Qui doit piloter votre projet de rupture ?

L’innovation est un processus social dont la dimension humaine est primordiale. Dès lors la question importante est la suivante : qui doit piloter ces projets ?

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Qui doit piloter votre projet de rupture ?

Publié le 24 février 2015
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Par Philippe Silberzahn.

women pilots 1930 credits  aussie mobs (CC BY 2.0)
women pilots 1930 credits aussie mobs (CC BY 2.0)

 

Une des erreurs que font souvent les entreprises qui souhaitent développer des programmes d’innovation est de raisonner uniquement en termes d’organisation et de processus : comment faire, comment s’organiser, etc. C’est oublier que l’innovation est un processus social et que la dimension humaine est primordiale. C’est en particulier vrai pour ce qui concerne la démarche intrapreneuriale, c’est-à-dire la capacité à faire émerger des projets entrepreneuriaux à l’intérieur de l’organisation. Dès lors la question importante qui se pose est la suivante : qui doit piloter ces projets ?

Normalement, les ressources humaines recrutent sur la base des compétences et d’un historique de réussite des candidats. On recherche quelqu’un qui sait faire preuve de leadership, ou qui possède telle ou telle expertise. Pour un nouveau projet intrapreneurial, on sélectionnera typiquement quelqu’un qui a progressé dans l’organisation sur la base de sa réussite.

Or ce faisant, comme le fait remarquer le chercheur Clayton Christensen, on oublie que les circonstances d’un projet intrapreneurial sont très importantes. Si le projet est en continuité avec le modèle d’affaire de l’entreprise, les compétences nécessaires seront plutôt de l’ordre de l’exécution et de la conformité avec ce modèle. C’est par exemple le cas pour une entreprise française qui décide d’ouvrir une filiale en Italie : il s’agit bien d’un projet entrepreneurial (on crée une nouvelle entité dans des conditions assez nouvelles) mais l’offre et la demande restent grosso-modo les mêmes.

rené le honzec projet de ruptureSi le projet est en rupture, c’est complètement différent. On aura dans ce cas besoin de quelqu’un qui a déjà eu une expérience d’essais et d’erreurs. En effet, un projet en rupture sera très probablement parsemé d’impasses, de retours en arrière, de pivots comme on dit désormais, au cours desquels il faudra se regrouper et repenser le modèle. Dans ces conditions, recruter quelqu’un qui n’a jamais connu ce type de situation de blocage et de doute qui appelle à une grande créativité, c’est prendre le risque que le projet s’effondre à la première difficulté. On se retrouve exactement dans le cas de la White Star Lines qui avait choisi le capitaine Smith pour commander le voyage inaugural du Titanic précisément parce qu’au cours de ses 40 années de carrière, celui-ci n’avait jamais eu d’accident. 40 années sans accident renforcent le sentiment que rien ne peut vous arriver, mais surtout vous prive de l’expérience même d’un accident et du sentiment de confort dans une situation difficile. Lorsque celle-ci survient, c’est d’autant plus dangereux. Ce n’est pas un problème de compétence, mais d’expérience et d’attitude.

Pour un projet de rupture, on recherchera donc quelqu’un qui, loin d’avoir été un bon élève à qui tout a réussi parce qu’il ou elle a bien su répondre aux questions posées, aura plutôt eu le courage d’aller chercher des situations compliquées, d’y rencontrer parfois l’échec, et d’y avoir perdu son assurance et son arrogance. La difficulté bien sûr est que cette perle rare n’est souvent pas trouvable au sein de l’entreprise lorsqu’on en a besoin : c’est le moment où se paient cher les années de gestion des « talents » ayant minutieusement éliminé ceux qui n’étaient pas des bons élèves. Il faut alors chercher dehors… ce qui rend le projet plus fragile, le nouvel arrivant n’ayant pas de connaissance de l’organisation.

On le voit une fois encore, toutes les bonnes pratiques de gestion qui fonctionnent en situation continue, ici le recrutement sur la base des compétences, conduisent à des effets pervers dans les situations de rupture.

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  • Pour avoir fait partie d’une service de R&D là où c’est désormais jugé injustifié (la finance-banque-administration) j’ai compris l’importance qu’il y a a avori dans les grosses organisation des secteurs de « skunkwork ».

    L’atelier BNP était un de nos ainé et a bien survécu…

    Certains d’entre nous ont participé à des projets entrepreneuriaux après la dissolution de notre skunkwork local. assez peu car notre culture entrepreneuriale était technique pas business.

    Est-ce que Airbus Innovation aura la capacité d’innovation d’un Skunkwork ?
    Pour y participer indirectement je le crois, car c’est engagé, même si dans les grosses organisations le conformisme de la hiérarchie viens souvent doucher les innovateurs qu’elle a installer sans y croire sincèrement.
    L’arrivé de Geneste comme Chief scientist aura un poids historique sur EADS donc personne a part une poignées d’enthousiastes et de veilleurs n’est au courant.

    On trouve des ilots d’innovation disséminés dans des structures variées. La Navy, le Spawar notamment, a une séculaire histoire de recherche dans les innovations technologique de rupture.

    La NASA le fait avec plus de procédures, mais elle le fait, et se retrouve avec médiocrité dans les grandes innovation de rupture que j’entrevois.

    A l’opposé, sur pas mal de sujet, le CEA fait de l’innovation en cargo-cult en suivant les modes, et a éliminé pas mal d’opportunités pour ne pas géner soit son business model, soit déplaire aux politiques.

    toute celà, je le met en perspective avec un de mes ancien clients, Patrick Arthus, qui défend l’hypothèse que notre croissance potentiel (hors des effets locaux que Macron&co ont identifé) va déclinante parce que la rentabilité de la R&D va déclinante.

    Certains parlent d’une innovation exponentielle, mais moi aussi j’observe que c’est surtout le cout de R&D d’une innovation, d’une fonderie de semiconducteur, d’un médicament, d’une génération de processeurs, qui croit comme la loi de moore.
    Il rapelle a juste titre que le Numérique n’a pas l’impacte économique qu’on lui prête en terme de PIB.
    Il explique aussi que c’est en partie parce que le numérique c rée de la valeur majoritairement non pécuniaire, non taxable, non redistribuable… des services s’échagent, des économies se font, sans argent.

    D’autres expliquent que le numérique, comme le moteur électrique, mettra 30 ans, pour commencer a avoir un impact sur le PIB, au delà du marginal (la différence dis til entre une économie numérisée leader comme les USA, et un pays sans géants comme la france est de 4 à 3% d’emplois)..

    Mon interprétation, alimentée par mon expérience dans l’innovation de rupture du siècle, celle que Geneste, la Navy, la NASA, l’ENEA, Elforsk, Statoil, Gates, Cherokee investment, Toyota, MHI rejoignent ou ont rejoint, c’est que notre croissance , notre innovation est bloquée par des structures humaines conservatrices.

    dans mon domaine les scientifiques eux-mêmes, les revues à fort impact, les académies imbriquées avec les agences gouvernementales américaines qui ont vassalisées les autres académies et agences, ont été le principal frein au progrès scientifique et technologique.

    On parle souvent du rôle toxique de l’église catholique , mais à relire l’histoire de galilée, l’église a été bien plus tolérante envers le débat (pas les critiques politiques) que nos académies modernes, dont le comportemen rapelle plutot les réactions theoriquo-centrées des opposants à Semmelweiss, Pasteur, Wegener, Shechtman…

    La théorie, qui permet la planification, a aboutit a une évolution technologique à rendement décroissant.
    en physique c’est le succès du projet Manhatta et du modèle standard qui a créé une culture dogmatique, et le gout de la big science, qui trouve son écho dans les grands projets qu’adorent les gouvernements.

    Dans quelques mois tout cela va exploser, mais là encore je vois des gouvernements, de grandes universités, faire des petits pas vers des innovations de ruptures non consensuelles, mais en privé…
    Pire encore je vois des média (financier de surcroit, donc plus ouverts à la réalité) participer, être convaincu, et ne rien relayer.

    De ma position d’insider la situation que je constate en public en occident est effrayante, et me fait penser a une version occidentale de la propagande soviétique, du lysenkhisme, de la planification glorifiée. Notre monde est un empire soviétique, et je suis dans le tunnel avec ceux qui déracinent le mur de Berlin.

    Le groupthink, les mindguards sont clairement à l’origine de la difficulté de développer des innovation de rupture, hors du domaine de l’anecdotique. Le monde est dans la situation de l’entreprise que vous décrivez, et a exterminé tout les dissidents. Mais où donc pourra t’on trouver des entrepreneurs ? dans le monde émergent ?

    Current Science en Inde bien de faire tomber son mur de Berlin. A qui le tour ? Tianjin sera telle le nouveau Texas ? Quelque chose renaitrat’il sur les ruine du Japon corporate ? ou dans l’éternel far west du Research Triangle ? ou en Suisse ?
    Rien n’est a exclure.

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Les auteurs : Miruna Radu-Lefebvre est Professeur en Entrepreneuriat à Audencia. Raina Homai est Research Analyst à Audencia.

 

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