Bayrou, l’homme que les idées centristes n’intéressent pas ?

François Bayrou évoque une possible « alliance » avec Alain Juppé et François Fillon. Cette main tendue à la droite est surprenante.

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François Bayrou en meeting à Toulouse (Crédits Jackolan1, licence Creative Commons)

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Bayrou, l’homme que les idées centristes n’intéressent pas ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 juillet 2014
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Par le Parisien libéral

François Bayrou CC

On ne peut qu’être soufflé à la lecture de l’interview que François Bayrou, l’homme de l’indépendance du centre version 2007, a donné au Figaro (lire Bayrou évoque une possible « alliance » avec Juppé et Fillon) et au Point (Le manifeste de François Bayrou). D’abord, pourquoi le maire de Pau, qui ne devait s’occuper que de ses sujets municipaux et locaux, vient-il nous parler de politique nationale ?

Au-delà même de l’interrogation, l’interview de Bayrou soulève trois problèmes :

  • une main tendue peu cohérente, idéologiquement parlant, avec Fillon, le surprenant néo thatchérien et tactiquement parlant, avec Juppé ;
  • son mépris du parti centriste, l’UDI ;
  • l’incohérence avec le vote « à titre personnel pour François Hollande » de Bayrou en 2012 et avec le discours de 2007.

Cohérence idéologique et tactique

Comment François Bayrou, dont chacun s’accordera à affirmer qu’il est plutôt l’héritier de la démocratie chrétienne à la française, peut-il proposer une quelconque alliance avec François Fillon, anciennement séguiniste (donc ultra républicain, laïcard et jacobin) et nouvellement thatchérien ? Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur Facebook aux échanges des derniers militants Modem pour constater l’aversion de ces derniers pour tout ce qui ressemble au libéralisme économique. François Bayrou lui-même a, depuis 2001, répété à maintes reprises qu’il était antilibéral économiquement parlant. Seuls le girondisme, le fédéralisme européen et la recherche d’un réel équilibre des pouvoirs pouvaient rendre Bayrou susceptible d’attirer les suffrages libéraux.

Quant à l’idée d’un rapprochement avec Alain Juppé, franchement, cela ressemble à une plaisanterie. Comment peut-on parler de renouveau avec celui qui fut le catastrophique premier ministre de 1995 à 1997 ? Le « meilleur d’entre nous » est celui qui, alors que la France aurait pu profiter du dynamisme d’Alain Madelin, a préféré céder devant tous les conservatismes syndicaux. De plus, le maire de Bordeaux (les habitants ont effectivement des raisons d’être satisfaits par la gestion de leur ville, notamment en matière de rénovation urbaine) est, quand même, condamné par la justice. N’y a t-il pas suffisamment de gens, à droite comme au centre, vierges en termes judiciaires pour envisager d’envoyer à la retraite tous ces politiciens du passé ? Que Juppé ait purgé sa peine est un fait non contestable, mais au moment où ce que l’élite politique appelle la « vague populiste » progresse, quel intérêt tactique y a t-il à vouloir mettre sur le devant de la scène des gens qui alimentent l’idée du « tous pourris » ?

Mépris de l’UDI

S’il y a bien des gens qui doivent se mordre les doigts d’avoir remis en selle Bayrou, c’est Borloo et l’UDI. Dans les deux interviews sus-mentionnées, il n’y a pas un mot pour l’UDI, Borloo et les autres leaders centristes. Rappelons quand même que si on accepte la théorie de l’axe gauche-droite (avec toutes ses limites), l’UDI, le parti de centre-droit, se trouve justement entre le Modem (« centre ») et l’UMP (« droite »). Certains disent que le Modem est indispensable à l’UDI pour la réussite du centre. C’est pourtant inexact. Les élections européennes, une déception pour les centristes, ont surtout servi à préserver le siège de Marielle de Sarnez et à donner une visibilité nationale à François Bayrou. À Paris lors des municipales 2014, les militants UDI ont bien constaté que le Modem n’avait absolument pas été une valeur ajoutée à la soi-disant « union de la droite et du centre ». Le Modem était à terre en 2012 après la présidentielle, surtout parce que François Bayrou, concentré uniquement sur la présidentielle, avait échoué à créer un vrai parti, qui ne soit pas qu’un fan club. Jean-Louis Borloo, lui, avait prolongé la vision de gens comme Hervé Morin qui voulaient un positionnement clair (au centre-droit) et effectué un vrai travail de construction d’un parti politique, avec ses réseaux d’élus et de militants. La main tendue à Bayrou aura été une erreur fatale : le Modem ne cherche pas à rejoindre l’UDI mais à la préempter.

Incohérence avec le vote « à titre personnel pour François Hollande »

Le plus gros reproche que l’on peut faire à François Bayrou est son inconsistance en matière de positionnement. Comment peut-on se tourner vers ce qui semble être une droite « centriste compatible » que représenteraient Fillon et Juppé, après non seulement avoir critiqué la création en 2007 du Nouveau Centre (qui voulait un centre tourné vers la droite) puis décidé de voter Hollande en 2012 ?

Nombreux, y compris les libéraux, seront d’accord pour dire que la candidature du « socialiste de droite » en chef, Nicolas Sarkozy, était insupportable. En effet, Nicolas Sarkozy a étendu de manière hallucinante les pouvoirs de l’État (extension du domaine d’application du secret défense, création de nouvelles taxes, poursuite des recrutements de fonctionnaires) tout en préparant le terrain pour la gauche, ultra étatiste (hausse d’impôts, vote de lois liberticides).

Mais, si on critique Sarkozy, comment peut-on soutenir Hollande ?

Par définition, Hollande ne pouvait qu’être pire que Sarkozy, puisque le socialiste se réclame ouvertement d’une famille politique pour qui l’État est l’alpha et l’omega de la politique. De plus, Bayrou n’est pas un bleu en politique. Il ne pouvait donc pas ignorer que sous ses airs de fils à papa éduqué dans les meilleures écoles de France, et de gauche bon teint, Hollande était tout aussi bling bling que Sarkozy.

img contrepoints455 BayrouBayrou aurait tenu une position honorable, tout en étant fidèle à sa vision du centre, ni à gauche ni à droite, s’il avait affirmé, à l’issue du premier tour des présidentielles, qu’il irait voter blanc car ni Sarkozy ni Hollande n’étaient des personnalités convenables pour la France.

Clairement, il y a un problème avec la classe politique française. L’interview de Bayrou n’apporte aucun début de solution. La politique française souffre du bipartisme, et il serait bon que nous commencions par avoir des partis politiques d’idées, et non pas des coalitions de gens que tout opposent.

Plutôt que les menteurs actuels, qui disent certaines choses pour être élus puis font autre chose une fois élus, voici une répartition qui permettrait d’envisager un positionnement doctrinal clair :

  • Anti-libéralisme d’extrême-gauche et/ou nationaliste (Marine le Pen, Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, Cécile Duflot, Jean-Jacques Candelier, Christian Eckert, Benoit Hamon, Alexis Tsipras)
  • Social-démocratie (Jean-Vincent Placé, François Bayrou, Bernard Cazeneuve, Axelle Lemaire, Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), Martin Schulz…)
  • Écologie (Chantal Jouanno, François de Rugy, Bertrand Pancher, Nicolas Hulot, José Bové, Ska Keller…)
  • Centristes et libéraux démocrates (Fleur Pellerin, Jean-Christophe Fromantin, Hervé Morin, Denis Payre, Aurélien Véron, Laure de la Raudière, Bruno le Maire, Guy Verhofstadt…)
  • Conservateurs (Yves Jego, François Fillon, Christian Vanneste, Michèle Alliot-Marie, Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan, Marion-Maréchal le Pen, Jean-Claude Juncker…)
  • Anti-libéralisme d’extrême droite et/ou nationaux-socialistes (Guillaume Peltier, Henri Guaino, Jean-Marie le Pen, Fabien Engelman …)

Pour Bayrou, manifestement et au vu de ses dernières interviews, les idées comptent moins que les combinazione de baby boomers qui ont essayé, et qui ont échoué. Dommage. Mais tellement révélateur d’une classe politique périmée. Au vu des espoirs que Bayrou aura soulevés en 2007, c’est d’autant plus regrettable.


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  • Ce gars Bêle-rou est un sans-idées, prêt à tourner casaque afin de rester dans la course aux voix.
    Un homme comparable à la fleur de tournesol pivotant pour rester sous le feu des projecteurs. Un coup vers la gauche décrépie, un coup vers le centre, un coup vers la droite. Ding-dong font toutes les cloches.

    Effectivement, Borloo et UDI doivent s’en mordre les doigts. Ne le connaissaient-ils dès avant l’alliance ?
    Le pire reste de constater la frange (étroite) de français qui lui témoigne un grain de confiance !

  • L’alliance de Bayrou avec Fillon est contre nature, je partage votre avis. Pour le reste, l’UDI reste une vaste fumisterie. Un parti d’élus sans réels militants, qui se veulent résolument centristes, mais qui n’imaginent pas être autre chose que des supplétifs de la droite. Comme l’étaient l’UDF puis le Nouveau Centre. D’ailleurs, leurs succès électoraux aux municipales n’ont été possibles qu’avec le soutien de l’UMP dans le cadre de rassemblement large de la droite et du centre (Nancy, St Etienne, Bayonne, Amiens et Pau). Pour autant, les « cadors » du parti ne veulent pas d’un retour du MoDem et surtout de Bayrou dans la nouvelle formation centriste (exception faite de Jean Arthuis), de peur de perdre leur leadership. Hervé Morin, J-C Lagarde, L. Hénard et les autres se battent actuellement comme des chiffonniers pour la tête d’un parti en manque cruel d’un leader charismatique depuis le retrait de Jean-Louis Borloo. S’agissant des européennes, les meneurs du Nouveau-Centre et du Parti Radical ont beaucoup dit après coup tout le mal qu’ils pensaient d’un MoDem trop gourmand, qui a maintenu ses quatre sièges sortant. Oubliaient-ils que lors du précédent scrutin, le Modem faisait 10% des voix tout seul quand les autres « centristes » ne devaient leurs siègent qu’à l’UMP et aux listes communes? Le coup de poker de Bayrou de 2012 a été un échec qui lui collera longtemps à la peau. Reste que le MoDem est avant tout un parti de militants et de sympathisants (sans élus) quand le nouveau-centre et le parti radical sont des partis d’élus sans militants. S’ils avaient eu le courage ces dernières années d’aller au feu des élections par eux mêmes sans retrait de l’UMP, ils auraient connu la débâcle et ils le savent. D’où le besoin, au fond, de recoller avec le MoDem pour espérer faire des scores à deux chiffres. L’espace du centre-droit est en pleine mutation. La tentation de l’extrême fait bouger les lignes. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de voir les républicains et les modérés nouer des alliances. Quant à l’UDI, nulle doute qu’elle saura se vendre avec le plus offrant le moment venu. Comme d’habitude. Et tant pis si pour les incohérences idéologiques (Borloo l’humaniste qui a quand même été membre des gouvernements de Sarkozy!), du moment qu’on leur offre de bons portefeuilles!

  • il y a un truc que je ne comprends pas dans votre schéma quel différence entre le premier point et le dernier point ????
    Jean-Marie le Pen n’a jamais été un vrai libéral (contrairement à ce que prétendent certains gauchistes) mais il était poujadiste. ceci dit économiquement le fn de son temps était un des partis les plus libéraux en france (ce qui je vous l’accorde ne veut pas dire grand chose). il y avait certains libéraux conservateurs au sein du fn meme si le fn était sur de nombreux points incompatibles avec le libéralisme (protectionnisme, racisme,…). mais je ne vois pas en quoi jean marie lepen est un antilibéral.

    • parce que dans votre premier point, ce sont les Anti-libéralisme d’extrême-gauche et/ou nationaliste or si on est antilibéral nationaliste c’est qu’on est national socialiste. marine lepen est clairement une fervente national socialiste

  • pour moi, Écologie= nouveau communisme. c’est une nouvelle facon d’attaquer et de critiquer le capitalisme. toutes les critiques marxistes, communistes du capitalisme se sont révélés fausses alors les anticapitalistes ont utilisé l’écologie pour s’attaquer au capitalisme.

    • La preuve : Greenpisse accorde un satisfecit à la Chine pour … ses engagements de faire plus de renouvelables et moins de centrales à charbon.

      Dans le même temps, les mêmes mettent à l’index l’Europe sur les centrales à charbon

    • Oui, c’est la nouvelle gauche. L’ancienne se retrouve dans le capitalisme où se mélange désormais les grandes industries et les états qui se retrouvent avoir en gros les mêmes contraintes et mêmes objectifs. Les circuits de financement sont aussi quasiment les mêmes et les administrateurs passent de la gestion de grandes entreprises à la gestion des institutions. La gauche socialiste est désormais dans le camp des conservateurs capitalistes avec l’UMP, l’UDI et compagnie.
      Les écologistes ne sont néanmoins pas complètement libérés de la pensée traditionnelle du territoire, de l’administration centralisée des socialistes, de l’approche ascétique et de la nature authentique qu’on retrouve à l’extrême-droite et de l’humanitarisme des partis traditionnellement d’extrême gauche (qui se retrouve à défendre désormais la reterritorialisation de l’économie, l’écroulement de l’organisation sociale à des interactions interpersonnelles, et la rematérialisation des transferts de propriété… le programme habituel de l’extrême droite, qui prend différentes formes à travers l’Histoire).

      Nous avons clairement besoin de clarifier les positions de chacun par rapport aux problématiques de notre époque plutôt que par rapport à celles du 20è siècle. La seule tendance remettant en cause le clivage du 20è siècle et qui arrive à se faire entendre se projette hélas au mieux dans le 19è siècle. On n’y arrivera pas de cette manière.

  • Le PS est en déroute. Comme le FN, c’est hors de question pour lui, il ne lui reste qu’une alliance avec l’UMP.
    Les « idées » n’ont rien à voir là-dedans…

  • Tous prêts à tout pour prendre le pouvoir et les privilèges qui vont avec. Comment les français peuvent-ils être aussi aveugles ? la seule raison dans le fond c’est que le pays entier veut sucer au biberon, sauf que le biberon quand personne ne le remplit se vide… à quand les dernières gouttes ? suis-je bête ! la faute au néo-ultra-hyper-mega-sauvage libéralisme évidemment !

  • Je ne suis pas d’accord avec la grille finale de cet article.
    Je pense qu’il serait plus clair de rassembler tous les étatistes-industriels qui œuvrent pour la centralisation en générale (des capitaux, des administrations, des moyens de production… etc.). Il n’est plus non plus intéressant de faire la disctinction entre ces deux anti-libéralismes d’extrême-gauche ou d’extrême-droite qui en fait se rassemblent sur l’idée du territoire, de la frontière, de la matérialité des échanges et une idée d’authenticité de la personne (et la condamnation de toute forme de versatilité).
    En ce qui concerne l’écologie… je crois qu’il faut faire la distinction entre ceux qui ont des préoccupations écologistes dans une approche politique générale qui est ailleurs et ceux qui ont une approche écologique de la politique, disons entre ceux qui prônent une politique écologique de l’industrie et ceux qui veulent se projeter dans la post-industrie (qu’ils considèrent comme étant forcément écologique).
    A partir de là le positionnement de Bayrou et de Borloo soit disant entre 2 partis qui, à leur tête au moins, veulent conduire exactement la même politique n’est pas tenable : on ne peut pas être « entre » une seule et même chose, au mieux on en fait partie, il s’agit ici de jouer la comédie d’un ancien clivage.

  • Les commentaires sont fermés.

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