Licenciée du Crédit Agricole pour avoir donné l’alerte

Le Crédit Agricole a-t-il volontairement licencié un lanceur d’alerte ?

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Licenciée du Crédit Agricole pour avoir donné l’alerte

Publié le 15 novembre 2014
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Entretien réalisé par PLG, pour Contrepoints

logo-Credit-AgricoleIda De Chavagnac a travaillé 17 ans au sein du Groupe Crédit Agricole. Analyste des contreparties, son rôle consistait à effectuer un rating le plus indépendant possible des contreparties de la Banque. À partir de 2010, les relations avec sa hiérarchie se dégradent, celle-ci lui demandant d’améliorer sans justification les notes qu’elle attribue. Comprenant le risque que prenait la Banque vis-à-vis de ses clients, Ida De Chavagnac a endossé le rôle de lanceur d’alerte. Mais plutôt que d’être écoutée, sa hiérarchie a préféré la licencier. Pour Contrepoints, elle témoigne de ce qui lui est arrivé.

Pouvez-vous expliquer en quelques mots votre parcours au sein du Crédit Agricole ?

J’ai été analyste de risque pendant 17 ans au Crédit Agricole. Le département des risques, c’est un peu le garant de la morale des banques. Mon travail consistait à effectuer une analyse financière des contreparties de la banque et donner des avis sur les prises de risque sur ces contreparties. Les métiers bancaires sont très réglementés afin d’éviter que les banques prennent des risques inconsidérés. Des décisions de risque imprudentes peuvent très vite mener une banque à la faillite et donc faire perdre leurs économies à tous les clients de celle-ci.

Avant 2010, vous faisiez ce métier sans problème particulier. Vous est-il, malgré tout, arrivé d’entrer en conflit avec votre hiérarchie, ou tout du moins d’avoir des différences nettes d’appréciation ?

Il m’est évidemment arrivé d’avoir des différences d’appréciation avec ma hiérarchie et même des désaccords. Cela fait partie de notre métier de confronter nos analyses des risques.

Que s’est-il passé à partir de 2010 ?

Mon nouveau N+1 m’a systématiquement empêchée de rédiger des avis restrictifs ou négatifs sur des risques et des demandes d’autorisation de limites.

Les relations avec votre nouveau supérieur se sont-elles dégradées rapidement ou cela a-t-il pris du temps ?

Je suis naturellement soumise et respectueuse de l’autorité. Donc j’ai mis du temps à comprendre que mon nouveau N+1 souhaitait uniquement favoriser les intérêts des services commerciaux de la banque au lieu d’exercer ses fonctions de responsable de risque, et que de ce fait, il enfreignait les réglementations bancaires.

Suite aux demandes répétées de votre supérieur de changer votre vision sur certains dossiers, que s’est-il passé ?

Il m’a clairement demandé au cours d’un entretien d’évaluation de prendre davantage en compte les intérêts des services commerciaux dans mes décisions de risque et notamment de notations des contreparties. Il me l’a aussi écrit et il m’a supprimé ma rémunération variable notamment pour ce motif contraire à la déontologie. Il s’agissait d’une tentative de corruption.

À quel moment êtes-vous devenue « lanceur d’alerte » ?

J’ai informé pour la première fois mon N+2 des inquiétudes que j’avais au sujet de mon N+1 en septembre 2013. Par la suite, j’ai alerté mon N+3 à plusieurs reprises. Mon N+4 a refusé de me rencontrer et a préféré me licencier.

 

Je veux continuer à alerter sur ces pratiques dangereuses pour la Banque et ses clients.

 

Quel a été le motif de votre licenciement ? Qu’en pensez-vous ?

J’ai été licenciée pour avoir « proféré des accusations graves contre ma hiérarchie ».  Le mot « proféré » ne convient pas car je suis toujours restée polie. En revanche, j’ai bien été licenciée pour ce que j’ai fait. Or ce n’est pas un motif de licenciement. Le droit d’alerte est mentionné dans la Convention collective des banques et dans le droit français. D’après moi, alerter sa hiérarchie lorsqu’on nourrit des inquiétudes sur des manquements déontologiques est plus qu’un droit. C’est un devoir.

Vous avez décidé d’entamer une procédure pour licenciement abusif. Une première audience s’est tenue. Pouvez-vous nous expliquer ce qui était en jeu ?

Je demande devant les  tribunaux la nullité du licenciement et la réintégration dans le personnel du Crédit Agricole. Cette demande s’appuie sur la loi qui défend les lanceurs d’alerte qui stipule que « tout licenciement d’un salarié qui a dénoncé, de bonne foi, des faits délictueux ou de corruption, est nul ».

Au cours de la séance de conciliation, j’ai essayé de prouver ma bonne volonté en ne réclamant aucun argent et en ne demandant que mon travail. J’ai même dit être prête à accepter une réduction de mon salaire. Malgré l’insistance du conseiller prud’homal qui encourageait le Crédit Agricole à accepter ma proposition afin de trouver un terrain d’entente, les représentants du Crédit Agricole sont restés inébranlables, hermétiques à ma supplique.

Pourquoi avez-vous décidé de médiatiser votre histoire ? Comment envisagez-vous les mois à venir ?

Je suis lanceur d’alerte et cohérente jusqu’au bout. J’ai essayé par tous les moyens d’alerter ma hiérarchie sur les raisons de mes inquiétudes. Personne n’a voulu prendre en compte cette alerte. Il est donc logique de continuer à alerter, mais cette fois-ci en dehors de ma banque. Tout ce que je dis aux médias, je l’ai déjà dit et répété à ma hiérarchie.

Mon objectif par cette alerte est, qu’enfin, justice soit faite. Si mes inquiétudes sont justifiées, si par hasard il existe réellement un éventuel réseau de corruption au Crédit Agricole, il faut que ces pratiques cessent pour défendre les intérêts de tous les Français qui ont un compte au Crédit Agricole. Je ne m’arrêterai donc pas là.

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  • courageuse la petite dame ; dommage que ces catégories de gens ne soient pas plus nombreux ; quand à moi , je vais fermer mon compte du crédit agricole ainsi que ceux de ma petite famille ;

  • « Le département des risques c’est un peu le garant de la morale des banques. »

    Morale des banques, c’est de la science fiction ?…
    Moi, je suis le garant de la virginité des prostituées !

  • Plusieurs articles de presse relatent cette histoire. Je souhaite à cette personne beaucoup de courage et je ne doute pas de sa sincérité et de sa bienveillance.
    N’ayant ni les tenants ni les aboutissants de cette affaire je ne sais quoi en penser, challenges à publié une réponse du CA, bof.
    Par contre vouloir retrouver son ancien poste, au vue de l’incompétence de son N+1, je ne comprends pas trop…!

    • Parce que vu son « statut » de lanceur d’alerte ou plutôt pour un quelconque employeur de « fouteuse de merde » (ce n’est pas péjoratif pour ma part mais plutôt un compliment) elle ne retrouvera jamais de travail autre part. Mieux vaut être protéger là ou elle travaillait que de chercher un autre travail.

  • Il serait intéressant d’en connaître un peu plus sur la nature des risques évalués à l’origine du litige (sous-jacents publics ou privés, secteurs économiques concernés, nationalité, type d’ingénierie financière, etc.) et leur ampleur par rapport au total du bilan de la banque. Parle-t-on d’achat d’OAT, du financement de collectivités locales aux alentours de Sivens, de PF d’actions du CAC ou du Nikkei, de participations dans la dette mezzanine d’ETI françaises ou de CDS sur les souverains russe, italien ou argentin ?

  • Depuis que les banquiers sont certains de ne pas aller en tôle ni d’être ruinés si la banque saute, quel intérêt d’écouter ceux qui suggèrent par prudence de réduire les affaires, ce qui pourrait enduire les commissions et donc les bonus?

    • effectivement. Et avec l’affaire Kerviel ils savent aussi qu’ils pourront faire porter le chapeau à un lampiste quelconque, assez inconscient pour prendre des risques inconsidérés dont la banque tirera profit en faisant semblant de ne rien voir.

    • D’autant plus avec la BCE qui ouvre à fond le robinet à pognon magique, instaure les taux d’intérêts négatifs, les banques (en particulier le Crédit Agricole) pratiquent par conséquent des taux d’emprunt historiquement bas pour appâter des entreprises et des particuliers qui n’en veulent pas. Résultat, les banques prêtent à des clients insolvables, à des états déjà surendettés, CQFD ! Pas grave, en cas d’explosion de bulle, ce qui arrivera, l’UE paiera, enfin, je veux dire, nous, les contribuables, paieront. Je ne serais pas étonné si ces pratiques du CA dénoncées par cette courageuse femme cachaient une volonté manifeste de la part de ses dirigeants, voire même de notre gouvernement.

  • Je vous suggère de demander de l’argent. Énormément d’argent. Vous en aurez besoin pour rebondir et vous gagnerez le respect de votre adversaire.

    De plus, à partir du moment où vous avez lancé l’alerte, vous avez besoin de pouvoir résister à la contre-attaque, d’avoir des appuis. A un moment donné ou à un autre, ce ne sera plus suffisant de parler de n+1, +2 ou +3. Il faudra que ces messieurs dames soient interrogés à leur tour par la presse, voire par les autorités.

    Vous avez franchi le Rubicon. Il vous faut de la force, car l’autre partie est forte.

    Mes plus sincères félicitations. Votre démarche est courageuse et exemplaire.

    • +1 Oui ce n’est pas crédible de ne pas demander d’argent pour réparer le préjudice. Ca fait un peu Bisounours et ça décribilise l’action engagée. Quand à demander la réintégration, elle a fumé ou quoi ? Une certaine naïveté qui montre justement une mauvaise appréciation des risques… et donc confirme le licenciement pour cause sérieuse… CQFD

      • Votre raisonnement est très « chelou », sachant que vous n’avez aucun élément pour juger la situation de façon adéquate. Elle demande pas d’argent donc elle est naïve donc son jugement des risques n’est pas de bonne qualité, donc licenciement justifié…. N’IMPORTE QUOI.

  • Un peu déçu par l’interview. Il s’agit de quels risques, pour quel type de client? On parle de quel type d’actif, qui représente quelle part du bilan du CA? La dame travaillait dans une division particulière ou à la maison mère?

  • Les règles préjudiciel ne sont pas respecté dans les banques Française, regardez le site de jp chevalier c’est très bien expliqué depuis des années, mais les mensonges finissent toujours par remonter!

  • Mes parents étaient au CA à l’époque car on ne trouvait pas d’autres banques à la campagne : ils étaient traités comme les pires des truands parce qu’ils payaient leurs crédits à date limite.

    Récemment, ma mère a décidé de louer un coffre chez eux. Elle doit prendre rendez-vous une semaine en avance pour y déposer des objets alors que c’est elle la cliente : hallucinant ! J’ai dit à la conseillère qu’ils me cassaient les glaouis avec tous les papiers qu’on me demandait pour un dossier de procuration.

    • Oui, je suis également au CA, mon conseiller à changé depuis plus de 1 an déjà, et je n’ai même pas été mis au courant…de quoi remettre en cause leur proximité tant vantée.

  • Très déçu des commentaires d’interautes d’un site libéral.
    Que savons nous de cette affaire sinon les seules explications de cette dame.
    Trop facile de prendre parti de façon unilatérale dès lors qu’il s’agit d’une banque qui naturellement devient suspecte.
    Quant à l’allusion avec Kerviel, comment peut-on soutenir l’irresponsabilité de cet individu.
    Libéral=Liberté+Responsabilité

  • Article drolissime surtout sur Contrepoints…

  • Je suis surpris que beaucoup de gens prennent parti pour cette femme.
    Après tout, cette femme s’est simplement auto-proclamée défenseuse des intérêts de la banque et de ses clients. Mais connaît-elle réellement mieux que ses supérieurs hiérarchiques les intérêts de la banque et de ses clients?
    Par ailleurs, elle se réfugie derrière une réglementation. Or les réglementations ne sont jamais dans l’intérêt des clients. Qui pourrait croire que le législateur se soucie des intérêts des clients des banques?

    • D’après la description, je comprends que c’était précisément son rôle d’aller contre les désirs de jouissance immédiate des clients.

  • Je me trompe ou j ai bien lu exactement le même article il y a qq semaine oú les seules différences sont le nom de la banque et de la personne concernée ? Bizarre bizarre

  • bof….difficile de juger…je n’y connais rien mais son alerte dépend étroitement de son analyse des risques…il faudrait une expertise par un tiers…et encore en espérant que l’estimation d’une risque puisse être faite d’une façon relativement incontestable. Sinon on doit la croire, il n’y a malversation que si elle a raison et son chef a tort….et on peut penser que si dans une boite la loi est que » N+1 moins compétent que N  » alors la boite a du souci a se faire au moins autant que ses clients.

  • Pas très très convaincu.
    Une mauvais évaluation des risques conduit à des pertes ou une sous-rentabilité par rapport à la perte potentielle… qui devient « moyenne » vu le nombre de clients.

    Donc si la banque sous-évalue les risque des emprunteurs, elle perd du pognon. Si elle le sur évalue elle n’en gagne pas assez. Elle n’a aucun intérêt à ne pas juger correctement du risque… au contraire. Perso, comme Adam Smith, je compte sur l’âpreté au gain des gens pour qu’ils se comportent « bien ». Le problème étant parfois quand les normes et règles gouvernementales viennent éliminer les liens mentionnés plus haut.

    Donc après 2010 (et les mises en places de nouvelles réglementations sur le risque) l’évaluation que la banque fait du risque et la sienne se mettent à diverger. Clairement la réglementation à changé la norme (et cette brave dame ne l’a pas compris, qui justement glorifie la réglementation bancaire « parce que sinon les banques prendraient trop de risque », hé oui, comme tous ces salauds de capitalistes qui aiment faire faillite et perdre leur capital… ou pas).

    Bref, le fond est intéressant, pour la forme elle n’a rien d’une lanceuse d’alerte contre des malversations des méchants banquiers. Si alerte il y a (et celle là elle ne semble vouloir pas la lancer) c’est contre les « risk regulation » à la comité de Bâle et autres normes et lois et régulations et règlement Français et Européens qui déformant la relation risque/rentabilité conduisent à des comportements instables et potentiellement néfastes.

  • interview très pertinente qui mérite d’être diffusée.

  • De la corruption ?….Hé Ben !

    Quand on sait que les banques collectent l’argent du livret A à 1,25 %..et elles peuvent garder 40% de cette collecte qu’elles peuvent ensuite proposer à des clients 8% et parfois plus..

    Ou que la BCE propose de l’argent aux banques à 1% …qu’elles accordent difficilement à leur clients à un taux beaucoup plus fort !!!
    La vie est belle

    • Il y a quand même une toute petite différence. Vous pouvez réclamer le remboursement du capital de votre livret à tout instant mais la banque qui vous prête ne peut vous demander le remboursement de la totalité de votre prêt à chaque instant.

      Cette différence, combien vaut-elle, selon vous ?

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