Gouvernement Valls II : trois questions à Laurent Bouvet

Laurent Bouvet : « Même très minoritaires politiquement, les institutions de la Cinquième République permettent au gouvernement de poursuivre sa route. »

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Laurent Bouvet

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Gouvernement Valls II : trois questions à Laurent Bouvet

Publié le 27 août 2014
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Laurent Bouvet

Manuel Valls a tenu aujourd’hui son premier conseil des ministres. 24 heures après la démission du gouvernement précédent, tout semble indiquer que le gouvernement s’oriente vers un recentrage politique, au grand dam d’une partie de la gauche de la gauche. Contrepoints a posé à Laurent Bouvet trois questions pour nous éclairer sur le sens à donner à ces derniers changements à la tête de l’exécutif.

Laurent Bouvet est professeur de théorie politique à l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines. Il est également le directeur de l’Observatoire de la vie politique (OVIPOL) de la Fondation Jean Jaurès. Ses recherches portent, entre autres, sur la social-démocratie. Il tient un blog sur la vie politique française.

 

Contrepoints – Le nouveau gouvernement Valls semble avoir sacrifié son aile gauche par souci de cohérence politique. Il en résulte une équipe resserrée autour du Premier ministre, mais faiblement soutenue par son propre camp déçu et divisé. Pensez-vous que cela suffira pour gouverner ?

Laurent Bouvet – Ce sera l’enjeu des semaines qui viennent avec quelques moments-clefs à l’Assemblée nationale : le vote sur la confiance au gouvernement, celui sur le projet de loi de finances… Il paraît peu probable que lors de ces occasions, il y ait une majorité à l’Assemblée pour renverser le gouvernement. Les « frondeurs » du PS sont eux-mêmes divisés sur l’attitude à avoir et les élus de gauche (PS, PC, EELV…) qui prendraient le risque de voter contre le gouvernement avec ceux de la droite et du centre, porteraient la responsabilité de leur propre défaite ensuite dans les urnes, car le président de la République n’aurait d’autre choix que de dissoudre l’Assemblée. Bref, même très minoritaires politiquement, les institutions de la Cinquième République permettent au gouvernement de poursuivre sa route, au Parlement du moins.

 

Du côté de l’Assemblée plane toujours la menace d’une dissolution. Croyez-vous les députés de gauche suffisamment remontés contre l’exécutif pour que Hollande décide de l’utiliser ? Peut-on imaginer que la majorité présidentielle fasse plier le gouvernement et l’oblige à suspendre ses objectifs de réforme ?

Chez certains « frondeurs » du PS, l’idée est bien celle-là : écarter la menace de la dissolution et contraindre le président de la République à changer de politique. Deux problèmes subsistent néanmoins, et ils sont de taille.

D’abord, comme on le disait précédemment, les outils constitutionnels dans les mains de l’exécutif lui permettent de tenir le choc d’une telle « fronde » : les députés ont davantage à perdre que le président de la République à une dissolution. Pour tordre le bras du président, ils devraient accepter de mettre en jeu leur mandat ! Or compte tenu du rapport de force aujourd’hui, les députés de gauche disparaîtraient quasiment de l’Assemblée nationale en cas de législatives anticipées.

Ensuite, contraindre le président à changer de politique conduirait à ouvrir une période très incertaine sur le plan institutionnel. On imagine qu’il faudrait un nouveau Premier ministre par exemple. Or, les opposants de gauche à la politique actuelle de l’exécutif ne sont pas sur la même longueur d’onde. Entre un Mélenchon, une Duflot et un Montebourg, entre autres, il y a au moins autant de convergences que de différences. Quelle serait la ligne suivie ? Qui serait accepté par les autres comme Premier ministre ? C’est d’ailleurs là un atout pour François Hollande et Manuel Valls : ils peuvent compter sur les divisions de leurs adversaires à gauche au-delà des critiques formulées.

 

Ce remaniement va-t-il avoir un effet sur la physionomie politique et culturelle de la gauche française ? Peut-on attendre d’Arnaud Montebourg, par exemple, qu’il cherche à occuper l’espace à la gauche du Parti socialiste ? Peut-on imaginer une reconfiguration en faveur d’un rapprochement entre centre et gauche réformiste ?

Ce remaniement pourrait en effet entraîner une clarification des positions au sein du PS, surtout en cas de congrès de celui-ci dans les mois à venir : avec une aile gauche étoffée qui cherche l’alliance avec la « gauche de la gauche » (Front de gauche, EELV…) et une aile droite qui chercherait à s’allier plutôt au centre. Si une telle logique allait à son terme, le PS pourrait finir par se diviser. Cette division en fonction de lignes idéologiques serait une première depuis le Congrès de Tours en 1921. Ce n’est cependant pas le scénario le plus probable même si la période qui vient est assez incertaine et inédite dans la mesure où le PS est pour la première fois confronté, non pas à une division interne sur le projet mais à une conjoncture électorale, tant nationale que locale, particulièrement mauvaise.

Jusqu’ici, la perspective de gagner les élections locales ou nationales permettait en effet de tenir ensemble les deux camps (voire davantage de courants et sensibilités) dans un même parti car il y avait en quelque sorte de la place pour tout le monde, majorité et minorité du parti, aile gauche et aile droite – c’était le schéma Mitterrand-Rocard par exemple. L’intérêt électoral supérieur l’emportant toujours au final sur les divisions idéologiques ou programmatiques. Aujourd’hui, si le PS devient un peu moins un parti d’élus et de candidats à l’élection, et un peu plus un parti clivé idéologiquement, son fonctionnement pourrait bien se modifier.

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  • La dissolution de l’Assemblée nationale se chiffrerait à une somme que je suis incapable d’évaluer. Ce remaniement ministeriel a lui aussi un coût que je ne connais pas
    Ce que je sais est que le chômage s’accroit lamentablement. Que les entreprises quelle que soit leur taille se restructurent
    Les commerces disparaissent et les communes sont videes de leur poids économique. Les petites exploitations agricoles voire viticoles disparaissent avec l âge de leurs exploitants.
    Attention la situation est d une extrême gravité.
    J ignore si la dissolution de l AN apporterait un renouveau économique.

  • Les « frondeurs » prétendent que le peuple français veux une politique plus à gauche. Dans ce cas, qu’ils provoquent la dissolution, on aura vite fait de voir ce que veux réellement le peuple français.

  • Il y existe aussi le risque d’une destitution du président Hollande si l’aile gauche du PS s’allie avec l’opposition et atteignent la majorité des 2/3.A ce moment une nouvelle élection présidentielle aurait lieu et le PS serait sorti du jeu politique pour longtemps au profit des nationaux-socialistes du FN et de l’UMP recomposée autours de la droite forte et de la droite populaire…Le rapport de force actuellement étant celui-ci…

  • Trop théorique. Des institutions n’existent pas dans le vide…

    En 68 de Gaule a gagné. Un an après… il perdait.

    Les institutions étaient les mêmes.

    Que Valls puisse s’accrocher à son radeau pathétique appelé « gouvernement » et à une troupe de godillots peureux et veules à l’Assemblée… on veut bien le croire.

    Mais quid de la situation sociale ? Grèves ? Manifs ?

    Chaque mois 20 à 30 000 chômeurs en plus. Un demi million en plus depuis l’élection de Neuneu. Voilà les seules « institutions » qui importent.

    Vous pensez réellement que Valls/Macron pourront voter la fin des 35 h et que les entreprises pourront voter des « accords majoritaires » ? Les Français sont chauffés à blanc… Leur annoncer « travailler plus pour gagner moins »… vous pensez réellement que si ça passe chez les députés, ça passera ensuite sans problème ?

    Le climat va devenir clairement insurrectionnel.

    Les gauchistes (à tord ou à raison) s’estiment trahis. Les droitistes sont à bout. Les salariés du privés sont sous pression, les 12 millions de chômeurs, précaires, pré retraités, sous employés, sont à bout.

    Les « institutions » doivent se lire et se comprendre à cette aune là.

    • La situation sociale s’ exprime par des chiffres. C’est largement suffisant.
      Perdre une journée de travail pour faire grève, les petits salaires concernés seront doublement touches.

      Cette crise ne touche pas que les salariés.

      Donc les 35h ne peuvent pas être au goût du jour.

  • L’ essentiel est
    d’ occuper le terrain médiatique
    Les  » frondeurs  » jouent à gauche les anti à droite
    Les spectateurs sont captivés par le match ? très bien
    Roule carrosse

  • Pas de dissolution pour cause de frondeurs. La soupe est bonne et aller se faire battre …

    • Louis XVI était à la tête des institutions vieilles de 1400 ans, cela ne l’a pas empêché d’être renversé, et les institutions avec.
      Quand les institutions ne correspondent plus à la réalité, elles sautent.

      • Oui Olivier, il est plus facile de démolir que de reconstruire dans l’intérêt du peuple. La reconstruction ne sera pas pour demain à moins qu’il y est une sortie de l’Euro puisque la monnaie unique appauvrie l’Europe et que la population est de plus en plus inactive.

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