Élections départementales : focus sur la gestion des finances publiques locales

Pourquoi les collectivités locales se gardent-elles bien de communiquer sur leur fiscalité ?

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Élections départementales : focus sur la gestion des finances publiques locales

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 20 mars 2015
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Par Julien Barlan.

Crise pauvreté faillite ruine
Empty pockets (Crédits : Dan Moyle, licence CC BY 2.0)

D’ici la fin du mois de mars auront lieu en France les élections départementales 2015. Ce scrutin offre l’occasion de nous pencher sur la question de la fiscalité locale, sujet opaque sur lequel les collectivités se gardent bien souvent de communiquer, nous allons voir pourquoi.

Passe encore que ce cru électoral 2015 revête un caractère ubuesque –  les contours définitifs de la réforme territoriale n’étant en effet pas encore totalement arrêtés, les futurs élus ignorent le contenu exact du travail qu’ils seront amenés à effectuer – l’approche de ce scrutin est l’occasion de mettre la lumière sur ce qui n’est rien d’autre qu’une scandaleuse gabegie financière.

Aussi, un tel exercice permet aussi de relier à la théorie économique des faits empiriquement mesurés. De plus, nous verrons pourquoi que ce scrutin et ses enjeux s’inscrivent pleinement, et hélas logiquement, dans le contexte de défiance montante à l’égard du politique.

 

Petit rappel d’économie

Le principe de « l’équivalence ricardienne » nous enseigne qu’une hausse du déficit induit par de la dépense publique supplémentaire conduit à une anticipation de hausse de la fiscalité par les contribuables.

Ceci a deux conséquences.

Un premier effet direct est matérialisé par une augmentation de l’épargne au détriment de la consommation, ce qui impacte négativement la croissance économique. Nous verrons qu’en cette période de timide reprise – j’ai eu l’occasion d’en étudier les principales raisons ici – un tel enchaînement pourrait tuer dans l’œuf cette dernière.

Puis, dans un second temps la montée en puissance du sentiment de ras-le-bol fiscal devant des prélèvements toujours plus importants, aussi appelé effet de Laffer, conduit par ricochet à un « effet d’éviction », c’est-à-dire une baisse de l’investissement privé. En d’autres termes, à partir d’un certain niveau d’imposition, la fiscalité devient contreproductive.

 

L’effet de Laffer : trop d’impôt tue l’impôt

Un sondage paru récemment confirme une intuition de plus en plus pressante : une très large majorité des contribuables s’attend à une augmentation de la pression fiscale exercée par les collectivités locales. En effet, 74 % des contribuables interrogés pensent que la fiscalité locale va augmenter, 24 % qu’elle va stagner. Autrement dit, seulement 2 % pensent qu’elle va baisser !

Ceci est d’autant plus inquiétant que cette hausse des impôts locaux n’est pas en ligne avec les fondamentaux économiques. La responsabilité incombe directement au gouvernement  qui s’est appuyé sur l’hypothèse d’une inflation à 0,9 % cette année pour faire voter dans la loi de Finances 2015 une revalorisation des valeurs locatives. Concrètement, cela impacte directement les impôts locaux qui supposés suivre l’évolution des prix. Mais comme l’inflation sera finalement proche de 0 % en 2015, cette hausse est injustifiée, et va étrangler encore plus les contribuables locaux.

Ces derniers ont donc raison d’anticiper un accroissement de la fiscalité locale après les élections départementales de mars 2015, hausse non justifiée par le contexte économique qui reste quand même très atone.

Malheureusement, cette pression fiscale supplémentaire aura un effet désastreux sur la faible reprise économique. Que ce soit sur les ménages ou les entreprises, l’effet est tout autant destructeur.

Dans le premier cas, il conduit à une baisse de la consommation, premier moteur de croissance.

Dans le second, il impacte négativement les trésoreries avec des conséquences à terme sur l’investissement et l’emploi.

Dernier exemple en date : une taxe de 140 millions d’euros sur les entreprises en Île-de-France, taxant le stationnement et le foncier pour financer les infrastructures du Grand Paris. L’effet de Laffer et ses conséquences sur l’économie semblent bel et bien se matérialiser.

 

Une cassure entre les élites politiques et les citoyens ?

Concrètement, cette pression fiscale permanente sur les contribuables locaux, malgré les fumeuses promesses répétées de baisses ou de statu quo, est une réalité vécue par les électeurs. En conséquence de quoi, ayant perdu toute illusion dans la capacité du politique à prendre des décisions correctes, ils s’apprêtent à massivement bouder le scrutin à venir. Car un véritable ras-le-bol s’est installé. Le même sondage met en effet en lumière que 83 % des contribuables souhaitent une baisse des dépenses, et que 75 % souhaitent une baisse du gaspillage. Dans le même temps, nos concitoyens restent attachés à certains services publics : santé, éducation, services de proximité.

La conclusion est qu’il faut impérativement baisser la dépense de fonctionnement au profit de l’investissement, comme le rappelle par exemple, rapport après rapport, la Cour des comptes dont on se demande encore comment il est possible que ses conclusions indépendantes ne soient pas plus contraignantes. Un exemple est frappant : la masse salariale des collectivités locales a bondi de 4 % en 2014, dans un contexte d’inflation nulle et de modération sur les salaires des Français toujours plus imposés. Comment ne pas comprendre l’exaspération ?

 

La gestion des finances locales : où est la morale ?

La gestion des finances à l’échelon local semble être une gabegie permanente, trop souvent caractérisée par des dépenses clientélistes à l’approche des élections, comme l’illustrent ces augmentations de salaires. Il en va de la responsabilité morale des futurs décideurs de s’engager sur la voie de l’assainissement des finances publiques, en gardant à l’esprit qu’il s’agit avant tout de l’argent des contribuables. Quand ces derniers ne votent plus, quand l’abstention devient le premier parti de France, c’est indiscutablement un carton rouge qui est envoyé.

Comme le rappelle Jean Nouailhac dans Le Point, il s’agit encore une fois d’un arrangement avec la réalité économique :

« Avec + 4 % en 2014, la masse salariale des « territoriaux » aura augmenté de 11 % en trois ans alors que l’inflation durant cette période n’aura été que de 3,4 % ».

Ce chiffre est effrayant lorsqu’il est comparé avec l’évolution du SMIC en 2015, de 0,8 %, soit 8 euros seulement en plus par mois. Ou aux prévisions de l’INSEE, qui parle de « modération salariale » de 2 % pour caractériser la modeste hausse de l’ensemble des salaires à venir en 2015. Ce décalage avec les augmentations de salaires des employés du privé contribue à l’instauration d’un climat de défiance permanent des électeurs vis-à-vis du pouvoir et de ceux qui l’exercent. Et quand dans le même temps, François Hollande supprime la journée de carence qui s’appliquait aux fonctionnaires en cas d’absence, mais que cette dernière est maintenue pour les salariés du secteur privé, il se crée une injustice considérable que nos concitoyens ne supportent plus.

Enfin, que dire des conséquences économiques désastreuses d’une telle politique… La Fondation iFRAP relève par exemple un bond de 18 % de l’absentéisme dans les collectivités locales, entre 2007 et 2013, et directement lié au jour de carence. On apprend ainsi que l’absentéisme peut représenter jusqu’à 7 semaines sur un an dans les collectivités !

Donc si l’on résume, les contribuables paient de plus en plus d’impôts, voient leurs salaires stagner pendant qu’ils se serrent la ceinture, et dans le même temps des cadeaux (augmentations, absences, retraite…) sont faits à la base électorale de la gauche en période électorale. Comme le disait Jacques Chirac, décidément, plus c’est gros et mieux ça passe.

Ce mécontentement de la population à l’égard de ce gaspillage clientéliste représente à la fois un défi et une opportunité.

Un défi, car il nourrit l’abstention et gonfle par ricochet le vote extrême, ce qui illustre le rejet de plus en plus fort des citoyens envers une caste dirigeante vue comme incapable de prendre des décisions améliorant leur quotidien. Manuel Valls peut devenir rouge tomate en hurlant à l’Assemblée nationale comme il en a pris l’habitude, cela ne changera rien. Peut-être ferait-il bien de tirer profit de ce rejet des politiques menées par le Parti socialiste à l’échelon local, qui contrôle la quasi-totalité des collectivités, pour enfin saisir l’opportunité de faire autre chose dans ce pays, comme mettre l’action politique au service des citoyens et non l’inverse, ne plus en favoriser certains au détriment d’autres pour des raisons électorales, enfin, libérer les classes moyennes étranglées par un joug fiscal qui se resserre jour après jour. Pour quelqu’un qui évoque la « justice » et « l’esprit du 11 janvier » toutes les cinq minutes, ce serait quand même un minimum.

Mais ne nous y trompons pas : le même raisonnement s’appliquera à l’UMP au lendemain de ses élections qui s’annoncent favorables pour le principal parti d’opposition. Réformons et changeons maintenant, pour de vrai, ou en 2017 il ne faudra pas venir pleurer.

Sur le web

 

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  • Pourquoi ne pas laisser une totale autonomie de gestion et de budget aux collectivités locales?Les questions relatives à la fiscalité et aux services publics seraient ainsi réglées par les urnes. En fait, si la totalités des recettes des collectivités locales étaient perçues sans dotations c’ est le citoyens qui jugerai par lui même du niveau de service public et de fiscalité qu’il juge souhaitable.

  • Bien au contraire, ne faisons rien. Enfin, plus précisément… poussons-les à la faute.

    Cette gabegie générale qui contamine tout, doit aller à son terme.

    C’est un processus naturel que rien ne peut arrêter. Et notre intérêt bien compris consiste simplement à l’accélérer.

    Ce système fou de corruption est basé sur idée, très simple : « toujours plus ».

    Quand on approchera les 100 % de ponction (c’est inévitable) alors le système implosera.

    Personne ne fera de « réforme », mot orwélien dont on abreuve les veaux depuis 30 ans. Chirac, Sarkozy, Hollande, la séquence est connue, ont tous eu ce mot à la bouche, comme un mantra.

    -Les impôts/taxes continueront d’augmenter
    -les inégalités public/privé (pour retraites, salaires, emplois) continueront d’augmenter
    -les dettes continueront d’augmenter
    -les tensions sociales et politiques continueront d’augmenter

    « Toujours plus ».

    Mais c’est un grand motif d’espérance ! Ce processus n’est bien entendu pas linéaire… Mais exponentiel.

    Dès lors chaque jour qui passe nous rapproche plus vite du mur, et donc de notre libération.

    Oui ça fera mal. Très mal même. C’est le prix de la liberté.

  • « Réformons et changeons maintenant, pour de vrai, ou en 2017 il ne faudra pas venir pleurer. »

    Que nenni ! Nous avons déjà dépassé ce stade du « si nous ne… alors… » Mais ce n’est pas une raison pour ne pas changer la donne.

  • Cette gabegie qui existe à tous les niveaux va en effet de pair avec l’électoralisme : subventions et allocations en tout genre, fiscalité discriminatoire, capitalisme de connivence au plus haut niveau, statuts et privilèges divers etc… C’est une cause majeure de notre déclin économique et de notre crise démocratique.
    Si c’est la démagogie électoraliste qui est en cause, les solutions s’imposent d’elles-mêmes: diminution du nombre d’élus, diminution de leurs avantages indus, diminution de leur pouvoir et de leur champ de compétences.

  • bonjour ,rien que le principe de parité est une hérésie , il suppose pléthore de personnel O combien déjà surnuméraire

  • Charité bien ordonné commençant par soi-même, nos édiles n’oublient pas leur petit parachute au passage :

    http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2015/03/19/25002-20150319ARTFIG00307-une-loi-pour-renforcer-l-indemnisation-des-elus-battus-dans-les-urnes.php

    Scandaleux !

  • Ce que l’auteur ne comprend pas , c’est que rien ne va changer, mais…. rien de rien
    jusqu’à l’explosion finale.
    Ni l’UMPS ni le FN n’ont cette vocation. Ils ne servent pas la France, mais ils ont mis
    la France a leur service. Tout en faisant des discours, et plein de bisous, comme
    le dit si bien h16.

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