Rapport du Crédit Suisse 2014 : un pamphlet anticapitaliste ?

Inquiétant : le rapport du Crédit Suisse parle comme Piketty !

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Facepalm (Crédits : Alex Proimos, licence CC-BY 2.0). Image publiée initialement sur Flickr.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Rapport du Crédit Suisse 2014 : un pamphlet anticapitaliste ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 novembre 2014
- A +

Par Bernard Zimmern.
Un article d’Emploi 2017

facepalm credits alex proimos (licence creative commons)

Le plus surprenant, dans la lecture du rapport du Crédit Suisse 2014 sur les patrimoines, est de tomber sur la page 114 où la déclaration du paragraphe 4.1 pourrait figurer dans les meilleurs manuels de l’extrême gauche :

«… Dans presque tous les pays, la fortune moyenne du décile supérieur (c’est-à-dire les 10% des adultes les plus riches) est plus de dix fois la fortune médiane. Pour le centile supérieur (c’est-à-dire le 1% le plus riche), la fortune moyenne excède 100 fois la fortune médiane dans beaucoup de pays et peut approcher 1 000 fois la médiane dans les pays les plus inégalitaires. Cela a été le cas dans la plus grande part de l’histoire humaine, avec la propriété d’une fortune représentée souvent par des terres, et la richesse plus souvent acquise à travers des héritages ou des conquêtes plutôt que par talent ou dur travail… ».

Cette déclaration est d’autant plus inquiétante qu’elle débouche plus tard sur des recommandations (par exemple, page 121 : « Similarly, while progressive income and capital taxes are likely to lower wealth inequality, flatter tax structures will lead to rising inequality 1 »), qui se rapprochent fortement de celles de Piketty : augmenter les impôts sur les plus riches et notamment l’ISF.

On est surpris d’une telle orientation. Les autres publications (Capgemini, Boston Consulting Group) tournent leurs études vers des aspects plus constructifs et intéressants, comme les riches, moteurs du changement social, le rôle du numérique dans la gestion du patrimoine ou le rôle des grandes villes dans l’évolution de la richesse.

Alors que la seule conclusion sur laquelle l’étude semble déboucher est l’indignation devant tant d’inégalités et une suggestion, à mots couverts (car nous sommes dans une publication pour personnes fortunées), que les gouvernements doivent combattre les inégalités en accroissant les impôts, en généralisant même l’ISF comme le recommande T. Piketty.

La déclaration citée en tête de cet article pourrait se comprendre venant de novices dans l’étude de la répartition des patrimoines, mais pas d’une banque qui confie ses recherches à un économiste connu ; un indice porte son nom, indice souvent utilisé à la place du Gini.

Ils devraient savoir que les inégalités qu’ils dénoncent sont au moins dix fois plus faibles ; car, comme nous l’avons déjà rappelé dans l’article précédent, une très grande part des plus pauvres est constituée des jeunes en début de carrière alors que les plus riches sont autour de la soixantaine ; et leur fortune est le résultat de l’accumulation de toute une vie.

Les jeunes sont pauvres mais ont toute leur force et un ou une petite amie, les vieux sont beaucoup plus riches, mais avec une force de travail qui chute et des dépenses médicales qui enflent.
C’est l’effet âge bien connu des économistes et qui fait qu’entre la fortune moyenne d’un individu entre 20 et 30 ans et celle d’un individu entre 60 et 70, il y a un coefficient en moyenne autour de 10 ; l’écart de fortune entre le 1% et la médiane n’est déjà plus de 100 mais de 10. Et ceci lorsqu’on n’inclut pas dans le patrimoine des plus pauvres le « patrimoine donné », c’est-à-dire tous les bénéfices sociaux construits par les États développés précisément pour réduire les inégalités, mais qui sont en passe, par leur démesure, de détruire la croissance du patrimoine gagné qui est le seul mesuré par le Crédit Suisse.

Le positionnement pris par le Crédit Suisse est d’autant plus insoutenable que, s’il y a eu dans l’histoire des patrimoines acquis à travers des razzias (Gengis Khan, les Vikings, etc.) ou par les héritages dans l’Europe médiévale, l’économie du monde moderne est la démonstration que les riches le sont parce qu’ils ont créé des entreprises et que, quand il n’y a pas de riches, il n’y a pas d’entreprises ou pas assez, mais aussi pas de travail ni d’emplois ; toute la population en souffre.

Ceci est particulièrement vrai en Suisse, un des pays les plus riches de la planète par habitant, d’après les statistiques même du Crédit Suisse. À son développement sont associés non seulement des noms du passé (Sulzer, BrownBoveri, Sandoz, etc.) mais aussi des succès récents et une industrie vibrante qui est au cœur du succès d’universités comme le Polytechnicum de Lausanne.

Il faudrait qu’au moins ceux qui sont censés aider à créer de la richesse – une banque – prennent conscience que cette richesse n’est pas apportée toute seule par les cigognes et que les riches sont à presque 100% des entrepreneurs ou des enfants d’entrepreneurs qui ont réussi en innovant et en prenant des risques (90% aux USA si l‘on prend les listes de Forbes).

C’est bien de se faire de la publicité par des études et de financer des recherches en économie mais – prochain article – il y a des chausse-trappes à éviter.

Lire aussi « Crédit Suisse : plus gauchiste, tu meurs » et « La France championne des millionnaires ? »

Sur le web

  1. De même, tandis que des taxes à taux progressif sur le revenu et des taxes sur le capital sont susceptibles de diminuer les inégalités de patrimoine, des structures d’impôt moins progressif conduiront à des inégalités croissantes.
Voir les commentaires (19)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (19)
  • « Les jeunes sont pauvres mais ont toute leur force et un ou une petite amie, les vieux sont beaucoup plus riches, mais avec une force de travail qui chute et des dépenses médicales qui enflent. »
    Permettez-moi, celle-ci, je la garde…

    J’aimerai connaitre votre analyse sur le problème sous-jacent à tout cela et que vous n’abordez pas dans votre article: un milliard possédé par une personne va être essentiellement utilisé sous forme de placements financiers et immobiliers quand un milliard possédé par 10000 personnes va majoritairement être utilisé pour la consommation de biens, moteur de l’économie capitaliste.

  • le problème vient du fait que les socialistes ont tellement influencé les gens avec les inégalités sociales. ils ont fait des inégalités sociales un problème majeur d’aujourd’hui alors que le vrai problème vient de la pauvreté et non pas des inégalités sociales. les libéraux s’occupent du problème de la pauvreté mais pas de la lutte contre les inégalités car les libéraux sont pour l’égalité de droit. or l’égalitarisme s’oppose aux inégalités de droit. l’égalitarisme sous ses airs de bons sentiments charitables n’est que motivé par la jalousie et l’envie. http://www.contrepoints.org/2011/01/06/10334-etre-de-gauche-intolerant-et-peu-genereux
    http://www.contrepoints.org/2011/04/13/21001-radins-envieux-racistes-et-intolerants-les-socialistes-et-les-anticapitalistes http://www.contrepoints.org/2010/10/04/2621-gauche-intolerance-generosite-droite-liberalisme

  • ce que je trouve marrant c’est que les gens qui veulent combattre les inégalités ne parlent jamais de la mobilité sociale. que veut il mieux vivre dans un pays certes où il y a plus d’égalité sociale mais où les pauvres n’ont aucune chance de changer de classes sociales, de devenir riches. ils sont condamnés à rester des assistés toute leur vie, à dépendre de l’aide sociale. ou bien vivre dans pays où il y a plus d’inégalité mais où il y a une grande mobilté sociale, càd que les pauvres peuvent devenir plus richer, passser dans une autre classe. dans ce genre de société, le mérité personnel importe beaucoup plus et conditionne beaucoup plus notre condition sociale ?? perso, je préfère la seconde option que je trouve plus juste à la première. or comme par hasard, plus un pays est soicaliste moins il y a de mobilité sociale.

    • Rien de surprenant, l’analyse de la mobilité sociale demande des bases de données beaucoup plus riches et généralement inaccessibles aux chercheurs pour des raisons de confidentialité : perso j’aimerai beaucoup avoir accès aux fichiers de Bercy pour l’IRPP, en remplaçant les noms par des codes…

      Ca demande aussi un travail beaucoup plus fin de ces données (et puis ça ne permet pas les bon gros maquillages à la Piketout… les agrégations à la louche, les comparaisons de quantiles finement choisis, etc.)

  • les économistes qui combattent les inégalités ne s’intéressent jamais aux effets secondaires négatifs qu’entraine leurs solutions pour lutter contre les inégalités. or la lutte contre les inégalités mènent en un appauvrissement général (y compris des pauvres). de manière plus général, l’égalitarisme mène au nivellement vers le bas ( regardez les politiques désastrueuses mises en place dans l’enseignement pour lutter contre les inégalités qui mènent à un abaissement général du niveau de l’enseignement). sans oublié le fait que la luttre contre les inégalités nuisent à la mobilité sociale

  • imaginons qu’on est d’accord que les inégalités sociales sont un vrai problème. il y a plusieurs questions à se poser. 1 est ce que les inégalités s’accroissent ? la réponse est oui mais les socialistes comme piketty ont une tendance à exagérer fortement (voir très fortement) les inégalités. ils n’hésitent pas à truquer leurs chiffres, à prendre juste les statistiques qui les arrangent (en écartant les stats qui les dérangeraient). 2. qu’est ce qui cause les inégalités ?? là, les socialistes ont (en grande partie ) faux car ils ne parlent pas de certains facteurs (la politique des banque centrale, le capitalisme de connivence,….) et certains des facteurs qui ,selon eux, accroisseraient les inégalités sont plus que contestable. il n’existe aucune preuve concrète. 3. comment combattre les inégalités ? certaines de leurs solutions sont aussi très contestables. on risque de voir ce qui s’est passé dans les pays communistes avec d’un coté la population qui crève de faim et de l’autre, les dirigeants membre du parti qui sont milliardaires. 4. est ce que les solutions proposés pour combattre les inégalités n’ont elles pas plus d’effets négatifs que d’effets positifs ??? là, la réponse est clairement oui. ces solutions nt plus d’effets négatifs que d’éffets positifs. cela conduit à un appauvrissement généralisé.

  • On peut dire absolument ce qu’on veut sur les interprétations de Piketty. Mais pas sur le fait parfaitement indiscutable qu’il dégage, à savoir l’extrême concentration de richesse en cours.

    L’auteur argue que : « Une très grande part des plus pauvres est constituée des jeunes en début de carrière alors que les plus riches sont autour de la soixantaine  »

    Stupide, pardon.

    Dans les sociétés les plus « égalitaires », les vieux tendent là aussi à gagner plus que les pauvres. Et on y trouve un Gini beaucoup plus plat.

    Ce que Piketty dénonce est la différence de degré et la tendance, qui est complètement INDISCUTABLE, et palpable aux US, en particulier.

    On peut penser ce qu’on veut de cette croissance des inégalités, mais personne n’a le droit de la nier, c’est s’empêcher de participer au débat que de le faire.

  • Les inégalités sociales ou régionales ne se sont et ne se résoudront jamais pas des moyens légaux ni par des manipulations financières.
    D’une part parce que certains ne veulent tout simplement pas quitter leurs positions de joyeux pauvres (artistes, certains SDF etc.), d’autre part parce que la richesse est une notion relative donc on ne peut tous s’enrichir de la même manière (exemple, un chômeur pour quitter sa condition aurait peut être davantage besoin de savoir « séduire » un patron qu’il aura besoin d’argent) et finalement, on revient en arrière, il faut que les gens créent le mouvement. Si le pauvre ne fait pas d’efforts pour s’en sortir tout l’argent et tous les mécanismes du monde ne le tireront pas de là. Pareil pour le riche, si vous le protéger alors que ces pratiques ne sont pas bonnes il ne changera jamais donc ne fera jamais avancer la société.
    À l’inverse on voit que l’État accroît les inégalités en distribuant à ces groupes favoris, en donnant des services uniformes qui ne sont pas adaptés à tous, en incitant à rester là où l’on est.

  • une question que les gens feraient bien de se poser c’est pourquoi il y a des inégalités sociales ??

  • ben oui..meme le plus riches des plus riches a son argent en banque ,il ne met pas sa richesse dans une lessiveuse ,donc automatiquement l argent tourne ,en pret en investissement donc ne vous bloquez pas sur les capitalistes ..!!

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Cette année, un livre intitulé Pioneers of Capitalism a été publié par la célèbre maison d'édition universitaire Princeton University Press. Il retrace l'histoire des Pays-Bas. Ses auteurs, Maarten Prak et Jan Luiten von Zanden, écrivent que "les Pays-Bas ont été l'un des précurseurs de l'émergence du capitalisme".

Les Pays-Bas ont été l'un des premiers et des plus puissants pays capitalistes. Son progressisme économique est l'une des raisons pour lesquelles ce petit pays (avec une population d'à peine deux millions d'habitants à l'épo... Poursuivre la lecture

Par Éric Pichet.

 

La faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB) a entraîné une correction des valeurs bancaires, d’abord à Wall Street, puis par contagion sur tous les grands marchés boursiers. Entre le vendredi 10 mars et le lundi 13 mars, la capitalisation boursière mondiale du secteur a perdu 465 milliards de dollars. Cette vague a traversé l’Atlantique et déstabilisé une vénérable institution helvétique créée en 1856 : le Crédit Suisse, une des 30 banques systémiques dans le monde.

Lundi 13 mars ... Poursuivre la lecture

Par Jacques Ninet.

 

En rédigeant l’essai que j’ai consacré aux taux négatifs, à l’été 2016, je suis tombé un peu par hasard sur un rapport publié l’été précédent par le Groupe des 30, think tank réunissant des grands argentiers (banquiers centraux et ministres des Finances) à la retraite et quelques banquiers privés. Ouvrage stupéfiant intitulé Fundamentals of central banking. Lessons from the crisis, en réalité véritable confession des erreurs des banquiers centraux dans leur vision de l’économie, dans la prévention de la... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles