« Ça s’est fait comme ça » de Gérard Depardieu

Dans son livre « Ça s’est fait comme ça », Gérard Depardieu se raconte. Sa vie, sa carrière, son départ de la France.

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« Ça s’est fait comme ça » de Gérard Depardieu

Publié le 27 novembre 2014
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Par Francis Richard.

autobiographie_depardieuDans Ça s’est fait comme ça, écrit avec la collaboration de Lionel Duroy, Gérard Depardieu apparaît bien différent de ce que les envieux, les sans-talent, les pisse-copies disent de lui, surtout depuis qu’il a décidé de ne plus se laisser tondre comme un mouton par l’État français.

Ce qui frappe en le lisant, ce sont les libertés de comportement, de ton, d’expression et de pensée dont il fait montre, très naturellement. En cela, il est très français, enfin, comme un Français pouvait ou devait l’être, avant la servitude volontaire et la peur de ce qui pourrait arriver.

Gérard n’aurait pas dû voir le jour. Sa mère, la Lilette, ne voulait pas de lui. Elle avait même essayé les aiguilles à tricoter. Mais toutes ses tentatives avaient échoué. Et, finalement, elle ne regrettait pas le moins du monde qu’il ait survécu.

Son père, le Dédé, le laisse libre et lui apprend à sourire pour se sortir d’embarras: « Je grandis dans la rue, bien plus qu’à l’école où j’ai tout juste appris à lire et à écrire. La rue ne te laisse rien passer, tu dois croire en ta bonne étoile, ne compter que sur toi-même. »

Gérard se livre à des petits trafics (cigarettes américaines, fringues, whisky). Il tombe pour un « emprunt » de voiture. En taule, à Chateauroux, il fait la rencontre d’un psychologue qui lui dit qu’il a des mains de sculpteur, des mains puissantes et belles, faites pour pétrir, pour modeler.

« Je suis encore un enfant, si cet homme voit en moi un sculpteur, un artiste, alors c’est sûrement que je vaux mieux que le voyou dont j’étais en train de revêtir l’habit. » se dit-il, et cette révélation va changer le cours de sa vie.

Une autre révélation va également le changer : le Dom Juan de Molière qu’il entend par effraction au théâtre de Chateauroux, après que son ami Michel Pilorgé lui a dit qu’il voulait faire du théâtre: « Je ne comprends pas un mot sur cinq, mais j’entends clairement la musique et je me souviens comme ça me plaît à l’oreille, tout en me troublant. »

Il suit à Paris cet ami, rencontré trois ans plus tôt à la gare, lieu de toutes les combines. Il passe avec lui l’année 1965-1966 au cours Dullin, en dilettante. Quand, l’année suivante, 1966-1967, Michel quitte ce cours et tente sa chance auprès de Jean-Laurent Cochet, il le suit encore.

Le grand comédien croit tout de suite en Gérard, contre toute vraisemblance et contre toute attente : « C’est avec lui, grâce à lui, qu’avant d’apprendre le théâtre, je vais commencer par réapprendre à parler. La parole, ma parole, il y a bien longtemps que je l’ai perdue. »

« Enfant, je ne bégayais pas, je ne bougonnais pas, j’étais capable d’énoncer clairement les pensées qui me traversaient. Mais petit à petit, on aurait dit que les mots s’étaient embouteillés, qu’ils ne parvenaient plus à sortir de ma poitrine, comme s’ils en étaient empêchés par une sorte de confusion, ou de chaos, qui se serait installé dans ma tête. »

Depardieu Hollande rené le honzecJean-Laurent Cochet envoie Gérard chez un homme de lettres, M. Souami, qui entreprend de lui expliquer les mots, leur musique, puis chez un ORL, Alfred Tomatis, qui diagnostique une hyperaudition : « Je perçois trop de sons, mon oreille ne les sélectionne pas, ce qui provoque une sorte de saturation qui parasite mes facultés d’expression. »

D’où provient cette hyperaudition ? « Tomatis estime que ça a dû se mettre en place dans le ventre de la Lilette, quand j’ai pressenti non seulement que je n’étais pas un enfant désiré, mais aussi qu’on en voulait sérieusement à ma peau. »

Jean-Laurent Cochet garde Gérard dans son cours l’année suivante, 1967-1968, sans lui demander un sou. Fin 1968, il le fait démarrer sur scène dans Les garçons de la bande de Mart Crowley, au Théâtre Edouard VII. Cette pièce le fait connaître et, par la suite, il rencontrera Claude Régy qui le conduira à Marguerite Duras et à Peter Handke.

Ça s’est fait comme ça, sa carrière. La vie ne laisse pas de le surprendre et il aime ça. C’est en fait la surprise de la vie qui l’intéresse et il ne veut pas que ça s’arrête, dans la vraie vie comme devant une caméra: « Si je savais ce que je vais faire, je ne le ferais pas. J’y vais, je n’ai pas peur, c’est encore la vie. »

Gérard parle également de sa vie personnelle dans ce livre, de sa difficulté à devenir père, de son rejet de la famille : « Avec aucune des trois femmes qui m’ont donné des enfants, je n’ai fait une famille. Je n’aime pas l’idée de la famille. La famille, c’est une abomination, ça tue la liberté, ça tue les envies, ça tue les désirs, ça te ment. »

De ses amours : « Personne ne peut se mettre à la place d’un homme amoureux, c’est indescriptible, indicible, ça fait affreusement mal et en même temps c’est une ivresse, tu ne t’appartiens plus, regarde comme Christian est affreusement bête dans Cyrano, pris dans les filets de Roxane… »

De ses amitiés : « J’aime la Russie. Je suis l’ami de Poutine, je me sens citoyen du monde autant que Français et je n’ai pas le sentiment de faire du mal à qui que ce soit en m’accordant d’aller vivre où je veux et d’aimer qui je veux. »

De pourquoi il s’est tiré de France : « À soixante-cinq ans, je n’ai pas envie de payer 87% d’impôts. Mais ce n’est pas pour autant que je n’ai pas participé : j’ai donné à l’État français cent cinquante millions d’euros depuis que je travaille, alors que depuis l’école je n’ai pas demandé un rond à aucune administration. »

De ce qu’il considère comme sa chance : « Je me dis que ç’a été ma chance de ne recevoir aucune éducation, d’avoir été laissé libre et en jachère durant toute mon enfance, car ainsi je dispose d’une écoute universelle, je suis curieux de tout, et tout m’élève, tout me semble beau, miraculeux même, car personne n’a jamais encombré mon esprit du moindre préjugé. »

Ça s’est fait comme ça, Gérard Depardieu, 176 pages, XO Editions

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  • Ouais enfin il a bien bouffé du cinéma subventionné, combien de navets a-t-il fait et combien ont été bénéficiaire.
    Ce monsieur, chantre de la liberté, pour son argent acquis, non par son talent mais par son entregent.
    Certains, oublient très vite son accointance avec la gauche caviar et certains dictateurs des caraibes, non franchement, Depardieu emblématique des libertaires, j’en ri encore.

    • Vous regrettez les subventions qu’a pu recevoir Depardieu. Malgre tout, il donne infiniment de plaisir a un grand nombre de spectateurs, qui ont volontairement depense des multiples de ce qu’il a recu pour le voir.

      Par le meme raisonnement, voulez vous supprimer toutes les subventions qui vont aux innombrables grenouilleurs du systeme confortablement installes dans ses rouages bien huiles, qui pour en vivre agreablement n’ont besoin que de convaincre quelques fonctionnaires de leur ‘genie’ plutot que de seduire le public payant volontairement?

      • @guasilas Vous m’enlevez les mots de la bouche, supprimons le CNC, les sofica et toutes les taxes sensés financés l’exception culturel, supprimons aussi les obligations légales et les astreintes de financement, supprimons la rente audiovisuel, euh pardons la redevance audiovisuel.
        Si Depardieu vous donne du plaisir, tant mieux pour vous, mais pas avec mon argent ou celui du contribuable.

  • Je ne connais pas M. Depardieu et n’allant jamais au cinéma je n’avais pas d’intérêt particulier pour son œuvre. Par contre, je sais aisément reconnaitre un homme libre qui ne veut point suivre la route de la servitude et je sais aussi identifier sans peine les jaloux, les frustrés qui imaginent que l’on peut réussir dans un domaine en faisant des millions d’entrées uniquement par ce que le cinéma, et les films de M. Depardieu en particulier, auraient été subventionnés.

    Si M. Depardieu m’a coûté en qualité de contribuable et seulement marginalement, ce n’est en rien sa faute, mais celle des politiques qui pensent qu’en subventionnant ce qui leur convient ils réalisent une grande œuvre visant à élever ces populaces ignares auxquelles nous sommes censés appartenir, les sans dents dont ils n’attendent qu’un vote tous les cinq ans pour poursuivre notre aliénation.

    M. Depardieu a sûrement beaucoup de défauts, comme nous tous. Il a au delà de son œuvre, que je ne connais pas mais que vous ne lui enlèverez pas non plus, l’immense courage de vouloir vivre en homme libre et de mettre ses actions en conformité avec ses pensées.

    Pour cela, il mérite tout mon respect.

  • je ne sais si Depardieu est un homme « bien », fréquentable, un iconoclaste, un libertaire, un libertin. Ce que je pense, c’est qu’il est un homme libre, qu’il mérite son succès. Je l’ai découvert dans « la lune dans le caniveau de Benex ». Et c’est vrai que c’est un grand acteur, une gueule et un symbole de l’acteur avec un grand A, car passé de Cyrano de Bergerac, à Mammouth, via les valseuses, c’est un art. Et quelle voix, quelle présence sur scène ! .

  • Cette étonnante histoire a un rapport avec le libéralisme: Gégé a vécu, bien que sa mère ait voulu, un moment, l’en empêcher.
    20 ans plus tard, il n’aurait eu aucune chance, et ferait partie des bientôt 10 millions de Français avortés.
    20% d’humains qui meurent, pas tant avant d’avoir vu le jour qu’avant d’avoir été vus.
    Combien de grands acteurs, de génies, d’entrepreneurs ?

    Or au fondement du libéralisme, il y a un dogme: La vie humaine est sacrée.
    Même pour Ayn Rand, qui y voit la raison du droit de propriété, nécessaire pour vivre.
    Dans une tradition plus chrétienne et plus radicale, la liberté découle directement de cette dignité suprême, et le droit de propriété découle de la liberté (on est propriétaire de ce qu’on acquiert sans violer la liberté d’autrui).

  • Depardieu est sûrement un grand acteur, amoureux de la liberté etc, mais en attendant, il fréquente des gens qui eux n’ont pas cet « amour » de la liberté… Oui, je ne suis pas sûr que Poutine soit le meilleur défenseur des libertés fondamentales !

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