Ebola, une épidémie de bêtise (deuxième partie)

Si Ebola progresse, ce n’est pas nécessairement la faute à pas de chance. La stupidité de certains y est aussi pour beaucoup.

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Ebola, une épidémie de bêtise (deuxième partie)

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 août 2014
- A +

Par Stéphane Montabert.

Ebola credits european commission DG (cc)

J’avoue, je ne pensais pas avoir à écrire une suite à cet article si vite mais Ebola se répand en Afrique (et bientôt ailleurs) comme un feu de brousse. Mais aujourd’hui encore, certaines des raisons qui expliquent la poussée de l’épidémie n’ont rien à voir avec la malchance, à tous les niveaux.

 

Des populations paniquées

Montabert

À tout seigneur tout honneur, commençons par la population locale. La récente mise à sac d’un centre de quarantaine au Liberia par des émeutiers, aux cris de « Ebola n’existe pas ! », donne un aperçu de l’effort à fournir. Mais quel que soit le raisonnement tordu derrière les absurdités scandées par les assaillants, leur départ du centre avec du matériel médical souillé et des couvertures tachées du sang des patients leur annonce un avenir difficile. On notera que dix-sept malades (d’Ebola, donc) profitèrent de l’assaut pour prendre la fuite. S’ils ont été retrouvés depuis, les agresseurs courent toujours.

Cet épisode eut lieu à West Point, le plus grand bidonville de Monrovia, capitale du Liberia, c’est-à-dire en zone urbaine. Les autorités envisagent de mettre en quarantaine le quartier entier, soit 75 000 habitants environ. Dernier élément à prendre en compte : les gens du cru proclament que les émeutiers ne viennent pas de West Point, ou ne s’y trouvent plus…

Les professionnels de la santé ne sont toujours pas mieux lotis. Ils payent un lourd tribut (170 morts aux dernières nouvelles) à une maladie dont l’OMS continue à prétendre qu’elle ne se contracte pas si facilement, malgré toutes les précautions prises. La mort d’Umar Khan, seul virologue de Sierra Leone et expert d’Ebola, aurait dû suffire à instiller un peu d’humilité.

Malgré l’héroïsme de nombreux membres du personnel soignant, nul n’est à l’abri d’un comportement individuel particulièrement stupide. Ainsi, au Nigeria, la fuite d’une infirmière locale – infectée, naturellement – de Lagos jusque chez elle à Enugu, risque de condamner à mort des dizaines de personnes et plus encore. Le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique, et Lagos la cinquième mégapole du monde.

L’OMS oscille entre la panique et le paternalisme. D’un côté, elle se veut rassurante, expliquant les efforts pour enrayer la maladie, et les travaux de divers laboratoires travaillant d’arrache-pied à un remède ; de l’autre, elle recommande le scan de tous les passagers aériens en provenance d’un pays affecté…

Difficile de croire encore la fable du malade d’Ebola incapable de voyager en avion. Les transporteurs aériens s’inquiètent donc, au premier chef desquels Air France dont les employés ne semblent pas satisfaits de la présence apaisante d’un kit de désinfection à bord. Pourtant, ne leur a-t-on pas dit que le risque d’infection Ebola à l’intérieur d’un avion était faible ? Si personne ne se sent rassuré avec ça, où allons-nous !

 

Frontex hors du Nigeria

Parmi les compagnies aériennes coupées de certains pays d’Afrique, l’une d’elles est un peu particulière : Frontex, l’organisme européen chargé du renvoi des requérants d’asile indésirables. Frontex a ainsi décidé de renoncer à tout renvoi à destination du Nigeria. L’attitude paraît quelque peu précipitée à l’encontre d’un pays qui compte officiellement moins de dix décès liés à Ebola.

On comprendra le désir des employés de Frontex d’être payés à ne rien faire, mais à part cette excuse évidente, je ne vois que deux hypothèses :

  1. Soit Frontex considère que le renvoi d’un immigré à destination du Nigeria le condamne à une mort certaine, ce qui serait contre les droits de l’Homme, etc.
  2. Soit Frontex considère le risque d’infection de l’équipage sur place, équipage qui pourrait alors transporter Ebola lors du voyage de retour.

 

L’organisme ne s’est livré à aucune explication. Malheureusement, les deux hypothèses sont mauvaises : la première ouvre l’intéressante perspective de futurs réfugiés sanitaires en provenance de pays infectés (parmi lesquels on trouvera bien vite des porteurs du virus) ; la seconde montre que c’est une folie d’envoyer encore des avions là-bas.

De nombreuses compagnies aériennes (hormis Air France) ont donc stoppé toute liaison avec le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée. Et c’est un problème pour l’OMS, qui comme le rapporte Slate.fr, considère que le monde est en train de perdre la bataille du ciel.

Gagner la bataille du ciel se définit ici comme la poursuite de liaisons aériennes avec des pays où l’épidémie d’Ebola est hors de contrôle !

Il ne faudrait pas que l’Occident profite de l’épidémie d’Ebola en Afrique pour faire quelque chose d’aussi fou que de contrôler ses frontières, n’est-ce pas ? Et peu importe que la vie de millions de personnes soit exposée à travers cette idéologie mortifère.

 

Passivité de l’OMS

On marche sur la tête, mais l’OMS ne fait que partager les convictions de la classe politique européenne pour laquelle Ebola n’est pas un danger. Apparemment, il est plus important de préserver les voyages avec des pays malades que de contredire la théorie reine de la libre-circulation des personnes. Les cadavres qui s’entassent dans les rues de Monrovia tiennent finalement du détail pittoresque.

Les dirigeants africains régionaux, eux, ferment les zones à tour de bras – village, quartier, région, pays. Il en va de la survie de populations entières. Loin de tout absolutisme, ce comportement n’est rien d’autre que l’isolement des malades et la mise en quarantaine de personnes suspectées d’infection poussés à une plus large échelle, c’est-à-dire la logique même.

Espérons que les Européens le réalisent avant d’avoir à combattre Ebola comme en Afrique de l’Ouest. S’il y a là-bas des personnes dramatiquement stupides, nous avons aussi les nôtres.


Sur le web.

 Lire sur Contrepoints : Ebola, une épidémie de bêtise

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  • Je plussoie le dernier paragraphe!!!

    • Bah moi non : M Montabert refuse encore de voir que si nous en faisions débarquer des malades chez nous, ça serait une occasion de nous enrichir mutuellement… Pourquoi ce monsieur en veut-il autant aux gens ô combien éclairés qui nous gouvernent? 😉

      Sur Frontex : encore une info bien affligeante 🙁 tellement révélatrice de notre bel état d’esprit…

  • cela me rappelle mes années passées au Zimbabwe où le SIDA faisait des ravages mais où l’on nous répétait « there is no such thing as AIDS ». Le SIDA n’existait pas puisque l’on mourrait de problèmes pulmonaires ou tout autre déficience.
    Pour faire prendre conscience du problème aux étudiants, un professeur les amenaient rendre visite aux malades en phase terminale à l’hopital. Cela avait un impact de quelques jours voire semaines, puis, les traditions et les bonnes vieilles habitudes reprenaient vite le dessus.

  • Le virus Ebola n’est t-il pas l’occasion rêvée de nos politicards pour commencer à mettre en place de manière permanente l’interdiction de quitter son propre pays…Qui sera poursuivi par la suite le tout couplé avec une très forte censure…J’ajoute que les habitants du bidonville « west point » au lieu de tout casser devrait se retourner devant les tribunaux libériens et exiger un ordre d’habeas corpus en leur nom , doit que la constitution de ce pays rend indérogeable…

  • Je commente juste pour le geste. La qualité est médiocre (comme d’habitude). Je remarque qu’l n’est pas fait mention de maladies, tel que la malaria qui tue beaucoup plus en Afrique que ne tuera jamais ébola. Evidement les africains n’ont aucune légitimité de refusé des soins imposé par le gouvernement parce que ceux ci sont ‘bête’. Les médecin sont des héros alors qu’ils sont payés… Bref la liste est longue.

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