« Alice et l’homme-perle » de Valérie Cohen

Valérie Cohen a choisi pour personnage de son roman les habitants d’une maison de retraite.

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Valérie Cohen

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« Alice et l’homme-perle » de Valérie Cohen

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 septembre 2014
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Par Francis Richard.

Valérie Cohen
Valérie Cohen

Les maisons de retraite, les EMS suisses (établissements médico-sociaux), les résidences du troisième âge sont des lieux connotés vieillesse, c’est-à-dire de prime abord infréquentables. Pourtant les vieux d’aujourd’hui ne sont pas les vieux d’antan, et même de naguère. Ainsi, par exemple, un ou une sexagénaire, de nos jours, a, en principe, encore bien des années devant lui ou devant elle.

Il y a lieu de se réjouir de cette longévité plutôt que de s’en affliger. Même s’il semble révolu le temps où, très naturellement, l’on demandait conseil à ces anciens, qui, forts de leur expérience de la vie, incarnaient la sagesse. Il faut dire justement que, restés encore jeunes au fond, nombre de sexas contemporains ne sont pas toujours bien sages…

C’est pourquoi, vraisemblablement, Valérie Cohen, qui est un jeune écrivain – elle est née en 1968 à Bruxelles -, a choisi, pour personnages de son roman, Alice et l’homme-perle, des habitants de la Résidence Les Eaux Douces, sise à Saint Germain-en-Laye, « une résidence interdite aux moins de soixante ans, aux non-valides et aux personnes aux revenus modestes »

Valérie Cohen focalise ses regards sur six personnages de cette résidence, qui ne sont pas en quête d’auteur, mais d’amitié et de partages…

Alice Romain, soixante-cinq ans, devenue veuve « non loin du passage au second millénaire », broie du noir depuis des années et a quitté son grand appartement du boulevard Raspail à Paris, où elle se morfondait, pour s’installer en mars 2005 aux Eaux Douces, où sa fille, Sylvie, qui se veut une mère pour elle – et est elle-même mère de deux enfants -, lui rend visite une fois par semaine…

Gisèle Noiret a emménagé aux Eaux Douces au même moment qu’Alice. Elle n’a « ni enfants, ni homme à charge ». C’est une riche héritière, en bonne santé, qui a pu ainsi « s’offrir un Club Med cinq tridents pour vétérans sans déambulateur ». Elle a eu plusieurs partenaires, mais n’a jamais réussi à se décider à devenir mère et, quand elle s’est sentie prête, « ses ovaires [ont] tranché le débat ». Elle n’est pourtant sujette ni à la mélancolie ni à la rancœur.

Simon Roche est passionné d’art. C’est un professeur de dessin à la retraite, qui donne « des cours particuliers de dessin aux résidents le souhaitant » et sert « de guide aux groupes, lors de visites d’exposition ». Il bénéficie en contrepartie d’un appartement de fonction au dernier étage de la résidence. Il a la clé de l’appartement de Gisèle, bien que veuf de Viviane, son seul amour… Ses deux filles vivent à Paris.

Juliette Doutremont est mariée à Joseph, ingénieur qui, aujourd’hui, perd la boule et « ne reconnaît même plus un téléphone »… Elle est « dotée d’un positivisme digne de Monsieur Coué », « ne s’encombre pas du passé et de ses ruines »… Elle est d’une inébranlable bonne humeur et très gourmande. Son activité de mère a éclipsé celle d’épouse. Elle a toute une smala d’enfants et de petits-enfants, qui la chérissent… Elle écrit à ses heures…

Lucie Joris, quadra, dynamique directrice des Eaux Douces, a un caractère bien trempé, mais une vie amoureuse chaotique : « Les hommes, elle entrait dans leur vie, se laissait aimer et les quittait. » Elle ne peut pas avoir d’enfant… mais elle a un grand pouvoir de séduction. Elle aime ses résidents, dont la moyenne d’âge est de soixante-cinq ans et en qui elle découvre la grâce. Ce que d’autres ne remarqueraient pas, se fiant aux seules apparences…

aliceJean-Louis Davos est un ancien juge à la retraite. Soixante-huit ans, il a un « physique de vieux garçon bien propret », assez banal, qu’il compense largement « par une culture encyclopédique et une grande confiance en lui »: « Il est reposant, humain avant d’être homme ». Il émane de sa personne une grande bonté, une grande gentillesse, qui font oublier « sa propension à étaler sa culture et à donner son avis sur tout, de préférence lorsqu’on ne lui demande pas ». Il est le seul à avoir lu les écrits de Juliette…

Un quart de siècle plus tôt, Alice a eu une aventure avec Diego Silva, un collègue de son neurochirurgien de mari, Arthur. Tandis qu’il fait la connaissance des personnages, le lecteur l’apprend par des documents datés des années 1985 à 1989, qui s’intercalent dans le récit et qui ne lui laissent aucun doute à ce sujet.

De son côté, Juliette mène une enquête et parvient aux mêmes conclusions… Elle convainc alors les cinq autres personnages d’organiser un fol et risqué voyage en Espagne au cours duquel Alice, prévenue au dernier moment, rencontrera Diego après tant d’années de séparation…

Valérie Cohen, avec tact, sensibilité et humour, rend ses personnages familiers, et les fait aimer du lecteur. Lequel connaît peu à peu les états d’âme et les émois du cœur de chacun et de chacune, et se voit confirmer que l’âge ne fait rien à l’affaire. Il ne peut ainsi qu’acquiescer à ce que pense Lucie : « Aimer est parfois douloureux. Ne pas avoir aimé peut l’être tout autant »… Et il sera peut-être ravi d’apprendre qu' »un jour, Juliette a eu l’idée de classer les hommes en deux profils: l’homme-bonbon et l’homme-perle »


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