Canada : 3 mythes sur l’état de la concurrence sans fil

Selon les critiques, le manque de concurrence ferait en sorte que les Canadiens sont parmi ceux qui paient le plus cher pour leurs services. L’IEDM a récemment fouillé le sujet.

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Canada : 3 mythes sur l’état de la concurrence sans fil

Publié le 4 octobre 2014
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Par Martin Masse et Paul Beaudry.

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Plusieurs mythes circulent sur l’état de la concurrence dans le secteur du sans-fil au Canada. Selon les critiques, le manque de concurrence par comparaison avec les autres pays développés ferait en sorte que les Canadiens sont parmi ceux qui paient le plus cher pour leurs services, des services de surcroît de mauvaise qualité.

L’IEDM a récemment fouillé le sujet1. Alors que s’ouvrent de nouvelles audiences du CRTC où l’on débattra des tarifs d’itinérance de gros2, nous y revenons succinctement pour contribuer à un débat plus équilibré sur cette question.

Mythe 1 – Les Canadiens sont parmi ceux qui paient le plus cher pour leurs services de communications sans fil

Un rapport du groupe Wall Communications préparé pour le CRTC et Industrie Canada a fourni des comparaisons éclairantes sur les prix payés par les consommateurs de six pays, soit le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Australie et le Japon3. Sur la base d’un panier de services sans fil équivalents, le forfait canadien était relativement dispendieux pour les utilisateurs ayant un bas niveau d’utilisation, se classant 5e sur 6. Mais pour les consommateurs ayant un niveau élevé d’utilisation, le forfait canadien était concurrentiel ; il venait au 4e rang, loin devant les forfaits offerts aux États-Unis et au Japon.

Une comparaison du même ordre a été faite par Wall Communications pour des combinaisons de différents services tels que la télévision numérique, la téléphonie sans fil et une connexion Internet à large bande. Dans les trois cas de figure à l’étude, le panier de services canadien est arrivé 3e sur 6. Il est donc faux de dire que les Canadiens paient systématiquement plus cher pour leurs services de télécommunications. De façon générale, les prix pratiqués au Canada sont plus élevés qu’en Europe, mais plus bas qu’aux États-Unis, au Japon et en Australie. En comparant différents paniers de services sans fil mobiles, l’OCDE est arrivée à la même conclusion, soit que le Canada se situe dans la moyenne lorsqu’il s’agit des services à haut niveau d’utilisation, au 21e rang sur 34 pays4.

Mythe 2 – Le réseau sans fil du Canada est peu performant

Si le prix s’avère somme toute concurrentiel, le service obtenu est-il de qualité ? Les comparaisons internationales permettent là encore de battre en brèche le mythe de la mauvaise performance du réseau sans fil canadien.

Selon le Ookla Net Index qui fait autorité en la matière, le Canada est 8e sur 25 grands pays industrialisés pour la vitesse de téléchargement mobile et 9e pour la vitesse de téléversement mobile. Dans un sens comme dans l’autre, le Canada se place devant des pays comme le Japon, les États-Unis ou la Suisse, mais derrière l’Australie, la France et la Suède5.

Selon un autre classement, le Canada se situe au 6e rang sur 16 quant au critère spécifique de la vitesse de téléchargement LTE, c’est-à-dire la technologie 4G la plus rapide6. Avec 14 % des connexions totales en 2013 qui étaient des connexions au réseau LTE, le Canada est au 5e rang sur 12 pays de l’OCDE sélectionnés, loin devant le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne qui en ont moins que 4 %7.

Mythe 3 – Il y a moins de concurrence dans le secteur du sans-fil au Canada que dans la plupart des autres pays développés

Avec trois fournisseurs nationaux de services sans fil et plusieurs concurrents régionaux, le Canada est en fait loin d’être un cas spécial parmi les pays développés (voir le Tableau 1 sur iedm.org). Il fait au contraire partie de la majorité. Des pays comme le Japon, l’Autriche et l’Allemagne sont d’ailleurs récemment passés de cinq ou quatre à trois fournisseurs. Si l’on tient compte des tentatives de regroupement en cours dans d’autres pays, le modèle à trois joueurs pourrait bientôt devenir la norme.

Malgré l’adoption par le gouvernement fédéral de plusieurs mesures au cours des dernières années visant à favoriser l’émergence d’un quatrième fournisseur national, le marché canadien reste dominé par Bell, Rogers et TELUS, qui sont les seuls à disposer de réseaux pancanadiens de tours cellulaires. Si ces mesures interventionnistes ont permis à des câblodistributeurs comme Vidéotron au Québec et EastLink dans les provinces maritimes d’ajouter la téléphonie sans fil à leur offre de services, l’aventure aura été malheureuse pour les autres prétendants. Public Mobile a été acquis par TELUS, Mobilicity s’est placée sous la protection de ses créanciers et WIND Mobile reste une entreprise fragile malgré une récente restructuration de son actionnariat.

L’expérience suggère qu’au Canada, comme ailleurs dans le monde, les fournisseurs de télécommunications qui réussissent le mieux sont les grandes entreprises intégrées qui peuvent offrir un ensemble de services incluant la téléphonie sans fil, une connexion Internet à large bande et la télévision numérique. Quant au modèle à trois grands fournisseurs, il assure une concurrence dynamique tout en permettant à de grandes entreprises de supporter les investissements colossaux nécessaires à la mise en place et à la gestion de tels réseaux, surtout dans un pays immense et peu peuplé comme le Canada.

Sur le web

  1. Martin Masse et Paul Beaudry, L’État de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada, Institut économique de Montréal, mai 2014.
  2. Des audiences publiques du CRTC se tiennent à partir du 29 septembre pour déterminer si le marché des services sans fil mobiles de gros est suffisamment concurrentiel au Canada. Déjà, le gouvernement fédéral considère que ce marché n’est pas concurrentiel. Il a temporairement plafonné les tarifs que les opérateurs de télécommunications canadiens peuvent exiger lorsqu’ils louent leur réseau sans fil à des petits fournisseurs qui ne possèdent pas d’infrastructures partout au pays. Voir l’Avis de consultation de télécom CRTC 2014-76, 20 février 2014.
  3. Wall Communications, Comparaison des tarifs des services filaires, Internet et sans fil offerts au Canada et à l’étranger : Mise à jour de 2013, Rapport préparé pour le CRTC et Industrie Canada, avril 2013, Tableaux A3.2 et A3.5.
  4.  OCDE, Perspectives des communications de l’OCDE 2013, juillet 2013, cité dans Jeffrey Church et Andrew Wilkins, « Wireless Competition in Canada: An Assessment », SPP Research Papers, vol. 6, no 27, Tableau 1, septembre 2013.
  5. Ookla Net Index (Mobile Download Index, Mobile Upload Index), 6 avril 2014.
  6. OpenSignal, Global State of LTE Report, février 2014.
  7. Cisco, Network Connections, VNI Mobile Forecast Highlights 2013-2018, 2013.
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  • Merci beaucoup pour cet article. Une petite question:
    Quels sont les barrières permettant la mise en place d’un marché totalement libre et concurrenciel?

  • Article décevant : «surtout dans un pays immense et peu peuplé comme le Canada.»
    Pourtant la majeure partie de la population se situe dans une longue bande, mais mince, le long de la frontière américaine et du St Laurent. La densité de la clientèle à desservir n’est en fait pas si terrible que cela.

    «le forfait canadien était relativement dispendieux pour les utilisateurs ayant un bas niveau d’utilisation»
    Et c’est bien là tout le problème ! L’équivalent du forfait à 2€ de Free coûte dans les 40$ au Canada !!! Avec Koodo, SMS illimités c’est 15$ par mois et il faut acheter des minutes pour faire ET recevoir des appels !

    Ce qu’il manque au Canada, et à bien d’autres pays, c’est un Free qui casse les prix.

  • Question:
    Le territoire canadien est très vaste et la densité de population faible.
    Comment cela se répercute-t-il sur le service fourni et sur le prix? Quelle est la couverture réseau?

    La comparaison de l’Europe et du Japon me semblerait intéressante, mais pour le Canada, les contraintes sont quand même très différentes.

    • Il est inutile de couvrir le Yukon d’antennes.

      Si on ne tient compte que du Sud du Canada, le long de la frontière US et du St Laurent, les contraintes ne sont plus si différentes :
      http://esld.csriveraine.qc.ca/Esld/Pedagogie/geographie/geo/Canada/population/images/CarteDensPop.jpg

      • Il faut quand même couvrir les zones non urbaines, ce n’est pas une mince affaire. En zone urbaine il n’y a pas vraiment d’excuse pour avoir un réseau faible, il demeure qu’en région il faut investir beaucoup pour avoir un bassin de client faible.

        je suis déjà surpris qu’il y ait le 4g en région.

        • Ai-je dit qu’il ne fallait QUE couvrir les zones urbaines ?

          Je dis simplement que le sud et le long du St Laurent sont peuplés suffisamment densément pour qu’on arrête de nous bassiner avec l’argument du « Canada c’est vaste ».

          Est-il utile de couvrir le Yukon d’antennes ? Bien sûr que non. Donc l’immensité du territoire canadien ne représente pas un coût si exorbitant car la majorité est inhabitée et n’a pas à recevoir d’antennes.

          • C’est ça. En Finlande les prix sont bien moins élevés qu’au Canada.

          • « et n’a pas à recevoir d’antennes. »

            Peut-être que cet avis n’est pas partagé par les opérateurs canadiens qui estiment que même au fin fond du Canada, on doit avoir accès au réseau.

  • Les commentaires sont fermés.

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