La folie furieuse de la BCE

Les actifs de la BCE sont financés en grande partie par un savant – mais dangereux – jeu d’écriture consistant à récupérer des centaines de milliards d’euros en même temps qu’ils sont prêtés.

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folie furieuse René Le Honzec

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La folie furieuse de la BCE

Publié le 17 décembre 2014
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Par Jean-Pierre Chevallier.

folie furieuse René Le Honzec

La BCE prétend sauver la zone euro en crise, et même le monde entier menacé par contrecoup d’une croissance trop faible, en prêtant à 0,15 % des centaines de milliards d’euros aux banques pour qu’elles les prêtent à leur tour aux investisseurs (ménages et entreprises), et en achetant pour des centaines de milliards d’euros des dettes d’entreprises et des États de la zone – comme l’a fait la Fed dans le cadre de sa politique monétaire dite accommodante (Quantitative Easing).

Mais curieusement, personne, ni les journalistes ni les « experts financiers et économiques », en particulier les célèbres stratégistes de Natixis et des autres Gos banques, ne dit comment ces projets hors normes portant sur bien plus de 1 000 milliards d’euros seront financés !

La situation de la BCE est totalement différente de celle de la Fed. En effet, si la Fed a acquis pour 4 230 milliards de dollars de titres (en bons du Trésor américain et en titres hypothécaires)…

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… c’est parce qu’elle dispose de 2 900 milliards de dollars de dépôts de banques qui sont constitués de leurs propres réserves et de celles d’entreprises qui sont leurs clientes et qui proviennent dans les deux cas de bénéfices accumulés en attente de placement (et pour 1 280 milliards en billets).

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La Fed n’a donc fait que faire circuler cet argent déposé dans ses comptes, ce qui est parfaitement légitime et même indispensable car, si elle ne l’avait pas fait, le gel de cette masse aurait eu des effets déflationnistes non négligeables.

Comme je l’ai déjà écrit à maintes reprises, cette politique dite de QE menée par la Fed a eu pour effet de réengager une circulation monétaire sans entraîner de création monétaire.

L’argent est donc resté sain aux États-Unis, ce qui est le premier pilier des Reaganomics.

Il n’en est pas de même dans la zone euro. En effet, la BCE ne dispose que de 200 milliards d’euros de dépôts (rubrique 2 du passif) effectués par des banques (contre 2 900 milliards de dollars pour la Fed !)…

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… qui proviennent en fait, non pas de bénéfices comme aux États-Unis, mais de prêts que la BCE a accordés à ces banques pour un montant de l’ordre de 500 milliards d’euros (rubrique 5 de l’actif) !

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Que voilà des équilibristes de haut vol !
Pour l’instant, tout va bien, l’euro système ne s’est pas effondré car le bilan est bien équilibré grâce à quasiment 1 000 milliards d’euros de billets achetés par les malheureux membre de l’eurozone (rubrique 1 du passif), à 400 milliards de capitaux propres dépendants en grande partie des cours de l’or (rubriques 11 et 2 du passif) et à ces 200 milliards de dépôts bancaires paradoxaux,

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Les actifs de la BCE sont donc financés presque pour moitié par sa fameuse planche à billets, 20 % par ses capitaux propres et pour le reste par un jeu d’écritures basé sur une gestion acrobatique du temps au jour le jour : la BCE récupère des centaines de milliards d’euros qu’elle prête en même temps aux banques !

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Un petit rappel : comme les banksters de la zone euro n’ont pas confiance entre eux, le marché interbancaire est bloqué. Les banques ayant une position débitrice sont donc obligées d’emprunter à la BCE pour avoir tous les soirs une position créditrice auprès d’elle sans pouvoir emprunter directement aux banques qui ont une position créditrice, comme c’était le cas avant les grandes turbulences financières.

Les mouvements de ces prêts et dépôts sont de très grande amplitude selon les tensions qui règnent dans la zone,

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La différence entre les dépôts et les prêts tend à plonger. Elle est miraculeusement maintenue à -300 milliards grâce aux vigoureuses interventions de la BCE qui est pourtant complètement dépourvue de munitions, c’est-à-dire de capitaux pour faire face à toute détérioration des marchés,

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Ces deux derniers graphiques montrent bien que les TLTRO (« Targeted Long-Term Refinancing Operations ») n’ont aucun effet sur l’offre de crédits des banques qui ne font que profiter de la baisse des taux pour rembourser des emprunts antérieurs.

Pour financer les centaines de milliards de prêts avantageux aux banques et de rachats de junk bonds, la BCE ne dispose que d’une marge de manœuvre de l’ordre de 500 milliards d’euros…

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… ce qui est peu car la situation peut se détériorer très rapidement, comme cela s’est déjà produit dans le passé récent,

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Pour l’instant, tout va bien, l’euro système ne s’est pas effondré.


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  • Combiné au Grosse Plan Juncker ça va dracher drû les petites liasses de bifton grauites, encore toutes chaudes sortie des rotatives de la BCE e de ses affidés..

  • donc … question du citoyen lambda ( exemple : moi ) qui ne comprend pas tout à ces techniques mais qui comprend juste que ça a l’air foireux :
    ça peut tenir combien de temps ce bricolage avant de partir en vrille ?

  • Le rôle d’une banque centrale est (entre autres) de créer la monnaie. La BCE n’a nul besoin d’avoir des fonds en dépôt pour les prêter: c’est elle qui crée les fonds en question.

    • tsstsss
      Oui elle émet ces fonds, mais elle doit être en capacité de les produire en bloc, si nécessaire, en s’appuyant sur des valeurs qu’elle détient ou qu’elle peut detenir

  • Il y a une grosse erreur de diagnostic : ce n’est pas la Fed qui reinjecte l’argent déposé par les banques mais les banques qui déposent à la Fed l’argent crée par celle-ci . En gros tout l’argent crée par la Fed est retournée à l’envoyeur , ce qui fait que tant qu’il n’y a pas une relance du credit et de l’investissement , la Fed aura beau augmenter sa base monetaire on aura toujours ces 2 lignes trés proches , par contre dans le cas contraire , les banques reprennent leurs depots et on a alors l’effet inflationnatiste de la creation monetaire

    • Plutot d’accord avec Antoine et pas convaincu par « L’argent est donc resté sain aux États-Unis »

      Ce que je lis dans les comptes de la Fed, c’est que les banques deposent leurs sous et la Fed finance le gouvernement avec (les banques ne souhaitent pas prendre ce risque directement) tandis que la BCE prete aux banques (c’est son role) qui financent les gouvernements en prenant elles-memes le risque sur les souverains, ce qui n’est effectivement pas le metier de la BCE (ni de la Fed, il me semble)

      Vu la situation, je ne suis pas convaincu que les banques soient sages dans leur approche (emprunter des sous pour preter aux gouvernements – je crois qu’il y a quelque part une main visible qui les pousse a le faire) mais eclater le risque de defaut des gouvernements parmi les banques me parait plus judicieux que le concentrer au niveau de la banque centrale…

    • M1 a doublé aux US depuis 2008 il faut pas raconter n’importe quoi .
      Si ce raisonnement était vrai il n’y aurait alors aucune raison de stopper le QE ni meme de ne pas l augmenter .
      Il s agit juste d’une interpretation de lignes comptables mais il y a bien creation monetaire.
      Je le repete : c’est les banques qui deposent l argent cree par la Fed et non le contraire .
      Il y a eu beaucoup d etudes sur l impact des QE sur le cours des actions et obligations ou sur l’inflation , ce n’est pas un illuminé qui va tout remettre en cause en sortant 2 lignes du bilan de la Fed qu’il interpréte à sa maniere

      • Mais que vient faire Delamarche la dedans ? Je n’ecoute pas les clowns donc encore moins Delamarche.
        En tout cas chevallier devrait faire l ecole du cirque avec delamarche ils auraient du succes tout les 2 .
        c est juste la base de l economie , base monetaire = creation monetaire or la base monetaire de la fed a quintuplé depuis 2008 si un pseudo economiste n est pas capable de comprendre ca je ne peux rien pour lui .
        Et quand je te dis que M1 a doublé aux etats unis depuis 2008 tu me reponds qu’il ne faut pas regarder le montant absolu mais relativement au PIB : ah oui c’est vrai le PIB a doublé aussi …
        Non mais franchement c’est n importe quoi

    • Je dois etre un idiot inutile mais je ne comprends pas. L’article en lien precise que la Fed achete 3600 milliards de titres aux banques mais que ce n’est pas grace a la planche a billet… « qui sort des comptes de la Fed, mais c’est de l’argent gagné »
      A ma connaissance, l’argent qui sort des comptes de la Fed, c’est de la monnaie banque centrale, ce qui correspond a la definition de la planche a billets : la Fed detient des actions plus ou moins pourries a son actif et de la monnaie banque centrale a son passif.

      Je veux bien me tromper et croire que le dollar est sain mais si la bulle sur les marches actions et/ou obligations eclate, la Fed sera en possession d’actifs deprecies et n’aura pas d’autre choix que de deprecier son passif (les dollars dus aux banques commerciales) pour equilibrer son bilan, non?

  • Le principe d’une banque actuellement, c’est de payer un client en ajoutant un nombre sur son compte : c’est la création de fausse monnaie.

    Quand une banque centrale achète 1000 de titres à une banque commerciale, elle additionne +1000 sur son compte de réserve à la banque centrale : une simple écriture comptable. Conclusion : la banque centrale n’a besoin de rien pour acheter des actifs.

    Ce que la FED a fait, c’est acheter tous les titres toxiques des banques commerciales, leur créant ainsi des liquidités pour les compensations inter-bancaires.

    La BCE a pour le moment refusé de faire cela : la BCE refuse d’acheter les titres toxiques.

    Pour comprendre il faudrait comparer le bilan de chaque banque centrale à la somme des bilans des banques commerciales, rapporté à la population. Vos conclusions pourraient bien changer.

  • Les commentaires sont fermés.

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