Marché du yuan : une carte maîtresse pour Paris

La Chine, première puissance économique et monétaire demain ? En tout cas un enjeu vital dès aujourd’hui.

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Marché du yuan : une carte maîtresse pour Paris

Publié le 8 novembre 2014
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La Chine s’est engagée dans un processus de libéralisation de son économie et d’internationalisation de sa monnaie, le Yuan ou Renminbi. Un enjeu colossal pour les places financières européennes et une belle opportunité pour Paris.

Par Pierre de Lauzun.

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Si aujourd’hui, la Chine représente 18 % du PIB mondial, en 2030, selon l’OCDE, sa part sera de 28 %, devant les États-Unis (18 %) et la zone euro (12 %). La Chine, première puissance économique et monétaire demain ? En tout cas, un enjeu vital dès aujourd’hui.

Le 31 octobre dernier s’est tenue à Shanghai, dans le cadre des accords entre Paris Europlace et la ville chinoise, la deuxième édition du Forum financier Shanghai-Paris. Pour quoi faire ?

La Chine s’est lancée depuis cinq ans environ dans une stratégie d’ouverture de ses marchés financiers et d’internationalisation de sa monnaie.

Objectif : mettre un terme à sa dépendance financière vis-à-vis du roi dollar. L’essentiel des énormes réserves de change de la Banque centrale chinoise est libellé en dollar. Si celui-ci venait à s’écrouler, de même que le crédit des États-Unis, la Chine subirait un choc violent. Pékin cherche donc activement depuis quelques années à faire du yuan une alternative au dollar en favorisant son usage international dans les échanges commerciaux et financiers. Et Shanghai, dont la zone de libre échange a été inaugurée en grande pompe il y a un peu plus d’un an, est la tête de pont de cette stratégie.

 

La deuxième devise d’échange au monde

La République Populaire a d’abord introduit l’usage du RMB dans les échanges commerciaux. Avec un résultat stupéfiant : en deux ans, le yuan est devenu la deuxième devise de financement commercial au monde, derrière le dollar américain, mais devant l’euro.

Le yuan, monnaie des échanges commerciaux, devient aussi monnaie de transactions. Comment ? En créant un marché mondial du yuan, c’est-à-dire des instruments et des infrastructures financières permettant les opérations en monnaie chinoise et sécurisant les transactions. Pour cela, la Chine tisse à travers le monde un véritable réseau de règlement et de compensation en renminbi, reposant sur plusieurs centres offshore judicieusement choisis en fonction des différents fuseaux horaires de la planète, de l’Australie à l’Europe.

En l’espèce, leur stratégie est très pragmatique : la Chine multiplie les ententes pour s’arrimer dans différentes localisations européennes afin de profiter des atouts de chaque place. Accords donnant-donnant : elle recherche l’expertise de ces places, qui de leur côté veulent bien entendu avoir leur part du gâteau, ce qui ouvre une bataille entre places financières pour se positionner en leader sur le marché très prometteur du yuan. En Europe, Londres, Francfort, Luxembourg et Paris font ainsi les yeux doux à la belle…

Londres était partie avec une longueur d’avance, la City étant la première place d’échange de devises dans le monde avec un lien historique avec Hong Kong. De fait, Londres accueille un quart des échanges réalisés en renminbi hors de Chine. Mais Londres n’est pas en zone euro. Et un enjeu majeur dans la construction progressive d’un système mondial à trois piliers, dollar, yuan et euro, c’est l’articulation yuan-euro.

 

Une opportunité pour Paris

La bataille principale en Europe se joue donc pour la place de leader de la zone euro.

Et là, Paris peut faire valoir ses atouts. La capitale française est d’ores et déjà le premier centre de négociation en renminbi de la zone euro. Aujourd’hui, 44 % des échanges franco-chinois sont libellés en renminbi. Les établissements français offrent une palette complète de services financiers sur tous les segments, ils ont des échanges commerciaux très développés avec la Chine (les banques françaises sont parmi les plus actives en Asie) et des liens privilégiés avec l’Afrique, continent sur lequel la Chine investit massivement.

Ils sont, de plus, particulièrement actifs sur le marché obligataire du renminbi. Les premières licences RFQII distribuées dans la zone euro (Renminbi Qualified Foreign Institutional Investors, licences permettant d’investir en Chine) ont été accordées à des établissements français cette année. Par ailleurs, un protocole d’entente a été signé en juin 2014 entre la Banque de France et la Banque populaire de Chine (banque centrale chinoise), premier pas vers la création d’une chambre de compensation du renminbi à Paris. Et en septembre, Bank of China a été choisie comme cheville ouvrière pour la compensation des transactions en renminbi offshore à Paris dans le cadre d’un accord avec les banques françaises.

Paris conforte ainsi, peu à peu, sa place de premier centre offshore de la zone euro pour le yuan. Alors même que la Place de Paris connaît une évolution préoccupante, qui fait naître de sérieuses questions sur la capacité de la France à conserver la maîtrise de rouages essentiels pour le financement de son économie et l’allocation de son épargne, ce succès est révélateur.

Il montre d’abord qu’au regard des enjeux de positionnement du renminbi comme monnaie mondiale, nous disposons (encore) d’atouts appréciables dans la compétition qui se joue entre places financières. Rien n’est donc perdu pour Paris, et les cartes peuvent encore être redistribuées.

Pour cela, il faut bien sûr que tous les acteurs de la place, publics et privés, joignent leurs forces dans une stratégie globale commune, reconnaissant la nécessité d’une place dynamique et compétitive en mesure de financer le retour de la croissance.

Cela suppose en particulier de favoriser résolument l’épargne longue, notamment en actions – celle qui est la plus utile aux entreprises et à l’économie – et de drainer efficacement cette épargne vers les entreprises, et notamment les PME et ETI. Cela suppose parallèlement de développer sur notre territoire une industrie financière forte, débarrassée des surcharges fiscales sans cesse alourdies – comme nous le constatons de façon dramatique ces jours-ci encore, au moment même où nous réussissons cet accord avec la Chine.

C’est à ce prix que les efforts consentis seront payants. Nous en sommes encore bien loin.

Sur le web

 

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  • Il ne faut pas s’inquiéter, la taxe Tobin à venir va y mettre bon ordre, Paris ne sera bientôt plus qu’une place d’échange mineure sur les marchés financiers… ce qui est peut-être déjà le cas, en fait…

  • Que tant d’argent circule à deux pas de la Seine sans venir s’engloutir dans les déficits français, les socialistes ne pourront pas laisser une telle provocation sans réponse.

    • On va charger notre spécialiste de la Chine et des pièces jaunes d’accueillir ces personnes, il a montré qu’il savait y faire.

  • Reste à savoir si les Américains vont apprécier !

    • La Chine se bousille toute seule et ralentie toute seule, les Américains n’ont pas besoin de faire quoique ce soit. 😉

  • C’est une erreur de vouloir parier sur la Chine à ce point, le pays ralentit et son dirigeant renforce son contrôle sur le pays donc la démocratisation s’éloigne.

    Concernant le Yuan à Paris c’est trop tard, Londres est déjà très avancé dans ce processus.

  • N’oublions pas qu’il s’agit d’un pays gouverné par un parti communiste.
    Lénine aussi avait fait une NEP……
    La politique économique chinoise peut connaître un revirement du jour au lendemain.

  • « Si aujourd’hui la Chine représente 18% du PIB mondial » Quelle est cette source qui multiplie par deux le poids de la Chine dans l’économie mondiale ?

    « en 2030, selon l’OCDE, sa part sera de 28%, devant les États-Unis (18%) et la zone euro (12%) » Il manque un lien vers le document de l’OCDE déclinant ces prévisions. A toutes fins utiles, on se souvient que la croissance du PIB de la Chine est, non de 7% l’an comme les données officielles le prétendent, mais oscille plus probablement quelque part entre 0 et 3%. Ceci dit, elle serait négative que ça ne changerait rien au problème fondamental de la dictature chinoise, à savoir que ses statistiques économiques sont nécessairement fausses, puisque c’est une dictature. Investir dans une monnaie fondée sur les affirmations invérifiables de cette dictature conduira inexorablement à des résultats indésirables.

    Ceci dit, la conclusion à propos des charges fiscales est très juste. Mais elle ne devrait pas être limitée au domaine financier.

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