Brexit : Chronique d’une sortie annoncée

Royaume-Uni : Le parti nationaliste UKIP peut-il gagner les prochaines élections législatives ? Quelles en seraient les conséquences ?

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Nigel Farage credits European parliament (licence creative commons)

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Brexit : Chronique d’une sortie annoncée

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 janvier 2015
- A +

Par Thierry Godefridi.

Nigel Farage credits European parliament (licence creative commons)

Dans ses Outrageous Predictions for 2015 (voir l’article « Quels cygnes noirs pour 2015 ? » sur ce site), la Saxo Banque pronostiquait la victoire du parti nationaliste UKIP (United Kingdom Independence Party) aux élections législatives du 7 mai prochain au Royaume-Uni. En enlevant 25% des votes, prédit la banque, ce parti deviendra le troisième plus grand parti du parlement britannique.

Il n’obtiendrait qu’un tiers des sièges des conservateurs et des travaillistes à cause du principe « first past the post » qui régit le système électoral du Royaume-Uni et qui attribue le siège unique d’une circonscription au parti arrivé premier. Mais ce score mettrait ce parti, qui fait campagne contre l’Union européenne et contre l’immigration, dans la position d’infléchir l’aiguille de la balance dans les négociations en vue de la formation du gouvernement. Saxo Banque voit David Cameron diriger le nouveau gouvernement avec comme Vice-Premier ministre le leader nationaliste Nigel Farage, « Mr Serpillière humide » (selon les termes injurieux dont il qualifia l’ancien Président du Conseil européen). Avec cette coalition au pouvoir, un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne deviendrait inévitable et comme une majorité des citoyens britanniques est réfractaire à l’Union européenne selon les sondages, l’on s’orienterait donc vers une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, un « Brexit » (British Exit) en 2017.

Le Financial Times s’est lui aussi livré aux prévisions pour l’année à venir, la question des élections législatives britanniques étant la première abordée. Il prophétise quant à lui une grande coalition entre conservateurs et travaillistes, l’appoint du parti libéral-démocrate n’étant suffisant à aucun de ces deux autres partis pour former une majorité et le « prix » à payer pour gouverner avec UKIP ou le parti indépendantiste écossais étant trop élevé. Quoi qu’il en soit, cette grande coalition, telle qu’il en exista au Royaume-Uni dans les années 1930, consisterait en un mariage de nécessité plutôt que d’amour et elle se heurterait à des questions de personnes, ne serait-ce déjà que pour déterminer qui la dirigera.

Le grand quotidien britannique restait humble quant à la valeur de ses supputations. Il avouait s’être lamentablement fourvoyé un an plus tôt en prédisant la victoire du Brésil à la Coupe du monde de football, une hausse des taux d’intérêt en Grande-Bretagne et la réussite du premier vol commercial de Virgin Galactic. Il soulignait toutefois aussi qu’il avait bien prédit les résultats des élections en Inde et pour le Parlement européen. Et, une première prédiction du FT pour 2015, à savoir la chute du prix du pétrole sous la barre des 50 dollars US, s’est trouvée réalisée dès le 5 janvier !

Brexit or no Brexit, does it matter ? Que l’on en juge sur les trois plans suivants

1) En tout premier lieu, il conviendrait de demander ce qu’en pensent les nombreux immigrés en provenance de pays de l’Union européenne qui vivent en Grande-Bretagne et en particulier les Français qui ont fait de Londres la « sixième ville de France ». Ce sont tous les immigrés et non pas seulement les Bulgares, les Roumains et les Polonais que visent les campagnes xénophobes des tabloïds britanniques pour la plus grande délectation des nationalistes de UKIP. Qui est détenteur d’une carte d’identité européenne, est allé ces temps derniers par la route en Grande-Bretagne et s’est entendu poser par le contrôle des frontières autant de questions qu’en posait le service d’immigration US à l’arrivée sur le territoire américain il y a 35 ans, s’est rendu compte que le réflexe nationaliste s’adressait à toutes les nationalités européennes, sans exception.

2) En second lieu, comment se désintéresserait-on de la Grande-Bretagne, cinquième puissance économique mondiale (derrière les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne), un rang qu’elle a repris à la France comme l’annonçait, le 6 janvier, Le Figaro qui y voyait trois explications : la croissance, l’inflation et la livre sterling. La croissance économique s’étant élevée en 2014 à plus de 3% au Royaume-Uni (contre 0,4% en France) et le différentiel d’inflation (l’antienne de l’année !) n’étant que de deux dixièmes de pour cent selon les dernières estimations, faudrait-il en conclure que c’est donc d’une monnaie plus forte dont ont besoin les pays en panne de croissance ? N’était-ce pas une dévaluation que réclamaient les pourfendeurs de l’euro sur le continent ? Les Français de Londres et d’ailleurs en Angleterre ne se sont pas leurrés sur les perspectives qui s’offraient à eux de part et d’autre de la Manche. Ne serait-il pas urgent de ce côté-ci de s’interroger sur les vrais facteurs de la croissance, une réduction du poids de l’État dans l’économie, un encouragement de la volonté d’entreprendre et une flexibilité du marché du travail ?

3) Enfin, comme l’a écrit Charles Gave, le président français et anglophile de l’Institut des Libertés, un Brexit, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, serait regrettable sur le plan des institutions européennes. « Entre un État de droit et le droit de l’État, les Anglais ont opté il y a bien longtemps pour le premier, au contraire des Français par exemple. Une Europe sans le Royaume-Uni perdrait toute crédibilité démocratique. La technocratie et le capitalisme de connivence pourraient s’y déployer sans aucune contrainte. Nous nous retrouverions dans une URSS molle, condamnée à stagner et à sortir de l’Histoire. Si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne – ce dont Charles Gave se déclare intimement convaincu – ce serait, conclut-il, un véritable désastre. »

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  • Charles Gave est un prophète: « La technocratie et le capitalisme de connivence pourraient s’y déployer sans aucune contrainte. »C’est le point no3 le plus préoccupant en effet

  • RAMASSIS DE CONNERIES COMME D’HABITUDE , COMBIEN DE SOIS DISANT EXPERTS VONT ENCORE POLLUER CE DÉBAT

  • Entièrement d’accord, l’UE sans le R-U ce serait la porte ouverte aux abus bureaucratiques, j’ose espérer que ça n’arrivera pas et à espérer une victoire es travaillistes (et croyez-moi Ed Miliband ne m’inspire aucune sympathie).

    • Miliband est un sombre crétin et pour avoir écouté quelques débats anglais, il n’est pas le chef de file pour rien, ses adjoints sont encore plus idiots. On ne peut pas souhaiter ça au anglais, d’autant que je pense qu’une victoire à la Pyrrhus des travaillistes et c’est le Brexit à coup sûr aux élections suivantes. Les élections de cette années sont tellement indécises et lourdes de conséquences qu’il faudra surveiller ça de près.

  • Que l’UKIP soit en mesure de remporter une belle victoire… c’est une certitude.

    Mais après ? C’est exactement comme en France avec le FN. 25 %… et quoi ? Rien.

    Le système, français ou anglais, est très bien verrouillé.

    On ne gouverne pas avec 25 %… Surtout lorsqu’on est dans le camp du « mal », ostracisé par tous les autres partis politiques, les médias, etc.

    La campagne haineuse et hystérique contre l’UKIP… est parfaitement similaire à celle contre le FN.

    Donc un ou plusieurs ministres, pourquoi pas. Mais il n’y aura pas de référendum, pour une raison très simple : même les conservateurs n’en veulent pas.

    Cameron est vraiment fourbe sur cette question. Il travaille pour le camp bruxellois.

    • Vous êtes mal renseigné. Primo l’UKIP ne remportera pas les élections au mieux il aura autant de sièges que le nombre actuel du LibDem. Secondo, une bonne moitié des conservateurs sont hostiles à l’UE et conformément à cette tendance en hausse dans le parti, Cameron en a intégré plusieurs dans son dernier remaniement… La stratégie de Farage a semble-t-il un peu évolué, il ne tire plus exclusivement sur Cameron qui lui semblait être le verrou principal empêchant une alliance UKIP/Cons, il tire maintenant aussi à vue sur les travaillistes dont il sent qu’il peut récupérer le vote populaire. Comme en France, pour les mêmes raisons, les électeurs travaillistes sont des bobos upper-class et les fonctionnaires bien gavés par l’idéologie véhiculée par les médias. Mettre UKIP sur le même plan que le FN est une grosse erreur. Le FN est ouvertement xénophobe et socialiste sans vrai programme.

  • « Serpillière humide  » n’est pas une injure, expression désobligeante, mais pas une injure. Ce que veut dire l’auteur de cette article c’est qu’il a ressenti cette image comme un crime de lèse majesté…..

  • Je prends l’eurotunnel depuis 20 ans, deux fois par mois, et il n’y a aucune différence de ton lors du contrôle du passeport. Ca n’a rien avoir avec la douane américaine ou le type de vous dit meme pas bonjour.

    Je travaille avec des anglais depuis très longtemps. Ils font une énorme différence entre des immigrés français qu’ils ne considèrent pas comme des immigrés (puisqu’on vit dans un pays qui a certes ses défauts mais qui est très proche du leur) et les immigrés qui viennent des pays de l’est.

    Et puis surtout ils n’en peuvent plus des muslims qu’ils considèrent comme des assistés. Voilà pourquoi ils votent Ukip, qui a un programme économique Thatcherien.

  • Je rapelle que FN (France) = programe national-socialiste économiquemnt parlant.
    UKIP : Souvrainiste et libéral…

    • UKIP s’est plutot recentré ces derniers temps sur le plan économique (notamment par rapport au NHS), notamment pour prendre des voix au Labour.

  • Les commentaires sont fermés.

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