Par Alexis Vintray.
Nous le révélions hier, le premier incident de paiement sur un prêt participatif aux PME (Crowdfunding) a eu lieu cette semaine, avec la mise en redressement judiciaire de la société SMOK-IT qui avait emprunté 75 000€ sur la plateforme de prêts Unilend. Pour avoir l’éclairage de la plate-forme sur l’événement, nous avons interrogé Nicolas Lesur, fondateur d’Unilend (qui fête sa première année d’existence) et président de Financement Participatif France.
Le fondateur d’Unilend explique la mise en redressement judiciaire de SMOK-IT seulement trois mois après l’obtention d’un prêt de 75 000€ auprès des prêteurs Unilend par la « restitution d’un stock par un des distributeurs avec qui SMOK-IT avait signé, stock de produits avec nicotine qui se vendaient apparemment mal ». Une telle faillite devait bien arriver un jour selon Nicolas Lesur, qui estime le risque de défaut à 2%.
Interrogé sur la raison pour laquelle Unilend a proposé à deux reprises le dossier de SMOK-IT, malgré un premier rejet du dossier par les investisseurs (financement non accordé), il répond : « Nous avons laissé SMOK-IT reproposer son dossier car l’entreprise avait gagné de nouveaux contrats entretemps, avec la grande distribution. Lors de la première demande, ces contrats n’avaient pas encore été signés. Ce sont malheureusement ces contrats qui ont causé la perte de l’entreprise mais rien ne permettait de le savoir alors. »
Et Nicolas Lesur de rappeler que les investisseurs doivent répartir au maximum leurs prêts quand ils investissent en crowdfunding : « Cet événement valide le fait que les prêteurs doivent répartir leurs prêts autant que possible. C’est pour ça que nous les laissons investir à partir de 20€ dans une opération. Il est certain que cet incident de paiement refroidira certains investisseurs mais les retours des investisseurs sur SMOK-IT sont plutôt bons, ils demandent des précisions sur la marche à suivre plutôt qu’à hurler. Et s’il est difficile de savoir à ce stade s’il y aura de l’argent recouvré, cela reste possible. »
Pour compléter sur les contrôles mis en œuvre avant de proposer un dossier, il ajoute : « Nous demandons pour chaque entreprise qui demande un financement sur Unilend la dernière liasse fiscale et les derniers comptes approuvés et n’acceptons que des sociétés ayant au moins trois exercices clôturés. Si les comptes de SMOK-IT ne sont pas déposés au BODACC pour 2013, c’est que cette publication est facultative et que beaucoup d’entreprises ne le font pas par souci de confidentialité. »
Enfin, en réaction aux problématiques fiscales du crowdfunding que nous soulignions dans le précédent article, Nicolas Lesur se montre optimiste : « La déductibilité des pertes des intérêts est une mesure que nous portons auprès des autorités à Financement Participatif France, de même que pour un statut fiscal spécifique : le crowdfunding a une utilité sociale, ses revenus ne devraient pas être fiscalisés comme ceux des livrets. » (NdR : à savoir actuellement au barème progressif de l’impôt sur le revenu auquel s’ajoute les prélèvements sociaux, soient 45,5% pour un ménage imposé à 30% de Taux Marginal d’Imposition) « Vu le faible succès du PEA-PME qui devait coûter 2 milliards € à l’État et n’en coûtera que 300 millions, il y a des marges de manœuvre pour financer une fiscalité spécifique du crowdfunding. En plus, ce sont deux mesures que le Royaume-Uni est déjà en train de mettre en place. La déductibilité des pertes doit y arriver dès avril 2015. »
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Pourquoi les sociétés faisant appel au crowdfunding ne proposent-elles pas plutôt de devenir actionnaire ?
En matière de financement désintermédié, on note une sorte de fascination pour la dette au détriment de l’actionnariat qui ne s’explique pas. L’actionnariat est pourtant la forme de financement la plus efficiente puisque l’investisseur participe à la direction de l’entreprise financée, contrairement au prêteur qui la subit.
Il serait bon que les experts du crowdfunding évoluent vers le… « crowdshareholding ».
Effet de dilution du capital existant ? Accès plus rapide aix fonds via le crowdfunding ?
Ce serait intéressant de le savoir.
Ce ne sont pas les plateformes de d’equity crowfunding qui manquent, quand au partage du pouvoir, faudrait déjà ne pas juste avoir servi de banquier lors de la levée de fonds. AU moins, en prêt on sait à quoi s’en tenir
Justement, l’entreprise financée ne veut pas se manger des centaines de « micro-actionnaires » qui mettrons le souk dans son administration. D’autant plus si un collectif à 10% se monte. En plus, il faut que l’entreprise soit une SA, ce qui complique beaucoup les choses, notamment sa création.
Du côté des prêteurs, ils sentent plus « protégés », par le site intermédiaire et par la loi : Les actionnaires étant les derniers à avoir de l’argent en cas de liquidation.
« Si les comptes de SMOK-IT ne sont pas déposés au BODACC pour 2013, c’est que cette publication est facultative et que beaucoup d’entreprises ne le font pas par souci de confidentialité. »
Nope, ce dépôt est obligatoire, et une amende est encourue en cas de non respect de cette consigne. Mais l’amende est tellement faible que beaucoup d’entreprises ne déposent pas leur comptes pour garder une certaine confidentialité.
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