L’Écosse rate l’indépendance

55,3% de non à l’indépendance, et un taux de participation de 84,6% : l’Écosse ne sera pas un pays indépendant.

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Ecosse, Eilean Donan Castle CC flickr JP Ossorlo

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L’Écosse rate l’indépendance

Publié le 21 septembre 2014
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Par Stéphane Montabert

Ecosse, Eilean Donan Castle CC flickr JP Ossorlo

Couvrant environ un tiers du territoire du Royaume-Uni, l’Écosse est une contrée particulière. Il suffit d’évoquer son nom pour que les images affluent spontanément – les Highlands, les falaises et les lochs, la pluie et la brume, les kilts et la cornemuse, le saumon, le whisky. Quel pays européen d’une taille comparable peut se targuer d’une telle notoriété ?

Ce jeudi 18 septembre avait tout de la date historique. Les Écossais auraient pu mettre un terme à une entente commencée il y a 307 ans. Bien entendu, la décision se serait prise tout à fait démocratiquement selon des modalités discutées depuis des mois entre Londres et Édimbourg. Mais certains rendez-vous avec l’histoire sont fait pour être ratés.

Rétrospectivement, la campagne ne se lança vraiment que dans sa dernière ligne droite lorsqu’un sondage montra pour la première fois le oui en tête.

Les médias francophones ne se sont pas trop étendus sur le sujet mais la population écossaise est très, très à gauche – un héritage historique de l’époque de Margaret Thatcher. Les indépendantistes avaient ainsi pour idée de créer dans leur nouveau pays un régime social-démocrate selon le modèle de l’Europe du Nord, un projet empêché par le « carcan libéral de Londres ».

Nous vîmes donc David Cameron lutter avec la dernière énergie pour maintenir l’intégrité du Royaume-Uni… Contre ses propres intérêts. On comprend bien le peu d’envie qu’il avait de passer à la postérité comme le Premier ministre qui aurait laissé filer l’Écosse, mais sur le plan politique l’opération aurait été extraordinairement bénéfique : privé des bataillons gauchistes venus du nord, les travaillistes auraient été vaincus par les conservateurs pendant au moins une génération.

Il fut également piquant d’entendre M. Cameron lancer de vibrants plaidoyers pour l’unité alors qu’il a dans ses cartons un projet de référendum pour quitter l’Union Européenne…

Parlant d’UE, celle-ci fit également preuve de bien peu de clairvoyance : l’indépendance écossaise aurait grandement affaibli le Royaume-Uni alors que celui-ci est perçu comme l’enfant terrible de l’Europe. Mieux encore, la régionalisation des pays en entités plus petites aurait comparativement renforcé son pouvoir.

Les institutions et les hommes politiques ne furent pas les seuls à raisonner à l’envers ; même la reine Elisabeth II en fut de son couplet, implorant les citoyens de ne pas devenir « la dernière reine d’Écosse » alors même que le pays à nouveau indépendant aurait été de plein droit membre du Commonwealth.

Il ne fait guère de doute que l’incertitude économique a pesé. Quid de la manne pétrolière de mer du Nord ? De la monnaie ? Le niveau de vie des Écossais se serait-il amélioré ou non avec l’indépendance ? Les deux camps s’affrontèrent à coup de chiffres sans apporter de démonstration vraiment décisive. Cela amena évidemment les indécis à opter pour le statu-quo.

On peut malgré tout tirer trois enseignements de cette tentative ratée d’indépendance de l’Écosse.

1. Le processus affecte tout le Royaume-Uni

« C’est un processus, pas un événement », commentaient les politiciens écossais. Comme l’explique l’historien franco-écossais Keith Dixon dans les colonnes de Libération, « l’indépendance n’apparaît plus comme un saut dans l’inconnu ». Les indépendantistes obtinrent avec ce scrutin des concessions majeures de Londres en termes d’autonomie fiscale, que réclament désormais aussi le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. David Cameron n’a pas d’autre choix que de les leur accorder.

2. Le processus affecte toute l’Europe

Les Écossais auraient pu marquer le pas en montrant qu’une indépendance démocratiquement acquise est possible, et ensuite prouver qu’elle peut se concrétiser sans catastrophe. La tentative a avorté mais le score reste serré et le processus sera cité en exemple par tous les mouvements indépendantistes (Catalogne, Vénitie, Lombardie, Pays basque…) qui ont les mêmes projets : oui, on peut voter pour l’indépendance.

3. L’indépendance écossaise surviendra certainement

D’ici moins de vingt ans sans doute. Comme le relève Zerohedge, l’analyse des votants montre diverses choses mais l’une d’elle saute aux yeux :

  • Électeurs de 16-17 ans : Oui à 71%, Non à  29%
  • Électeurs de 65 ans et plus : Oui à 27%, Non à 73%

On voit très bien qui privilégie l’audace et qui privilégie la sécurité. Mais cette façon de considérer l’indépendance n’est pas la bonne : pareille décision représente de toute façon un saut dans l’inconnu. Il est vain de chercher à tout planifier, et il est tout aussi vain de croire que la sécurité des retraites sera assurée où que ce soit en Europe sur les décennies à venir avec la crise financière dans laquelle se débat le continent. Les choix audacieux ne sont pas toujours mauvais.

Le prochain vote indépendantiste viendra de la Catalogne le 9 novembre.


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  • Arrêter de rêver, la vision des jeunes évolue avec le temps, dans 20 ans ils se seront assagis comme ça arrive à chaque fois et ils voudront l’union aussi 🙂
    Cet article est profondément anti-anglais, c’est regrettable.

    Quant à Cameron il ne veut pas vraiment la sortie du R-U de l’UE, il utilise le référendum pour éviter des défections vers l’UKIP et pour faire pression sur l’Europe pour plus de fédéralisme.

  • le bruit court qu’il y aurait eu de la fraude en ce qui concerne les bulletins de vote ….ce qui ne changera rien même si c’est vrai …

  • Les écossais m’ont déçu. Je les croyais plus attaché à leur indépendance que ça, mais vient une explication:
     » la population écossaise est très, très à gauche – un héritage historique de l’époque de Margaret Thatcher ».

    Ok, j’ai compris. Les idiots sont une fois de plus vainqueurs. Remarquez, ce n’est pas prêt d’arriver en France, ce genre de référendum, on peut au moins louer les anglais et les écossais d’être allés jusque là.

    • Pourquoi ? La création d’un état écossais très étatique, à la française, vous excitait tant que ça ?
      Le Royaume-Uni est allé dans la bonne direction ces dernières années, rendant le pays très compétitif et créant une très forte reprise économique comme on le voit actuel et qui bénéficie beaucoup à l’Ecosse. C’est cruel de vouloir détruire la prospérité de cette belle région pour la laisser à des gauchistes populistes, vous n’êtes probablement pas libéral pour vouloir une telle chose !

      • La seule solution pour l’Écosse, comme pour les autres petites nations, pour préserver son identité passe par la prise en main de son destin. C’est cela ou le folklore, c’est à dire une culture fossilisée.

        • Non, pas du tout.
          L’Ecosse a gardé son identité distincte, faire partie du R-U n’y a rien changé. Vouloir briser un pays, une économie juste pour une question identitaire c’est tellement rétrograde, tellement 19ème siècle…Heureusement les écossais ont montré leur bon sens avec une très nette victoire à 55% pour l’Union 😀

          • rétrograde ? je crois plutôt que c’est l’État Nation qui est un concept 19ème, cela paraît évident. Et il y a fort à parier que ce seront les États qui seront détricotés. On verra.

            • Si le nationalisme identitaire fait 19ème sciècle, hé bien le néolibéralisme, la financiarisation et la centralisation du pouvoir c’est définitivement 20ème sciècle. Le système financier international des monnaies fiduciaires est devenu une machine de planification centralisée plus gigantesque que tous les rêves communistes auraient espéré.

              Toutes les sociétés sont complexes, et toutes les structures complexes évoluent en fractales. Ce qui caractérise ce début de 21ème sciècle, ce sont les réseaux sociaux, les communications exponentielles et la décentralisation de l’information.

              Ce n’est pas en dessinant une simple ligne sur une carte qu’on démolit une économie. Un pays peut très bien déclarer son indépendance et ratifier des traités qui permettent de maintenir très exactement les mêmes conditions économiques.

              Ce que les néolibéraux redoutent le plus, c’est la définanciarisation des marchés. Dans le monde d’aujourd’hui, quand un individu libre décide de prendre en charge sa propriété, quand un groupe d’individus libres décident de s’associer librement, la pire chose qui puisse arriver pour un néolibéral, c’est qu’on cesse d’acheter sa monnaie fiduciaire.

              Durant le prochain sciècle, il est vraisemblable que de nombreux groupes de gens tenteront d’évincer les monnaies fiduciaires leur propriété afin d’en reprendre le contrôle. Car il n’y a pas de liberté de marché face à quelqu’un qui peut créer de la monnaie à partir de rien. Vraisemblablement, la sécession est une voie intéressante et non-violente pour réaliser celà. Mais ce n’est pas la seule.

  • J’adore ce « rate l’indépendance  » !!!

    En fait, l’Ecosse vient d’éviter le piège populiste de l’indépendance, n’en déplaise aux gauchistes qui n’attendaient que cela pour s’en emparer.

    • Et comme d’habitude, les Français prennent parti pour celui qui est arrivé deuxième.

      • Réflexe primaire anti-anglais voilà tout.
        Et il est vrai que les gauchistes doivent être déçus, les écossais ne sont pas idiots 🙂

        • Si la droite c’est la liberté et que la gauche c’est la tyrannie, alors il faut repenser votre vision politique.

          Car soyons honnêtes, aujourd’hui, les unions entre nations ne visent plus le droit ou la morale humaniste. Les unions sont purement des ententes financières qui visent à forcer la population à utiliser telle ou telle monnaie et à réglementer le marché en faveur de tel ou tel porte-feuille. Dans cet optique, ce que vous appelez « la droite », moi je n’y vois que de la gauche.

          Si le marché était réellement libre, il n’y aurait absolument rien à écrire sur le traité.

          Et plus fondamentalement encore, il n’y a pas de pays « de droite » sans liberté de monnaie.

  • Je suis déçu à lire l’analyse de cet article UDC de Montabert (à ne pas confondre toutefois avec le frenchies Montebourg). Généralement, l’auteur fait plus impartial …

    1- L’Ecosse (que je connais assez bien et pour laquelle j’éprouve de la sympathie) est très-très à gauche chez ses lambda travaillistes bien plus que dans sa classe éduquée, elle fière mais lucide. Les premiers d’y voyaient qu’une préservation de leur « identité de prolétaires auto-centrés », autant qu’une adhésion à la manne des subsides européens et à l’Internationale rétro-19e. Comme le souligne très bien SweepingWave parmi ses divers commentaires : trois siècles d’union avec les anglais n’ont pas gommé le sentiment écossais ! La participation des engagés écossais lors des deux guerres du XXe souligne leur adhésion. Ce ne sont pas 20% d’immatures 16-17 ans, vite influençables qui bouleversera … à moins que les travaillistes chamboulés ne persistent dans leur bêtisier.
    2 – Que la G-B ait dû concéder des avantages aux écossais n’est qu’un rééquilibrage win-win sur divers tableaux, avec un aspect positif, de long terme.
    3 – La rente-pétrole n’est pas éternelle ; ce ne put être qu’une victoire non-durable. La « richesse » du Nord doit aussi aux échanges étroits avec les British (voir le commerce intra). Faites une analyse des structures économiques de la partie NOrd du pays ?
    4 – Juridiquement, par l’effet des traités U.E., une Ecosse indépendante aurait redémarré à quasi zéro pour son accession en tant qu’Etat-membre de l’U.E. Alors que son indépendance eut déclenché un raz de marée de la part de TOUTES les autres régions constituantes au sein de l’U.E. Ce phénomène étant en simple suspend, alors qu’une PROFONDE REFORME interne des instances de l’U.E. n’est pas évidente en dépit de la compréhension et du besoin qu’en éprouvent Juncker et bien d’autres dirigeants.
    5 – La transition vers l’indépendance écossaise ne s’apparentait pas à celle Tchéquie-Slovaquie, bien qu’il y ait des analogies socio-culturelles entre leurs deux populations.
    6 – Alias « Marie », si des fraudes ont pu se mettre en place …à Glasgow (fief des travaillistes), effectivement, l’écart 45-55% n’eut pas permis de conclure à une autre issue. Tous les écossais ne sont pas des c… Donc on conclut à une belle victoire démocratique !
    7 – Au Gil (et à qq autres…) : en matière de culture fossilisée, avouez qu’une large frange française en connaît un bout ? Attendons voir l’après-2017 ?

  • Pas d’opinion sur la question de l’indépendance… car le problème n’était peut-être pas l.

    Je note juste que pour faire peur aux gens on n’a bien entendu d’ici le « on va tous mourir » s’il n’y a plus de banque centrale… horreur et damnation. C’est ce qui explique certainement la différence de vote suivant les classes d’âge. Quand on a rien à perdre; il vaut mieux changer car tout vaut mieux que ce qui nous a amené à ne rien avoir. Le vote FN en france a exactement les mêmes raisons : rien à perdre (même classes d’âge).

  • On notera quelques belles surprises:
    Gordon Brown comme défenseur de l’Union (il doit faire figure de Valls là bas).
    Stieglitz comme défenseur de la sécession (trop content de servir la cause politique).

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