Par Baptiste Créteur
De l’histoire des hommes et de l’analyse des expériences individuelles, nous avons conclu que, si la concurrence amène parfois le succès et parfois l’échec, l’uniformité assure l’échec à long terme. En effet, ce n’est pas la rigidité qui fait la solidité, mais la flexibilité.
Plusieurs leçons peuvent en être tirées. D’abord, les bénéfices de la décentralisation et de la concurrence entre régions, aussi bien dans les décisions prises que dans le système politique. Plus les régions sont petites, plus le pouvoir est proche des citoyens, géographiquement mais aussi dans l’exercice quotidien de ses fonctions. On peut ne pas aimer le maire dans une petite ville, le lui dire, et déménager pour cette raison ; mais on peut plus difficilement joindre un parlementaire européen, et la distance à parcourir pour déménager est plus prohibitive.
On peut pousser le raisonnement plus loin. À l’échelle d’une société, il faut privilégier le choix et la responsabilité individuels ; en rendant chaque individu dépendant de tous les autres, les échecs individuels peuvent se transformer en désastres, et les succès récompensent à peine leurs auteurs. Certains parlaient du crony capitalism comme d’un système où on privatise les profits et on socialise les pertes ; on a pu observer ce phénomène avec le bailout des banques aux États-Unis. Mais pour les petites entreprises dans la France socialiste d’aujourd’hui, on socialise les profits en taxant ceux qui réussissent, et on privatise les pertes. Il faut, pour permettre l’innovation, privatiser pertes et profits – rien n’empêche ensuite chacun d’entre nous de tendre la main aux nécessiteux et à ceux qui auraient échoué, au contraire. Le mécanisme est similaire à la sélection naturelle, avec certaines nuances ; notamment parce que les hommes sont récompensés aujourd’hui plus sur la base de leurs choix que de leurs mutations génétiques, et parce qu’ils font naturellement preuve d’empathie.
L’individu et la société sont gagnants lorsqu’on individualise les décisions. Et perdants lorsqu’on les collectivise. En effet, l’ensemble de la société bénéficie des succès de chacun, car le succès est fait du bénéfice qu’on apporte aux autres. Mais tous sont perdants lorsqu’on choisit pour eux ; la valeur est subjective, d’une part, et les choix faits ont toutes les chances d’être mauvais d’autre part.
Il vaut mieux, donc, une société de taille modeste où les individus sont libres et responsables ; les décisions décentralisées deviendront des succès qui bénéficient à tous et des échecs qui ne coutent qu’à leurs responsables (sans les condamner, loin de là).
« Le succès, c’est aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. » – Winston Churchill
L’idée est simple, mais les obstacles sont nombreux. Il faut affronter la soif de pouvoir des hommes politiques qui, de tout temps, ont cherché à subjuguer les individus autant que ces derniers étaient prêts à les laisser faire (et souvent plus, ce qui a souvent causé leur perte).
Les hommes de pouvoir ont, dès qu’ils ont pu assurer leur emprise, développé des structures bureaucratiques pour régir les hommes. Pour ce faire, ils ont, en certains endroits de la planète, favorisé le développement de l’écriture – mais de systèmes si complexes que les individus capables de les manier et les usages auxquels ils étaient employés sont assez limités pour que les historiens soient capables de les connaître tous, ou presque1. Ce n’est que quand l’écriture a été simplifiée qu’elle est devenue un instrument de diffusion et de partage de l’information et de la connaissance plutôt que de pouvoir – où est-ce l’inverse ?
Les hommes de pouvoir ne cherchent pas à assurer le bien-être de la population. Même dans une démocratie moderne comme la France, pays des droits de l’homme et phare du monde (sic), ils s’attellent non pas à trouver les meilleures solutions, mais à faire en sorte que ce soit eux plutôt que leurs rivaux qui dirigent les Français – à leur propre profit, cela va sans dire. Il y en a sans doute de bons, mais ils sont rapidement confrontés à un choix : entre faire partie du système et suivre ses règles, ou en être exclu.
Mais pas seulement ; il nous faut aussi affronter la peur du changement et de la responsabilité qui, à des degrés divers, sont en chacun de nous.
« Peu à peu, j’ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les États ni les classes ni les partis, mais qu’elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l’humanité. » — Alexandre Soljenitsyne
Car n’avons-nous pas tous en nous une certaine peur du changement ? N’avons-nous pas tendance à nous défausser, au moins en partie, de nos responsabilités ?
À suivre.
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Lire aussi les deux premières parties :
- L’individu face à ses choix (1) : L’individu perdu dans un univers complexe
- L’individu face à ses choix (2) : Gros n’est pas solide, petit n’est pas stupide
- Pour certains systèmes, les quelques scribes capables de l’utiliser se comptaient sur les doigts d’une main et ont été identifiés grâce à leur écriture ↩
Juste une petite rectification, sémantique.
On ne met pas la barre à bâbord, on met la barre à gauche. Si on maintient la barre à gauche, on tourne en rond (ce qui ressemble assez à la politique hollandaise, en résumé).
Pour tout le reste, très bonne analyse, merci.
Décentraliser jusqu’à l’individu, c’est beau dans le principe, mais il y a une limite pratique à cette décentralisation et cette responsabilisation individuelle. Pour que ce système fonctionne, un individu ne peut pas prendre des risques plus grands que ce que sa capacité à rétablir la justice le lui permet.
Par exemple, avec des responsabilités purement individuelles, un individu pourrait entreprendre le commerce des feux d’artifice et décider d’entreposer des matières explosives ou combustibles dans sa maison. Au départ, l’individu est responsable du risque de brûler ou de faire exploser sa propriété.
Advenant qu’un accident survienne, il est possible qu’une propriété avoisinnante soit incommodée par les fumées ou que des débris d’explosion provoquent des dommages, mais le risque est très faible, et à la limite, une poursuite judiciaire sur la succession du malheureux commercant de feux d’artifice pourrait dédommager le voisin.
Mais heureusement, il n’y a pas d’accident. Graduellement, le commerce des feux d’artifice fleurit et il se retrouve à entreposer de plus en plus de matières explosives, si bien qu’éventuellement, la tentation du profit pourrait emmener l’individu à entreposer des quantités énormes d’explosifs, si grandes qu’une explosion mettrait les voisins en danger.
Or, dans une société moderne aux industries des plus complexes, nous inventons de nouvelles machines, nous consommons de nouvelles molécules, nous modifions notre environnement sans cesse et le risque et les responsabilités individuelles d’une action est aussi difficile à évaluer que la valeur de la vie.
La seule manière qu’une société fondée sur l’individualisme peut composer avec des risques collectifs, c’est quand les individus n’imposent jamais de risques sur la collectivité qu’ils ne sauraient dédommager.
Il suffit d’une seule faille à cette règle, d’un seul accident, pour que la société purement individualiste se transforme en un procès sans fin contre l’effet papillon.
Question très intéressante et légitime.
Que se passe-t-il dans un état répressif, interdisant tout, y compris de stocker beaucoup de feux d’artifice ? Le marchand peut être soit responsable, soit irresponsable. S’il est responsable, il va obéir à la loi, et ne pas stocker trop stocker. Il va remplir son état de stockage STOCK-4109 lui permettant de calculer en temps réel exactement ce qu’il a le droit de faire, ce qui va lui bouffer du temps et donc l’apauvrir. L’irresponsable, lui, stockera ce qu’il voudra, où il le voudra, et ne remplira pas le joyeux papelard. Il gagnera donc en productivité par rapport au responsable, ce qui l’amènera à gagner des parts de marché, et donc à stocker plus, donc plus de risque.
Les voisins ne s’inquièteront pas, puisque l’état est là pour tout vérifier à sa place.
Le jour où ca pêtera, ce sera parce que la réglementation n’est pas suffisante, donc on va organiser des contrôles, qui seront payés par le responsable, tandis que l’irresponsable trouvera un autre moyen de frauder. Stocker le surplus dans le grenier, par exemple.
Maintenant, dans un état libéral, où il y a aussi le même responsable et le même irresponsable, qui auront le même comportement, puisque cela relève de la simple logique. La seule différence sera l’absence du fameux formulaire, qui ne pénalise plus le responsable.
Le voisin, s’inquiétant puisque l’état n’est pas là pour tout vérifier à sa place, vient voir le marchant, et lui fait part de son inquiétude. S’il est responsable, le marchant lui fait voir son lieu de stockage peu fourni avec un grand sourire, et le voisin repart, rassuré (après un petit passage sur google, si nécessaire). S’il est irresponsable, il refusera probablement de le laisser rentrer, et le voisin, mécontent, lui fera de la mauvaise publicité. L’irresponsable est perdant, diminuera son commerce par rapport au responsable, et donc le risque d’accident.
Le jour où ca pêtera (bien plus tard), l’irresponsabilité sera pleinement en cause, ce qui sera un message très clair aux autres pour qu’ils rentrent dans le rang.
Ainsi, la réglementation augmente le risque d’accident, tout en pénalisant le responsable et en récompensant l’irresponsable.
Votre démarche est enrichissante car règlement ou pas, on aboutit toujours au problème de l’effet papillon.
Le voisin inquièt qui fait de la mauvaise publicité à un voisin irresponsable subit non seulement le risque de mourir (éventuellement), mais subit immédiatement différents effets collatéraux. Par exemple, ce voisin aura de la difficulté à vendre sa maison à bon prix. C’est ce qu’on apelle des externalités: l’activité économique de l’un provoque des effets négatifs sur l’économie de quelqu’un d’autre.
L’approche de l’école Autrichienne d’économie est de systématiquement judiciariser les externalités plutot que de les règlementer. Dans le principe c’est très bien, mais dans la pratique il devient très difficile d’établir la justice entre la boite de pandore et l’effet papillon. Surtout avec le système de justice si lent et onéreux que nous avons… peut-être qu’un système de justice différent solutionnerait une partie du problème. Sauf qu’à la limite du radical, n’importe qui finirait par poursuivre le voisin pour qu’il paye le nettoyage de la poussière transportée par le vent.
L’individualisme radical ne fonctionne que lorsqu’une propriété privée peut être complètement et parfaitement isolée du reste de l’univers.
Le socialisme radical ne fonctionne que lorsque plus personne n’a la liberté de s’isoler même partiellement.
La vraie société se situe entre les deux.
La réglementation c’est bien joli mais ça n’empêche pas le délit.
L’assurance automobile est obligatoire et on estime pourtant qu’il y a entre 2% et 5% des automobilistes qui conduisent sans assurance, ce qui fait entre 600,000 et 1,500,000 personnes et ça ne va pas s’arranger.
2% de nos cotisations vont au Fonds de Garantie. C’est donc nous qui payons l’incapacité de l’état à faire respecter la réglementation ! Accessoirement on pourra noter que les individus non assurés ont moins d’acccidents que les individus assurés
Ce n’est pas un durcissement de la réglementation (déjà fait) qui arrangera les choses car la réglementation ne remplit pas le porte-monnaie des contrevenants qui font simplement de l’arbitrage de leurs dépenses et il y en a de plus en plus dans ce cas. Pour les controles techniques c’est pareil.
S’il y a de plus en plus de personnes non assurées, c’est parce qu’il reste de moins en moins d’argent une fois que l’on a tout payé. Et ça s’inversera si la situation s’arrange et la réglementation n’y sera pour rien.
Celui qui stocke des feux d’artifice chez lui fait aussi un arbitrage des dépenses, surtout s’il fait ce commerce au noir.
Les comportements à risque se rencontrent beaucoup dans les entreprises quand on veut se cacher ou agir vite pour faire l’impasse sur la réglementation. Beaucoup d’employés utilisent ainsi des moyens de manutention sans avoir le permis et ils font cela en vitesse pour ne pas se faire repérer et c’est ainsi que les accidents arrivent. D’autres pays ont pris le problème par l’autre bout. En Australie il n’est pas nécessaire d’avoir un permis pour utiliser un pont roulant. C’est le responsable qui autorise les ouvriers qui n’ont pas de formation au cas par cas. Tiens c’est marrant, dans ce pays, l’assurance des dommages aux véhicules n’est pas obligatoire. Le dommage aux personnes est quant à lui payé directement à l’état en même temps que l’enregistrement du véhicule qui permet d’avoir les plaques d’immatriculation.
Le vivre ensemble m’a tué !
Après le manger bouger.com, le tout va bien en musique sur Gulli, j’ai essayé de lire le manuel à usage des parents accompagnant le sacro-saint cahier des devoirs de vacances.
Première ligne : il est important que vous compreniez que le « vivre ensemble » est le plus important…blabla. Le petit fascicule en question est allé directement à la poubelle. Dommage, il y avait peut-être un truc intéressant après.
Un truc comme : la solidarité conduit inexorablement à l’appauvrissement du peuple au profit de l’enrichissement de la caste politique.
Non, que nenni. Alors je me suis mis en mode projection. Le devin qui est en moi a une petite tendance à se faire entendre ces jours ci, où, mes finances s’érodent au point que je vais certainement devoir emprunter pour payer mon dû au TP. Car n’oublions pas qu’au départ, l’impôt librement consenti et raisonnable, est progressivement devenu un parpaing de béton sur la tête du pauvre (et du riche) citoyen. C’est là que l’Etat dans son immense bonté a pensé aussi aux lois.
En effet, un pauvre, doit lui aussi subir les lois. Par exemple on va lui expliquer le pourquoi du comment d’installer des capteurs solaires sur son toit, acheter une voiture turbo diesel-hybride faite au japon. Enfin, toutes ces petites attentions si utiles au pauvre qui n’arrive même pas à manger un fruit, ou un légume par jour.
Le vivre ensemble m’a tué. La solidarité m’a épuisé. Le collectivisme va me conduire, va nous conduire, au vivre seul et pauvre. Car, ne croyez pas que l’Etat va nous lâcher comme ça. Non, dans son immense bonté, il va continuer à nous protéger du bonheur et de la richesse. Des fois que l’on trouve une idée pour s’en sortir ! Non mais, des fois.
Demain, nous rentrons dans l’air du survivalisme. Certains pays font leur stock d’armes (Corée du nord, Urss, Chine…). De notre côté nous continuons à nous isoler, à nous appauvrir. Nous avons des Ministres très vigilants. C’est incroyable d’avoir autant de vision d’avenir. On pourrait même se demander si sans eux, nous ne serions finalement pas trop riches. Riche de culture, riche de saine concurrence, riche d’argent. Riche d’amour, de vrai partage. A vouloir rendre les gens vertueux par la force nous avons aujourd’hui un peuple de zombies commandé par une caste de guignols.
Donc demain sera pauvre à plus d’un titre. L’austérité qui n’a pas encore commencée va se répercuter à toutes les strates de la société. Les fonctionnaires qui sont largement la bouée de sauvetage de la France au niveau des chiffres (PIB, emploi, croissance) vont être explosés. Le bateau pneumatique Français va subir une crevaison assez rapide à partir de ce moment.
Le secteur privé est depuis longtemps en ruine. L’industrie est ailleurs. Les riches, y en a pu. Il nous restait les fonctionnaires. Hélas, comme plus personne ne peut payer pour eux et qu’ils ne produisent rien. Ni en argent, ni même en service de qualité utile aux Français, l’explosion est inévitable.
Alors, oui, mais quand ? D’après mes calculs très sommaires, basés sur une simple déduction des faits que l’on trouve de partout, la France est déjà en ruine. Par contre elle va exploser après 2017. Les patchs de colle, les rustines, les lois, les taxes sont aujourd’hui une stratégie pour se convaincre de notre existence. Donner le change au monde. Nous sommes là !
Mes petits amis, le communisme, c’est déjà maintenant. Demain sera pire.
« on a pu observer ce phénomène avec le bailout des banques aux États-Unis »
Cela me parait etre du bank bashing a deux francs, non? A ma connaissance, les actionnaires de Citibank ont ete rinces (l’action est passee de 70 a 1 dollars si mes souvenirs sont bons), l’Etat a prete a Citi (certes en prenant le risque de socialiser les pertes) puis a ete rembourse.
Le probleme est que nous etions face a un risque systemique que seul l’etat pouvait reduire en raison de sa puissance.
Ceci dit, c’est un exemple qui demonte la generalite et je n’insinue en rien que la gestion de la crise a ete parfaite (nous en serions sorti, ce qui n’est pas le cas), ni que le crony capitalism n’est pas pregnant aux US.