Dépenses publiques : libéralisme doctrinal et libéralisme réel

Le libéralisme peut-il encore exister concrètement lorsque la puissance publique recycle environ la moitié du PIB ?

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Dépenses publiques : libéralisme doctrinal et libéralisme réel

Publié le 2 décembre 2014
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Par Patrick Aulnas

imgscan contrepoints 2013-2553 étatismeL’inexorable progression de l’emprise de l’État sur la société dans tous les pays développés conduit à se demander s’il est encore possible de se déclarer libéral. Le libéralisme serait-il devenu une chimère pour intellectuel, une simple forme de contestation de l’interventionnisme public ou une sorte de poujadisme fiscal ? Peut-il encore exister concrètement, lorsque la puissance publique recycle environ la moitié du PIB dans la plupart des pays occidentaux ?

Dans l’univers libéral, comme dans la social-démocratie, la distance est importante entre théorie et réalité, entre ambitions doctrinales et exercice du pouvoir.

 

Panorama des dépenses publiques

Les dépenses publiques constituent un indicateur intéressant, car le libéralisme a pour ambition de limiter leur croissance, alors que le socialisme n’y voit aucun inconvénient. Il est préférable d’observer les dépenses publiques plutôt que les prélèvements obligatoires car, comme on le sait, la classe politique a presque partout contourné l’obstacle de l’overdose de prélèvements en endettant lourdement les collectivités publiques. Le montant des dépenses peut donc être nettement plus élevé que celui des prélèvements.

En choisissant une analyse géographique limitée à l’Europe, les dépenses publiques varient de 35 à presque 60 % du PIB.

Libéralisme et dép_UE
Dépenses totales des administrations publiques en % du PIB en 2013 (source : Eurostat)

 

L’Irlande, les pays baltes, la Roumanie et la Bulgarie sont les États les moins interventionnistes, mais la dépense publique y représente malgré tout 35 à 40 % du PIB. Dans les États les plus interventionnistes (France, Finlande, Grèce, Slovénie), elle se situe entre 56 et 60 % du PIB.

L’analyse historique montre, pour tous les pays développés, une croissance continue des dépenses publiques depuis le XIXe siècle.

dépenses publiques - France
Dépenses publiques en France depuis 1872 en % du PIB (Source : Vie publique et INSEE)

Libéralisme et dép_USA

Il faut écarter les évolutions exceptionnelles dues aux deux guerres mondiales. La forte augmentation en pourcentage s’explique largement par la chute du PIB. La tendance à long terme est une hausse constante des dépenses publiques qui s’est poursuivie à un rythme soutenu après 1974, malgré une croissance économique très ralentie. S’agissant d’une hausse en pourcentage du PIB, il faut donc entendre que le rythme d’augmentation des dépenses publiques est plus élevé que celui du PIB, donc plus élevé que la croissance économique.

L’avenir est plus que jamais incertain. De nombreux États s’étant placés en situation de surendettement, ils peuvent chercher à amortir la dette en réduisant les déficits et donc la dépense publique (Allemagne) ou accumuler de la dette supplémentaire pour ne pas réduire les dépenses (France, États-Unis). En tout état de cause, au niveau gouvernemental personne ne songe à réduire drastiquement les dépenses publiques. La France a d’ailleurs choisi depuis deux ans d’augmenter encore les prélèvements et de fuir la problématique dépenses.

 

Notre société : un compromis historique

L’évolution historique longue se traduisant par une augmentation constante des dépenses publiques, même dans un pays réputé libéral économiquement comme les États-Unis, on peut en conclure que l’arrivée au pouvoir des libéraux ou des conservateurs n’a pas d’impact majeur.

Lorsqu’ils accèdent au pouvoir, les partis politiques de sensibilité libérale sur le plan économique tentent de mieux maîtriser les dépenses, voire de les diminuer d’un ou deux points de PIB, mais ne vont pas au-delà. Il s’agit d’ailleurs déjà d’un effort très important et d’une politique très difficile à mener. Deux points de PIB représentent en France environ 40 milliards d’euros. Si l’on écarte le subterfuge gouvernemental du raisonnement en tendance, baisser réellement les dépenses de 40 milliards suppose d’abandonner certaines interventions publiques, et pas seulement d’économiser ici ou là. Il faut donc mécontenter des fonctionnaires si l’on supprime certains services, ou mécontenter des entrepreneurs si l’on renonce à certains investissements. La rigidité à la baisse des dépenses publiques est considérable en démocratie car elle a un contenu politique fort : l’opinion publique résiste.

Les doctrines anciennes sont impuissantes à rendre compte de la situation présente. La société dans laquelle nous vivons n’est ni socialiste ni libérale, mais constitue un compromis historique émergeant d’un XXe siècle mouvementé comportant guerres mondiales, affirmation de la puissance du capitalisme, progrès technologique fulgurant et croissance économique élevée. Après la révolution agricole du néolithique et la révolution industrielle du XIXe siècle, nous sommes aujourd’hui au début de la troisième révolution technologique de l’histoire, celle des technologies de l’information, des biotechnologies, des NBIC. Tout notre avenir, y compris politique et économique, est suspendu aux nouvelles possibilités qu’ouvriront la science et la technologie.

Il est donc vain de clamer que l’Occident est devenu socialiste, et de regretter le statu quo ante, c’est-à-dire l’État-gendarme du XIXe siècle, comme il est absurde de prétendre que nous vivons dans une société ultra-libérale lorsque la moitié de la richesse produite est recyclée par les pouvoirs publics. Il s’agit de postures politiciennes, sans doute inévitables, mais ne rendant pas compte de la réalité observée. La caricature permanente de la réalité contemporaine est un jeu malsain abondamment utilisé par les plus exécrables des politiciens pour tirer profit électoral d’affirmations simplistes.

 

Laisser croître les dépenses publiques jusqu’au totalitarisme ?

Sans faire des doctrines l’horizon du futur, il convient cependant d’éclairer l’analyse à partir des réflexions des grands penseurs qui nous ont précédés.

Quelle limite fixer à l’interventionnisme public ? Doit-on admettre que les dépenses publiques atteignent 70 %, 80 % du PIB, voire plus ? Personne ne traite cette question dans l’univers social-démocrate car, a priori, il est admis que l’action publique est bénéfique et toujours plus légitime que l’initiative privée. Pourquoi ? Parce que la problématique centrale des socialistes est l’égalité, l’égalisation des conditions sociales, alors que celle des libéraux est la liberté, l’initiative individuelle. Si on ne lui fixe aucune limite, l’aspiration à l’égalité conduit à annihiler la liberté car si les hommes doivent être égaux de jure en démocratie, ils ne le sont pas de facto. On ne change cette réalité naturelle que par la contrainte.

Alexis de Tocqueville en avait eu l’intuition dès le milieu du XIXe siècle, lorsqu’il remarquait dans De la démocratie en Amérique, que la passion de l’égalité est au cœur des démocraties, et que le risque corrélatif pour la liberté est considérable.

Plus récemment, Friedrich Hayek a cherché à montrer dans La route de la servitude (1944) que le poids croissant de l’État conduit inéluctablement au totalitarisme. Au cours du XXIe siècle, il faudra choisir d’accroître encore le poids économique de l’État ou de stopper cette tendance.

Beaucoup de socialistes pensent sincèrement que la première solution ne présente pas de danger. Ils ont une conception procédurale et collectiviste de la démocratie : la liberté consiste pour eux à choisir ses gouvernants par le vote et à participer à la vie politique à travers les structures collectives, partis ou syndicats. Les libéraux voient au contraire dans l’étatisme envahissant un danger mortel pour la démocratie. Ils donnent au mot liberté une acception plus large : elle doit en plus permettre à chaque individu de prendre des initiatives économiques et sociales sans aucune intervention de la puissance publique.

Le libéralisme du XXIe siècle est donc plus que jamais une lutte pour la liberté. Il ne s’agit pas de déconstruire méthodiquement l’État-providence, mais de l’empêcher d’étouffer par sa croissance illimitée tous les espaces de liberté. Il est alors nécessaire de tenir compte de la croissance économique pour déterminer le niveau des dépenses publiques.

Cette contrainte élémentaire a été volontairement oubliée depuis des lustres, mais nous n’avons plus le choix : elle s’impose. Il n’est même pas nécessaire de faire un ajustement linéaire mathématique pour le comprendre. En observant le graphique ci-dessus concernant les États-Unis, il est évident qu’en prolongeant la tendance, les dépenses publiques seront proches de 100 % du PIB à la fin du siècle. Cela n’arrivera pas. On pourrait dire, en plaisantant à peine, que les libéraux ont mathématiquement raison.

 

Revenir à l’équilibre ?

Le retour à l’équilibre dépenses-recettes dans la sphère publique est un sujet de débats depuis des années, débats théoriques n’ayant que peu de prise sur les politiques menées. Bien entendu, la problématique de gestion classique distinguant charges et investissements (ou immobilisations en comptabilité financière) s’applique également au secteur public. Le vocabulaire devient alors dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement. Selon les principes de gestion communément admis, seules ces dernières peuvent être financées par emprunt. Nous en sommes loin. En France, seules les collectivités locales sont juridiquement astreintes au respect de cette règle fondamentale de bonne gestion. L’État et les organismes sociaux (régimes de sécurité sociale, de retraite, d’assurance chômage) ne respectent nullement ce principe.

La classe politique s’est engouffrée dans cette lacune béante du droit public français à partir de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981. La dégradation des comptes publics n’a cessé de s’aggraver depuis. Il est important de signaler la remarquable gestion financière de Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981, malgré l’impact de la première crise pétrolière à partir de fin 1973. Ce président de la République a eu le courage, contrairement à sa vocation de libéral, d’augmenter sensiblement les prélèvements obligatoires au cours de son septennat (plus de 6 points de PIB) afin de maintenir les équilibres financiers. C’est dire à quel point la pression de la réalité est forte lorsqu’un libéral sincère et remarquablement compétent dans le domaine économique, accède au pouvoir.

Mais, en 1981, à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, le budget de l’État présente un déficit quasiment nul et la dette publique représente 21 % du PIB. On ne répétera jamais assez à quel point la politique économique et financière de François Mitterrand à partir de 1981 a constitué une erreur historique majeure car elle était à contre-courant de toutes les tendances lourdes de l’évolution mondiale. Pour des raisons purement politiciennes, Mitterrand a entretenu dans l’opinion des illusions qui ont conduit le pays à accumuler une dette publique croissante. La droite n’est jamais parvenue depuis à restaurer une situation financière satisfaisante.

La situation actuelle est donc grave, et personne ne sait vraiment ce que pourrait faire un gouvernement de droite, eu égard aux risques d’explosion sociale. Si l’on se réfère aux chiffres fournis par l’INSEE pour 2013, les dépenses publiques représentent 57,1 % du PIB et les recettes 52,8 % (prélèvements obligatoires et autres recettes). Le retour à l’équilibre suppose donc une baisse des dépenses de 4,3 % du PIB, soit presque 90 milliards d’euros. Il faudra plusieurs années pour y parvenir, tout d’abord parce qu’une réforme des régimes de protection sociale par répartition est indispensable, de façon à interdire juridiquement tout déficit. Le problème est d’une grande complexité technique. Par exemple, si des droits à remboursement sont accordés dans le domaine de la santé, les dépenses sont juridiquement contraintes. Mais les recettes fluctuent en fonction de la conjoncture puisque l’assiette des cotisations peut se restreindre. Comment assurer l’équilibre ?

 

Pour une véritable règle d’or constitutionnelle

En ce qui concerne l’État, la solution ne peut se situer que dans une adjonction à la constitution de 1958 : la fameuse règle d’or (à définir) devrait prévoir des principes généraux de gestion financière publique qui seraient précisés par une loi organique. La révision constitutionnelle de 20081 n’a, de ce point de vue, rien apporté pour améliorer la gestion des finances publiques. La majorité de droite au pouvoir a tout fait pour amoindrir la portée de la réforme. Sa réussite a été totale : nous n’avons aucun contrôle de constitutionnalité des déficits publics. Seul François Bayrou a courageusement proposé une véritable règle d’or.

Les libéraux s’honoreraient si, à l’avenir, ils adoptaient dans ce domaine un programme politique conforme à leur doctrine. La règle d’or sera toujours rejetée par les socialistes, mais elle n’a aucune raison de l’être, en pratique, par les libéraux puisque leur approche théorique prône une limitation des dépenses publiques. Ou alors, il faut croire que les libéraux ne le sont qu’en apparence, et qu’ils souhaitent se réserver toute latitude pour augmenter les déficits, c’est-à-dire les impôts futurs.

Bien sûr, le libéralisme se heurte lui aussi à la politique dans ce qu’elle a de plus médiocre, mais d’éternel : le goût du pouvoir, qui suppose la maîtrise de l’argent public. Mais pour retrouver un peu de crédibilité, les politiciens professionnels seraient bien avisés de ne pas creuser sans cesse davantage l’écart entre doctrine et promesses d’un côté, exercice du pouvoir et réalisations de l’autre. Le pouvoir socialiste a été tellement loin dans cette direction qu’il a perdu une grande partie de sa base sociologique traditionnelle. Il ne faudrait pas que la droite commette les mêmes erreurs lorsqu’elle arrivera au pouvoir, car certains politiciens sont aux aguets, et notre liberté en dépend.

  1. La révision de la Constitution du 23 juillet 2008 modifie l’article 34 en imposant au Parlement le vote d’une loi de programmation des finances publiques (en pratique tous les trois ans) ayant pour objectif l’équilibre budgétaire. Aucun contrôle de constitutionnalité ne pouvant reposer sur l’expression « ayant pour objectif », cette pseudo-règle d’or n’a strictement aucune utilité.
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  • La vision socialiste serait « l’égalité »?
    Entre les régimes spéciaux, les statutaires, les exceptions aux règles, c’est plutôt la volonté de vivre discrètement au dépend des autres. L’égalité est une posture.

    • non c’est l’inégalité. le libéralisme ne peut pas faire fonctionner tout à l’envers. Les maîtres du jeu sont les élus. Il s’en foute de la crise. Ils sont là pour servir le capital d’État. L’homme a des droits et le citoyen aussi. Attention à la droiture, l’homme et le citoyen doit respecter ces droits. Il n’a rien d’autres.

    • la vision socialiste s’est l’égalitarisme pas l’égalité. les socialistes sont contre l’égalité de droits, ils sont favorables aux privilèges

  • Faut-il vraiment toucher la constitution pour interdire le déficit publique à outrance ? Je ne pense pas, on se retrouverait juste avec des politiques qui manipuleront les chiffres pour faire croire que tout roule et c’est justement ça le problème : faire n’importe quoi pour assurer sa carrière politique. Ce qu’il faut, c’est surtout empêcher tout carriérisme, à commencer par l’interdiction du cumul des mandats qui est attendu depuis… un bon moment maintenant. Il y a aussi la possibilité de limiter le nombre de mandatures dans une vie, mais ça ne suffirait car ils trouveront le moyen de se faire payer en tant que « consultants » ou je-ne-sais quoi d’autre.
    Sans corriger profondément l’appareil politique, on aura toujours un troufion qui voudra faire profiter les copains.

  • Un bel article pédagogique !

  • Le souci est qu’en France, l’Etat ne fiat plus la régulation qui est son rôle, mais fait du micro-management du pays. L’exemple de l’immobilier est flagrant. Au lieu de définir le droit (ce qui est interdit), l’Etat édicte un cadre rigide pour les relations entre propriétaire et les locataires, entre les vendeurs et les acheteurs et devient lui même le plus gros loueurs du pays. Il en arrive même à définir les constructions autorisés et les niveaux de loyers par pâtés de maison (et de prix via l’ISF).

  • Perspective historique.
    L’arrivée au pouvoir des socialistes sous la Ve a toujours été précédée d’un abandon par la droite-centre-droit des principes libéraux ainsi que ceux d’une bonne gestion.
    Chacun sait que Sarko-Fillon ont haussé les impôts ce qui a amené leur défaite. Giscard avec Chirac (déficit budgétaire) puis Barre (budget à l’équilibre) ont aussi augmenté la ponction fiscalo-sociale (comme le rappelle l’auteur) avec un effet désastreux sur l’économie : hausse du chômage de 300.000 à un million, puis logiquement défaite électorale.

    Le choc OPEP de 1973-74 puis le krach subprimes de 2008 ont rencontré en France des réponses erronées, à savoir une hausse durable des dépenses publiques, et logiquement un chômage record puis une défaite électorale.

    Enarque, Giscard n’était pas un président convaincu des mérites du libéralisme. Pareil pour Sarko président (avec le style en moins, et le battage médiatique en plus)

    Observer vos outils numériques, nombre d’entre eux sont de marque coréenne. L’électronique asiatique a remplacé son homologue européenne. Qui prétendra que l’Etat-providence à l’européenne n’y est pour rien ? Voyez le classement OCDE de la Corée du sud. Dépenses publiques à 32 % du pib, moins que les US !
    (source OCDE)
    La France pourrait non seulement viser l’excellence coréenne, mais même par un retour historique l’excellence européenne (12 du pib) , mais d’avant 1914 ! Le mond d’hier, quoi ! Voir les articles de Jacques de Guénin sur les systèmes de solidarité de proximité à la belle époque.

    • « Voir les articles de Jacques de Guénin sur les systèmes de solidarité de proximité à la belle époque. »

      Ou Frédéric Bastiat, in Les Harmonies Économiques (1850)

      « […] J’ai vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuel, il y a plus de vingt-cinq ans, parmi les ouvriers et les artisans les plus dénués, dans les villages les plus pauvres du département des Landes […] Dans toutes les localités où elles existent, elles ont fait un bien immense […]

      Leur écueil naturel est dans le déplacement de la Responsabilité. Ce n’est jamais sans créer pour l’avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu’on soustrait l’individu aux conséquences de ses propres actes. Le jour où tous les citoyens diraient : « Nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne peuvent travailler ou ne trouvent pas d’ouvrages », il serait à craindre […] que bientôt les laborieux ne fussent réduits à être les dupes des paresseux. Les secours mutuels impliquent donc une mutuelle surveillance, sans laquelle le fonds des secours serait bientôt épuisé. Cette surveillance réciproque […] fait la vraie moralité de l’institution. C’est cette surveillance qui rétablit la Responsabilité […]

      Or, pour que cette surveillance ait lieu et porte ses fruits, il faut que les sociétés de secours soient libres, circonscrites, maîtresses de leurs statuts comme de leurs fonds. […]

      Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu’il s’attribuera. Son premier soin sera de s’emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser ; et pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable […] Ensuite, sous prétexte d’unité, de solidarité (que sais-je ?), il s’avisera de fondre toutes les associations en une seule soumise à un règlement uniforme.

      Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l’institution quand sa caisse sera alimentée par l’impôt ; quand nul, si ce n’est quelque bureaucrate, n’aura intérêt à défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle, et que feindre une maladie ne sera autre chose que jouer un bon tour au gouvernement ?

      Le gouvernement, il faut lui rendre cette justice, est enclin à se défendre ; mais, ne pouvant plus compter sur l’action privée, il faudra bien qu’il y substitue l’action officielle. Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs. On verra des formalités sans nombre s’interposer entre le besoin et le secours […]

      […] Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu’ils administrent, qu’ils alimentent et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s’accoutumeront à regarder le secours en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d’un fond limité, préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la Société. Ils n’admettront pas pour elle l’impossibilité de payer, et ne seront jamais contents des répartitions. L’État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget. Là, rencontrant l’opposition des commissions de finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors, on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice.

  • « Pour une véritable règle d’or constitutionnelle » est inutile.
    La règle constitutionnelle existe, elle est claire, elle est rigoureuse, peut-être même trop.
    La voici, cette règle :
    « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
    Les citoyens doivent TOUT payer, ce qui ne laisse absolument aucune place à des dettes « publiques » dans le financement.
    Et pour ceux qui ne comprendrait pas, ou douteraient de l’intention detticide des auteurs de cet article , voici un commentaire de l’époque
    « grâce à la nouvelle constitution, la ressource ruineuse, impolitique et même immorale des emprunts est détruite pour jamais en France »
    http://books.google.fr/books?id=JT6o2ygNAMgC&pg=PA185#v=onepage&q&f=false
    (article « emprunt » in : Dictionnaire de la Constitution et du gouvernement français Par P.-N. Gautier, 2nde édition, 1792 ; extrait de la page 187)

  • Il serait intéressant de superposer à la courbe de la dépense publique celle de la croissance.
    On constaterait que l’étatisation l’a étouffée.
    La fuite dans l’endettement découle de l’impossibilité de prélever davantage.
    Le parasite a tué son hôte.

    Le débat politique de 2014 est identique à celui de 1840, quand Bastiat démontrait que la Contrainte est sans issue.
    Les faits ont abondamment prouvé ses prophéties, mais le socialisme a vaincu.
    Il a conquis l’autorité religieuse et exerce le pouvoir régalien en vertu de cette autorité.
    Il a imposé une école monolithique entièrement sous son contrôle.

    Nous dérivons vers le totalitarisme ?
    Quoi de plus normal, puisque nos institutions sont aux mains d’une idéologie totalitaire.

    Où sont les limites théoriques à l’autorité de l’État socialiste ?
    Se borne-t-il aux prérogatives régaliennes ?
    Ou se veut-il aussi autorité morale, entend-il imposer sa vision de l’homme, bref, a-t-il tout d’une religion ?
    Selon moi, il est évident que le socialisme ne se connaît pas de bornes.
    L’État socialiste est donc indiscutablement une autorité totale.

  • Une nouvelle règle d’or est-elle nécessaire?

    La « règle d’or » fut clairement décidée dès 1997 par l’Union Européenne, puis transcrite en traité avec l’accord du Président Français et de l’Assemblée Nationale, avec ses 3 critères simples:

    ■► Dette publique maximale 60% du PIB
    ■► Déficit budgétaire maximum 3% (première phase) proche de 0 (seconde phase et on y est)
    ■▶ inflation contenue entre 1,5 et 2% par an

    Sauf que la France a cru qu’elle n’était évidemment pas concernée par la loi commune! Seul N. Sarkozy, in extremis, a voulu faire semblant de diminuer le déficit budgétaire (mais pas la dette), avant de refiler le bébé au gouvernement suivant!

    D’autres mesures pourraient bien se montrer plus efficaces: pourquoi ne pas donner une mission plus autoritaire à la Cour des Comptes? Tant que son rôle réside en un rapport annuel dont personne ne tient vraiment compte, elle est coûteuse pas à cause de la haute qualité de son travail mais bien par l’absence totale de respect que les politiciens lui portent!

    De vrais politiciens libéraux, comme les patrons du privé, seraient à l’écoute de leurs éminents « Comptables »!
    De même, comme les patrons se soumettent au Conseil d’Administration, les politiciens devraient tenir compte de l’avis de leurs bailleurs de fonds, actionnaires!

    Enfin, il existe bien, en Scandinavie, des pays où la population n’a pas peur de confier plus d’argent au pouvoir, trouvant les prestations offertes en contrepartie très satisfaisantes, et à moindre coût: les administrations étant moins obèses, voraces, compliquées et obsolètes qu’en France!

    Plus près de chez vous, j’habite dans un des 3 pays en jaune, sur la carte, voisins immédiats de la France: les impôts sont corrects et payés, le coeur léger, sans besoin d’idéologie,bilan budgétaire: + 0,1%; dette publique: 23% de PIB; taux d’inflation: 1,5%. Protection sociale, structures médicales et hospitalières, salaires et services sociaux ou enseignement: excellents et tout va bien! L’état vient de décider d’une politique active pour un logement à prix accessible pour tous, en propriété ou en location. Pourtant le Pays n’a pas tous les atouts de la France: pas de littoral, pas le même patrimoine architectural, pas la même variété de sites touristiques. Alors? Pourquoi la France ne s’en sort pas? (nous travaillons plus qu’en France: 40 heures par semaine).

    • mikylux: « Enfin, il existe bien, en Scandinavie, des pays où la population n’a pas peur de confier plus d’argent au pouvoir »

      Dans ces pays, il y a une vraie démocratie, le peuple a le pouvoir législatif. Ça fait TOUTE la différence, il ne donnent pas un chèque en blanc à une poignée d’élus comme en France.

      Indice de démocratie vs liberté économique vs dette

      Démocratie participative
      1-Norvège – Classement liberté économique: 32eme – Dette: 33% – Chômage: 3.4%
      2-Islande – Classement liberté économique: 23eme – Dette: 99% (crise bancaire) – Chômage: 4.4%
      3-Danemark – Classement liberté économique: 10eme – Dette: 46% – Chômage: 6.7%
      4-Suède – Classement liberté économique: 20eme – Dette 37% – Chômage: 8.0%
      5-Nouvelle-Zélande – Classement liberté économique: 5eme – Dette: 25% – Chômage: 5.8%
      6-Australie – Classement liberté économique: 3eme – Dette: 22% – Chômage: 6.8%
      7-Suisse – Classement liberté économique: 4eme – Dette 40% – Chômage: 3.5%
      8-Canada – Classement liberté économique: 6eme – Dette 48% – Chômage: 7.1%
      9-Finlande – Classement liberté économique: 19eme – Dette 38% – Chômage: 8.7%



      Démocratie représentative
      29-France – Classement liberté économique: 70eme – Dette 90% – Chômage: 10.1%
      31-Italie – Classement liberté économique: 86eme – Dette 110% – Chômage: 12.3%
      32-Grèce – Classement liberté économique: 119eme – Dette 170% – Chômage: 26.4%

      Indice de démocratie – Classement des pays
      Indice liberté économique – Classement des pays

  •  » On ne répétera jamais assez à quel point la politique économique et financière de François Mitterrand à partir de 1981 a constitué une erreur historique majeure  » J’étais tres jeune alors et je revois la peine insondable qui nous a saisie dans notre famille ce fameux soir du 10 mai. Nous savions ce qui allait se passer , c’était limpide . Et c’est exactement ce que l’on a vu se dérouler, année après année . A la façon d’une chronique d’une mort annoncée … nous avions qq spécimens gauchistes dans la famille , il suffisait de les voir vivre pour comprendre qui était aux manettes : des fumistes envieux bientôt aigris et rongé d’alcool (ou de drogues , ou les deux) ou pour les  » meilleurs » des idéologues collectivistes totalement hors sol , rêvant au rabot égalitaire , vénérant le Moscou d’alors …
    Vous parlez d’une « erreur » de Mitterrand , ce n’en était pas une , c’était un pur calcul , une manipulation.
    Mais le plus coupable a mes yeux est surtout Chirac . Car la France n’a jamais été majoritairement collectiviste. C ‘est Chirac , par sa trahison , qui a rendu tout ceci possible . Chirac a trahi on camp , pour moi il mériterait un conseil de guerre …

  • Il ne sert à rien d’établir une règle d’or si les gens continuent de vouloir plus d’état et donc plus de dépenses publiques (pour eux seulement, croient-ils naïvement). Le problème est dans les têtes et les libéraux devraient êtres plus pédagogiques afin de convaincre l’opinion publique. Ce qui, rien que pour les commentaires de Contrepoint, est loin d’être gagné.

  • Pour compléter autrement,

    Car il y a eu des périodes de baisses de dépenses Etatiques USA

    Mais revenons au début des années Reagan pour bien faire comprendre au lecteur ce qui est vraiment arrivé à l’époque aux USA..

    D’abord, pour tuer l’inflation, monsieur Volker fit monter les taux courts à 20%, avec l’assentiment du Président, ce qui augmenta immédiatement les frais financiers de L’Etat . D’ou déficits budgétaires accrus , mais l’épargnant fut le grand gagnant de cette augmentation des taux. En fait, des taux élevés transfèrent du pouvoir d’achat aux petites gens et pénalisent les riches souvent lourdement endettés. Voila une politique éminemment sociale s’il en fût. Ensuite, cette hausse des taux déclencha une très forte récession, toutes les entreprises qui auraient du sauter depuis des années et qui avaient été maintenus en survie artificielle disparaissant brutalement en même temps. D’ou hausse des allocations chômage et donc du déficit budgétaire, à cause de ce qu’il est convenu d’appeler les stabilisateurs automatiques (voir Schumpeter). Tous ceux qui avaient des « faux boulots » les perdirent. Les faux boulots appauvrissent tout le monde.

    Enfin, et il faut s’en souvenir l’Union Soviétique venait d’envahir l’Afghanistan, l’ambassade Américaine avait été prise d’assaut en Iran et les diplomates retenus prisonniers, signes évidents que plus personne ne respectait la puissance militaire des USA ou n’avait peur de Jimmy Carter.Pour redonner de la crédibilité à son pays Reagan augmenta massivement le budget de la Défense aux USA, ce qui 10 ans plus tard, faisait imploser l’URSS…

    En faisant cela, Reagan faisait certes monter le déficit budgétaire, mais il faisait surtout baisser la prime de risque géopolitique sur les marchés et lançait le dollar à la hausse… ce qui relançait l’économie mondiale. Il s’agissait donc d’un investissement et non d’une consommation à fonds perdus comme le sont certains transferts sociaux d’aujourd’hui.

    Et du coup, pendant les deux premières années de sa Présidence, le déficit budgétaire explosa à la hausse puisqu’il fallait corriger les erreurs des 20 années précédentes. Mais cela n’avait rien, mais rien à voir avec une politique keynésienne et tout à voir avec l’abandon de ces politiques keynésiennes qui avaient été suivies depuis plus de 15 ans et qui avaient échoué lamentablement, comme elles le font toujours. Nettoyer les écuries d’Augias coute cher.

    La preuve en est que le Président Reagan diminua immédiatement le taux marginal d’imposition (anathème total pour tout Oint du Seigneur), coupa dans les dépenses inutiles, vira les syndicalistes qui faisaient grève alors qu’ils n’en avaient pas le droit et le poids de l’Etat dans l’Economie du coup se stabilisa avant que de baisser.

    Deux ans après l’arrivée de Reagan, ce poids de l’Etat dans l’économie se stabilisa, après une période de hausse ininterrompue qui avait duré plus de 15 ans pour commencer sa décrue qui dura de 1982 à 2000, ce qui est un résultat incroyable!Donc, ceux qui disent que Reagan a suivi une politique Keynésienne de déficits budgétaires, en fait confondent déficits budgétaires et hausse des dépenses étatiques.Je n’ai rien contre les déficits budgétaires. Autoriser des hausses des dépenses budgétaires par contre c’est ouvrir la route de la servitude.

    Reagan versus Keynes ou pourquoi il ne faut confondre déficit et dépenses étatiques

    http://institutdeslibertes.org/wp-admin/post.php?post=5056&action=edit

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