Où je me montre jaloux et mesquin !

Je suis rassuré en constatant que je peux être jaloux comme une teigne et pétri de mauvaise foi !

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jalousie cretis T Dohnal (licence creative commons)

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Où je me montre jaloux et mesquin !

Publié le 7 février 2015
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Par Philippe P.

jalousie cretis T Dohnal (licence creative commons)
jalousie – T Dohnal (licence creative commons)

 

Dans mon boulot, c’est un fait, on est censé être des adultes ayant fait le tour des passions humaines et les ayant rejetées au profit d’explications psychologiques alambiquées. La psyché, la connaissance intime de l’âme, c’est notre job alors Dieu sait si j’ai fait le tour de la mienne. Parfois, j’ai même l’impression d’avoir atteint l’ataraxie la plus complète et faire partie de la bande à Sénèque et Cicéron, c’est vous dire si je me la pète !

Eh bien non ! Je n’en suis pas là. Tant mieux d’ailleurs parce que l’ataraxie complète, si elle empêche toute souffrance, est aussi l’antichambre de la mort. Et moi, j’aime bien vibrer un peu. J’aime la sagesse mais un peu seulement, disons juste ce qu’il faut pour me distinguer du commun des mortels, mais point trop pour ne pas devenir un vieillard étique revenu de tout.

La semaine passée, un de mes ex-patients m’adresse sa copine avec qui il est depuis quelques mois. Elle arrive, blonde, tailleur pantalon et escarpins noirs. Dans les cabinets de conseil on ne rigole pas ! C’est l’executive woman. On se croirait dans un film ricain dans lequel on verrait plein d’avocats courir partout et bosser la nuit ! Sa couleur est parfaite, c’est un beau balayage, pas un truc qu’elle s’est fait toute seule dans son lavabo avec un produit acheté chez Carrefour (j’étais coiffeur pour dame dans une autre vie) !

Je la fais entrer et je me dis que j’aurais dû mettre un costume. J’ai l’impression d’être un sac face à une princesse sortie de ses luxueux bureaux. Mais bon, c’est trop tard et puis elle me consulte pour mes compétences en psychologie et non pour mon élégance. Tant pis ! Je commence à l’écouter et à lui poser des questions.

Sa demande est vague alors je lui fais préciser des tas de trucs. Elle m’explique alors qu’elle a vu, durant trois ans, une consœur qu’elle a trouvé géniale et que jamais elle n’avait vu quelqu’un d’aussi intelligent. J’ai beau pratiquer l’humilité tous les jours et tenter de ne pas sombrer dans le péché d’orgueil, ce que j’entends là me hérisse le poil. Ma nouvelle patiente vient juste de me dire que, quel que soit mon niveau de compétence, et toute manière, je ne serai jamais aussi bien que ma consoeur qui, elle, était gé-nia-le !

J’ai juste envie de lui demander ce qu’elle fout dans mon cabinet à 21h30 si elle connait quelqu’un d’aussi génial ! Serait-ce à dire que ma géniale consœur ne peut pas tout traiter ? Mais bon, plutôt que de réagir en trou du cul blessé par cette comparaison, je joue le grand garçon et me tais. J’apprends donc que ma consœur est diplômée de l’ENS, qu’elle a tout compris de la vie et qu’elle tient d’ailleurs un blog pour asséner ses vérités. Comme moi donc, sauf que je n’ai pas fait l’ENS.

Ayant gardé dans un coin de ma tête le nom du blog de ma consœur, pour aller le lire et savoir si elle est mieux ou non que moi, je me concentre de nouveau sur ma patiente. Comme je me dois à l’excellence, vu que je suis challengé par cette consœur géniale qui sans être présente dans le cabinet n’en étend pas moins son ombre sur notre entretien, je me dois de répondre à la demande de cette patiente.

Alors j’écoute, j’écoute, j’écoute. Je triture mes méninges pour comprendre ce que ma patiente attend de moi. Et d’un coup, d’un seul, tout s’éclaire, les nuages de l’incompréhension se dissipent et les mânes de Sénèque et Cicéron, deux vieux potes capricornes, m’aident à comprendre que sous son discours un peu précieux et emberlificoté, elle désire ce que bon nombre de femmes désire : un enfant. Sauf que quand on est cadre sup’ dans le domaine du conseil, ça ne le fait pas d’avoir des désirs aussi prosaïques.

Alors, tchoc, muni de ma plus belle masse, je défonce ses défenses et je lui parle, moi, du désir d’enfant qu’elle n’ose pas aborder. Elle pleure, me dit que c’est ça. On aborde le sujet. Elle dit qu’elle est très bien avec le mec avec qui elle fréquente depuis six mois. Moi en gars simple je lui dis qu’elle a alors toutes les conditions parfaites pour faire son mouflet ! Et hop ! Elle sourit, elle est contente, elle me paye et m’explique qu’en rentrant, elle va dire à son mec qu’elle est décidée à faire cet enfant !

Bon, il semblerait que j’ai triomphé de ce nouveau cas mais je pense encore à ma consœur géniale. C’est ainsi que j’envoie le lien du blog de la consœur au Touffier afin qu’il me donne son avis. C’est mieux d’avoir un avis neutre. Moi, si j’avais lu son blog, soit je me serais dit qu’elle était vachement balèze parce qu’issue de l’ENS, je suis sûr que c’est le genre à bien parler et à ne pas coller des marcassins partout.  Ou alors, pétri de mauvaise foi, j’aurais survolé ses textes en cherchant la petite bête pour finalement me dire qu’elle était naze !

Le lendemain, je reçois un mail du Touffier dans lequel il démonte ma consœur comme un gitan le ferait de son stand de tir à la fin d’une fête foraine ! C’est un assassinat en règle et c’est bien écrit et très bien argumenté. La consœur prend tarif ! Ouf, je respire de nouveau, ma consœur ne semble pas si géniale que cela !

Moi qui avais peur d’avoir sombré dans le péché d’orgueil en me croyant devenu sage et revenu de tout, je suis rassuré en constatant que je peux être jaloux comme une teigne et pétri de mauvaise foi !

Je suis humain !!!


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  • Sympathique article, mais exprimant une compréhension de la sagesse tout à fait nulle et caricaturale, comme c’est quasi-systématiquement le cas dès qu’un occidental, pour ne pas dire un français, ouvre la bouche à ce sujet.

    Sagesse n’est pas perfection, ascétisme ou pureté immaculée de corps et d’esprit. Par pitié, cessez de confondre sagesse et interdits religieux! Quelqu’un de parfait et au comportement impeccable, serait d’un ennui mortel, et à des années-lumière de toute sagesse vivante!

    Votre façon de reconnaître vos petites bassesses, d’en rire et surtout de vous en servir de levier, c’est ce qui peut vous rapprocher le mieux de la sagesse.

    • « Votre façon de reconnaître vos petites bassesses, d’en rire et surtout de vous en servir de levier, c’est ce qui peut vous rapprocher le mieux de la sagesse. »

      C’est justement le fond de l’article. Vous êtes sûr de l’avoir compris ? Et Démocrite n’était pas oriental.

      • L’auteur dit: « … l’ataraxie complète, si elle empêche toute souffrance, est aussi l’antichambre de la mort. Et moi, j’aime bien vibrer un peu. J’aime la sagesse mais un peu seulement, disons juste ce qu’il faut pour me distinguer du commun des mortels, mais point trop pour ne pas devenir un vieillard étique revenu de tout. »

        Ce qui est très clairement une vision pour le moins négative de la sagesse, ou de l’ataraxie, ou de n’importe quelle philosophie de la Grèce antique, peu importe: cela trahit pour moi le préjugé occidental habituel sur la sagesse, forcément ennuyeuse et éloignée de la joie de vivre.

        Ou avez-vous lu que je disais Démocrite oriental? Vous êtes sûr d’avoir tout compris? On peut en douter.

        Cela dit, il n’y a en effet pas que dans la Grèce antique, ni d’ailleurs que dans l’Europe qu’ont pu se développer des philosophies dignes de respect. Il faut un peu se frotter à des sources étrangères, limer sa cervelle à autrui, comme disait Montaigne. Vous voyez: j’ai beau avoir une certaine admiration pour les philosophies d’extrême-orient (et non d’orient), je n’en oublie pas moins nos propres sources de sagesse occidentale.

    • « Quelqu’un de parfait et au comportement impeccable, serait d’un ennui mortel, »
      Ou au contraire très agréable à vivre et intéressant.

      • Quelqu’un comme Félix Parfait? Félix Parfait ne fait jamais de miettes en mangeant, il est toujours poli et bien élevé, il ne manque jamais de dire « s’il vous plaît » et « merci », il aide toujours à ranger et remet tout parfaitement à sa place, ne dit jamais de gros mots, n’élève jamais la voix. Il se montre compréhensif et aimable avec tout le monde, patient, posé, pondéré, jamais il ne froisserait qui que ce soit en disant ce qu’il pense. De fait, Félix Parfait est vraiment parfait: personne n’a jamais eu à se plaindre de lui. Même qu’est-ce qu’il est chiant! :mrgreen:

        Bref, sagesse n’est point perfection. Et Félix, s’il est parfait, est bien plus loin de la sagesse qu’un clochard ivre dans le métro qui beugle son dégoût de cette société où tout le monde va sagement travailler sans même jeter un regard à leurs voisins de rame.

        • Je ne vois honnêtement pas ce qui est « chiant » à être avec quelqu’un de civilisé. Au contraire je trouve que c’est une figure rassurante. Beugler son avis partout en laissant ses émotions dominer en permanence, ça c’est effectivement chiant.
          Je préfère largement quelqu’un qui tend vers le premier hypothétique extrême, qu’être avec un malotru excité.
          Note que je ne parle pas de quelqu’un de sage, mais juste de quelqu’un ayant un comportement impeccable en société.

    • Heureusement Doc grande langue est là !

      Pourtant vous êtes semblables, vous devriez être copain.

      J’ai l’impression que vous êtes un NI NI. Un Français qui aime faire de la thèse, synthèse, antithèse.

      Votre but est d’embrouiller, de peur que l’on vous démasque ?! Me trompe-je ?

      Donnez nous un peu de vous, allongez vous, parlez nous de vous !!!!

  • Moi qd je suis jalouse, je m’arrête me dit bon Mathilde, tu t’aimes bien, non? Oui, tu t’amuse bien dans ta vie? Oui ça va, tu ne regrettes pas tes choix? Non, alors pouf ca s’en va pour un moment 😉
    qd je vous lis j’ai l’impression que vos connaissances ou patients sont soit des gens intelligents/grandes études, soit des filles superbes, talons aiguilles/tailleurs, tirées a 4 épingles, euh c’est quoi votre secret de psy là?
    PS: aller chez le coiffeur, c’est rigolo, moi j’aime bien, mais pas à Paris! Mais alors les balayages, c’est de l’entretien, pfiouh elle a du courage!

    • Vous êtes comme moi, de la campagne !

      Vous ne pouvez pas comprendre ces choses là. Mais, est-ce vraiment les valeurs ?
      Non, hein !

      Et puis voyez vous le gratin s’ennuie, il se trouve des problèmes, des tares, etc….
      Il faut bien les écouter, les pauvres.

      Il y a donc des gens payés pour ça. C’est un marché offre/demande.

      Un peu comme la politique finalement.

      • Oui je comprends. Mais bien sûr que je suis une campagnarde 🙂 j’ai pas peur pour aller vous aider à couper du bois, tant pis pour mes ongles, bon après je leur fais un ptit soin et je remets du vernis qd même!
        Pour moi, le gratin c’est les gens très riches, mais très très riches, là c’est plus des ptits bobos parisien/ennes, fils et filles à papa, nan?

  • Désolé de vous l’apprendre aussi brutalement Philippe (je ne suis ni psy ni diplômé de l’ENS) mais en matière de jalousie et de mesquinerie, vous êtes un petit joueur.

  • Avant toute chose, je ne saurais trop vous conseiller de lire les proverbes dans la bible pour vous perfectionner dans la sagesse, car justement ils se revendiquent de ce dessein.

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