Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas du pouvoir (1)

Les philosophies libérales ont fondé une compréhension du pouvoir essentiellement orientée sur la force, impropre à nous rendre plus libre.

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Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas du pouvoir (1)

Publié le 28 mai 2014
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Par Aurélien Biteau.

pouvoir au peupleEn 1850, Frédéric Bastiat publiait l’un de ses derniers textes : Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. L’idée générale de cette courte leçon d’économie est aussi simple que géniale : les événements économiques, qu’il s’agisse de choix individuels, de politiques économiques ou bien d’accidents, ont des effets immédiatement visibles qui peuvent nous tromper sur le bienfait ou le méfait de l’événement, parce qu’il existe aussi des effets invisibles et plus diffus qu’il faut absolument prendre en compte dans notre jugement.

Cas célèbre de la vitre cassée : si on me casse une vitre, alors je vais devoir en racheter une, et grâce à ma vitre brisée, l’industrie vitrière va avoir du travail et s’enrichir. En cassant la vitre, on voit bien qu’on fait vivre l’industrie. C’est ce qu’on voit.

Seulement, ce qu’on ne voit pas, c’est que la somme que je vais dépenser pour acquérir une vitre que je possédais déjà avant qu’on la brise, je ne pourrai plus la dépenser dans d’autres industries qui m’auraient permis d’accumuler un certain capital. C’est aux dépens de l’industrie de la chaussure ou bien de l’industrie du livre que je dois faire une dépense de reconstitution de mon capital. Détruire ma vitre ne m’a pas rendu plus riche, mais en plus, cette destruction s’avère défavorable à toutes les industries qui pouvaient vivre sur la croissance du capital.

Il s’agit d’une des plus simples mais aussi une des plus grandes leçons de la science économique qui nous fait voir combien « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

Grâce à cette leçon de Bastiat, les libéraux sont devenus très éclairés sur les phénomènes économiques, voyant précisément ce qui ne se voit pas, ou bien ce que d’autres refusent carrément de voir.

Mais voilà, si les libéraux ont très souvent des intuitions lumineuses en science économique, il est malheureusement aisé de constater que ces mêmes libéraux virent dans l’obscurité quand il s’agit de comprendre le pouvoir – ce qui ne manque pas de sel quand on se veut défenseur de la liberté. Je me permets de faire l’emprunt de la célèbre formule de Bastiat pour l’appliquer au pouvoir : le pouvoir, comme l’économie, est un ensemble de phénomènes pour lesquels il existe des effets immédiatement visibles et d’autres effets invisibles et diffus. C’est-à-dire que pour le pouvoir, il y a aussi ce qu’on voit et ce qu’on ne voit. Or il me semble que les libéraux se sont trop attachés à ce qu’on voit du pouvoir sans en voir, ou parfois sans vouloir voir, ce qui précisément ne se voit pas du premier regard.

Voilà donc l’objet de mon article : essayer de mettre en évidence ce qui se voit et ce qui ne se voit pas du pouvoir, et les conséquences importantes que peut avoir le mépris de ce qui ne s’en voit pas.

Ce qu’on voit du pouvoir

Ce qui se voit immédiatement du pouvoir, c’est ce avec quoi il est trop souvent confondu, à savoir la force. Avoir la force, c’est avoir le pouvoir, dit-on, et vice versa : celui qui a le pouvoir, c’est celui qui a la force. En utilisant la force, j’obtiens les effets que je souhaite voir se réaliser. Ceci est vrai pour les choses physiques : c’est bien par ma force que j’enfonce le clou dans la planche avec l’aide du marteau. Et ceci est vrai pour les relations humaines : en menaçant autrui avec un pistolet, j’obtiens de lui à peu près tout ce que je veux, du moins tout ce qu’il peut réaliser de par ses propres forces.

La force est donc l’élément le plus visible du pouvoir. C’est sur l’étude de cet élément très visible que s’est constituée la philosophie libérale.

Aux origines du libéralisme : l’état civil comme limitation de la force

Prenons d’abord Hobbes : dans l’état de nature, les hommes disposent de droits naturels infinis, qui sont tout ce que leur puissance peut leur offrir, afin de se préserver. Droit et force font donc tout un, et ce n’est pas pour rien que l’état de nature est un état de guerre. Et c’est donc bien sur la force que le pouvoir civil s’établit : par le contrat social, chacun abandonne ses droits (à l’exception, en dernier ressort, du droit de se préserver qui justifie le contrat social) à un souverain qui concentre ainsi toute la puissance du corps social constitué. C’est par cette concentration de la force dans une seule main que s’acquière la liberté de chacun : la force et donc le pouvoir se trouvent limités dans leur diffusion. Certes, on peut dire que Hobbes a eu tort de souhaiter restreindre le pouvoir par une restriction de sa diffusion plutôt que par la réduction de la force, mais toujours est-il que Hobbes, précurseur évident du libéralisme, a cherché à limiter le pouvoir par un genre précis de limitation de la force en vue d’obtenir la liberté, la sécurité et la prospérité.

Avec Locke, les droits de l’état de nature sont moins la force elle-même que le pouvoir d’en user : c’est pourquoi l’état de nature n’est pas tant un état de guerre qu’un état d’injustice. Lorsque je suis privé de mes pouvoirs par la force d’autrui, je ne peux pas, à l’état de nature, obtenir réparation sans user moi-même de la force, à supposer que j’en ai. Par conséquent, le contrat social permet d’instaurer un état civil fondé sur la réparation des pouvoirs : grâce à un tiers qui est le pouvoir civil, j’obtiens réparation de mes droits bafoués en obtenant de pouvoir utiliser à nouveau ma puissance restituée : on me rend ma propriété violée. Le pouvoir civil n’a pas une force illimitée, mais il dispose de la force du corps social en vue d’obtenir le respect des droits naturels de chacun. Davantage qu’une restriction de la diffusion de la force telle que l’avait prescrite Hobbes, Locke réduit l’utilisation de la force par des conditions imposées à son usage.

On peut douter cependant de l’effet de cette restriction, car pour peu que l’on ne respecte pas les conditions de papier de Locke, nous voilà revenus chez Hobbes, sans doute plus juste et rigoureux que Locke dans sa construction géométrique de l’état civil – aussi stérile que puisse être cette façon de raisonner.

À la suite de Locke, le libéralisme classique a choisi sa voie : contre Hobbes, ce qui importe pour obtenir la liberté de ses propres pouvoirs, c’est-à-dire le respect de ses droits naturels – quelle inféconde et dangereuse conception du droit ! – c’est d’avoir un État certes plus fort que chaque individu du corps social, mais dont l’usage de la force est limité par le respect de ces droits naturels. C’est le cas, par exemple, de Bastiat, mais aussi de tout le courant constitutionnaliste de la fin du XVIIIè siècle.

Trois ans après la DDHC de 1789, nous avions la Terreur. Puis Bonaparte, puis un État qui n’a jamais cessé de croître jusqu’à nos jours. Même aux États-Unis. Cette philosophie du contrat social, toute entière fondée sur les couple liberté-force et individus-État, enfermant le pouvoir dans la seule force, dans le « monopole de la violence légitime », se vouait à l’échec, et pourtant, des esprits comme Burke avait averti ses défenseurs. Le libéralisme classique s’était montré incapable de rendre compte du pouvoir auquel il ouvrait tout grand les portes, à l’opposé de ses intentions ! Il faut donc que nous, libéraux d’aujourd’hui, sachions être davantage critiques de ces prémices de la tradition libérale, plutôt que de lui vouer une admiration béate, ou de la remettre au goût du jour en la travestissant totalement (non, les libertariens ne sont pas les continuateurs de Locke).

La philosophie libérale de l’Histoire : mécanique de la force et dialectique de la liberté

Suite à ces premières heures du libéralisme vint le grand siècle de la philosophie de l’Histoire, à savoir le XIXè siècle. Cette philosophie s’est principalement caractérisée par la tentative de faire la genèse du présent par l’intermédiaire d’une loi de l’Histoire, d’une mécanique de l’Histoire, expliquant tout le passé par les effets nécessaires de cette loi : cherchant à rationaliser l’Histoire, à disqualifier le passé au profit du présent, à réduire les évolutions sociales à des déterminismes « physiques », elle se perdait d’emblée dans les limbes du rationalisme au mépris aussi bien de la liberté humaine que de la complexité de l’ordre social. Suite à Giambattista Vico, Hegel, Marx ou Comte furent d’éminents représentants de la philosophie de l’Histoire, chacun à sa manière. Ces noms sont vivement critiqués par les libéraux, et pourtant, on trouve au XIXè siècle la même passion pour la philosophie de l’Histoire chez des libéraux qui ont cédé à l’esprit de leur siècle : Gustave de Molinari, Herbert Spencer, Franz Oppenheimer ou autre Lord Acton, nombreux sont ceux qui se sont épris d’une volonté de déterminer la loi de progrès des sociétés humaines, loi nécessaire, intangible, mécanique.

Dans ce courant libéral de la philosophie de l’Histoire, qui fait malheureusement encore des ravages aujourd’hui, se définit une vision progressiste de la liberté : l’Histoire est une évolution de la société humaine vers l’acquisition de la liberté par limitation de la force. Il y a une mécanique de la force, une dialectique de la liberté qui expliquent le développement progressif de l’idée de liberté : l’Histoire n’est pas qu’un vaste ensemble de faits passés, il y a en son sein une loi qui les explique tous, une loi propice à la liberté.

Prenons comme exemple Grandeur et décadence de la guerre de Gustave de Molinari : au commencement des premières sociétés humaines, certains hommes se sont spécialisés dans l’utilisation de la force. Ils ont utilisé cette force contre les autres hommes dont la production était autre. C’est ainsi que sont nés les premiers chefs : le chef, c’est celui qui exploite la production d’autrui par l’utilisation nécessaire et judicieuse de la force. Voilà comment seraient nées les sociétés humaines. Et c’est d’ici que provient la grandeur de la guerre : car ces chefs furent à la fois des exploiteurs et les protecteurs de ceux qu’ils exploitaient. En effet, face aux agresseurs extérieurs, face aux autres chefs spécialisés dans l’usage de la force, ils ont pu défendre les leurs. Et quand ils ne le purent, les exploités passaient sous la coupe des plus forts, ce qui leur offrait davantage de protection. Forme de darwinisme : l’évolution sociale s’explique par la sélection des plus forts.

C’est parce qu’il y a cette sélection par la force que s’explique la croissance de la force au cours de l’Histoire, l’accroissement des armées, de la puissance destructive des armes et des appareils administratifs d’État. Et c’est pourquoi il y a désormais décadence de la guerre : la force est devenue si puissante que ses manifestations sont implacablement destructrices des productions. La guerre n’est plus simplement conquête et protection des exploités, qui jouissent de la sélection des plus forts par une meilleure protection : elle est maintenant destruction pure et simple de la production des exploités et ne profite donc plus à personne. C’est pourquoi les appareils de la guerre sont amenés, selon de Molinari, à disparaître dans la mesure-même où il ne peut plus y avoir d’agresseurs.

Grand succès encore de cette philosophie ! Quelques décennies après l’ouvrage de Gustave de Molinari, deux guerres mondiales fondées sur des idéologies et des processus diplomatiques complexes venaient porter un coup terrible à tous les progressistes du XIXè siècle : peut-être qu’il n’existe rien de tel qu’une mécanique de la force ou de la liberté, et que le pouvoir est une chose autrement plus complexe qui ne se laisse pas prendre dans le réductionnisme scientiste d’une loi de l’Histoire. En se concentrant sur la force, par cette physique de la force, de Molinari est passé à côté de l’Histoire elle-même dont il ne peut finalement rien nous dire : il ne peut pas la restituer telle qu’elle se présente à l’historien, ni en expliquer la grande richesse et la grande diversité. Qu’en dirait d’ailleurs un Pierre Clastres et nombre d’anthropologues, qui ont maintes fois démontré que le chef n’est pas toujours celui qui exploite, mais souvent celui qui est exploité et toujours sous la menace de la société ?

Les libéraux sont prompts à incendier le constructivisme des autres, mais qu’ils prennent garde : nous prenons trop de plaisir à céder aux excès du rationalisme, en aimant reconstruire la société, reconstruire l’État, et reconstruire l’Histoire !

Les néolibéraux : régression de la philosophie du pouvoir

Au cours du XXè siècle, par bonheur, la philosophie de l’Histoire tombe assez en désuétude. Mais chez les libéraux, c’est un autre excès qui prend place : face à la montée des totalitarismes et l’accroissement terrible de la puissance des États, les néolibéraux et les libertariens perdent beaucoup en recul et se concentrent trop sur les objets propres à la modernité. L’État, la société civile, la politique économique et sociale, la législation, autant d’objets modernes qui deviennent le cœur de la réflexion libérale. Les contours-mêmes de la modernité ne sont plus perçus, et on ne voit plus ce qu’il peut y avoir au-delà de ces contours. Le pouvoir est donc étudié dans toute sa modernité, mais sans conscience de cette modernité. On réfléchit sur le bon État (ou sa disparition pure et simple), la bonne politique économique, la bonne politique sociale, la bonne place de la société civile, la bonne législation, et on ne voit pas qu’État, politiques économique et sociale, société civile, législation et leurs rapports sont déjà en eux-mêmes des produits et des champs particuliers qui doivent s’étudier en soi, parce qu’ils impliquent d’eux-mêmes certains types de pouvoir qui pourraient nous être invisibles sans conscience de la nature-même de ces objets.

Jusqu’à un certain point, usant abondamment d’une foi scientifique à la limite de virer au scientisme pur et simple (et de fait, la philosophie fut étouffée par l’économie et les sciences sociales), certains néolibéraux ont carrément cessé de s’intéresser au pouvoir, en portant leur attention sur la liberté de choix, la prospérité, le marché, l’équilibre des instituions, etc. Ce qu’ils n’ont pas vu, c’est que précisément ces champs de réflexion rendent le pouvoir inexistant à nos yeux, alors qu’ils sont structurés par le pouvoir, et ces néolibéraux ont donc prêté le flanc à une critique en règle du néolibéralisme qui n’est pas toujours injuste.

L’esprit de ce temps était trop orienté sur les sciences, qui faisaient certes de grands progrès. Friedrich Hayek par exemple encourageait certes les économistes à s’ouvrir à d’autres disciplines scientifiques, mais la philosophie fut tenue dans un certain mépris, sauf celle où se trouvaient les prémices de nos sciences humaines et sociales (la fameuse école écossaise des Lumières – Smith, Ferguson, Hume). Que l’on prenne le grand ouvrage d’Hayek, Droit, Législation et Liberté : on y trouve l’idée capitale du cosmos (ordre spontané chez Hayek, l’ordre des choses chez les Grecs) et du nomos (la règle commune pour Hayek, la loi pour les Grecs), mais pas un mot sur le dikaion (le droit et le juste) d’Aristote, pas un mot sur la philosophie grecque, pas un mot sur le Philosophe alors que c’est dans l’esprit grec qu’Hayek venait chercher l’inspiration ! Comment un véritable philosophe aurait-il pu se passer de commenter ces grands noms pour peu qu’il prête attention aux catégories grecques ? La philosophie est-elle si méprisable ? Et pourtant, comment s’en passer si l’on veut comprendre aussi bien la liberté que le pouvoir ? N’est-elle pas le début de tout ? Il est pourtant indéniablement vrai que beaucoup de libéraux manquent d’une véritable culture philosophique qui ne se réduise pas à la philosophie libérale et à ce qu’elle peut dire des autres courants de la philosophie. C’est notre manque, et il peut être grave.

Les libertariens : l’État et la logique de la force

Les libertariens, quant à eux, ont fini par prendre le contre-pied du libéralisme classique en posant l’État non plus comme un bien à produire en vue de la liberté, de la sécurité et de la prospérité par la faculté qu’il aurait à limiter la force, mais tout au contraire comme un objet étant purement la force violente, agressive, non limitative : L’État c’est de la force en expansion, si bien que l’État le plus ridiculement petit, toujours coercitif par le plus petit des impôts, a pour logique interne de progresser jusqu’à l’État totalitaire, c’est-à-dire l’État qui emploie la force sur toute chose (voir de Jasay, The State. Tout État, quel qu’en soit son stade réel, ne peut que pousser en avant vers le totalitarisme, et ce quelles que soient les intentions de ceux qui le constituent. Mais la théorie libertarienne souffre du même travers du rationalisme que le libéralisme classique, et elle se perd dans les affres de l’état de nature de sa raison pure, à la recherche de l’intérêt individuel dans le couple aussi faux que réducteur coopération – exploitation. On peut bien poser une logique du pouvoir politique dans ces conditions, mais ce qu’on fait en vérité, ce n’est qu’une reconstruction abstraite de divers stades purement fictifs de ce pouvoir à partir de conditions elles-mêmes abstraites et plus déterminées que réellement découvertes. Il est aisé, lorsqu’on a imposé ses conditions à la réalité historique du pouvoir, lorsqu’on lui a dicté ses lois, de prétendre l’avoir reconnue et dévoilée. Mais nous voilà nageant bêtement dans l’éther des autosatisfactions de notre esprit, tandis que le pouvoir, sourire aux lèvres, poursuit ses progrès sans un seul frisson pour notre poésie rationaliste.

Hans-Hermann Hoppe par exemple, dans Democracy : The God that failed, tente de reconstruire la logique interne de la monarchie : par le fait que le pays est exploité par une seule personne, que ce pays est comme la propriété du roi, celui-ci serait plus enclin à le laisser prospérer qu’en démocratie. Seulement l’Histoire réelle est une démonstration du contraire : c’est quand le roi fut le moins « propriétaire » du royaume que son pouvoir fut le plus réduit comme du temps de la féodalité médiévale, sans pour autant que le pays prospère tel qu’il prospère aujourd’hui dans nos démocraties, et inversement, c’est quand le roi, durant les Temps modernes jusqu’à la Révolution fut le plus proche de cette idée de « propriétaire » du royaume que le pouvoir a crû sans précédent en prenant les formes nouvelles de la gouvernementalité que la démocratie moderne a fait plus que jamais sienne. À porter son attention sur des logiques, des dynamiques, des mouvements entre des abstractions rationnelles, on ne voit plus les objets-mêmes de la réalité, ni leur contour ni même, et c’est plus grave, leur « texture » et leur forme manifestée.

Dans Naissance de la biopolitique, Foucault, qu’on n’accusera pas d’être étatiste, faisait habilement remarquer que les totalitarismes, en contradiction avec les « logiques de l’État » bâties par les néolibéraux et les libertariens, dont l’auteur de La Route de la Servitude (Hayek), se caractérisaient par une dépréciation très forte de l’État au profit du parti unique dont l’appareil doublait l’appareil d’État : l’État allemand n’était rien sous le nazisme, le NSDAP était tout. Ce n’est pas sans importance parce que ceci signifie que l’État, pour subsister, a besoin d’autres ressorts que ceux du totalitarisme qui le tue, d’autres jeux de pouvoir que la seule force. Le totalitarisme n’est pas l’état le plus abouti de l’État : il est sa perte. Or ce qui préserve l’État, ce qui sauve le pouvoir étatique, est resté jusqu’ici hors des études libérales.

Voilà dans les très grandes lignes, et de manière simplifiée, comment la philosophie libérale, ou plutôt les philosophies libérales, se sont fondées sur une compréhension du pouvoir orientée sur la force ; et comment cette réduction du pouvoir à la force s’est trouvée impropre à le limiter et à nous rendre plus libres.

Il faut donc désormais s’intéresser à ce qui ne se voit pas du pouvoir, ce qui sera l’objet de la seconde partie.

(À suivre)

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  • J’attends la suite avec intérêt. J’ai déjà la mienne, mais je suis curieuse de découvrir la vôtre.

  • Franchement, c’est brillant mais verbeux et souvent carrément faux.
    Tout le monde voit bien la force dans le pouvoir, et tout le monde en parle (évidemment), mais personne, et pas plus « les philosophies libérales » que les autres écoles, ne « sont fondées sur une compréhension du pouvoir orientée sur la force ». trois illustrations :
    * Hier bien plus encore qu’aujourd’hui, le pouvoir de l’Église était une question fondamentale (pour les libéraux comme pour les autres), alors qu’elle n’avait aucune force.
    * Inversement, la question du pouvoir de l’armée, incarnation de la force, ne se pose historiquement que de façon rare, ponctuelle, et très transitoire. Les pages où les philosophes libéraux (ou les autres) s’inquiètent du pouvoir de l’armée … il va falloir les pister !
    * Tout le « discours de la servitude volontaire » repose sur le constat que la force (minuscule) du souverain ne peut pas expliquer son pouvoir (extraordinaire), et qu’il convient de rechercher sur quoi ce pouvoir repose.
    etc.

    • Ce n’est pas tant le pouvoir de l’Eglise que la valeur de ses enseignements qui a fait débat durant les Temps modernes et la montée progressive du rationalisme : celui-ci faisant de la raison et de ses lumières le tribunal de toute chose, l’Eglise y est apparue comme le cœur de l’obscurantisme (les miracles, la révélation, un Dieu qui intervient dans le monde, etc.). Les questions de tolérance religieuse, elles, se sont toutes rapportées à la force qui permet d’interdire. La justice elle-même n’est encore conçue que comme une lutte à mort entre le souverain et le criminel, qui est littéralement pulvérisé par la force lors des châtiments publics. En tout cas, durant cette période, c’est bien la force qui est au centre de toutes les réflexions sur le pouvoir, dans la mesure-même où la liberté est défini comme l’absence d’emploi de la force illégitime.

      Effectivement on trouve aussi des « discours sur la servitude volontaire », mais ceux-ci s’intègrent dans le discours du pouvoir comme force. Ils ne disent pas ce qu’est le pouvoir, ils expliquent l’assentiment au pouvoir, qui est la force. Hobbes ne fait rien d’autre après tout : les hommes entrent librement et volontairement dans l’état civil en cédant leur force au souverain. La servitude volontaire, c’est le don de la force au souverain. C’est ce qui fait que le souverain est amplement plus fort que ce que lui permet sa personne. Mais le pouvoir du souverain reste cette force.

      Quant à l’Armée (ce singulier si spécifique), il s’agit d’une création moderne sur laquelle je reviendrai dans la seconde partie : la voir comme incarnation de la force est un signe de modernité. Ça ne signifie pas que les armées n’étaient pas de la force auparavant, ça signifie que l’absence d’écrits sur l’Armée (qui n’existait pas encore telle quelle) ne peut pas signifier que la force n’était pas au cœur des réflexions sur le pouvoir.

      D’ailleurs, dès que l’Armée s’est mise à exister à proprement parler, elle a eu droit à ses écrits critiques, comme ceux de Gustave de Molinari que j’ai cité dans l’article, ou encore ceux de Bertrand de Jouvenel qui en fait le point de départ de son interrogation sur la croissance du pouvoir (et j’y reviendrai dans la deuxième partie).

      • La force est évidemment toujours au cœur des réflexions sur le pouvoir, ce n’est pas discutable et ce n’est pas le sujet
        Ce que je critique c’est l’affirmation qu’il n’y a que cet aspect, que « La force est donc l’élément le plus visible du pouvoir. C’est sur l’étude de cet élément très visible que s’est constituée la philosophie libérale. », que « les philosophies libérales se sont fondées sur une compréhension du pouvoir orientée sur la force ». C’est faux. Que l’on classe Machiavel comme libéral ou pas, tous les libéraux ont lu « Le prince » et aucun n’a jamais dit que sa vision du pouvoir était trop large et que la force était la seule chose à considérer pour comprendre le pouvoir…
        Tout au plus pourrait-on dire, (et encore, c’est déjà discutable), que l’usage de la force est le premier scandale pour un libéral, et que d’autres formes du pouvoir le touche moins, voire le laisse complétement insensible (le libéral se scandalisa beaucoup d’une Église qui use de la force pour recruter ses fidèles, un peu moins d’une Église qui profite de la crédulité des enfants pour les endoctriner, mais se foutra à peu près complétement du pouvoir du pape sur les prêtres) . Mais c’est une proposition bien différente que celle discutée dans l’article. .

        • Machiavel s’intéresse à la manière dont le pouvoir est acquis et conservé, pas au pouvoir en lui-même : les pratiques du Prince doivent lui permettre de conserver sa force qui est son pouvoir. Mais le pouvoir c’est la force.

          Par contre Machiavel, en partant du Prince, en posant que le pouvoir est fait du Prince indépendamment de l’ordre auquel il appartient, développe sans doute inconsciemment une véritable transformation dans la rationalité du pouvoir, bousculant son ordre, et c’est ça, cette rationalité, l’invisible du pouvoir que j’aborderai dans la seconde partie.

          Maintenant vous pouvez dire que j’ai tort, que les libéraux ont conçu le pouvoir autrement que par la seule force, mais de Hobbes aux libertariens, toutes les doctrines libérales se fondent sur une dialectique entre la liberté et la force, et posent la liberté comme l’absence de la force illégitime et comme synonyme du consentement. Qu’on parle de l’état civil de Hobbes ou de l’axiome de non-agression de Rothbard, le couple liberté-force fonde toutes les critiques (dans les deux sens de ce terme) du pouvoir.

          Sur ce pouvoir qui est la force vient se greffer sans aucun doute des pratiques que les libéraux ont évidemment reconnus : la ruse, la propagande, la distribution de biens, etc, mais tout ça est, en dernier ressort, le fruit de la force à leurs (nos) yeux parce que l’essence du pouvoir, in fine, c’est la force. Je ne dis pas qu’ils ont tort, parce que je dis que ces pratiques sont ce qui est visible du pouvoir : mais il y a un invisible du pouvoir, à savoir sa rationalité, et là, autant dire que les libéraux n’ont pas investi ce champ de réflexion sur le pouvoir. Mais vous comprendrez peut-être mieux quand la seconde partie de l’article sera publiée.

          • On tourne en rond. Je vais essayez autre chose :
            La meilleure preuve que les libéraux ne réduisent pas le pouvoir à la force, c’est qu’ils théorisent tous la force comme une chose répugnante à n’utiliser que contraints par les circonstances et après épuisement de toutes les autres options, alors que leur attitude à l’égard du pouvoir en général est nettement plus neutre, voire bienveillante. Par exemple pour un libéral l’existence d’un pouvoir judiciaire n’est pas un scandale, ni même un moindre mal, c’est une nécessité dont la liberté (et d’autres droits de l’homme : propriété, sûreté) ont besoin, et ce, indépendamment de la quantité de force physique dont dispose ce pouvoir … force que le libéral chercher à réduire au strict minimum

            • Oui les libéraux peuvent être bienveillants à l’égard du pouvoir, je n’ai jamais dit le contraire : Hobbes en fait une condition nécessaire à la paix, Locke à la justice, de Molinari loue les mérites de la guerre jusqu’à nos jours. Et non, ils ne théorisent pas tous la force comme quelque chose de répugnant. Ce n’est le cas d’aucun des auteurs que j’ai cité, et même les anarcho-capitalistes sont favorables à l’emploi de la force dite légitime, une force qui est chez eux hors du pouvoir politique.

              Ce que vous appelez « pouvoir judiciaire » s’exprime dans les théories libérales comme étant la force légitime, un pouvoir capable de sanctionner la force illégitime qui nie la liberté d’autrui, et chez la plupart des libéraux ce pouvoir est une composante du pouvoir politique, c’est même très souvent sa justification première. C’est ce qui justifie l’état civil chez Locke et chez les libéraux classiques qui ont suivi sa voie. Qu’il ne soit pas question de la quantité de force (mais c’est pourtant sur la quantité que se fonde l’état civil dans les théories libérales du contrat social : le souverain doit être plus fort que chaque individu du corps social), soit, mais il est toujours question de la force elle-même. Le pouvoir y est toujours de la force. Encore une fois, c’est normal : la force c’est le visible du pouvoir (avec tout ce qui peut constituer sa circonférence : la ruse, la spoliation, la propagande, la distribution de biens, etc.). Son invisible, c’est ce qui constitue sa rationalité. Voir la deuxième partie quand elle sera publiée.

  • @P : d’accord pour l’aspect verbeux, mais je crois que ce peut être une bonne introduction. Enfin, on verra bien la suite, justement.

  • Aurelien,

    Malheureusement, en passant sous silence l’économie, vous passez également complètement à côté de l’essentiel. Si vous lisez des penseurs de l’Ecole autrichienne ou des « proto-autrichiens » (Bastiat par exemple, que vous citez pourtant), vous comprenez que tout part des besoins/désirs, de la peine que l’on ressent de ne pas les satisfaire comme de celle que l’on doit prendre pour les satisfaire, et que du coup les hommes ont un penchant naturel à vouloir faire exécuter leur besogne par les autres. En conséquence, l’institution d’un Etat qui concentre les forces (librement ou non) aliénées des administrés donne les moyens à des hommes de faire réaliser leur besogne par d’autres. De ce fait, la pente mène naturellement au totalitarisme.
    Ensuite, il faut bien comprendre que, en principe, dans une société démocratique, le consentement à l’impôt doit constituer une limite au pouvoir de l’Etat ; sans quoi le peuple se révolte. Le subterfuge réside dans la capacité de l’Etat à, pour ne pas avoir à afficher qu’il prélève, fabriquer de la monnaie ou à manipuler les taux d’intérêts. Ainsi, lorsque l’inflation frappe – ayant le même effet que le prélèvement de l’impôt -, l’Etat n’a plus qu’à dire que ce sont les méchants capitalistes qui ont augmenté leurs prix ! Ils s’enrichissent les salauds ! Taxons-les !
    La boucle est bouclée…

  • Impatient de lire la suite ! Sur la nature du pouvoir, on ne devrait pas faire l’économie d’une analyse sur l’opposition entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel, anticipant l’idée de contre-pouvoir, et peut-être aussi des premières expériences de totalitarisme (le chef de guerre devenant une incarnation divine, cumulant ainsi les pouvoirs). A la fin, on ne devrait pas omettre de parler de la morale, indispensable étape pour caser l’individu au milieu, ou plutôt au-dessus, de tout ce fatras…

  • Qui est le plus fort ?
    Celui qui est le plus fort,c’est celuiqui gagne.
    En parlant de « la force »,on pense évidemment qur vous voulez parler de la force physique.
    et donc de celle d’un individu.
    Ca ne veut pas dire grand chose,parce que toute force,et particulier la physique,arès un apex,décline,et puis,a des hauts et des bas.
    L’utilisation de la seule force physique impliquerait,s’il n’y avait que ça comme source du Pouvoir,une instabilité incessante ,et une conflictualité constante, collectivement invivable et qui aurait conduit l’espèce humaine à sa perte depuis longtemps. Et même si autre que physique,aicune force n’étant assurée de durer !
    S’il n’y avai que ça,que devientdrait l’éternel dilemme dialectique entre la force et la justice qui est le seul sujet valable de réflexion pour les sociétés et les civilisations.
    Et le dernier représentant de l’espèce serait un dernier Mohican !
    On est bien d’accord,il y la force ! Et puis après,il y a encore la force ? Et ensuite,il y a toujours la force ?
    C’est exactement à cela que se résume votre article ! Et que s’arrête votre conclusion !
    Tout ça pour dire qu’il y a la force ! Pour vous,ça explique tout et puis,on s’arrête là ?
    Si c’est pour dire ça ,jeune homme,il n’y a pas besoin d’un long article,allongé comme une sauce avec un certain nombre de citations qspf plus savant et aller dans votre seul sens !
    Allons,le Pouvoir réclame bien d’autres ingrédients, tâchez d’y réfléchir et revenez nous voir !

    • Bien, vous avez compris ce qu’est l’état de nature chez Hobbes : un état de guerre perpétuel qui empêche les hommes de se conserver. Ce que vous dites, c’est exactement ce que dit Hobbes. D’où la formation volontaire, pour lui, de l’état civil, qui permet de limiter la force dans sa diffusion. Mais dans cette conception, le pouvoir c’est la force. Ce n’est pas de moi, c’est de Hobbes, et c’est exactement ce que je critique.

      Maintenant vous êtes passé complètement à côté de mon article : je ne cherche pas à démontrer que le pouvoir ce n’est que la force. Je cherche à démontrer que la force étant ce qui est visible du pouvoir, les philosophies libérales en ont fait l’essentiel de leur réflexion sur le pouvoir, précisément en oubliant ce qui en est invisible. Attendez donc la seconde partie avant de prétendre que j’ai conclu.

      Quant au libéralisme qui ouvre les portes au pouvoir, ce n’est malheureusement pas de l’humour : les catégories d’analyse du libéralisme classique ne sont pas capables de rendre compte du pouvoir justement parce qu’elles se sont focalisées sur la seule force, mais dans leur rationalité-même, elles ont permis de justifier une expansion sans précédent du pouvoir en lui donnant une forme nouvelle qui était propice à cette expansion. Ce sera expliqué dans la seconde partie.

  • Franchement le libéralisme qui ouvre grand les portes du Pouvoir,c’est de l’humour ?

  • M. Biteau. Je me demande si j’e comprends bien vos articles (j’espère). A mon avis, vous êtes un bon défenseur du libéralisme malgré toutes vos critiques (celle de Molinari me l’a rendu encore plus sympathique en fait).
    Je trouve que cet article-ci manque éventuellement d’une définition. Au départ, en termes de physique, « le pouvoir » n’est-il pas simplement « l’efficacité » de la force ? Appliquez une force sur un objet : son efficacité (pouvoir) maximale sera obtenue dans une certaine relation entre les deux. Sans cette condition respectée votre « force » subira des « pertes inutiles »… voilà.
    On est obligé de voir pourtant deux sensibilités libérales différentes sur Contrepoints vis-à-vis du gouvernement exerçant « le pouvoir »:
    La première purement économique, qui renie simplement le monopole de pouvoir au gouvernement communautariste, considérant que la subjectivité « du pouvoir » le rend nécessairement et funestement « inefficace » au regard du respect de libre-arbitre. Mais cette thèse ne pose pas au préalable la question de l’ingérence du gouvernement collectif comme telle dans la sphère privée. Elle tend tout au plus à y arriver comme conclusion (de Molinari).
    La seconde sensibilité pose l’idée même d’une « unité communautariste » qui serait contradictoire au libre-arbitre humain. Elle prétend définir un monde en marge du gouvernement.
    La première tend donc à mélanger les concepts de gouvernement et d’Etat, et elle pose en général l’Etat démocratique comme cadre de ses réflexions.
    La seconde se voulant plus philosophique, est plus ambitieuse sans doute, c’est la vôtre. Elle sort l’exercice du pouvoir du cadre démocratique moderne: Le roi gouverne le pays. Le peuple gouverne l’Etat. Elle questionne donc la limite obligatoire entre gouvernement et communautarisme (étant entendu pourtant que les questions économiques sont toutes exclusivement de nature communautariste. Et dans ce cas, comme on dit, « que fait la police ? » ).

  • « Les libéraux sont prompts à incendier le constructivisme des autres, mais qu’ils prennent garde : nous prenons trop de plaisir à céder aux excès du rationalisme, en aimant reconstruire la société, reconstruire l’État, et reconstruire l’Histoire ! »

    Bravo. Le libertarianisme – tel qu’on le rencontre chez les commentateurs de Contrepoints – est bel et bien une politique de la Tabula Rasa. Donc, un nihilisme.

    « La philosophie est-elle si méprisable ? Et pourtant, comment s’en passer si l’on veut comprendre aussi bien la liberté que le pouvoir ? N’est-elle pas le début de tout ? Il est pourtant indéniablement vrai que beaucoup de libéraux manquent d’une véritable culture philosophique qui ne se réduise pas à la philosophie libérale et à ce qu’elle peut dire des autres courants de la philosophie. C’est notre manque, et il peut être grave. »

    Il est gravissime. Déterminant. Possiblement fatal. Car c’est la métaphysique, qui structure notre vision du monde. Refuser de s’y intéresser condamne les libertariens à fantasmer sur leur propre intelligence en mimant la rationalité, en niant la prééminence du réel quand il leur donne tort, et en accusant quiconque pense différemment d’être un homme-de-paille. Honneur à vous, qui soulevez le problème le plus profond et le plus inquiétant du libéralisme contemporain. Puissiez-vous déprogrammer quelques allumés !

    (« Le totalitarisme n’est pas l’état le plus abouti de l’État : il est sa perte. »

    En aucune manière. Car, en régime totalitaire, l’État ne recule que d’un point de vue politique et décisionnel. Cela n’empêche en aucune manière sa bureaucratie d’enfler démesurément, couvrant la réalité d’un linceul administratif, sous le linceul idéologique.)

    • Oui, vous avez entièrement raison. Aurélien Biteau lance lui-même ici un faux débat en prenant le parti de séparer les idées de totalitarisme et d’Etat.

      La définition de l’Etat par Foucault est peu pertinente. Sans doute confond il lui même gouvernement et Etat. C’est bien l’idée d’Etat qui inspire principalement le parti unique et vice versa. Les Nazis se voyaient comme une émanation de la nation. Le parti communiste sous Staline, une émanation du peuple. Leur totalitarisme se fonde entièrement sur cette idée…

    • … de même que la burocratie nécessairement associée

    • Vous lisez seulement ce que vous voulez lire et vous détournez mon propos. J’ai bien écrit « les libéraux ». Pas « les libertariens ». Un Hobbes, un Locke, un de Molinari et leurs admirateurs sont tout autant inclus dans ma critique que les libertariens. C’est presque toute la philosophie libérale qui a cédé au chant des sirènes du rationalisme.

      Quant à mon reproche sur le manque de culture philosophique, il ne concerne pas les libertariens uniquement, mais aussi les néolibéraux.

      Pour ce qui est de l’Etat dans le totalitarisme, son recul sur les plans politiques et décisionnels sont bien sa perte, quand bien même il est une coquille qui enfle. C’était toute la difficulté de l’Allemagne d’après-guerre de reconstruire l’Etat allemand et on ne comprendrait pas l’adhésion forte de tout l’échiquier politique (même la gauche) à la gouvernementalité néolibérale s’il y avait eu moyen de maintenir et l’Etat et les pulsions totalitaires. La production de la société civile et du ressort Etat-société civile qu’elle permet trouve en partie toute sa justification dans sa capacité à sauver l’Etat du totalitarisme. On le voit encore aujourd’hui : dès que l’Etat s’approche trop près de la ligne rouge, on en appelle à la société civile. Voir la second partie de l’article.

      • @ Aurélien

        Je ne comprends pas le sens de votre démonstration concernant la reconstruction difficile de l’Etat allemand après-guerre…. sauf à parler de cette invention nouvelle illusoire de la société civile. Pourtant – même si certains commentateurs modernes donnent cette impression – je ne pense pas que le libéralisme soit initialement une simple identification de cette société civile à une quelconque panacée.

        A fortiori, si la « société civile » ne peut être considéré comme l’opposé du totalitarisme, il faut admettre que le totalitarisme soit une dérive déjà incluse dans l’idée de l’Etat. Le totalitarisme est une dérive de la « science sociale » qui constitue l’Etat tout entier, ne laissant par définition plus aucune échappatoire à l’individu vis-à-vis du besoin insatiable de son gouvernement (collectif) de « tout savoir ».

        Ceci est vraiment différent de l’absolutisme de l’ancien régime, car la légitimité du souverain comme vous le soulignez bien justement dans votre seconde partie, ne provenait pas de son « savoir ».

  • Bastiat ce que l’on voit et ce que l’on voit pas: http://www.libreafrique.org/pdf/Bastiat_CQVCQNVP.pdf

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