Comment conjurer la « malédiction des ressources » en Afrique ?

On sait éviter de tomber dans le piège de la malédiction des ressources, mais les gouvernements africains sont incapables de suivre les recommandations des économistes.

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Comment conjurer la « malédiction des ressources » en Afrique ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 15 février 2015
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Par Naledi Pandor, ministre des Sciences et des technologie en Afrique du Sud.

Naledi Pandor - Credit GovermentZA (CC BY-ND 2.0)
Naledi Pandor – Credit GovermentZA (CC BY-ND 2.0)

 

Un des problèmes des économies fondées sur l’exploitation minière est la diversification. Bien sûr, avoir des ressources naturelles à vendre à l’étranger est extrêmement bénéfique pour un pays, mais le profit des ressources peut devenir vite une « malédiction des ressources ». Nous, en Afrique du Sud, avons réussi à diversifier notre économie : selon le groupe de conseil McKinsey, nous faisons partie des quatre économies les plus diversifiées en Afrique (les trois autres sont l’Égypte, la Tunisie, le Maroc). D’autres pays n’ont pas eu cette chance. Récemment il y a eu de nouvelles découvertes de minerais au Ghana, en Ouganda, en Tanzanie et au Mozambique. Ces pays africains seront-ils en mesure d’éviter la « malédiction des ressources »?

Le mécanisme de « malédiction des ressources » fonctionne comme suit : d’abord, les exportations de pétrole ou d’autres ressources naturelles provoquent une surévaluation de la monnaie nationale. Puis, une monnaie plus forte rend les autres exportations, dans l’agriculture ou dans l’industrie manufacturière, moins compétitives et les pousse en dehors du marché international. Mais le problème est que ces autres exportations sont souvent meilleures pour la croissance et le développement d’un pays. Par exemple, la découverte de pétrole au Nigeria dans les années 1970 a conduit à la destruction de la production de cacao et de l’arachide qui employait beaucoup plus de personnes que le secteur du pétrole, du gaz ou des minerais. Cela signifie que les exportations de ressources naturelles brutes faussent la croissance et détournent l’économie de l’industrialisation. En effet, l’exploitation minière dévore beaucoup de terrain, conduit à la concentration de la propriété, et emploie peu de travailleurs. Elle attire les investissements au détriment de la fabrication manufacturière et les exportations de biens et services qui utilisent moins de terres, diffusent la propriété, et emploient plus de personnes.

On sait éviter de tomber dans le piège de la malédiction des ressources, mais les gouvernements sont incapables de suivre les recommandations des économistes. Il n’est pas toujours possible d’abaisser le taux de change ou de mettre en place un fonds de stabilisation. Pourtant, certaines mesures mises en place par l’Afrique du Sud, un ancien pays riche en ressources, ont permis de diversifier son économie. Ce modèle peut inspirer d’autres pays. Deux mesures essentielles :  la valorisation et la localisation. Les deux processus se chevauchent. Les deux procédés sont compliqués et complexes. L’Afrique du Sud a récemment introduit des politiques basées sur les deux mécanismes. L’objectif des deux est de promouvoir le développement local.

Il y a quarante ans la Corée du Sud avait un avantage comparatif dans la culture du riz. Si elle s’était contentée de ce seul avantage, elle ne serait pas devenue le géant industriel qu’elle est aujourd’hui. Elle aurait pu être le producteur de riz le plus efficace au monde, mais elle serait encore pauvre. Ce que nous, dans le Mouvement des pays non-alignés, avons à faire maintenant est de mettre en place les institutions, les politiques et les lois nécessaires pour assurer que les ressources naturelles bénéficient à tous nos citoyens. L’industrialisation est la voie normale du développement. Aucun des pays de l’OCDE n’est devenu pays à revenu élevé sans développer une base de fabrication manufacturière qui, à son tour prévu a permis d’atteindre le plein emploi ou presque.

Dans le rapport des Nations Unies pour le développement industriel (2009) est noté clairement que : « Ce potentiel de croissance explosive réside dans l’industrie manufacturière. À mesure que celle-ci se développe, au lieu de se heurter à la pénurie des terres ou des ressources qui limitent inévitablement la croissance de l’agriculture ou les industries extractives, elle bénéficie d’économies d’échelle : les coûts unitaires baissent à mesure que la production augmente ».

Voici quelques exemples de ce que l’Afrique du Sud est en train de faire pour valoriser (avec le concours de la science et de l’innovation) et localiser le développement de l’exploitation des minerais. Le premier exemple est le titane. L’Afrique du Sud est le deuxième plus grand fournisseur de ce minerai qui permet de produire du métal de titane. Cependant, nous ajoutons un peu de valeur à ce minerai avant l’exportation. Le Conseil pour la recherche scientifique et industrielle (CSIR) a mis au point un nouveau procédé grâce auquel le métal de titane peut être produit à partir de notre ressource minérale abondante. Ces nouvelles capacités peuvent positionner l’Afrique du Sud en tant que leader mondial dans la production, hautement concurrentielle, de poudre métallique de titane de haute qualité. Le titane est un métal convoité en particulier par l’industrie aérospatiale où les avions et les satellites doivent être plus légers en poids afin de consommer moins de carburant.

Un autre exemple est le platine. Il y a dix ans, nous avons lancé le programme de l’hydrogène de l’Afrique du Sud (Hysa). Cela a marqué le début des activités de recherche et de développement par deux centres spécialisés, Hysa Catalyse et Hysa Systems. Parallèlement, nous avons créé, « Clean Energy », une société sud-africaine de pile à combustible qui commercialisera initialement et, éventuellement assemblera et fabriquera des piles à combustible en Afrique sub-saharienne en partenariat avec Anglo Platinum et Power Systems Altergy.

Un troisième exemple est le fluor. Il y a cinq ans, nous avons lancé l’usine pilote  de fluoration multi-usage au Pelchem du site Necsa dans le Pelindaba. Grâce à cette initiative, l’Afrique du Sud a le potentiel non seulement de développer du capital humain nécessaire, mais aussi de réduire le déficit commercial dans le secteur chimique du pays grâce aux exportations, attirer les investissements étrangers directs, et accroître la recherche et le développement de haute technologie pour une plus forte base industrielle fluoro-chimique.

Le développement de l’Afrique est notre priorité. La science et la technologie jouent un rôle crucial. Nous devons exploiter notre savoir comparatif et nos avantages de localisation pour créer des emplois et des moyens de subsistance pour le plus grand nombre possible de personnes.


Article initialement publié par African Executive. Traduction réalisée par Libre Afrique.

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