100 ans de cinéma fantastique et de science-fiction, une encyclopédie majeure

Entretien en deux parties avec le principal représentant de la science-fiction française, Jean-Pierre Andrevon.

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100 ans de cinéma fantastique et de science-fiction, une encyclopédie majeure

Publié le 29 août 2014
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Entretien réalisé par PLG, Tino Bouzembrak et Christophe Mussard.

science  fiction cinéma René Le HonzecConnaissez-vous Jean-Pierre Andrevon ? Si vous aimez la science-fiction, il y a de fortes chances que oui. Sinon, nous vous conseillons très fortement de vous procurer 100 ans de cinéma fantastique et de science-fiction. Une encyclopédie majeure, particulièrement complète, qui comme son nom l’indique revient sur les grands films de ce genre depuis l’invention du cinéma. Fruit d’une vie entière de travail d’analyse et de critique d’un grand passionné, lui-même auteur de plus d’une centaine de livres de science-fiction, dont les plus connus sont la saga Gandahar (dont le premier roman a été adapté en dessin-animé en 1987 par René Laloux) et Le travail du furet. À mettre entre toutes les mains, des néophytes aux plus connaisseurs. Cet entretien, publié en deux parties, a pour but de revenir en premier lieu sur l’encyclopédie elle-même, avant de s’intéresser à la science-fiction en général, et la vision qu’en a Jean-Pierre Andrevon.

Contrepoints – Comment est né ce projet d’encyclopédie ?

Jean-Pierre Andrevon – J’ai toujours fait de la critique de cinéma, dès mes années d’étudiant, où j’écrivais pour des revues qui dépendaient de l’assemblée générale des étudiants de Grenoble. Par la suite, j’ai travaillé pour d’autres journaux, d’abord Le progrès dauphinois, puis j’ai intégré l’équipe de L’écran fantastique d’Alain Schlokoff, auquel je collabore toujours aujourd’hui. Avec les années, j’ai accumulé les critiques et les articles, dont beaucoup datent d’avant l’ère Internet.

Un jour je me suis dit qu’il serait dommage que tout ceci se perde et j’ai décidé de les réunir dans cette encyclopédie. Cela a demandé un sérieux effort de recherche, de compilation et de réécriture pour les transposer au format numérique. Cela m’a pris pratiquement 10 ans, en étant obligé, ce dont je me félicite, de demander leur concours à quatre autres rédacteurs cinéphiles. Au départ, je pensais faire un livre sur les films, puis je me suis dit qu’il serait utile de rajouter des informations sur les réalisateurs, les grands noms de la science-fiction, et petit à petit cela a pris la forme définitive de l’encyclopédie.

 

J’ai voulu traiter chaque film comme si je racontais une petite histoire.

 

En relisant les critiques que vous aviez écrites il y a 10 ou 20 ans, vous est-il arrivé d’évoluer dans votre appréciation ?

Il m’est arrivé de réécrire légèrement certaines critiques, mais essentiellement sur la forme. Sur le fond, j’ai constaté que j’étais d’accord avec la très grande majorité d’entre elles, même après avoir revu les films avant d’en transcrire la critique définitive. Quelques rares fois un enthousiasme débordant ou une critique incendiaire ont pu laisser place à un avis plus mesuré. Mais je crois qu’il n’y a aucun film pour lequel j’ai changé radicalement d’avis.

Votre livre fourmille d’anecdotes dont certaines sont peu connues ; quelles ont été vos principales sources ?

couverture-andrevon-jean-pierre-100-ans-et-plus-de-cinema-fantastique-et-de-science-fictionIl y en a tant ! J’ai dans ma bibliothèque un très grand nombre de livres sur le cinéma, qu’il m’a suffi de relire pour trouver les anecdotes les plus intéressantes ; Internet a également constitué une source très importante, via les blogs, les sites d’information, etc. À ceci il faut ajouter bien évidemment L’écran fantastique qui est sur le sujet une revue très complète. Le but n’étant pas de tout dire, mais de ne garder que le plus intéressant. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de ne pas réaliser une simple compilation de textes mais d’essayer de traiter chaque film comme si je racontais une petite histoire.

Dans toute critique il y a nécessairement une part plus ou moins importante de subjectif. Avez-vous utilisé des critères spécifiques pour juger de la qualité de ces films ?

Je n’ai pas spécifiquement de théorie sur le cinéma. C’est avant tout un ressenti éprouvé après la vision de chaque film. Lorsque je l’ai vu, respiré, j’essaie de comprendre ce qui fonde ce ressenti. Par exemple je trouve qu’ET n’a pas autant apporté au cinéma que Rencontre du troisième type ; il n’en est selon moi qu’une version édulcorée pour les enfants, avec des talkies-walkies pour remplacer les armes et une musique assourdissante pour provoquer l’émotion. Du même réalisateur, j’ai largement préféré Jurassic Park, dont le scénario est assez intelligent et efficace, mais qui surtout donnait vraiment envie d’y croire et d’en être.

Le nombre d’entrées est-il un bon indicateur de la qualité ?

Cela ne rentre jamais en ligne de compte. Chacun est libre de se faire son propre avis ; je ne prétends que donner modestement le mien à travers des critiques, sans chercher particulièrement à les justifier. Ce qui ne m’empêche pas d’être parfois très perplexe quant à l’avis de mes confrères : par exemple Roland Emmerich est souvent descendu par la critique, alors que je trouve qu’il fait d’excellents films. Independence Day est l’une des meilleures adaptations qui soit de La guerre des mondes de H. G. Wells. Qui est, en passant, le livre qui a fait naître mon amour pour la science-fiction et le fantastique.

Votre encyclopédie très complète propose des milliers d’entrées ; existe-t-il pourtant des films que vous n’avez pas vus ou que vous avez souhaité ne pas inclure ?

Dans mon ordinateur, j’ai un dossier appelé « rebuts ». Il est plein de films que j’ai vus et que j’ai trouvés sans intérêt. Il y en a par exemple beaucoup de petites série B américaines noir et blanc des années 1950, qui sont des copies les unes des autres, mettant en scène des martiens qui nous ressemblent ou sont affublés de piteux scaphandres ! Il existe également un certain nombre de films soviétiques qu’il est impossible de voir à notre époque.

 

Une version jamais tournée de « Dune » montrait Dali en Baron Harkonnen, sur un trône en forme de WC.

 

Après le pire, le meilleur ; dans l’encyclopédie vous lancez une sorte de challenge aux lecteurs qui doivent trouver les deux films qui ont eu la meilleure note (six étoiles). Qu’est-ce qui caractérise d’après vous ces deux films ?

Sans révéler leur titre, car je souhaite laisser la surprise à ceux qui liront ce livre, je peux dire qu’ils ont chacun révolutionné à leur manière la science-fiction. Même si, à l’époque où ils étaient réalisés, la plupart des effets visuels qu’on connaît aujourd’hui n’existait pas, on est captivé par la cohérence de leur univers, la qualité de leur scénario dont l’un des deux confine presque au mystique, mais également la superbe manière dont ils sont filmés. Grâce à ces films, les thèmes abordés ont été traités de manière beaucoup moins stéréotypée par la suite, multipliant les possibilités en élargissant le champ de l’imagination.

Dans l’encyclopédie, vous abordez à l’occasion de certains films les difficultés rencontrées par les réalisateurs et les auteurs à les voir naître. C’est par exemple le cas pour le film DuneJean-Pierre-Andrevon

Si vous vous intéressez à la filmographie des grands réalisateurs, vous verrez qu’il y a pratiquement autant de films qu’ils ont tournés que de films pour lesquels ils n’ont pas pu aller au bout. Évidemment, il est impossible de dire si les films en question auraient été réussis ou pas. Mais on ressent toujours une certaine frustration à l’idée que l’on est peut-être passé à côté d’une vraie réussite. Pour Dune, il faut rappeler qu’une première version du script, qui devait être tournée par Jodorowsky, nous présentait le baron Harkonnen campé par Salvador Dali reposant sur un trône en forme de WC… Cela aurait pu être très réussi, ou pas ! On ne le saura jamais.

Il y a quelques mois, des articles ont rappelé les prédictions d’Isaac Asimov qui, pour la majeure partie d’entre elles, se sont avérées particulièrement justes. Considérez-vous que cela soit dû à son esprit particulièrement visionnaire, ou qu’il a eu une influence telle qu’il a en quelque sorte conditionné les recherches menées après la publication de son œuvre ?

C’est une question très difficile. Beaucoup de chercheurs sont de grands fans de la science-fiction dès tout-petits, et aspirent à concrétiser dans leur vie scientifique ce qu’ils ont lu enfants. En même temps, la relation est réciproque parce que de nombreux auteurs de science-fiction lisent des ouvrages de vulgarisation scientifique et s’en inspirent pour bâtir leur propre roman. Si l’on revient sur la conquête de l’espace, on s’aperçoit que l’on s’est beaucoup trompé, mais dans les deux sens. Au début du XXè siècle, on prédisait que la conquête de l’espace débuterait en 2100, et que le XXIIIè siècle serait celui de la colonisation spatiale lointaine. En réalité, la conquête de la Lune s’est effectuée avec presque 150 ans d’avance, mais la colonisation spatiale semble à tout jamais hors des possibilités des lois de la physique.


 Interview de Jean-Pierre Andrevon, deuxième partie.

 

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