Dégel États-Unis-Cuba : un cadeau empoisonné au castrisme

Le dégel dans les relations entre ces deux pays pourrait annoncer la démocratisation de Cuba.

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Castro credits chrisUK (licence creative commons)

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Dégel États-Unis-Cuba : un cadeau empoisonné au castrisme

Publié le 24 décembre 2014
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Par Fabio Rafael Fiallo.

Castro credits chrisUK (licence creative commons)

Tout en n’étant pas Cubain, l’adhésion de l’auteur à la lutte pour la démocratie à Cuba est totale. Non seulement parce qu’une partie de sa famille s’y était implantée dans les années 30 du siècle dernier, fuyant une dictature impitoyable (celle de Trujillo en République dominicaine). Mais aussi, et surtout, parce que, appartenant lui-même à une famille de dissidents, et ayant vécu son enfance sous cette dictature-là, il sait parfaitement ce que l’on ressent quand on voit le monde tourner le dos aux vicissitudes d’un peuple privé de liberté.

Puissent ces propos liminaires servir à expliquer pourquoi l’auteur comprend aisément les critiques, émanant de personnalités aussi bien de l’exil cubain que de la dissidence intérieure, formulées à l’égard du rétablissement des relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba.

Or, comprendre ces critiques ne veut pas dire les partager. Car tout bien considéré, le dégel dans les relations entre ces deux pays pourrait s’avérer être une boîte de pandore de laquelle peut surgir l’instauration de la démocratie à Cuba.

À commencer par le fait que le castrisme n’aborde pas en position de force l’étape qui commence.
Lorsque le Président Raúl Castro obtempère aux demandes de l’« empire » et annonce la libération de 53 prisonniers politiques – au lieu d’entonner l’habituelle antienne de « Cuba n’est pas en vente » – la raison n’en est autre que le régime qu’il incarne est à bout de souffle après avoir détruit, non pas une, mais deux économies : d’abord l’économie cubaine, ensuite celle du Venezuela.

Pour le régime cubain, c’était une question de vie ou de mort que d’assurer le bon fonctionnement de l’économie du Venezuela, seul moyen de pérenniser l’aide astronomique qu’il reçoit de ce pays pétrolier. Or, par inertie idéologique, le castrisme utilisa l’écrasante influence qu’il exerce sur le gouvernement vénézuélien pour amener celui-ci à répéter les mêmes bêtises qui avaient fait couler l’économie de Cuba.

Maintenant, conscient du fait que l’aide fournie par le Venezuela ne pourra se maintenir aux niveaux actuels – car l’économie vénézuélienne est au bord de la paralysie après 15 années d’un « socialisme du XXIème siècle » d’inspiration cubaine – le régime castriste ne pourra facilement rejeter les appels des États-Unis à une ouverture politique en échange d’un plus grand apport commercial, financier et technologique.

Supposons que depuis sa future ambassade à La Havane, les États-Unis décidaient d’entamer un dialogue soutenu avec des représentants de la société civile et de la dissidence cubaine, et demandaient dans les enceintes internationales le respect des droits humains fondamentaux à Cuba. Que ferait alors le régime castriste ? Ouvrir à nouveau les hostilités en dénonçant une « ingérence inadmissible » dans les affaires intérieures de Cuba, et annihilant par là même les perspectives économiques ouvertes par ses nouvelles relations avec les États-Unis ? Ce serait un mauvais calcul.

Et si par hasard le régime cubain décidait d’agir de la sorte malgré le coût que cela entraînerait, vers quel saint se tournerait-il en quête de secours ? Vers un Venezuela mis à terre économiquement ? Vers un Brésil avec le triple handicap d’une inflation rampante, de comptes publics dans le rouge et d’un commerce extérieur déficitaire ? Vers une Russie aux prises avec le spectre de la stagflation ? Pas sûr que Cuba tirerait grand-chose de ces sources-là.

Il reste bien entendu Beijing. Or, la Chine a déjà investi massivement à Cuba, et ne le ferait davantage que si les perspectives économiques étaient prometteuses, ce qui pourrait être mis à néant par une nouvelle détérioration des relations avec les États-Unis.

Les adversaires du dégel soulignent qu’une éventuelle amélioration de la situation économique à Cuba grâce au dégel pourrait renforcer le régime castriste et ne conduirait pas nécessairement à l’instauration de la démocratie. Ils donnent pour preuve la Chine. Or, à cet exemple on pourrait opposer le cas de la Corée du Nord : voilà un pays fermé au monde, producteur de famines à répétition, battant des records de misère, et dont le régime tient malgré tout. Corollaire : l’isolement d’un régime totalitaire – comme le prônent les adversaires du dégel – n’en garantit pas l’effondrement.

Aussi convient-il d’analyser le cas cubain en fonction de sa spécificité. Et ce que l’on voit actuellement est un castrisme chancelant, vétuste, ayant perdu les illusions et l’aura des origines, prêt à se rapprocher de l’« empire » dans le but de survivre économiquement. C’est pourquoi les États-Unis sont en mesure de pousser le régime castriste à s’engager, certes à contrecœur, sur le chemin du respect des droits de l’homme.

Castro René Le HonzecLe fait que le Congrès des États-Unis, désormais sous le contrôle du Parti Républicain, soit hostile au dégel, offre à Obama, sur un plateau d’argent, l’épouvantail qu’il peut utiliser pour exiger au régime castriste une ouverture vers la démocratie afin d’éviter que le Congrès décide de durcir la législation à l’égard de Cuba.

D’autre part, l’élite au pouvoir à Cuba ne peut ignorer que le successeur d’Obama pourra assumer une posture plus exigeante vis-à-vis de Cuba si le dégel ne s’accompagne pas d’une amorce de démocratisation. Raison de plus, donc, pour Cuba de répondre positivement aux demandes formulées par le Président Obama.

Le pari de la démocratie à Cuba, à n’en pas douter, est loin d’être gagné. Mais le rétablissement des relations diplomatiques entre le régime castriste et les États-Unis ouvre des perspectives à ce sujet que plus d’un demi-siècle de rupture ne parvint jamais à créer.

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  • Les USA, après s’être ridiculisés dans les tentatives ratées d’assassinat de Fidel Castro, après avoir imposé un embargo imbécile, mesure qui punit doublement le peuple… les USA se rapprochent enfin ! de Cuba. Effectivement, cela va très certainement sonner la fin du règne castriste. Ils auraient du commencer par la…

    • Encore un qui croit que c ‘est l’embargo qui pénalise le peuple de bien de première nécessité alors que les touristes dans leur hôtel et club de vacances de manquent de rien.

      Cuba a toujours pu importé ce qu’il voulait des autres pays comme le pétrole de Chavez à des prix favorables.

      Pour l’auteur du billet,

      Le régime n’a pour l’instant que juré que sa politique ne changera pas. Obama est un gros naïf qui répète ses mêmes erreurs comme avec les islamistes des frères musulmans d’Egypte à qui il a tendu la main. Castro lui là bien compris qu’il avait conclu un accord politique avec un faible.

      @ ça suffit,

       » Fidèle n’était peut-être pas aimé mais était vénéré pour son rôle historique.  »

      C’est quoi la différence entre être vénéré et aimé? Vous en savez rien si Fidèle était vénéré par son peuple. Je le croirais qui si vous me trouvez un exemple ou le peuple Cubain aurait eu le choix entre fidèle et un opposant au régime dans des élections libres.

      D.J

      • Le régime cubain sera forcé de changer, c’est ce que sa jeunesse désire.

        • Si les dictatures changeait en fonction de ce que désire la jeunesse il n’y aurait plus que des démocraties dans le monde.

          D.J

          • Et ce fut souvent le cas à travers l’histoire, regardez la Tunisie 😀

            • Et combien dans l’histoire des dictatures communistes?

              N’oubliez pas que c’et Obama qui a eu l’initiative d’ouverture entre les deux pays pas Castro. Obama aurait mieux fait de soutenir les démocrates cubains opposants aux régimes plutôt de promettre de signer des chèques en blanc avec la dictature. Obama risque bien de renforcer le pouvoir à coup de dollar au lieu de l’affaiblir.

              J’en fait le pari que d’ici décembre 2015 on parlera partout de désillusion à Cuba 1 an après la main tendue d’Obama à la dictature castriste. On ne change pas la nature d’un serpent. Surtout un serpent à  » sornettes « .

  • Pourvu que le socialisme ne remplace pas le castrisme. Travailler pour ceux qui vivent en permanace de l’assistanat est pire que le catrisme où finalement tout le monde gagne un peu. Se sentir spolier par l’Etat qui de plus ne vous protège pas dans les faits , ne vous donne aucune faveur, alors que le fruit de votre travail sert aussi à nourrir les enfants du voisin, ne peut vous apporter du bonheur. Si la dèmocratie à Cuba devait servir d’excuse pour l’Etat pour survenir à financer les pauvres sur le dos des riches, comme en France, il ya aurait une augmentation des expatriés cubains. Trujillo ètait un crininel qui voulait acheter une vertie en fesant des ouvertures à l’international. Pourvu que ce ne sera pas le cas pour Castro!

  • L’internet en accès libre ferait plus que le dégel.
    Il confirmera ce que tout le monde sait de la réalité de l’économie de marché.

    A Cuba à part les vieux de plus de 50 ans gardiens de la révolution et la nomenklatura, toute la population ne souhaite que s’exiler vers les USA.

    • Cela permet à la population cubaine aux USA de croître assez fortement d’ailleurs, vu que des dizaines de milliers y émigrent chaque année. La communauté cubaine aux USA atteint quand même les 2 millions de personnes, et venant d’une île de 11 millions d’habitants ça en dit long surtout que sa population est en baisse !

  • En tout cas Raoul Castro n’est pas idiot, il a bien vu que le Venezuela s’écroule et ne pourra plus aider Cuba bien longtemps donc il a préféré se rapprocher des Etats-Unis, c’est une action intelligente 🙂

    En tout cas pour voir la différence entre libéralisme et communisme il suffit juste de comparer Cuba et communauté cubaine aux US : les cubano-américains ont un niveau de vie équivalent à la moyenne US et un niveau d’éducation assez similaire à celui des Américains d’origine européenne là où Cuba reste misérable,avec une terrible pauvreté. Et puis regardez ce que les Cubains capitalistes et libres ont fait de Cuba : à la base petite ville inconnue du monde extérieur ils en ont fait une ville mondiale et une des plus grandes zones métropolitaines du pays, le Sud de la Floride étant devenu la Porte vers l’Amérique Latine et ayant su attirer des latinos de toute nationalité, et se trouve être l’Etat où investissent le plus les Brésiliens, Colombiens et Venezueliens, là où ils voyagent le plus également ! Et il y a un projet pour faire de Miami la Silicon Valley du monde hispanophone.

    Comme quoi la liberté économique et politique peut accomplir des miracles, l’immigration aussi d’ailleurs.

    •  » regardez ce que les Cubains capitalistes et libres ont fait de Cuba : à la base petite ville inconnue du monde extérieur »

      Comprends pas ! Cuba est une ville ?

      • Il y a une coquille : il s’agit de Miami…

      • je voulais dire Miami 🙁

        • OK, mais vous n’exagérez pas un peu en attribuant le développement de Miami aux Cubains ?

          Quant à Raoul, il a depuis quelques années la main sur le pouvoir. Mais tant que son frère est vivant, l’ombre de la révolution plane sur le pays et on ne sait pas très bien quels sont les projets de Raoul. Il est temps que Cuba tourne la page (dommage pour les touristes). Mais il faudra probablement attendre la mort de Fidel pour passer de « Venceremos » à « Buvez coca-cola ».

          • Ils ne sont pas entièrement responsables bien sûr, la politique de la ville, de l’Etat de Floride et des Etats-Unis a beaucoup joué, par exemple en attirant massivement les retraités du Nord du pays et leur richesse avec.
            Mais la contribution des cubains a été indéniable et forte : Miami n’aurait jamais été la Porte d’entrée vers l’Amérique Latine sans eux, jamais les producteurs TV des pays latinos ne viendraient aussi nombreux filmer à Miami sans cela et les Brésiliens n’en feraient pas leur partie favorite du pays sans cela, c’est quelque chose qu’on ne peut pas nier, ils ont vraiment fait de Miami une ville mondiale et riche.
            Il faut savoir que les exilés Cubains ayant fuit aux US après la révolution castriste étaient éduqués : beaucoup de médecins et d’entrepreneurs, de l’immigration de haute qualité donc.
            Aujourd’hui la communauté à la plus forte croissance dans la région de Miami semble être la communauté vénézuélienne fuyant la crise économique dans leur pays, et beaucoup semblent être des entrepreneurs et travailleurs de la classe moyenne haute, vous pouvez être sûr qu’ils apporteront beaucoup aussi.

  • l’embargo était surtout motivé par des raisons de politiques intérieures. il y a une importante population d’origine cubaine en floride. or la floride est un état clé pour gagner les présidentielles (car c’est un état tantôt démocrate tantôt républicain). pendant longtemps cette population cubaine était très anticastriste. mais aujourd’hui, les choses ont changé. la majorité de la population cubaine aux usa n’a pas connu l’exil contrairement à leurs parents donc les relations avec cuba jouent un rôle beaucoup moins décisifs dans leur choix de vote. de plus, aujourd’hui, la plupart des exils vers les usa sont motivés par des raisons économiques et non plus politiques

  • Sauf révolution de palais, Cuba et son régime communiste évolueront vers ces états schizophrènes que sont la Chine ou mieux, le Viêtnam.

    • Le Vietnam a le mérite de s’ouvrir peu à peu, et leur pays deviendra clairement libéral si l’accord du TPP a lieu, cette gigantesque zone de libre-échange entre 12 pays d’Asie-Pacifique (dont les USA, le Japon, l’Australie, le Canada, le Mexique..etc..) car les régulations entre ces pays seront alignées et au moins 95% des tarifs seront supprimés.
      Si Cuba en fait de même ce sera déjà un grand pas, mais on en est loin.

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