Alzheimer, le diabète de type 3 ?

Une nouvelle piste s’ouvre pour traiter la maladie d’Alzheimer grâce à son étude comparée au diabète.

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Alzheimer, le diabète de type 3 ?

Publié le 25 juillet 2014
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Par J. Sedra.

Alzheimer credits pattoise (licence creative commons)

Souvenez-vous : c’était en 2006, Jacques Chirac était président, Dominique de Villepin son Premier ministre déclarait la lutte contre la maladie d’Alzheimer Grande cause nationale pour 2007.

Avec 800 000 malades diagnostiqués et plus de 200 000 nouveaux cas par an rien que pour la France, nous faisions alors face à une épidémie d’une maladie horrible, détruisant à petit feu l’essence même de ceux qu’elle frappe, érodant inexorablement leurs capacités cognitives jusqu’à les effacer, détruisant leur mémoire et leur raison de manière bien plus insidieuse que le grand âge seul, parfois même avant 60 ans.

Ce sont virtuellement toutes les familles du pays qui sont touchées aujourd’hui. L’impact de cette maladie est simplement massif. Et plus grave encore, la mortalité due à cette maladie a augmenté pendant les dernières décennies pour toutes les tranches d’âge de malades.

 

Découvrir les mécanismes de la maladie

Pour faire face, les efforts de recherche se sont concentrés sur la compréhension des mécanismes de la maladie : ses causes, ses facteurs aggravants, les étapes de sa progression et les signes avant-coureurs qui permettraient de commencer un éventuel traitement au plus tôt dans le but d’identifier les pistes les plus prometteuses pour prévenir la maladie et de tester des pistes pour traiter et peut-être un jour véritablement guérir les malades.

Pour cela deux principales approches ont été suivies :

La première approche se base sur l’hypothèse que les plaques amyloïdes toxiques qui se forment dans le cerveau, le signe le plus caractéristique de la maladie d’Alzheimer, sont responsables de la dégénérescence des neurones et donc de la perte de mémoire et démence progressive observée chez les malades.

La seconde approche consiste à supposer que ces plaques sont en réalité un effet secondaire d’un mécanisme de défense du corps contre les véritables causes de la maladie – de vraies causes qui seraient en fait à chercher du côté des troubles métaboliques et que la dégénérescence des neurones viendrait de ce que les neurones peinent de plus en plus, puis finalement échouent, à s’alimenter en énergie.

La première approche a identifié les protéines jouant un rôle dans la formation des fameuses plaques, principalement la protéine tau, et suggère de traiter les malades à l’aide de médicaments enrayant la phosphorylation de ces protéines (phénomène qui cause leur agglutinement en plaques), comme par exemple le bleu de méthylène (sous le nom commercial Rember), ou de substances bloquant l’effet toxique des plaques amyloïdes (comme l’Ebixa), ou encore d’étudier la faisabilité d’un vaccin qui entraînerait le corps à produire des anticorps spécifiques luttant contre la protéine tau.

Les chercheurs partis sur cette voie ont également identifié plusieurs variantes de gènes qui pourraient rendre certaines personnes plus susceptibles de développer la maladie que celles possédant des variantes différentes. Mis à part pour le Rember, les résultats de ces pistes ont été plutôt décevants. Les derniers travaux présentés lors du congrès international de l’Association Alzheimer à Copenhague la semaine dernière, se sont révélés également mitigés.

La seconde approche analyse la maladie par analogie avec un trouble métabolique déjà relativement bien connu en constatant la similarité remarquable entre la dégénérescence des neurones dans la maladie d’Alzheimer, et la dégénérescence des cellules beta pancréatiques dans le diabète de type 2. Elle a permis de mettre en évidence le rôle crucial que joue la résistance à l’insuline dans la destruction des neurones. Elle suggère de prévenir l’apparition de la maladie par des recommandations nutritionnelles adaptées très comparables à celles devant prévenir le diabète acquis et à traiter les malades à l’aide de substances pouvant se substituer au glucose dans l’alimentation des neurones (principalement des corps cétonés et acides gras à chaîne moyenne ou courte).

Les chercheurs suivant cette approche ont aussi identifié des liens statistiques forts entre les troubles du métabolisme (regroupant principalement obésité, diabète et hypertension) et la maladie d’Alzheimer, et identifié des substances (comme la caféine, la leptine et la vitamine D) et changements de style de vie (comme l’exercice physique régulier et la stimulation cérébrale) qui pourraient prévenir l’apparition de la maladie ou enrayer sa progression.

Cette seconde approche, celle de l’équivalence Alzheimer/diabète, avec ses avancées théoriques et résultats expérimentaux prometteurs, gagne du terrain au point que beaucoup se mettent à requalifier la maladie d’Alzheimer en diabète de type 3 ou diabète du cerveau.

En comprenant cette maladie comme une conséquence du développement progressif et auto-entretenu d’une résistance à l’insuline au niveau des neurones du cerveau, détruisant petit à petit leur capacité à utiliser le glucose comme source d’énergie (et provoquant par ailleurs l’accumulation de déchets amyloïdes sous forme de plaques), s’ouvre une autre piste thérapeutique pour espérer traiter les malades : l’utilisation d’une source d’énergie alternative pour les neurones.

 

Alzheimer et noix de coco

Ainsi dès 2007, le docteur Mary Newport rapportait les résultats du traitement expérimental par l’huile de noix de coco essayé sur son mari, touché précocement à 51 ans par la maladie d’Alzheimer et particulièrement les progrès spectaculaires qu’ils avaient obtenus en l’espace d’un mois seulement.

L’idée de base pour ce traitement est que les acides gras à chaîne moyenne et courte qui composent l’huile de coco sont absorbés par le corps et convertis par le foie en corps cétonés que les neurones peuvent utiliser directement comme source d’énergie à la place du glucose – contournant le problème de la résistance à l’insuline. Le témoignage du Dr Newport a connu un certain succès viral de popularité, entraînant d’autres témoignages positifs de tels traitements sur d’autres malades, au point que rapidement des études ont été faites pour tester le potentiel thérapeutique de l’huile de coco, d’abord in vitro et maintenant sur des malades, grâce à des initiatives de financement caritatif privé.

En dehors de l’espoir pour les malades, l’aspect le plus intéressant de ce développement est à mon sens la façon dont le dialogue entre patients et familles de patients d’un côté, et médecins et chercheurs de l’autre, a pu contourner entièrement les structures publiques de recherche (programmes de financement public de recherche, grands laboratoires pharmaceutiques travaillant de concert avec les gouvernements dans le cadre de ces programmes, et associations nationales ou internationales dirigées par des experts provenant de ces deux mondes) et proposer à l’essai un traitement potentiel.

L’échange d’information grandement facilité par l’Internet a donc permis de coordonner les actions, les moyens et les désirs des malades et de leurs familles selon leurs propres intérêts, plutôt que les obliger tous à s’en remettre entièrement à un agent central tiers pour les représenter, avec tous les risques d’aléa moral que cela implique. Nous assistons peut-être ici aux prémices d’une forme distribuée, privée et populaire de financement de la recherche, comparable à la façon dont les initiatives de financement participatif ont commencé à modifier le paysage vidéoludique.

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