Thomas Piketty prend quelques libertés avec l’Histoire

Dans son ouvrage, Piketty commet quelques arrangements avec l’histoire fiscale américaine qui servent son propos. Exemple.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Le Capital au XXIe siècle, par Thomas Piketty (Tous droits réservés)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Thomas Piketty prend quelques libertés avec l’Histoire

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 juin 2014
- A +

Par Robert P. Murphy, depuis les États-Unis.

Le Capital au XXIe siècle, par Thomas Piketty (Tous droits réservés)Plus je lis Le capital au XXIe siècle de Thomas Piketty, plus je le trouve mauvais. Prenez ce passage :

Il faut également ajouter la violence extrême de la crise des années 1930 aux États-Unis, ce qui conduit très vite à la mise en accusation des élites économiques et financières, dont il apparaît de plus en plus clairement aux yeux de l’opinion qu’elles se sont enrichies tout en conduisant le pays au désastre (rappelons que la part des hauts revenus dans le revenu national américain atteint des sommets à la fin des années 1920, notamment du fait de plus-values boursières mirobolantes). C’est dans ce contexte que Roosevelt arrive au pouvoir au début de l’année 1933, alors que la crise dure déjà depuis plus de trois ans et qu’un quart du pays est au chômage. Il décide immédiatement de relever fortement le taux supérieur de l’impôt sur le revenu, qui avait été abaissé à 25% à la fin des années 1920 et sous la désastreuse présidence Hoover, et qui passe à 63% dès 1933, puis à 79% en 1937, dépassant ainsi le précédent record de 1919. [p. 818]

Je ne veux pas être pointilleux, mais cette historique de l’impôt est totalement fausse. Voici la véritable historique du taux supérieur de l’impôt fédéral sur le revenu, par le Tax Policy Center :

2014.05-Top-US-PIT-rate

La colonne qui nous intéresse est la seconde en partant de la droite. Quelques remarques:

(1) Le taux supérieur est abaissé à 25% en 1925, pas vraiment « à la fin des années 1920 » et certainement pas par Herbert Hoover. (Je pense que le bref passage à 24% en 1929 était un ajustement ponctuel de la surtaxe, mais je ne suis pas certain et je ne compte pas vérifier maintenant.)

(2) Le taux supérieur a été relevé à 63% en 1932, et non en 1933, et l’a été par Herbert Hoover, pas par Franklin Roosevelt. (Notez que le taux de 63% s’applique à l’année fiscale 1932, donc on ne peut pas excuser Piketty en disant qu’il parlait de la première année d’effet et non de passage.)

(3) Le taux supérieur a été relevé à 79% en 1936, pas en 1937. (Si vous voulez une autre référence, cette page confirme que le taux à 79% commence en 1936.)

Si Piketty ne s’était trompé qu’une seule fois d’une année, je l’aurais excusé en disant qu’il s’est peut-être trompé en interprétant le fonctionnement de la législation fiscale américaine. Mais dire (ou n’a-t-il fait qu’insinuer ?) que c’est Hoover qui a abaissé le taux à 25% est absurde; Hoover n’a pas été investi avant mars 1929, et le taux a été abaissé en 1925.

De plus, notez que ce n’est pas une erreur quelconque de la part de Piketty : au contraire, elle sert son propos. Il serait très commode pour le récit de Piketty que le Président de droite pro-business Herbert Hoover diminua les impôts pour accroître les revenus des 1%, créant ainsi une bulle/crash et la Grande Dépression. Alors vint Roosevelt, qui sauva le monde en remontant les taux. Hélas, comme je l’ai dit, ce n’est pas ce qui s’est passé.

Résumons :  Ce bestseller n°1 sur Amazon est un essai décrivant un mécanisme théorique qui explique comment les taux d’intérêt interagissent avec la croissance du PIB pour produire une part croissante de revenu du capital, et ceci est incorporé dans ce qui est (nous dit-on) une analyse historique magistrale de la politique fiscale et de la répartition des revenus. Nous avons vu pour l’instant que :

(a) Le cadre théorique de Piketty souffre d’une confusion élémentaire, à tel point que Nick Rowe a déclaré en commentaires ici que : « Si un économiste écrit un livre entier sur le capital et la répartition fonctionnelle du revenu, on pourrait penser qu’il comprend, au minimum, les bases de la théorie du capital et de l’intérêt. Ce n’est pas son cas. Bob (nb : Robert Murphy) a entièrement raison. Comment peut-on prendre ce livre au sérieux ? »

(b) Piketty ignore absolument tout de la « controverse des deux Cambridge ».

et

(c) Piketty bâcle ses recherches, d’une manière qui sert son propos.

Mais tout va bien. Il nous donne un prétexte scientifique pour dépouiller les riches. Pourquoi laisser ces arguties nous gêner dans notre quête de pillage du monde ?


Sur le web. Traduction : Cédric Salvador.

Retour au sommaire de l’édition spéciale « Piketty superstar ? »

Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)
  • « Mais dire (ou n’a-t-il fait qu’insinuer ?) que c’est Hoover qui a abaissé le taux à 25% est absurde; Hoover n’a pas été investi avant mars 1929, et le taux a été abaissé en 1925. »

    Ayant suivi (ponctuellement) un enseignement universitaire de l’économie en France, je confirme que c’est de cette manière mensongère que m’a été présentée l’histoire économique des USA des années 20 à 40.

    Nos intellectuels locaux semblent avoir un besoin irrépressible de maintenir, à n’importe quelle approximation et n’importe quel mensonge près, ce mythe d’un « Hoover do-nothing aggripé au laissez-faire » (alors que Hoover a été le vrai pionnier de l’interventionnisme économique aux USA) V.S. un « Roosevelt de la relance » (élu sur la promesse de maîtriser les dépenses publiques… mais les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, hein) qui aurait magiquement stoppé la Grande Dépression (il l’a en fait prolongée).

  • oui Piketty comme les climatologues commence par poser les conclusions puis bricole les données pour se justifier

  • C’est surtout amusant de voir qu’il ne parle pas du taux d’imposition du capital qui avait été abaissé jusqu’à 25%. A l’époque, beaucoup ne se rémunérait pas en salaire.

    http://www.edgepoint.com/articles/Capital-Gains-Taxes-Paying-Uncle-Sam-Less

  • Pour le taux à 79 %, il y avait, il me semble, qu’un seul contribuable concerné : Rockfeller.

  • Et, autre detail de cette table, le taux de 79% s’applique a partir de 5 millions de dollars de revenu. Selon les calculs, ca correspond fait a un revenu aujourd’hui d’entre 50 et 200 millions de dollars.

  • En analysant bien le tableau, on voit aussi que Roosevelt n’a pas seulement augmenté le taux le plus haut, mais presque quadruplé le taux le plus bas (de 1.125 à 4% !). Merci pour les pauvres…
    On voit que le but était de remplir les caisses de l’État avant tout.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
1
Sauvegarder cet article

Thomas Piketty récidive

Par George Leef.

L'économiste Thomas Piketty est devenu internationalement célèbre avec la publication en 2014 de son livre Le capital au XXIe siècle. Les gauchistes se sont empressés de l'adopter car il prétendait prouver que l'écart entre les riches et les pauvres continuerait à se creuser (voire s'accélérerait) si les politiques gouvernementales de redistribution des revenus n'étaient pas renforcées. Si les progressistes ont loué le livre, les observateurs du marché libre ont estimé qu'il s'agissait de beaucoup de bruit pour rien - ... Poursuivre la lecture

Par Michel Albouy.

Nourris à l’idée que la domination blanche impose ses règles de fonctionnement dans tous les domaines de la vie (de l’économie à la cuisine en passant par le code vestimentaire) aux populations dominées, ils estiment dans la lignée de l’approche marxiste que les populations souffrant de la domination blanche que l’économie de marché et le capitalisme ne sont que des instruments de pouvoir pour les asservir.

Au passage, certains économistes n’hésitent pas à affirmer que la richesse des pays occidentaux s’est co... Poursuivre la lecture

Par Nathalie MP Meyer.

« Que faire de la dette Covid-19 ? » Ainsi s’interrogeait récemment notre star mondiale de l’économie Thomas Piketty dans sa dernière chronique mensuelle pour le journal Le Monde. Excellente question. Quant à sa réponse, nul besoin de lire l’article pour la deviner à coup sûr tant ce sujet a tourné chez lui (et quelques autres) à l’obsession égalitariste : il faut taxer, retaxer et surtaxer encore plus les riches !

La tribune de Piketty, quoique assez embrouillée dans sa description des causes et des effet... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles

Créer un compte

Vous avez déjà un compte?

Personnalisez votre Feed

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Recevez le meilleur de l’actu libérale dans votre boite de réception

Inscrivez-vous à notre newletter quotidienne