Club Med : bye bye la Bourse !

Le conglomérat chinois Fosun, actionnaire majoritaire du Club Med, pourrait quitter la bourse de Paris pour gérer en toute liberté l’exploitant de villages de vacances.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Club Med Credit Jim Larrison (Creative Commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Club Med : bye bye la Bourse !

Publié le 18 février 2015
- A +

Par Michel Albouy

Club Med Credit Jim Larrison (Creative Commons)
Club Med – Credit Jim Larrison (Creative Commons)

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé le 11 février 2015 qu’à l’issue de son offre publique d’achat Fosun, le conglomérat chinois, détient désormais avec ses partenaires 92,8% du capital du Club Med, l’emblématique champion français des vacances tout compris. Une page se tourne pour ce fleuron des vacances à la française : non seulement le management devient chinois, mais son ancrage risque de quitter les rivages de la bourse de Paris.

Lors du lancement de son OPA sur le Club Med, Fosun avait pourtant promis de maintenir une cotation à Paris afin de « garantir l’ancrage français » de la société. Cet ancrage avait aussi pour avantage implicite de capitaliser sur le fait que les vacanciers du monde entier et de Chine allaient bien dans un club de vacances « à la française » avec tout ce que cela implique en termes d’image. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Vers une sortie de la cote

Aujourd’hui, non seulement le Club Med devient chinois, mais il va quitter la bourse de Paris. L’explication est simple. Du fait de la bataille boursière avec Andrea Bonomi, le conglomérat chinois a dû offrir un prix très (voire trop ?) généreux aux actionnaires du Club Med. Rappelons que le groupe chinois a misé 939 millions d’euros sur une société dont le chiffre d’affaires a fondu de 20% depuis 2007 et dont la valeur boursière était d’environ 500 millions d’euros avant le lancement de l’OPA.

Les actionnaires qui n’attendaient qu’une telle offre et fleurant la bonne affaire ont apporté en masse leurs titres. Et in fine, Fosun et ses alliés se retrouvent avec 92,8% du capital de la société. Avec un tel pourcentage du capital, inutile de se gêner. Le mieux est d’engager une procédure de retrait de la cote afin de sortir du marché et de ses multiples contraintes.

Pour cela, l’offre d’achat va être ouverte à nouveau pour ramasser plus de 95% du capital. Fosun pourra alors réorganiser le Club Med sans avoir à rendre compte aux investisseurs tous les trimestres et sortira de la lumière du marché. Bonjour la transparence et la gestion sans la « dictature des marchés » ! Fosun va pouvoir réorganiser à sa guise l’entreprise et remodeler le conseil d’administration de sorte que ses représentants aient la majorité des sièges. Certes, M. Giscard d’Estaing va rester (pour combien de temps ?) le patron du Club, mais il sera sous étroite surveillance des dirigeants de Fosun et de ses alliés.

Dans un article publié dans la Harvard Business Review (septembre-octobre 1989), Michael Jensen annonçait l’éclipse des sociétés cotées (« Eclipse of the Public Corporation ») malgré leurs avantages considérables. Parmi ces avantages se trouve le fait qu’il est possible pour des millions d’investisseurs individuels et institutionnels de répartir les risques liés à chaque société grâce à la diversification et de rendre liquides leurs investissements financiers. Ce faisant, le coût du capital de telles entreprises est minimisé contrairement aux sociétés privées (non cotées).

De plus, être coté permet à la société de lever des capitaux auprès de milliers, voire des millions d’investisseurs, et de repousser la contrainte d’un éventuel rationnement du capital. C’est donc avec de solides arguments que la plupart des spécialistes estiment que l’introduction des entreprises sur les marchés et leur cotation ont été le principal moteur du progrès économique aux États-Unis et en Europe.

Avoir les mains libres

Et pourquoi le Club Med sortirait de la cote ? Une certaine vulgate anti-marché consiste à dire qu’en se retirant de la cote, l’entreprise se met à l’abri du court-termisme du marché et de ses dictats. Ce faisant, le management ainsi protégé des caprices du marché serait plus à même de développer une stratégie de long terme dans l’intérêt même des actionnaires et des salariés de l’entreprise. Cette rhétorique n’est, à notre avis, pas fondée.

En effet, on connaît beaucoup de nouvelles sociétés (comme Amazon, Facebook ou Twitter) qui ont choisi le chemin du marché et se sont fait coter. Elles ne manquaient pourtant pas d’argent ! D’autres sociétés plus anciennes (on pense notamment à Air Liquide, Schneider et bien d’autres) n’ont jamais été entravées dans leur développement, bien au contraire, par leur cotation sur le marché. Alors, pourquoi sortir le Club Med du marché ? Pourquoi going private ?

La principale raison se trouve vraisemblablement dans la volonté du nouveau propriétaire, le conglomérat chinois Fosun, de pouvoir gérer à sa guise et en toute liberté le Club Med sans avoir à rendre compte à des investisseurs extérieurs à son tour de table. Fosun pourra ainsi essayer de rentabiliser son acquisition – très chèrement payée – en ayant les mains libres.

En éliminant les actionnaires minoritaires, y compris d’éventuels actionnaires activistes, Fosun évite les éventuels conflits d’intérêts entre actionnaires majoritaires et minoritaires si bien étudiés dans la théorie de l’agence. Enfin, en sortant le Club Med du marché parisien on éloigne encore un peu plus la société de sa patrie d’origine. Adieu le patriotisme économique cher à nos dirigeants politiques de droite comme de gauche !

Dans le cas du groupe Fosun et de ses alliés, la sortie du marché peut également se comprendre par une moindre nécessité de diversification. En effet, en devenant une société entièrement contrôlée par un conglomérat, le besoin de diversification se fait moins sentir. Rappelons qu’en Asie (Chine, Corée, Japon) ces formes de grands conglomérats largement diversifiés sont la règle contrairement à ce que l’on observe en occident. Dans ce cas, l’exigence de diversification des actionnaires par le marché est moins pressante.

En devenant privée et au passage chinoise, la société fondée par Gilbert Trigano, il y a 65 ans, change définitivement de modèle. Espérons que cette renaissance sera de bon augure pour le Club Med et souhaitons bonne chance aux gentils GO qui nous ont fait tant rire dans Les bronzés !


Article publié également par Le Cercle Les Échos.

Voir les commentaires (5)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (5)
  • Triste …..tous les G.O ( j’en étais un) doivent rire jaune !

    • …pour se faire bien voir de la direction. Mais ceci dit, je ne vois pas en quoi c’est mal que les nouveaux propriétaires fassent comme ils veulent chez eux, et pourquoi ce serait triste. Et Ferrero qui n’a jamais voulu mettre le Nutella à la corbeille, ça vous dérange ?

      • +1
        Je n’ai pas trop compris le reproche… Il y a énormément de sociétés familiales avec les mêmes caractéristiques. L’impression que ça embête surtout les analystes financiers.

      • Ce qui me dérange c’est que même le tourisme made in France , et le Club en a été le porte drapeau très longtemps n’échappe pas à la grande braderie de l’économie.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Alexis Vintray.

Alors que depuis 2000 le CAC 40 évoluait sous son record historique, il bat record sur record et est aujourd'hui 14 décembre pour la première fois au-dessus des 7600 points. Même si l'économie mondiale résiste bien malgré l'inflation, on peut s'interroger sur le fait que la bourse soit ainsi au plus haut dans un contexte qui reste anxiogène.

Alors faut-il prendre ses bénéfices ? Pas si simple...

 

Le CAC 40, un indice sans dividendes

Le premier point à garder à l'esprit est que le rendemen... Poursuivre la lecture

Par Éric Mengus et Guillaume Plantin.

 

Le 23 septembre au Royaume-Uni, l’annonce du mini-budget et les événements qui ont suivi jusqu’à l’annonce de la démission de la Première ministre Liz Truss, le 20 octobre, ont suscité un regain d’intérêt pour le risque de « dominance budgétaire », c’est-à-dire une situation dans laquelle la banque centrale abandonne son objectif de stabilité des prix pour aider le gouvernement à financer ses déficits.

Mais dans quelle mesure cette séquence d’événements doit-elle nous pousser à... Poursuivre la lecture

Commençons par lever un tabou. Parfois, le grand lecteur craque, il ne va pas au bout. Trop de détails, trop de personnages. Il n’en peut plus. Il retourne alors son pavé de 600 pages, et jette au coup d’œil sur le tout dernier paragraphe, celui qui dévoile qui a tué qui, qui a aimé qui, etc. Notre lecteur a tout gâché… Mais, il y a pire que lui. Bien plus impatient : l’investisseur trépignant.

Oui, l’investisseur craque bien plus souvent que le lecteur. En vérité, commencer par la fin est presque une sale manie pour l’investisseur. Un... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles