Qu’est-ce que le « social-libéralisme » ?

Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du PS, a pris ses distances avec le « social-libéralisme ». Mais que recouvre réellement cette notion ?

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Cirage social-libéral (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Qu’est-ce que le « social-libéralisme » ?

Publié le 1 septembre 2014
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Par Erwan Le Noan
Un article de Trop-Libre

Cirage social-libéral (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)Le premier secrétaire du Parti socialiste a ceci en commun avec le Secrétaire général de l’ONU qu’il dirige une assemblée d’individualités animées par leur seul intérêt et qui ont la particularité de ne pas se faire confiance, ni de s’aimer beaucoup. L’un comme l’autre passent leur temps et épuisent leur énergie à définir des compromis timides, des synthèses fades que personne ne respecte sincèrement, mais qui permettent de faire taire les armes quelques jours, voire quelques semaines.

François Hollande excellait dans cette fonction. Jean-Christophe Cambadélis s’y essaie maintenant. Et il se retrouve au milieu de ce qui ressemble à un conflit virulent, fait d’assauts continus et de tirs tous azimuts. Soucieux de calmer les esprits, il déclarait récemment dans la presse, que le « social-libéralisme ne fait pas partie (du) vocabulaire » du PS. En 2012, déjà, Michel Sapin voulait qu’on le qualifie de « social-démocrate » et non de « social-libéral ». Début 2014, le Président de la République lui-même avait expliqué qu’il n’est « pas gagné par le libéralisme », ajoutant qu’avec sa politique « c’est tout le contraire puisque c’est l’État qui prend l’initiative ».

La nomination de Manuel Valls à Matignon et celle d’Emmanuel Macron à Bercy semblent semer le trouble, et les invectives se multiplient à gauche – car chacun sait qu’au pays de Montesquieu, de Guizot, de Tocqueville, de Bastiat ou de Aron il n’est de pire infamie que d’être qualifié de « libéral » !

Passons sur le fait que ces débats font l’impasse sur la richesse de la pensée libérale (comme le montre Mathieu Laine dans son excellent Dictionnaire du Libéralisme). Le rôle de l’État, par exemple, n’est décidément pas le même chez un Rothbard (qualifiant l’État de « vaste organisation criminelle ») ou un Aron ; et Milton Friedman (père du « voucher » qui prône un financement public de l’Éducation intermédié par le libre choix des parents) était bien timoré en comparaison avec son fils David, qui prône « une société sans État ». Et que dire, de Hayek, repoussoir des gauchistes comme de la droite tétanisée, mais qui était favorable à un revenu minimum !

Qu’importe. Les socialistes débattent dans le flou – mais personne ne s’étonnera qu’ils connaissent mal la pensée libérale. C’est d’autant plus dommage qu’il existe une pensée socialiste libérale. Qui n’est pas sociale-démocrate.

Le socialisme, s’il a pris une dominante marxiste en France, était pluriel à son origine. Rien de commun entre un Saint-Simon et l’ami Karl. Mais c’est ce dernier (ou la doxa qu’on en a tiré) qui l’a emporté dans les esprits et avec lui les idéaux de conquête révolutionnaire du pouvoir, et de collectivisation des moyens de production comme de la vie civile. Au diable le marché et les libertés individuelles !

Rapidement confrontés à l’échec pratique de leur doctrine et aux abominations de sa mise en œuvre soviétique (ce qui était apparu avec évidence partout dans le monde sauf visiblement en France, où Sartre glorifiait le totalitarisme sanglant de l’URSS), les socialistes ont entrepris, dès le début du XXe siècle, de définir une « troisième voie », qui abandonnait la piste révolutionnaire au profit de la voie démocratique et acceptait la réalité millénaire de l’échange marchand. La « social-démocratie » est ainsi une doctrine datée, qui sacralise, après la Seconde guerre mondiale, l’État Providence et ses mécanismes redistributifs et régulateurs. Comme l’a montré Pierre Rosanvallon, elle est en crise depuis la fin des années 1980 : l’État a fait faillite. S’en revendiquer aujourd’hui n’est pas un signe de progrès, c’est un bond de 30 ans en arrière.

Le « réformisme » est né de cette aspiration, en Allemagne, autour d’hommes comme Edouard Bernstein. En France, cette ligne pragmatique, conspuée et intimidée par l’extrême gauche virulente, a été défendue par Jaurès, par Blum, plus tard par Mendès ou Michel Rocard.

Le « socialisme libéral » est différent. Il a une histoire propre et forte, en Italie particulièrement mais en France également. Dans notre pays, c’est Charles Renouvier qui au XIXe siècle forge l’expression et le courant, auquel on rattache également Proudhon (que les communistes détestaient). Cette pensée, riche, défend l’individu, l’autonomie de la sphère économique par rapport à la puissance publique, la démocratie pluraliste et la réforme. Elle privilégie la liberté pour lutter contre la misère, plutôt que la « justice sociale » autoritaire de l’État que dénonçait Hayek.

Dans son intolérance exemplaire, Simone de Beauvoir défendait l’idée que la vérité était unique et nécessairement socialiste. Comme son compagnon, elle se fourvoyait. En réalité, le socialisme est multiple et pluriel. Si être socialiste c’est vouloir améliorer le sort des plus défavorisés, alors il faut être résolument libéral, car ce sont les solutions apportées par le marché qui donnent réellement leur chance à chacun. En ce sens, comme l’écrit l’économiste italien de Harvard, Alberto Alesina, « le libéralisme est de gauche ».


Sur le web. Article initialement paru sur le site du Figaro.

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  • « Le social-libéralisme n’est pas un libéralisme social (pléonasme inutile) qui mettrait plus l’accent sur la redistribution ou la justice sociale comme l’ordo-libéralisme mais un socialisme libéral qui a tout l’air d’un oxymore. Tout comme l’économie socialiste de marché chinoise ne peut être qu’un stade transitoire sous peine de voir son système tendu par des contradictions indépassables, les socio-libéraux ne peuvent pas rester longtemps dans cet équilibre bancal: certains redeviendront des socialistes classiques, d’autres comprendront vraiment le libéralisme et ne pourront plus se dire socialistes.

    (…) Hayek soulignait comment certains mots (liberté, égalité) peuvent être retournés dans un sens diamétralement différent de son utilisation originelle, tout en conservant la charge émotionnelle positive que celui-ci charrie avec lui, stratégie de récupération ou de « triangulation » dans le vocable politique. »

    (Wikiberal)

    • Le libéralisme n’a pour moi aucune véritable définition. Des gens aussi différents que Mill,Hayek,Mises,Friedman et bien d’autres s’en réclament alors qu’ils ont certaines différences. On ferait mieux de parler d’esprit libéral que de libéralisme. Par conséquent les libéraux ne peuvent envoyer au diable le social-libéralisme.

      Aujourd’hui le minarchisme est la définition dominante du libéralisme. Si on prend cette définition les libéraux sont peu nombreux. Hayek, puisqu’il prônait un revenu mininum n’était pas libéral puisque celui-ci doit être financier par l’impôt en violant les droits de propriétés.

      Je vais maintenant vous présentez ma définition du social-libéralisme: « Courant d’idée qui accepte le fait que les individus ne sont uniques que grâce à un groupe qui doit tenir debout. Le rôle de l’Etat est donc de faire respecter la cohésion sociale ».

      • Si vous ne parvenez pas à définir le libéralisme, il semble incongru de tenter de définir le social-libéralisme.

        La participation des individus à un groupe social ne fait de doute pour personne, à commencer par la famille, cellule fondamentale de la civilisation humaine. Obsédés par la contrainte et la négation de la nature humaine, ce n’est pas un hasard si les socialistes passent leur temps à s’attaquer à la famille. C’est donc l’adhésion volontaire de l’individu à tel ou tel groupe qui est l’enjeu du débat, pas l’existence de ces groupes à proprement parler.

      • «  » »« Courant d’idée qui accepte le fait que les individus ne sont uniques que grâce à un groupe qui doit tenir debout. Le rôle de l’Etat est donc de faire respecter la cohésion sociale ». » » »

        Définition qui n’a rien à voir avec le libéralisme. Pour un libéral un individu est unique (point) et le rôle de l’état est de faire respecter les droits des individus. Votre définition du social libéralisme est une définition du socialisme.

      • Le rôle de l’Etat est donc de faire respecter la cohésion sociale.

        L’étatpapa sous l’égide de gouvernemaman, va nous dire comment on fait les enfants, comment on se comporte en famille, combien de fois on voit ses parents, ses neveux, ses cousins, ses frères…

        Vaste programme.

        Dites voir, il y a la religion qui règle les rapports sociaux.
        Cela ne fait pas double emploi ?

  • Wikiberal :

    « D’autres libéraux verront dans le « social-libéralisme » une synthèse logiquement impossible, mais très commode d’un point de vue politique : le politicien qui s’en réclame peut pratiquer l’opportunisme politique le plus total, insistant tantôt sur le libéralisme économique, générateur de richesse, tantôt sur la redistribution, présumée indispensable pour la solidarité. Une telle politique n’a rien à voir avec le libéralisme, c’est du « centrisme » dans le mauvais sens du terme. »

  • Des noms cités par M. Le Noan, je ne vois que secte ou religion. Je n’en dis pas plus puisque c’est interdit, mais ça m’intrigue.

  • le socialisme ne marche pas meme la plupart des partis de gauches l’ont compris dans le reste de l’europe, c’est pour cela, qu’elles sont devenu social démocrate (qui est une sorte de nouveau socialisme, d’actualisation du socialisme) puis comme maintenant, ces partis en voyant l’échec de la social démocratie sont devenu social libéral (qui n’est pas du libéralisme mais un nouveau socialisme). en allemagne, la gauche est devenu social démocrate dans les années 50 puis dans les années 2000, elle est devenu social libéral. dans bcp de pays, la gauche est social libéral car elle a abandonné le socialisme et la social démocratie car c’étaient des idéologies complétement obselète. la gauche francaise est à la traine…..

  • On peut nommer la classe politique française social aristocrate on retrouve le mot  » excellent  » racine grec aristos et kratos = pouvoir donc c’ est une bonne définition si
    on admet qu’ ils excellent non pas à bien gouverner mais à bien conserver le pouvoir sans partage !
    L’ emploi de social démocratie n’ abuse que les crédules et sur ce point on peut leur faire confiance ce qu’écrit ci dessus @cavaignac (hayek/

  • A propos du contrôle des chomeurs, demandé par le ministre Rebsamen et qui a fait réagir l’ultra-gauche,, les responsables de Pôle Emploi ont répondu qu’il n’y a quasiment jamais de contrôle sur la réalité des efforts pour trouver ou accepter un emploi.
    Les seuls contrôles (dérisoires) concernent exclusivement le fait ou non de venir à Pôle Emploi sur convocation ! !
    Je voudrais savoir si les liberaux sont favorables à un flicage des chomeurs ou mettre fin à une grosse partie les indemnisations si aucun controle n’est possible par pôle Emploi.

    http://www.lefigaro.fr/emploi/2014/09/02/09005-20140902ARTFIG00267-comment-pole-emploi-controle-les-demandeurs-d-emploi.php

    • Le chômage est une assurance comme une autre. Il n’y a aucune raison intelligible justifiant qu’elle soit publique et soumise à un monopole. Le débat à propos du contrôle supposé défaillant ou des abus supposés des chômeurs prouve simplement qu’il y a une incompréhension dans les termes du contrat entre l’administration et les cotisants de cette excroissance de l’Obèse. Une bonne raison à cela : il n’y a aucun contrat et les cotisants sont contraints de payer pour un service dont on ne sait pas s’ils veulent effectivement en bénéficier. Inversement, les passagers clandestins abusent du service parce qu’ils n’en payent pas le vrai prix. Bref, la question du contrôle des abus par l’administration, question agitée par les démagogues des deux camps politiques opposés, est parfaitement vaine. Dans un monde normal, tout le monde s’en fout parce que le marché régule naturellement le sujet et surtout, surtout, les politiques sont mis hors-jeu.

    • A mon avis la question du contrôle des chômeurs est un faux débat.

      Même si la moitié des chômeurs ne cherchait pas d’emploi, il resterait l’autre moitié qui cherche mais ne trouve rien. Forcer le premier groupe à chercher aussi ne fera en rien baisser le chômage.

      Tant qu’il n’ y aura pas un grand nombre de création d’emploi, traquer les personnes qui ne cherchent pas de travail n’a aucun intérêt. Et si un jour par miracle, on revient au plein emploi, je ne pense pas que beaucoup choisiront de rester au chômage.

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