Le commerce international, facteur de paix dans le monde

Le libre-échange rend la guerre moins probable. La preuve n’est pas seulement théorique, mais largement empirique.

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Le commerce international, facteur de paix dans le monde

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 août 2014
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Par Tom G. Palmer

Robert Samuelson écrit généralement de manière judicieuse. Mais sa chronique « Global Prosperity is no panacea: the post-euphoric world » (« La prospérité mondiale n’est pas la panacée : le monde de l’après-euphorie ») dans le Washington Post du 17 août, a de quoi décevoir.

Samuelson rejette l’idée que le commerce soit une panacée contre la guerre. D’accord. Rien n’est une panacée. Aucun remède ne guérit tous les maux à chaque fois. Mais la conséquence logique n’est pas qu’aucun médicament ne doit jamais être prescrit pour tout mal. Aucune amélioration de politique publique ne passerait ce test sans doute. Jamais. La question n’est pas de savoir si le commerce international rend impossible tout conflit, mais si davantage de commerce plus libre rend moins probable les conflits. Et nous avons la preuve que c’est bien le cas. Le commerce rend la guerre moins probable, mais il ne la rend pas impossible. Le protectionnisme, en revanche, ne constitue pas un pas vers la paix et rend généralement les conflits armés plus, et non pas moins, probables.

La preuve n’est pas seulement théorique, mais largement empirique. C’est une question de probabilité ; dire que quelque chose est plus ou moins probable ne veut pas dire que c’est impossible ou nécessaire. Les chercheurs ont découvert, après examen des données sur les conflits, que, comme les professeurs Solomon W. Polachek et Carlos Seiglie ont pu le conclure, « les nations commerçantes coopèrent davantage et se battent moins ». Ils ont même constaté qu’« un doublement des échanges commerciaux conduit à une diminution de vingt pour cent de la belligérance ».

Peace Love LibertyCe n’est pas l’affirmation d’une loi universelle selon laquelle un certain degré de commerce international rend la guerre impossible, mais une constatation statistique basée sur des données historiques. Erik Gartzke de l’Université de Californie à San Diego a montré dans ses recherches le lien entre le commerce international et la paix. Le commerce transforme les intérêts de l’État : « Il ne vaut tout simplement pas la peine de voler une grande partie de ce qui pourrait être pillé aujourd’hui, même si une grande partie de ce qui vaut la peine d’être volé ne peut pas être pillé ». Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de pillage, mais que les incitations au pillage sont diminuées. Et c’est une bonne chose. (Gartzke a rédigé un chapitre sur « La paix du libre-échange » dans Peace, Love and Liberty, un livre que j’ai édité et qui sortira le 1er septembre 2014).

Samuelson accuse des partisans non nommés de la « théorie des relations internationales McDonald’s » d’être négligents. J’ai suivi les liens de son essai en ligne et ai été dirigé vers une colonne de Thomas Friedman (ce qui en dit assez) et un essai d’un étudiant de premier cycle qui cite et critique l’essai de Thomas Friedman. Samuelson dénature l’argument de Friedman en le présentant comme suit : « deux pays avec des McDonald’s ne se battraient jamais ». Friedman, qui certes n’est pas toujours un modèle de rigueur analytique, ne mérite pas de se voir attribuer cet argument absurde. Même Friedman défendait un argument probabiliste, et non apodictique.

Considérons donc la thèse sur le commerce international et la paix, comme toute personne sensée devrait la comprendre, c’est-à-dire comme une affirmation en termes de probabilité. Samuelson affirme que trouver un seul exemple de conflit entre pays entre lesquels les biens s’échangent suffit à falsifier la thèse. Vraiment ? Mais qui est « négligent » ? Les gens qui n’ont jamais émis l’argument qui leur est attribué, ou celui qui réfute un argument probabiliste plus raisonnable avec un seul contre-exemple ?

Enfin, Samuelson s’illustre à nouveau par sa négligence intellectuelle avec l’affirmation selon laquelle « nous sommes toujours davantage séparés par des revendications ethniques, religieuses, historiques et nationalistes profondes et durables », après quoi il donne comme exemples « le terrorisme, la cyber-guerre, les migrations de masse et l’Ebola » (l’Ebola ?). « Toujours davantage » est un comparatif. Davantage par rapport à quand ? Il y a plus d’un an, ou il y a dix ans, ou il y a vingt ou trente ans ? Il se déroule à l’heure actuelle une guerre larvée en Ukraine (avec environ 2100 décès à ce jour) et une guerre civile beaucoup plus brutale fait rage en Irak et en Syrie (cette dernière étant sans doute un héritage de l’invasion de l’Irak par le gouvernement américain, et que Samuelson considérait en 2002 comme « une guerre que nous pouvons nous permettre »).

Un déclin à long terme est compatible avec des légères remontées à court terme. Chaque fois qu’un écrivain déclare que quelque chose est « plus grand », « plus profond » ou « plus loin », il faut se demander, « par rapport à quoi ? ». Par rapport à la guerre froide ? Par rapport à la guerre Iran-Irak qui a tué des centaines et des centaines de milliers de gens des deux côtés? Par rapport au massacre au Rwanda (500.000 à 1.000.000 morts) ou la guerre civile guatémaltèque (140 000 à 200 000 morts) ?

Les écrivains prudents se doivent d’éviter les termes tels que « jamais » et « toujours ». Surtout quand la thèse porte sur une probabilité. Ils doivent s’abstenir de prétendre triomphalement avoir réfuté une thèse de probabilité sur la base d’un ou deux cas. Et ils doivent nous dire ce qu’est le point de référence lorsqu’ils affirment « nous sommes toujours davantage séparés ».

Samuelson est généralement un écrivain attentif. J’espère qu’il retournera à son style habituel d’analyse logique et minutieuse des éléments de preuve. Le libre-échange rend la guerre moins probable, pas impossible. Et quand il s’agit de guerre, « moins probable » constitue encore une très bonne nouvelle.


Cet article est syndiqué par le réseau AtlasOne et l’original est disponible ici. Traduction : Emmanuel Martin pour Contrepoints.

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  • Pourtant il y a des frictions entre Chine, Corée et Japons.

  • En 1913, un ambassadeur disait pourtant qu’il ne pouvait y avoir de guerre entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne car ils avaient trop de relations commerciales …

  • Le libre-échange est un instrument de guerre économique contre la classe moyenne occidentale au profit de l’oligarchie ploutocratique. On peut clairement vérifier le lien entre la destruction des emplois industriels en occident et les délocalisations massive en Asie à partir du début des années 90. Par contre les profits des riches industriels ont explosé.

    Un lumpen-prolétariat est bien plus facile à gérer qu’une classe moyenne éduquée et consciente d’elle-même.

    • L’extrême pauvreté au niveau mondial n’a jamais autant diminué depuis les années 90 : http://www.lepoint.fr/editos-du-point/pierre-antoine-delhommais/plus-de-mondialisation-moins-de-pauvres-25-04-2013-1659615_493.php

      Il est logique que le travail manufacturier se raréfie à mesure du progrès technique, c’est une tendance mondiale, mais la disparition presque totale de l’emploi manufacturier n’est pas forcément un signe d’une bonne santé économique, elle peut aussi être le symptôme d’un environnement très défavorable à l’industrie, comme en France.

      D’après l’indice de liberté économique La France est classé 70éme, tandis que la Suisse elle est 4éme. (ce qui fait d’elle le pays le plus libéral d’Europe.)

      – La Suisse n’a pas de politique industrielle.
      http://www.economiesuisse.ch/fr/…/2013-05-06_DP_Politique-industrielle.pdf

      – Elle a un taux d’ouverture parmi les plus élevés du monde :
      http://ecointerview.wordpress.com/2011/01/02/palmares-international-des-taux-douverture-commerciaux/

      – Elle a des prélèvements obligatoires parmi les plus faibles du monde (à l’inverse de la France) : http://economiepolitique.org/prelevements-obligatoires-la-france-14eme-pays-du-monde/

      Et elle a malgré tout un taux de chômage inférieur à 3 %, et une part de l’industrie dans le PIB bien plus élevé que celui de la France, et est le pays avec la plus grande production industrielle par habitant : http://hpics.li/47f5ed0

      Bref gardez vos vieilles lunes du communisme pour vous-même.

      • En tant qu’européen, j’assume totalement le fait de ne pas me préoccuper du niveau de pauvreté du reste du monde. Ce qui m’intéresse c’est le bien-être de mon pays et de ma civilisation, les autres peuvent bien faire ce qu’ils veulent.

        La Suisse est un paradis fiscal, pas étonnant qu’elle se porte bien. Si demain tous les pays voisins baissaient leurs impots la Suisse perdrait son attractivité.

        • Renseignez-vous sur l’économie suisse…

          Et arrêtez de croire les torchons du genre l’Immonde, l’Aberration ou le Figacon quand ils parlent d’économie, sujet auquel les journal eux qui y travaillent ne comprenne rien. Valable également pour tout autre sujet pour lequel il faut un minimum de connaissances.

          • Visiblement pour vous c’est en orthographe que le « minimum de connaissances » fait défaut…

            • Hum à part l’espace que m’a rajouté automatiquement le correcteur orthographique à « journaleux » je n’en vois pas dans mon message précédent…

              Alors ils m’arrive d’en faire, en particulier quand j’écris sur mon portable et que je ne me relis pas. Mais sinon, quand je suis attentif, je ne suis pourtant pas mauvais en orthographe.

              • C’est donc un simple problème de relecture, alors je vous conseille de ne pas faire confiance au correcteur orthographique, (c’est comme le GPS qui ne remplacera jamais la lecture d’une carte détaillée) car il a laissé passer ça : « les journaleux qui y travaillent ne comprenne rien ». Que ce soit une faute de conjugaison ou d’attention, le correcteur n’y voit que du feu. Bien cordialement.

        • Vous êtes contre le « lumpenproletariat » (terme marxiste désignant les miséreux) chez vous mais pas chez les autres ?
          Vous faites un drôle d’internationaliste, ne seriez-vous pas plutôt national-socialiste par hasard ? (simple question rhétorique)

          Il n’y a des paradis fiscaux que s’il y a des enfers fiscaux.
          On remarquera également que la plupart des pays combattant la souveraineté des pays compétitifs fiscalement ont leurs propres paradis fiscaux. La Chine possède Hong Kong, la France la Nouvelle Calédonie, l’Angleterre Jersey, Guernesey, les BVI…

          Vous dites : « Si demain tous les pays voisins baissaient leurs impôts la Suisse perdrait son attractivité » Ceci n’est vrai qu’en partie, il ne pas occulter que plus de 20 % du PIB de la Suisse dépend de son industrie (bien plus que la France), et qu’elle investit plus dans le R&D que ses voisins.

          Si ses voisins baissaient leurs impôts alors au niveau européen il y aurait plus de création de richesses.

          Si vous aimiez vraiment la civilisation européenne et que vous vouliez vraiment le bien-être de votre pays et bien vous prendriez exemple sur les pays qui marchent : Suisse, Suède, Danemark, Norvège, Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande, Allemagne, Autriche.
          Pays qui sont tous économiquement plus libéraux que la France.

          Bon courage.

  • et bien, voilà le premier article authentiquement libéral que je lis sur ce site qui se prétend libéral.

    Nous sommes au bord de la 3ème Guerre Mondiale, voilà pourquoi, plus que jamais, nous avons besoin du traité-transatlantique.

    Quand la Russie, l’Europe et les USA seront totalement interdépendants économiquement ; qu’un Russe ou un Européen pour sans problème immigrer aux USA pour travailler ou créer une entreprise, ou qu’un américain pourra faire de même en Russie et en Europe ; le risque de guerre reculera.

    Pour l’instant, le retour de l’Étatisme et du protectionnisme, aussi bien en Russie, qu’en Europe, qu’en Amérique du Sud est très inquiétant.

  • Montesquieu (Esprit des lois) avait résumé ceci en deux mots avec son concept du « doux commerce ».

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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