Critique du film Limitless de Neil Burger (2011)

Peu soucieux du politiquement correct, « Limitless » propose aux spectateurs un traitement original des vielles lunes que sont drogues et doping.

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Limitless (Crédits TF1 Vidéos, tous droits réservés)

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Critique du film Limitless de Neil Burger (2011)

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Publié le 3 août 2014
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Peu soucieux du politiquement correct, Limitless propose aux spectateurs un traitement original des vielles lunes que sont drogues et doping.

Un article de Psychofleuve.

Limitless (Crédits TF1 Vidéos, tous droits réservés)Limitless a reçu des critiques honorables aux États-Unis et en Europe. Il s’inspire d’un roman éponyme d’Alan Glynn. Il faut sans doute voir son succès commercial, dans le contexte des réflexions récentes concernant les drogues aux USA et leur dépénalisation. Malgré un happy-end classique, le scénario ne s’inscrit pas dans le schéma traditionnel hollywoodien comme il laisse peu place au sentimentalisme : son traitement original des vielles lunes que sont drogues et doping est peu soucieux du politiquement correct.

La drogue parfaite

Limitless est une fiction traitant de la consommation de drogue en général focalisée sur les stimulants « nootropiques » modernes1. Son héros Eddie Mora, nous est présenté comme un jeune type vaguement intello, incapable de terminer le manuscrit d’un roman qu’il a entrepris d’écrire, ou de prendre en charge la moindre responsabilité dans sa vie. On le trouve sur le point d’être flanqué dehors par la propriétaire de son infâme logement, dont il ne paie même plus les loyers.

Au hasard d’une rencontre en rue, une connaissance lui propose d’essayer une nouvelle drogue. Avec elle, le héros semble acquérir immédiatement des facultés cognitives extraordinaires. Reste à découvrir comment utiliser ces facultés décuplées artificiellement, « à bon escient », c’est-à-dire à son avantage. On assiste tout au long du film, à une mise en scène saisissante de son ascension vertigineuse sous stimulants, depuis « la cloche » jusqu’à son mandat de sénateur, en passant par Wall Street (l’impitoyable empereur de la spéculation « Van Loon », est incarné ici dans toute son arrogance symbolique, par Robert de Niro).

Le catalogue des problèmes de drogue

L’intérêt de cette métamorphose filmée, consiste d’abord à illustrer de façon radicale tous les problèmes inhérents logiquement aux drogues. Cependant, le scénario du film prend le parti provoquant de suggérer une issue favorable à chacun d’eux… le problème du manque, de la perte de contrôle, le problème de l’illégalité, celui du prix.

Même le problème le plus angoissant sans doute, en marge des effets secondaires, celui de la désintégration de la personnalité individuelle, est écarté. Le héros défend son point de vue selon lequel la drogue bien qu’artificielle, stimule des capacités personnelles naturelles qui lui sont propres. La voix off de ses pensées contribue aussi à conforter le public dans cette opinion. Mais il s’oppose à la désapprobation explicite de sa propre compagne (elle connaissait le Mora paumé d’avant, et malgré son nouveau charme, elle pense ne plus pouvoir le connaître du fait de la drogue…). L’issue favorable à ce dilemme n’est donc pas immédiate.

Effet naturel ou artificiel ?

La conviction d’Eddie n’arrivera pas à convaincre sa compagne tout au long du film. Celle-ci argumente imparablement que la puissance cognitive acquise avec un psychotrope modifie inévitablement notre propre capacité d’introspection, ce qui nous empêche finalement de distinguer la dimension « mécanique » d’un effet stimulant d’une dimension individuelle qui nous serait davantage « naturelle »2 .

Cependant le déroulement du film impose encore une fois une solution permettant de dépasser le conflit moral, non sans une certaine ironie. Le héros, dont l’état de « cold turkey » menace gravement ses fonctions vitales, peut finalement conserver son humanité aux yeux de sa compagne de cœur, dans ce destin particulier. Elle reconnaît qu’il est en effet « obligé » d’intégrer définitivement les effets de cette drogue à sa personnalité s’il ne veut pas mourir. Elle le reconnaît d’autant mieux qu’elle-même est « obligée » à un moment d’ingérer une première fois la drogue comme seul espoir de salut dans une situation de grave danger. Ce point ne manque pas de nous rappeler l’utilisation humaine réelle et parfois inévitable des drogues, dans les domaines thérapeutiques ou militaires, avec des conséquences secondaires non négligeables. Pour les besoins de la fable de Neil Burger cependant, les effets secondaires graves qui résultaient de l’ingestion continue de la drogue parviennent à être éliminés par le héros.

Criminalité de la drogue

Une autre question mise en scène à souhait dans le film, comme on pouvait s’y attendre, est celle de l’illégalité des drogues (qui conditionne largement leur rareté), et la rivalité criminelle extrême qui en résulte.

Les énergies criminelles sont ici décuplées par la drogue elle-même ou par le désir d’en obtenir le profit, qu’il soit naturel ou financier. Elles rivalisent par leur radicalisme avec les méthodes à peine plus subtiles des héros. Bien entendu ce sont les héros qui gagnent à Hollywood. Mais par moment, leur avantage semble bien ténu et de nature largement accidentelle. La fin du film laissée ouverte nous présente Eddie Mora comme étant capable d’assouvir toutes ses ambitions, ce qui le mène logiquement… à la présidence des États-Unis.

L’homme sans la perfection

Au delà de cette réflexion sans tabou sur la place de la drogue dans la société, Neil Burger ne manque pas de nous offrir un divertissement avec des personnages bien typés. Le mérite de cette approche cinématographique grand public est aussi sans doute de nous aider accessoirement, à dédramatiser un sujet social si délicat. Difficile de ne pas sourire à cette évidence ironique dont le film est imprégné : quelles que soient les possibilités « illimitées » de l’intellect humain exploité à 100%, la vanité et l’infantilité risquent toujours de figurer en bonne place dans ses pensées.

Limitless, thriller américain de Neil Burger, sortie le 8 juin 2011, avec Bradley Cooper, Robert De Niro, Abbie Cornish. Durée : 1h45. Le film sur Amazon en DVD

 

  1. Produits synthétiques dont l’usage sur les campus universitaires semble être déjà très répandu en occident.
  2. Cette critique de la capacité introspective du raisonnement humain, s’apparente douloureusement à l’énoncé du principe d’incertitude quantique, celui qui se trouve d’ailleurs par ironie du sort à l’origine du nom « Quantum Fund » que Georges Soros, le milliardaire de Wall-Street bien réel celui-là, avait choisi d’adopter pour ses affaires…
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  • Il existe aussi en téléchargement illégal et est encore meilleur ainsi !

  • Je n’ai pas vu le film, mais ce que vous décrivez m’a immédiatement fait penser non pas au débat sur la drogue mais à celui sur le passage à l’homme augmenté ou au transhumanisme.

    • Exactement ! C’est l’intention du réalisateur. Chacun sait que cette « guerre contre la drogue », coûte de plus en plus cher (dans les deux camps) sans montrer d’issue réelle. Voilà une guerre qui relève sans doute d’une « projection » ou « transposition » du terrible conflit moral intérieur auquel la « science » accule l’homme depuis longtemps et dans lequel il ne peut se décider. C’est « L’augmentation » de l’homme, en effet.
      La médecine moléculaire et l’informatique ont déjà mis les deux pieds dans l’eugénisme. Celui-ci avait pourtant fait sous certaines formes, le fonds de commerce du totalitarisme! Mais aucune barrière légale ne peut en principe les séparer matériellement.

      La question n’est donc pas tant à mon avis de savoir ce que « veut » l’homme réellement (son libre-arbitre nous empêche normalement d’y répondre collectivement). Que ce soit la vie éternelle ou un bras télescopique…

      La vrai question qui demande toujours plus d’attention cependant, c’est : « le progrès à quel prix » ? C’est vraiment aussi une question économique (peut-être en premier lieu) dans le sens ou les mécanismes de crédit qui utilisent les ressources de l’épargne servant à financer ces technologies au niveau mondial … semblent avoir perdu aujourd’hui tout étalon de (dé)mesure fiable.

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