L’enfer est pavé de bonnes intentions (14) : la question du nucléaire

On entend toujours parler de Tchernobyl et Fukushima pour tenter de nous affoler sur le nucléaire et nous convaincre de mettre fin à cette source d’énergie. À raison ?

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Faut-il avoir peur du nucléaire, par Claude Allègre (Crédits Plon, tous droits réservés)

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L’enfer est pavé de bonnes intentions (14) : la question du nucléaire

Publié le 3 août 2014
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Par Johan Rivalland

À l’heure où on discute du projet de loi sur la transition énergétique, il n’est pas inutile de revenir sur la question du nucléaire. L’une de ces questions où les bonnes intentions affichées n’ont pour pendant que les (infernales et habituelles) considérations politiques qui parasitent perpétuellement nos pseudo-débats démocratiques.

De nombreux articles intéressants sont parus sur Contrepoints, traitant de différents aspects de cette question. À commencer par cet entretien avec Jean de Kervasdoué, qui affirme que le nucléaire tue 4200 fois moins que le charbon, qu’Angela Merkel s’est proposé de substituer au nucléaire en cédant aux sirènes écologistes pour de simples considérations politiques, avec les conséquences parfois inattendues que cela peut entraîner, au dépit des écologistes eux-mêmes. Ou cet autre article qui montre jusqu’où la propagande de certains écologistes peut aller pour asséner leurs arguments fallacieux.

Une autre voix mérite d’être écoutée, celle de Claude Allègre, chercheur en géochimie qui, au-delà de l’engagement politique qu’il a pu avoir, demeure un esprit relativement libre. Ses ouvrages de vulgarisation sur différents sujets, en particulier l’environnement, ont le mérite d’être clairs et abordables au plus grand nombre, même s’ils déchaînent toujours les passions, surtout sur ce genre de sujet, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément mauvais signe…

Ainsi qu’il le dit lui-même avec précaution et honnêteté, il ne fait qu’exprimer un point de vue (et tout de même pas n’importe lequel, puisque ses compétences ne sont, semble-t-il, pas nulles en la matière, cet expert étant tout de même membre de l’Académie des sciences, souvent consulté sur le sujet) et engager des débats.

 

Faut-il avoir peur du nucléaire ?

Faut-il avoir peur du nucléaire, par Claude Allègre (Crédits Plon, tous droits réservés)Loin des passions fulgurantes que peut représenter le nucléaire, surtout après un accident aussi terrible que celui de Fukushima, Claude Allègre tente, à travers un court ouvrage portant ce titre, de ramener les choses à leur juste raison, et de faire appel à notre capacité de réflexion.

Oui, il faut avoir peur du nucléaire, affirme-t-il. Mais avant tout « des milliers d’ogives à tête nucléaire qui sont pointées sur de grandes villes du monde ».

Or, on sait qu’il existe un marché noir en la matière, et que certains pays idéologiquement exaltés cherchent à confectionner des bombes. On sait aussi que le retraitement des tonnes de plutonium très radioactif contenu dans les bombes que l’on s’est engagé de part et d’autre à détruire (accords SALT) est mal assuré, et que la mafia russe en aurait récupéré une partie importante. C’est donc de la folie des hommes qu’il convient de se méfier avant tout, et donc de la menace militaire.

Quant au nucléaire civil, nous dit le célèbre géochimiste, il existe toujours un risque majeur pour les anciennes centrales, en particulier celles des pays de l’ex-URSS, pour lesquelles rien n’est encore entrepris afin de les remplacer par des centrales modernes.

En revanche, si le risque existe bien entendu pour les centrales françaises ou américaines, Claude Allègre le juge raisonnable, insistant bien sur le fait que ces centrales sont plus fiables que les japonaises, qui elles-mêmes avaient résisté au tremblement de terre majeur du 11 mars 2011 (que nous ne risquons pas d’avoir ici, insiste-t-il), celle de Fukushima ayant été affectée par le seul tsunami (que nous ne risquons pas non plus de connaître, d’après ce que révèlent les connaissances scientifiques).

 

Un exercice de pédagogie et de réflexion

Finalement, l’objet de cet ouvrage, comme l’indique l’auteur lui-même, n’est pas de prétendre que le risque n’existe pas et de chercher à rassurer tout le monde à bon compte. Son but est de raisonner en scientifique et de permettre au plus grand nombre de chercher à comprendre de quoi on parle en matière de nucléaire, sans chercher à se voiler la face, mais sans tomber non plus dans l’irrationnel et les peurs infondées.

Et, dès lors, Claude Allègre se livre à un exercice de pédagogie dans lequel il excelle. Il réussit ainsi le tour de force de faire comprendre avec des mots simples ce qu’est exactement le nucléaire, quelles en sont les origines, les principes de base et même les progrès. Pour cela, il remonte jusqu’à la composition de l’atome et les cours les plus simples de sciences physique. Et il explique en quoi les centrales japonaises sont différentes des nôtres, ce que l’on entend au juste par les termes que l’on est habitués à lire ou entendre dans les journaux, du type EPR, projet ITER, uranium enrichi, radioactivité, les différentes générations de centrales, etc.

La présentation qu’il fait est également très intéressante et vivante par l’évocation et l’hommage qu’il rend au passage aux grands chercheurs qui ont permis les découvertes majeures que nous connaissons : Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie, Ernest Rutherford, Frédéric Joliot, Albert Einstein, etc.

L’ouvrage, enfin, est aussi une source de réflexion sur nos sources et politiques d’énergie, celles présentes et à venir (qu’il nous présente, posant la logique des problèmes qui se posent encore).
Plutôt que de songer à arrêter le nucléaire civil du jour au lendemain, à partir de peurs souvent irrationnelles et d’une méconnaissance des sujets de fond, il préconise une meilleure gestion de celui-ci, en expliquant quels sont les enjeux qui se posent.

Et, comme il le dit lui-même :

Ce livre est destiné à informer le public aussi objectivement que possible, de manière à bien poser le problème, donc à permettre à chacun de se faire une opinion fondée sur la raison.

Une démarche donc tout à fait positive, qui ne justifie pas tous les torrents de haine que semble susciter cet auteur.

Loin de l’émotion, il s’agit bien d’un ouvrage pédagogique et d’un outil de réflexion. Quant à imaginer un référendum sur un tel sujet, dont Dominique de Montvalon, l’interviewer de ce livre lui demande s’il est partisan, il répond à juste titre (de mon point de vue) :

Pas plus que je ne suis partisan de faire voter les gens sur la véracité d’un théorème mathématique !… La démocratie n’a jamais remplacé la connaissance et le savoir. Prétendre le contraire, c’est de la démagogie.

— Claude Allègre, Faut-il avoir peur du nucléaire ?, Plon, décembre 2011, 185 pages.

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  • Vous ( les libéraux) dénoncez à juste titre les répercussions néfastes de la dette qui repose sur les générations futures, c’est à dire qu’on dépense aujourd’hui l’argent de nos enfants et petits enfants, mais vous vous accommodez très bien des déchets radio actifs à demi-vie sur plusieurs centaines d’années que les générations futures devront assumer aussi, tout ça pour garantir notre confort d’aujourd’hui. Je n’arrive pas bien à comprendre ce raisonnement.

    • Ils n’auront rien à assumer, la nouvelle génération de centrales nucléaires en développement permettront de réutiliser les déchets, réduisant significativement leur durée de rayonnement. De plus la centrale à sels fondus utilisera le thorium, disponible en quantité abondante, et à la durée de vie bien moins longue.

      De plus, si les déchets nucléaires présentent un risque pour la santé des humains, il ne présentent aucun risque pour l’environnement: la preuve, la faune et la flore n’ont jamais été aussi florissantes autour de Tchernobyl, depuis qu’y a été délimité le no man’s land. Et je n’ai jamais vu que les déchets nucléaires enfouis ait causé des maladies et des morts en masse.

      En ce qui me concerne, j’arrive très bien à comprendre les raisonnements de vous autres les « écologistes ». Vous n’entendez rien à l’écologie, la science, c’est exactement pour cela que vous vous nommez « écologistes ». Par contre vous savez très bien agiter toutes les peurs et tous les épouvantails à disposition, pour pouvoir vous faire une place de choix dans les bureaux dorés de la république bananière française, et imposer un totalitarisme vert anti-humain.

      • Hi hi, se faire traiter d’ecolo, c’est assez comique. Je n’ai jamais, et je n’épouserai jamais les thèses écolos de ces rouges verdâtres qui ont confisqué l’écologie à leur propre compte, et on les a laissé faire. Ils sont contre toute forme de progrès, le dernier exemple est l’interdiction de la construction d’une autoroute, si on les avait écouté il n’y aurait ni trains ni aéroports.
        Par contre je suis pour la préservation de l’humanité, et confier des déchets particulièrement toxique à nos descendants est de la plus grande irresponsabilité. Imaginez que nous devions traiter à notre époque les poubelles laissées par les contemporains de Lascaux ou de Pech-Merle, je suppose que vous appréciriez moyennement.
        Je ne suis pas contre le nucléaire en temps que tel, mais contre cette filière, que n’avons nous choisi le Thorium il y a 40 ans. Par contre je ne crois pas au projet Iter, très prometteur sur la papier , mais tellement difficile à mettre en oeuvre dans la réalité.
        Et pourquoi diable refusons nous l’exploitation du gaz de schiste? ou de la réserve pétrolière située au large de la Guyane ?

        • Les déchets longue vie pourraient être utilisés comme combustible. Il faut espérer que cela se fera.

        • vous avez raison, il faut exploiter le gaz de schiste ou le pétrole de guyane car on sait le faire aujourd’hui de manière sûre et rentable. tout comme le nucléaire qui est est sûr et rentable, ainsi que que l’hydroélectrique.
          et il faut par contre ne pas dilapider des fonds plus utiles ailleurs dans des trucs qui ne sont pas rentables aujourd’hui (photovoltaïque et éolien). que ces concepts jolis à imaginer mais néanmoins fumeux fassent la preuve de leur rentabilité et alors ils se développeront naturellement, sans spolier les honnêtes travailleurs qui ne demandent rien à personne.

        • Il me semble que le problème du thorium est d’avoir des descendants (on appelle « descendants » ou « fils » les atomes issus de la désintégration d’un atome « père » suite à la réaction nucléaire) présentant une forte dosimètrie ce qui rend l’exploitation des centrales plus difficile par rapport à l’uranium naturel enrichi (UNE). Les uranium et plutonium issus du retraitement (URE et MOX) présentent également ce type d’inconvénient.

          • La durée de vie des produits de fission du thorium est fortement plus courte que celles générées par les centrales nucléaires actuelles.
            En quelques décennies (100-500 ans?), plus de traces de radioactivité.

    • C’est très simple, c’est parce que les volumes représentés par ces déchets sont facilement gérables, mêmes cumulés sur plusieurs centaines d’années.

  • Le vrai drame du nucléaire occidental est que, par la peur de déplaire à un électorat post-soixantuitard écologiste, le pouvoir politique a laissé (et laisse) pourrir le parc de centrales existantes, sans oser en construire des nouvelles. le parc actuel de centrales vieillit donc, comme tout équipement industriel, et n’importe quel gestionnaire industriel « normal » affirmera qu’il doit être progressivement remplacé. Or, les remplacements risquent d’être bloqués par les écologistes (Allemagne, Belgique, etc), et donc on tire sur la ficelle… les écologistes seraient des plus heureux si un accident survient, dû au vieillissement d’une centrale : ils tiendraient enfin un alibi en béton armé pour stopper l’entièreté du nucléaire occidental. La situation est donc des plus malsaines.

    Le bon sens, commanderait de remplacer les centrales existantes par de nouvelles technologies (les techniques évoluent…) comme, par exemple, les centrales au thorium, plus sûres, et dont les déchets ont une durée de demi-vie nettement plus courtes. De plus, le thorium ne produit pas de plutonium…

    Mais le vrai combat est entre la technologie et le dogmatisme écologiste. Et contre le dogmatisme, la raison ne peut rien faire.

  • Etant du domaine de l’économie de l’énergie (et non des économies d’énergie) ainsi que de celui du nucléaire, j’ai la prétention de pouvoir amener quelques élements.
    Tout d’abord, j’adhère globalement aux propos de claude allègre sur le principal danger du nucléaire qui demeure la prolifération qui a simplement changé d’acteurs potentiels avec par exemple la montée de l’intégrisme islamique (quoique l’actuel président russe semble également présenter des potentialités « iinteressantes ».
    De même je souscris à son opinion relative aux dangers modérés que présente le parc français tout autant qu’à son opinion sur la pertinence d’un référendum (à moins de faire passer un examen préalable aux électeurs !!!)
    L’arrêt de 25 % nucléaire à une perspective de 25 ans est jolie sur le plan des chiffres, totalement irréaliste dans les faits.

    Cependant il faut prendre aussi en compte:
    – les nouvelles filières sont aujourd’hui « sur la planche », leur exploitation industrielle est lointaine. Le plus bel exemple est la fusion, cela fait 50 ans que l’on dit que c’est pour dans 50 ans.
    – les déchets. Plus complexe, nous n’avons pas de REX et prétendre que les vies longues ne posent pas problème à une longue échéance, c’est discutable. Soit dit en passant, commençons par nous occuper de nos petits enfants avant de s’occuper de la 500 eme génération qui nous suivra.
    – la nature de l’impact d’un accident: Ce n’est pas le nombre de victimes immédiates qui est le plus problématique, c’est le risque de condamner un territoire d’une taille proche de celle d’un département . Nous n’avons pas tant de place que cela…
    – et bien sur le démantellement mais j’y reviendrai.

    A mon sens, un raisonnement plus correct est économique et aussi géopolitique.
    – le prix de l’électricité en france est régulé (surtout pour des raisons électoralistes) et il est fortement sous estimé. Par ailleurs les estimations des couts de maintenance sont réalistes mais celles des couts de démantellement ne sont pas étayées par l’expérience.
    – l’approvisionnement en uranium est sensible sur le plan géopolitique. pourquoi croyez vous que l’armée française est si présente en afrique, pour l’humanitaire? Ca aussi, ça coute.
    – La filière française est performante c’est vrai, mais des choix tels que’l’EPR sont ils vraiment pertinents? Il est complexe (ne marche pas encore) et son cout augmente année par année. Mais surtout, il risque de ne pas avoir de marché international comme le concorde, le TGV et le rafale. Parcequ’il est trop puissant et trop complexe et trop cher. Ce 1500 mw terminer dans les 10 Mds, bien plus que 2 bons vieux 900 mw qui donnent plus de souplesse et moins de pertes en ligne.

    L’idée de réduire un peu la part nucléaire n’est donc pas stupide si l’on évite de ce fixer des objectifs qui le sont. Mais cela suppose de vendre l’électricité à son vrai prix tout en exploitant jusqu’à la corde de parc existant pour dégager les marges d’investissements pour financer la suite.

    Que peut être la suite ?
    – une moitié de nucléaire sur une filière bien validée.
    – en grattant on montera l’hydro vers 12 ou 13 %
    – peut être 10 % de renouvelable intermitent
    – mais pour compléter et surtout compenser les intermittentes quand elles manquent, des centrales à gaz.

    Qui peut être:
    – bio (gaz)
    – russe.
    – de schiste.

    Le deuxieme ne semble pas très sur aujourd’hui.

    Ce qui veut dire que décider d’une transition énergétique avec un peu d’assurance sur l’indépendance sans savoir ce que nous avons exactement en gaz de roche mère est une annerie (qui surprend peu de la part de politiques voulant se concilier les verts).

    A ce propos, ne trouvez vous pas surprenant (ou symbolique!) que les écolo aient la m^me couleur que les islamistes

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