Votations du 8 mars 2015 en Suisse : TVA ou taxe sur l’énergie ?

Entre deux maux, la TVA et une taxe sur l’énergie, il est difficile de choisir le moindre.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Votations du 8 mars 2015 en Suisse : TVA ou taxe sur l’énergie ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 20 février 2015
- A +

Par Francis Richard.

swiss flag in the sun credits lozvizzero (CC BY-NC-ND 2.0)
swiss flag in the sun credits lozvizzero (CC BY-NC-ND 2.0)

 

En 2013, les recettes du secteur public de la Suisse s’élevaient à 205 milliards de francs dont 66 milliards de recettes de la Confédération, 81,5 milliards de recettes des cantons et 45 milliards de recettes des communes. Ce qui représentait 32% du PIB. La dette s’élevait à 36% du PIB et l’excédent du secteur public à un peu moins de 3 milliards.

Tous ces chiffres ne peuvent que susciter l’envie des autres pays occidentaux, qui, pour la plupart, sont de très mauvais élèves en comparaison. En tout cas, ils expliquent pourquoi la Suisse se porte mieux qu’eux. Toutefois, il n’y a pas de quoi réellement pavoiser. Il y a quarante ans le président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, disait que l’on entrait en socialisme à partir du seuil de 40% de PIB de prélèvements obligatoires. À cette aune-là, la Suisse est socialiste, si l’on ajoute aux recettes fiscales de l’État, sous toutes ses formes, les prélèvements des assurances sociales.

Sur 66 milliards de recettes fédérales, 35% proviennent de la TVA, soit environ 23 milliards de francs (à titre de comparaison, en France, la TVA représente 50% des recettes de l’État, mais le taux « normal » de la TVA y est de 20% contre 8% en Suisse). Ce qui veut dire que la Confédération s’est créé le besoin de cette manne, qui n’est pas un impôt moins nuisible que les autres.

Car la TVA n’est pas à proprement parler un impôt sur la consommation, sinon en raison du moment où elle est acquittée et par ses conséquences. Elle est, comme son nom l’indique, un impôt sur la valeur ajoutée, c’est-à-dire en réalité un impôt sur les revenus, qu’ils proviennent du travail ou du capital. Quand les revenus proviennent essentiellement du travail, cet impôt est particulièrement néfaste parce qu’il renchérit le coût de celui-ci et pénalise l’emploi, notamment de ceux qui sont peu qualifiés. Plus son taux est élevé, plus il conduit d’ailleurs à la multiplication des fraudes. La TVA ne pénalise pas seulement les revenus du travail, mais également ceux du capital. En effet la formation des prix se fait à partir de l’offre et de la demande. L’entreprise, dans bien des cas, ne peut pas répercuter intégralement la TVA sur ses prix de vente. Elle n’a donc le choix qu’entre réduire ses coûts ou réduire sa rentabilité. Dans les deux cas, c’est néfaste économiquement parlant puisque cela réduit les revenus.

Réduisant les revenus du travail et du capital disponibles pour l’épargne, la TVA pénalise en définitive les investissements, autrement dit l’innovation et l’amélioration des processus de production. Toute pénalisation des revenus entraîne celle de la consommation, qu’elle soit immédiate ou future. Enfin la gestion de la TVA a un coût certain pour l’économie. Une grande partie de ce coût repose sur les entreprises que l’État, dans sa grande bonté, charge du recouvrement pour son compte, tout en faisant planer sur elles la menace d’éventuels redressements. Bref, la TVA, ce n’est pas bon. Mais quel impôt l’est vraiment, sinon pour ceux qui en profitent ?

Faut-il pour autant remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie ? Les Verts Libéraux, qui sont peut-être verts, mais certainement pas libéraux, le pensent et ils ont lancé une initiative destinée à ce changement. Elle a abouti et a été déposée le 17 décembre 2012, avec 108.018 signatures valables. De quoi s’agit-il ? De taxer les énergies dites non renouvelables, telles que le pétrole, le charbon, le gaz et le nucléaire, d’ajuster le taux de taxation de telle manière que les recettes fiscales fédérales restent inchangées. Le but est en définitive de lutter contre l’hypothétique changement climatique et d’économiser l’énergie.

Pour maintenir les recettes fiscales de la Confédération, il faudra inévitablement taxer fortement les énergies dites non renouvelables. Les prix des carburants, essence et diesel, du mazout, du gaz, de l’électricité, prendront inévitablement l’ascenseur, aux dires aussi bien des partisans de l’initiative que de ses opposants. Les écarts d’estimation étant révélateurs de l’incertitude sur les conséquences réelles… Pour éviter que les hausses de prix de l’énergie ne soient catastrophiques pour certains, il y aura inévitablement nécessité de prendre des mesures arbitraires d’exemption totale ou partielle en leur faveur. Ce sera un nouveau choc de complication bureaucratique, à laquelle on prétend remédier en abolissant la TVA…

En fait, on aura décidé de taxer les uns plutôt que les autres de manière arbitraire, c’est-à-dire en fonction de critères idéologiques : les énergies dites renouvelables, c’est bien ; les énergies dites non renouvelables, ce n’est pas bien. Les consommateurs n’auront surtout pas leur mot à dire, parce que… seuls les Verts, « libéraux » ou pas, savent ce qui est bon pour eux, et qu’ils se soucient comme d’une guigne de perturber les ajustements de prix qui s’opèrent entre offre et demande.

Si la consommation d’énergies non renouvelables baisse, comme ils le souhaitent en bons verts, ils savent qu’il faudra augmenter les taxes pour que les rentrées fiscales soient maintenues à leur niveau actuel, comme ils l’espèrent en bons libéraux. Mais, sur cela ils se gardent bien d’attirer l’attention de l’électeur qui pourrait être chagrin d’être récompensé ainsi de ses louables efforts…

Entre deux maux, la TVA et une taxe sur l’énergie, il est donc, de prime abord, difficile de choisir le moindre. Il semble bien pourtant que l’on aille de Charybde en Scylla avec cette miraculeuse idée de remplacement de l’une par l’autre. En effet, les conséquences d’un tel remplacement sont imprévisibles et les agents économiques détestent plus que tout l’incertitude, a fortiori quand elle est d’origine étatique…


Sur le web. Publication également sur le site lesobservateurs.ch.

Voir les commentaires (16)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (16)
  • Les verts libéraux ne peuvent évidemment pas être libéraux s’ils sont verts. Le mariage de la carpe et du lapin donne là son plus bel exemple (encore que la fusion des libéraux et des radicaux était déjà une belle tentative).

    Il me semble exister un autre risque lié à la démagogie: en effet, s’il est toujours possible d’augmenter le taux de TVA (l’histoire nous le montre), il sera je pense encore plus facile d’augmenter un taux de taxe sur l’énergie, puisque tous ne seront pas touchés d’une part (il est toujours plus aisé d’obtenir une majorité de cette façon) et que d’autre part les larmoiements sur les souffrances de notre pauvre Gaïa seront des arguments qui ne manqueront pas de toucher une partie de la population.

  • Ils me font bien rire avec leur litre d’essence à 5chf.

    A ce tarif là, on sent qu’il y aura vite des articles du style : arrêté à la douane avec 500 litres d’essence dans le coffre…

    Sans compter que cela signe l’arrêt de mort de tout le secteur du ravitaillement automobile.

    Non contents d’avoir fusillé le bancaire, nos andouilles socialauds veulent maintenant y faire passer les stations essence.

    Prédiction: assurance chômage en faillite dans quelques années.

  • Quand on voit les pontes du parti libéral-radical vanter la TVA, même si elle venait à être supprimée, ce serait certainement pour renaître tôt ou tard et au final on aurait une TVA et une taxe sur l’énergie… 

    De plus, cela aurait pour conséquence une prolifération d’éolienne, ce qui saccagerait le pays. D’autre part, la taxe sur l’énergie affecterait particulièrement les bas revenus qui se chauffent principalement au mazout, alors que les riches ont leur maison minergie… Pour les voitures, Tesla deviendrait le premier constructeur de Suisse, et tous les autres iront faire le plein de l’autre côté de la frontière… 

    Bref, la TVA est une horreur, mais les Suisses qui l’ont augmenté il n’y a pas longtemps (avec le soutien du conseiller fédéral libéral-radical), ne sont pas prêts d’y renoncer, même pour de l’écologie.

    L’autre votation est presque plus intéressante: à savoir faut-il exonérer les familles des allocations familiales… L’UDC a fini par y adhérer, avec comme principe que cela revient à une baisse d’impôts qui est toujours bonne à prendre… 

    • ça revient à une baisse d’impôts, certes, mais ciblée, et qui augmente l’inégalité devant l’impôt par le biais d’exceptions ciblées. Et je le dis en tant que bénéficiaire des allocations…

      • Oui mais convenez que le principe en lui même est abherant: l’Etat donne une aide mais il faut en redonner une partie…Absurde, et surtout parfaitement injuste car on voit mal pourquoi un riche aurait moins d’aide qu’un pauvre: son enfant vaut il moins?
        Il s’agit d’ une allocation familiale, pas d’une allocation pauvreté.

        Tout serait résolu s’il n’y avait pas d’allocation, nous sommes d’accord…

        • C’est une question de philosophie fiscale. En Suisse, on se base pour fixer l’impôt et son assiette sur la capacité contributive (addition de tous les revenus d’un contribuable, quels qu’ils soient), avec comme différence essentielle avec par exemple la France que les revenus du capital (intérêts, dividendes) sont taxés de la même façon que les revenus du travail, alors que l’a France a des taux spécifiques en fonction du type de revenu. De ce fait, c’est tout à fait logique d’intégrer les allocations familiales au revenu impôsable. De la même façon, les rentes AVS sont soumises également à l’impôt.

          Si votre argument pouvait être retenu pour les allocations familiales, alors on pourrait tout à fait envisager que les salaires des fonctionnaires ne soient pas soumis non plus…

    • @ Drovosyk

      Oui, c’est ciblé, mais cela compenserait un peu les autres contraintes qui sont plutôt ciblées contre les familles (assurances maladies, régulations qui rendent l’immobilier cher, taxe au sac, etc).

      Quant à ne pas soumettre les fonctionnaires, ce n’est pas forcément une mauvaise idée, sauf que comme leur salaire ne correspond pas à l’offre et à la demande, mais à une comparaison avantageuse avec le même job dans le privé, cela rendrait cette comparaison plus compliquée et se transformerait certainement en avantage supplémentaire… 

      Par ailleurs, si on veut plus de libéralisme en Suisse, ce sera plus par des petits pas ciblés que par des grands renversements (d’ailleurs les socialistes utilisent la même stratégie pour avoir plus d’Etat).

  • TVA ou taxes sur l’énergie : pour mourir, préférez-vous l’arsenic ou le couteau ? Quelle valeur démocratique attribuer à un choix crétin ? Avec cet exemple, on observe la limite de la démocratie directe, du fait démocratique en général : la démocratie, directe ou non, ne peut pas être immorale.

  • Le problème est qu’en voulant fixer une taxe sur l’ énergie fossile l’on voudrait voir remplacé par des autres renouvelables va forcement si l’initiative touche à son but faire fatalement diminuer les recettes puisque la consommation du produit fortement taxé aura baissé de beaucoup. Et comme cette taxe sert à financer les énergies renouvelable il y aura fatalement un manque à gagner par manque de consommateur d’énergie fossile. Et il faudra trouver d’autres sources de financement par d’autres taxes ou impôt ou même voir de réintroduire la TVA.

    Bref il faut vraiment être c…pour taxer un produit que l’on cherche à éliminer et cela pour en financer d’autres.

    D.J

    • D.J: « Et il faudra trouver d’autres sources de financement par d’autres taxes ou impôt ou même voir de réintroduire la TVA. »

      Exact. Dans une certaine industrie du film ou appelle cela la double intromission.

  • Si je comprend bien il s’ agit simplement de garder le statut actuel ou de remplacer cette taxe actuelle ( tva ) par une autre
    si ma compréhension est exacte je ne pense pas que la démocratie en est dévoyée
    je cite l’ auteur avant dernier paragr « …ils se gardent bien d’ attirer l’ attention de l’électeur  »
    on demande à mes dames et mrs les suisses d’ élire ou non une taxe ?

    • on demande à mes dames et mrs les suisses d’ élire ou non une taxe ?

      D’élire ? Non, délire à la rigueur avec ces taxes… Non, de choisir entre la solution actuelle et une nouvelle sur les produits « non renouvelables ».

  • Ils comptent le nucléaire comme étant non renouvelable? Et veulent diminuer les émissions pour combattre le problème imaginaire en attaquant la seule qui n’en produit pas.
    Maladie mentale.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

Un article de l'IREF.

Les écologistes voudraient que nous arrêtions de manger de la viande. En raison de l’inquiétude croissante suscitée par le changement climatique et de la volonté d’arriver à un bilan « zéro carbone » en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, nombreux à gauche sont les partisans de ce diktat.

Récemment, Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, a été « attaqué » par Sandrine Rousseau, élue du parti écologiste, qui lui reprochait de manger du steak. « Non Fabien, tu ne gagneras pas av... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles