Pourquoi la réforme territoriale n’est pas une loi de décentralisation… ni une bonne loi

La réforme territoriale annoncée en grande pompe va-t-elle simplifier le mille-feuille administratif français… ou simplement le réorganiser ?

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Pourquoi la réforme territoriale n’est pas une loi de décentralisation… ni une bonne loi

Publié le 1 octobre 2014
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Par Julien Gonzalez
Un article de Trop Libre

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Le Larousse définit la décentralisation comme un « système d’organisation des structures administratives de l’État dans lequel l’autorité publique est fractionnée et le pouvoir de décision remis à des organes autonomes régionaux ou locaux ».

Si l’on se fie à cette définition, une nouvelle étape de la décentralisation (comme par exemple un Acte III) devrait se traduire par le transfert de nouvelles compétences de l’État aux collectivités.

Qu’en est-il concernant le projet de loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République » ?

 

Une loi de réorganisation, pas de décentralisation

Après la loi du 27 janvier 2014 dite de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » et celle relative « à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » (juillet 2014, qui ramène le nombre de régions métropolitaines de 22 à 13), la loi sur l’organisation territoriale (à venir devant le Parlement à l’automne) prévoit de clarifier les compétences des différents échelons composant notre fameux mille-feuille administratif.

Au programme :

  • renforcement du poids des régions ;
  • affaiblissement de celui des départements en prévision d’une prochaine disparition (depuis remise en cause, nous y reviendrons) ;
  • regroupement des EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale, soit les Communautés d’agglomération, Communautés de communes, etc.).

 

À la lecture du projet de loi, pas de trace de nouvelles compétences transférées de l’État aux régions. Ces dernières sont confirmées dans leur rôle de chef de file en matière de développement économique, d’aménagement du territoire et de formation professionnelle, et récupèrent la gestion des collèges et des routes départementales précédemment dévolue aux départements. Nous parlons donc bien de réorganisation, pas de décentralisation.

 

Simplifier et rationaliser… ou pas

Le symbole de cette loi est la suppression annoncée de la clause générale de compétence, qui permet à chaque collectivité d’intervenir sur tous les champs qu’elle juge nécessaire à son bon développement (économie, santé, social, etc.).

Une formidable incitation à la dépense publique et au flou permanent : tout le monde s’occupe de tout. Supprimée sous Nicolas Sarkozy en 2009, réintroduite par le gouvernement Ayrault dans la loi du 27 janvier 2014 citée plus haut, elle se trouve de nouveau sur la sellette car, d’après le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale, elle permettrait « aux régions et aux départements d’intervenir en dehors de leurs missions principales, parfois de manière concurrente, souvent de façon redondante » !

L’incarnation de l’objectif de simplification est donc une carte administrative allégée (suppression annoncée des départements, moins d’intercommunalités) et des compétences clairement réparties entre les différentes strates.

Seulement voilà, le projet de loi annonce de pair le maintien des compétences partagées pour ce qui concerne la culture, la santé, le sport… et le tourisme, pourtant considéré comme l’une des filières d’avenir pour l’économie française.

Les régions auront donc une « compétence exclusive » pour le développement économique des territoires, sauf pour le tourisme, principal secteur d’activité de nombre d’entre elles ! Sur ce sujet, communes, intercommunalités et départements continueront d’intervenir comme bon leur semble. Cherchez l’erreur…

Ajoutons-y un flou sur les liens métropoles-régions et sur le rôle que jouera la « conférence territoriale de l’action publique » en cas de litige entre ces deux entités sur l’application, par exemple, des schémas régionaux de développement économique (SRDEII, censés être « prescriptifs ») et le caractère relatif de la notion de simplification atteint son paroxysme…

Deuxième objectif annoncé en grande pompe, en sonnant les trompettes et battant les tambours : les économies engendrées.

Rationaliser les compétences et vider les départements de leur substance (couplé à une diminution du nombre de régions) devaient rapporter, d’après André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État, « entre 15 et 20 milliards d’économies ». Chiffre depuis abandonné devant les réactions pour le moins dubitatives de nombreux économistes.

Il faut dire que la baisse des dépenses publiques des collectivités (en augmentation de 67 % depuis 10 ans, alors que la dette des collectivités locales représente près de 10 % de la dette nationale) n’apparaît pas probante. L’annonce du maintien des effectifs des agents des collectivités, le transfert aux régions du personnel en charge des compétences précédemment dévolues aux conseils généraux (collèges, routes, etc.), ou encore les interrogations entourant l’absorption future des dettes (abyssales) des départements, autant d’éléments qui ne laissent augurer aucune économie substantielle.

Le texte de loi ne comporte en tout cas aucun chiffre, aucune estimation concernant les dépenses et/ou les ressources des supers régions.

Supers régions découpées à la tronçonneuse par le gouvernement (lors du passage de 22 à 13), une région n’ayant pour seules perspectives d’évolution que le statu quo ou le mariage avec une consœur, alors qu’une réforme de cette ampleur aurait a minima nécessité de descendre au niveau de l’échelon départemental…

Pour clore le spectacle, Manuel Valls a annoncé lors de son deuxième discours de politique générale en trois mois la mort de la mort des conseils généraux : ils ne disparaîtront que lorsqu’une métropole est présente sur le territoire, perdureront dans les départements où il n’y en a pas, et seront même renforcés dans les zones rurales. Ni simple, ni rationnel.


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  • Finalement, quand le sénat s’oppose à cette réforme, c’est « Connivence contre Connivence ». Un titre que va pouvoir nous jouer l’orchestre maintenant que « Plus près de toi mon Dieu » n’est plus politiquement correct.

  • avant il aurait été prudent de faire un recensement de l’existant pour grouper des régions. Il n’y a pas que le politique, il y a aussi la population.

  • La France napoléonienne, construite sur les débris et matériaux de l’Ancien Régime abandonnés par la tourmente révolutionnaire est une structure militaire comme pouvait l’imaginer le génial empereur-soldat, tout remonte au Maître partout où il a son bivouac et tout redescend de lui selon le principe « là où est l’évêque, là est l’Eglise ».
    La France est l’un des très rares voire le seul pays centralisé d’Europe et parmi les autres démocraties qui sont toutes, et cela même si l’adjectif fédéral ou confédéral n’apparaît pas dans le nom du pays, de quasi fédérations avec leurs gouvernements régionaux ou provinciaux.
    La fameuse réforme Deferre s’est arrêtée au milieu du gué, je dirais plutôt au bord, et Paris n’a jamais consenti à reverser aux régions créées à partir des anciennes régions économiques dirigées par un préfet, l’ensemble des compétences et donc de la part du budget national dont bénéficient les comtés, provinces, communautés, cantons, Etats etc.. dans les pays étrangers.
    Le projet Valls, inspiré du « plan armée 2000 » qui réorganisait les Zônes de Défense (ZdF) na pas prévu de budgeter correctement les super-régions ainsi créées, pas plus que le plan Deferre ne l’avait fait pour les régions. Paris est toujours prêt à se défausser sur les régions en se débarrassant d’un certain nombre de taches sur elles, mais elle oublie de leur ristourner la part de budget qui y est afférent.

  • Je suis pour donner une autonomie aux régions fortes (au regard de leur PIB, culture,histoire, énergies). C’est une question d’économie et de démocratie, il faut que les peuples de France puissent accéder à la démocratie par le biais de référendum quand des décisions telle la réforme territoriale va les toucher directement. Il faut se doter de moyens de lutte dans cette économie mondiale et la création d’une VIe république fédérale doit être porteuse de démocratie(référendums), et d’élan économique. Le système actuel français est désuet et les gouvernements successifs ne font qu’étouffer l’économie française, depuis le temps que les politiques s’emploient à des mesures « pommades » qui ne font qu’empirer la situation au fil du temps: je baisse un impôt ici et j’augmente un autre, etc…ça ne sert à rien du tout! De plus cette politique de pouvoir central est en train de faire monter les extrêmes. C’est pourquoi il est temps de régir! Certains sont plus aptes à comprendre et à réagir comme le fait l’Ecosse, la Catalogne ou la Bretagne pour ce qui est de la France et ce n’est pas sans raison comme on voudrait nous le faire croire en les taxant de « communautaristes » ou d' »identitaires » à tout va ! Les français sont endormis car ils sont manipulés par ce pouvoir central depuis la Révolution, et Jules Ferry, également par les médias qu’on peut aisément qualifier de pravda. Et ces régions fortes d’Europe qui demandent une autonomie ou une indépendance sont justement une barrière à la montée des extrêmes de droite ou de gauche puisque ces partis extrêmes sont ultras jacobins donc ultras centralisateurs. Il est temps de le savoir et de le faire comprendre La réforme territoriale actuelle présentée par le gouvernement français est un suicide annoncé et bafoue la démocratie! Au travers des colères actuelles en Bretagne(on pourrait dans le contexte actuel français dire que cette région est en avance sur son temps) il y a une forte demande de respect de la démocratie, mais personne ne veut entendre cela , pire il ne faut pas que cela se sache! La situation en France au delà des questions économiques est donc très grave!!

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