L’« indice de planète heureuse » : bien-être soutenable, ou bêtise insoutenable ?

L’« indice de planète heureuse » prétend mesurer la capacité des pays à prodiguer « des vies longues, heureuses et soutenables » à leur population. Décryptage.

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Carte mondiale du bonheur soutenable - Credit Happy Planet Index

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L’« indice de planète heureuse » : bien-être soutenable, ou bêtise insoutenable ?

Publié le 15 décembre 2014
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Par Anton Suwalki

Le Happy Planet Index (HPI), ou indice de planète heureuse, ça ne vous dit rien ? Moi non plus, jusqu’à un article peu critique récemment paru dans Pour la Science. Les termes employés incitent déjà à la méfiance. Cela renifle fort l’hypothèse Gaïa. Une planète (catégorie astronomique) heureuse, ça ne veut a priori rien dire. Voyons quand même cela de plus près.

Le HPI a été inventé par la New Economics Fondation, un think thank britannique qui œuvre pour promouvoir « la justice économique, sociale, et environnementale »… Tout un programme.

Classement du HPI : comme c’est bizarre !

À l’échelle de chaque pays, le HPI mesure la capacité à prodiguer « des vies longues, heureuses et soutenables » à leur population. Le scepticisme grandit d’autant plus qu’on découvre la carte mondiale du « bonheur soutenable » :

Carte mondiale du bonheur soutenable - Credit Happy Planet Index

En vert , les meilleurs élèves, des pays d’Amérique latine plus le Vietnam, le champion étant le Costa Rica avec un HPI de 64. En rouge, la classe des cancres, dans laquelle les États-Unis côtoient la plupart des pays d’Afrique noire ou la Mongolie.

Encore n’en sommes-nous pas à bout de nos surprises : Haïti (HPI=41,3) nage dans le « bonheur soutenable », comparé au Luxembourg (HPI=29). Et figurez-vous que l’heureuse Palestine culmine à 51,2, faisant beaucoup mieux que la plupart des pays industrialisés…

La drôle d’équation du bonheur soutenable

On connaissait l’indice de développement humain (IDH), conçu par l’économiste indien Amartya Sen, prix « Nobel » d’économie, qui combine des indicateurs tels que le revenu par tête, l’espérance de vie, et l’accès à l’éducation. Au-delà, il y a toutes les statistiques économiques et sociales disponibles qui permettent de se faire une idée des conditions de vie d’une population donnée. Mais vouloir calculer un indice synthétique de bonheur est a priori une gageure. La New Economics Fondation aurait-elle vraiment réussi ce défi ?

Comment des pays en bas du classement du point de vue de l’IDH peuvent-ils être devant les pays les plus développés en matière de « bonheur soutenable » ? Réponse : parce que dans le bonheur soutenable, il y a soutenable, le mot fourre-tout de l’idéologie écologiste. « Les résultats de l’indice [HPI] permettent de classer les pays en fonction de leur efficience, combien de vies longues et heureuses chacun produit par unité d’output environnemental [sic !] ».

Il est temps de voir ce qu’il y a derrière ce charabia. On passera sur les petites subtilités de la cuisine mathématique1 qui rebuteront plus d’un lecteur, et qui ont surtout le mérite de faire passer ces sornettes pour un travail d’analyse sérieux. Le HPI est calculé à partir de trois indicateurs. En gros,

HPI = (Bien-être vécu x Espérance de vie) / Empreinte Écologique

Le HPI comporte donc un seul indicateur à la fois objectif et incontestable dans son calcul, l’espérance de vie.

Le bien-être vécu ? « Si vous voulez vraiment savoir comment vont les gens, le mieux est de leur demander directement. » La New Economics Fondation utilise donc un sondage international de l’institut Gallup qui demande dans chaque pays aux sondés de classer leur satisfaction de vie sur une échelle de 0 à 10. Si sur le principe, demander aux gens paraît une bonne idée, les réponses d’un Suédois, d’un Coréen et d’un Malgache sont-elles directement commensurables ? Si l’on prend en compte le niveau très proche du bien-être exprimé par les Mexicains et celui des Américains, comment expliquer qu’il y ait plus de 11 millions d’immigrés mexicains aux États-Unis, dont 3 à 4 millions illégaux ? C’est un autre élément de scepticisme.

Mais c’est évidemment la dernière variable qui attire le plus notre attention : la fameuse empreinte écologique, escroquerie intellectuelle promue par le WWF et le Global Footprint Network (GFN).

L’exemple éloquent d’Haïti

Du coup, on peut comprendre ce qu’entend le think thank écolo par « efficience d’un pays », et par les vies longues et heureuses par « unité d’output environnemental ». Et on comprend mieux l’étonnante performance de Haïti, l’un des pays les plus pauvres : certes, un Haïtien vit en moyenne 18 ans de moins qu’un Luxembourgeois, n’affiche pas un bien-être particulièrement ostentatoire (3,8/10 contre 7,1/10 pour le Luxembourgeois ), mais il a le bon goût de ne consommer que 0,6 « hectare global/par tête »2, contre 10,7 hectares pour l’habitant du Grand Duché. Du coup, la planète est « heureuse » en Haïti, pensez-vous !

Le cas particulier d’Haïti, qui a perdu la quasi-totalité de sa couverture forestière au cours du siècle dernier au prix de conséquences désastreuses, illustre encore un peu plus l’ineptie de cette approche de la « soutenabilité » à travers la fumeuse empreinte écologique. Si la « planète», à en croire la New Economics Fondation, n’est pas loin d’exulter à Haïti, ça n’est pas parce que l’environnement et les ressources y sont gérés de manière durable, mais parce que les Haïtiens sont très pauvres. Du coup, leur activité n’affole pas les compteurs truqués du WWF & GFN.

Conclusion

On voit mal, une fois cet indice HPI décortiqué, quel rapport il peut avoir avec « la justice économique, sociale, et environnementale » revendiquée par l’ONG. Mais on voit mieux quelle idéologie le sous-tend. Quant à sa valeur informative, elle est sans doute proche de celui concocté par le régime Nord-Coréen.

Post Scriptum : le Bhoutan, pays du « Bonheur National Brut », n’apparaît pas dans le classement du HPI. Pays arriéré et Régime (jusqu’à présent) rétrograde célébré dans l’effroyable film de propagande de Marie-Monique Robin, et diffusé par Arte. Sans doute parce qu’on est si heureux dans ce pays que l’échelle qui sert à mesurer le bonheur des autres pays est trop petite. On ne mesure pas la distance de la Terre au soleil avec une règle d’écolier.

  1. Détaillées dans le rapport complet disponible sur leur site.
  2. Seul l’Afghanistan fait « mieux », si on ose dire.
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  • Il serait temps que les socialistes accordent leurs violons. Un jour on nous dit que le Danemark est la preuve qu’on peut être écosocialiste, riche, heureux et payer plein d’impôts à la fois, et maintenant ce sont des cancres qui maltraitent Gaïa. Faudrait savoir.

    • Le Danemark est 10eme au classement de la liberté économique alors que la France est 70eme, la dette y est de 46% et le chômage de 6.7% (4% en 2007). Le Danemark est classé 3eme pour sa démocratie alors que la France est classée 29eme.

      Une économie libérale avec une réelle liberté démocratique peut effectivement soutenir un haut niveau de social consenti (puisque réellement démocratique). Le Danemark est très réactif et sait faire des réformes.

      Le Danemark est une porte d’entrée valable pour démonter les conneries des socialistes.

  • L’indice mesure finalement la capacité des gens d’un pays à vivre rationné. Il permet d’ériger en modèle un fonctionnement pénurique et en crise permanente dont le but implicite est de séparer l’humanité de la Terre.

    Au fait, le Bhoutan est passablement étrillé dans Far Cry 4, le jeu vidéo qui parodie le pays (l’état indien du Sikkim aussi, soit dit en passant) sous la forme d’une dictature exotique en proie à la guerre civile, du nom de « Kyrat »… Le joueur y passe une bonne partie de son temps à abattre des espèces rares à l’arme lourde.

  • En premier les pays où on peut s’estimer heureux d’être encore en vie…

  • Si je comprends bien, les mexicains qui quittent leur pays en vert pour aller vivre aux US en rouge sont les pires des crétins ?

    Et doc l’unité de mesure de la bêtise humaine est le « carottes.années/pesticides » ?

  • Ils n’ont pas honte.
    Bon Cuba bien placé, c’est classique. Mais comme l’Irak où il ferait bon vivre..

  • Décidément, les pastilles de couleur attaquent le cerveau des gens qui les utilisent.

  • La Corée du Nord n’y apparait pas non plus… Peut-être parce que s’il devait apparaitre en vert fluo selon leur indice, ça ferait trop tache, même pour les khmers verts…

  • « Post Scriptum : le Bhoutan, pays du « Bonheur National Brut », n’apparaît pas dans le classement du HPI. Pays arriéré et Régime (jusqu’à présent) rétrograde célébré dans l’effroyable film de propagande de Marie-Monique Robin, et diffusé par Arte. »

    Oui, mais z’avez vu leur reine ?
    🙂

  • Une nouvelle lubie pout tenter de mener les politiques a la baguette idéologique.

  • Les résultats sont tellement comiques que cela en devient pathétique. + 1 avec Pragmat concernant les Mexicains ( très heureux de leur police et de leurs politiciens qui font disparaître comme par magie 43 étudiants) qui migrent aux USA mais ce n’est pas le seul exemple. Les Algériens qui viennent en France, les Indonésiens qui débarquent aux Pays-bas ou en Australie et les Indiens qui se retrouvent en GB sont eux aussi complètement tarés. 😀

    En fait, quand je lis cette carte je me dis que les mouvements de population devraient aller globalement du nord vers le sud mais or n’est pas le cas, étrange !

    • Pareil pour Cuba: je suis certain qu’ils quittent l’île par millier sur de frêles esquifs vers Miami juste pour aller apprendre aux USA ce merveilleux bonheur soutenable que les pauvres Americains n’ont pas la chance d’avoir…

  • Mon Dieu c’est d’une bêtise, heureusement que c’est comique sinon… ^^’

  • Haaa quelle chance ils ont ces haïtiens et ces palestiniens ! Quand je pense qu’ils se plaignent! Ils sont vraiment égoïstes !

  • Il faut aller jusqu’au bout du raisonnement et organiser un système de redistribution des pays développés vers les pays sous-developpés. Un bon gros chèque de Cuba aux Etats-Unis, ca aurait de la gueule.

    • C’est vrai ça ! De quel droit ils s’accaparent toute cette bienetritude durable et les bisous qui vont avec, ces salauds de pauvres ?

      Non à la spoliation des riches économies occidentales par les requins du sud. Un autre monde est possible !!
      Une grande taxe sur les transactions de bijoux reversée au bénéfice des états les moins écologiquement favorisés me parait une mesure minimum pour rétablir la justice environnementale.
      Vite, une marche blanche contre la spéculation écologique des pays du Sud.

  • Cet indice est nécessaire pour dissimuler l’appauvrissement en cas de politique écologique. Ceci dit , tout mon respect aux gens qui produisent cela, il faut être sacrément gonflé.

    • Le problème est que ces idiots sont de plus en plus écoutés par certains gouvernements et l’ONU et de marginale – qu’elle feraient mieux de rester – ce genre de pensée commence à devenir la « norme » dans les médias francophones

  • « mais il a le bon goût de ne consommer que 0,6 « hectare global/par tête »

    Il ne faut pas oublier que la majorité des Haïtiens ne vivent que des aides extérieures (ONU, Europe, USA…).
    Ainsi près de 80 % des ressources alimentaires sont externes.
    Sans parler de la construction, ou de l’administration…
    Alors avec cela, il est plus facile d’avoir une « empreinte de seulement 0.6 ha/habitant » !!!

  • La France au niveau… de la Syrie 😉

  • « Le cas particulier d’Haïti, qui a perdu la quasi-totalité de sa couverture forestière au cours du siècle dernier au prix de conséquences désastreuses »
    Une modélisation s’appuyant sur une formule mathématique simple a forcément ses limites, et par ailleurs elle mesure une situation actuelle, donc ce qui s’est passé au siècle dernier est sans objet.
    Cette approche a le mérite de nous amener à penser différemment la question du développement.
    Un peu facile de balayer ainsi la question de l’empreinte écologique et d’évoquer la Corée du Nord. Dommage la critique du modèle pouvait être intéressante, mais l’animosité partisane qui se manifeste dans votre approche affaiblit le propos.

    • Affaiblir le propos ? pas vraiment c’est l’empreinte écologique qui est douteuse.
      En fait l’empreinte écologique est un emballage pour dire ne consommez pas d’énergie fossile…c’est aussi une fumisterie qui ouvre la porte à une des horreurs…je vais obtenir mon point goodwin…
      mais entre dire on consomme trop de planète et la planète ne peut porter qu’un certain nombre d’humains le pas est vite franchi.
      On n’évite pas ensuite les il faut limiter la population mondiale ou le développement, il faut empêcher les pauvres de se reproduire comme des lapins , l’homme est une plaie etc etc… et je n’invente rien…

  • Qu’est ce qui est le plus important ? Etre heureux ou être riche ? Sans aucun doute, être heureux ! Alors puisqu’on ne manque pas d’économistes, et sur ce site, d’articles qui leur sont consacrés, il n’est pas vain de lancer des études visant a chercher comment obtenir ce bonheur, et à ce titre, des comparaisons entre pays sont les bienvenus.

    Mais comme le fait remarquer l’article, le calcul incluant l’empreinte écologique est mauvais, trés mauvais. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que Happy Planet publie aussi les résultats sur le bien-être vècu, autrement dit, le résultat du sondage demandant au gens d’auto-noter leur niveau de bonheur : http://www.happyplanetindex.org/data/

    Les résultats sont là beaucoup plus cohérents ; les pays les plus heureux sont souvent aussi les plus riches économiquement, et Haïti n’y est pas un modèle à suivre. Il n’empêche qu’on constate que certains pays, notamment en Amérique du Sud, sont plus heureux que ne le laisserait penser leur niveau de développement économique. On est plus heureux, selon le sondage, au Costa Rica qu’en France.

    L’information sur le fait que l’Amérique du Sud est plutôt heureuse se retrouve dans d’autres études (), et plus que ne le laisserait penser son niveau de développement économique, se retrouve sur d’autres études sur le bonheur. Le bonheur n’est pas lié au développement économique, mais sans aucun doute, c’est un facteur très important.

    Un article intéressant au sujet du bonheur (scrollez un peu) : http://delicious.trolleur.net/2012/07/25/www.expatica.com/nl/health_fitness/healthcare/happiness-is-16773.html

    Il semblerait que la liberté soit un facteur qui contribue au bonheur de façon importante, mais pas l’Etat-providence.

    Il y aurait beaucoup a gagner a étudier le bonheur, donc ne jettons pas le bébé avec l’eau du bain.

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