
    Merci pour votre information.

    On est loin des 28 Sécrétaires FN qui profitent de l’Europe sans y travailler..
    Eric Woerth pendant 2 ans 1/2 = Il volait Mme Béthencour

    Le jour où ces gens seront innocentés, y-aura-t-il des excuses journalières (proportionnelles ) au nombre d’accusations ?
    Y aura-t-il emprisonnements pour tentatives de manipulation des votes par accusations infondées ??

    Non bien sûr, cela fait longtemps que le mot démocratie « s’est fait la malle » de notre pays…

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