Henri Saint-Simon, apôtre de la technocratie

Le philosophe français Saint Simon peut être considéré comme le père du socialisme.

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Saint-Simon (Image libre de droits)

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Henri Saint-Simon, apôtre de la technocratie

Publié le 16 mai 2014
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Par Damien Theillier

Saint-SimonAprès sa lecture des philosophes des Lumières, (voir notre article sur Helvétius) Isaiah Berlin, dans La liberté et ses traîtres, s’est intéressé aux socialistes utopistes du XIXe siècle et en particulier à Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon. Ce dernier, plus connu sous le nom d’Henri Saint-Simon, est un philosophe français né en 1760, mort en 1825, et considéré comme le père du socialisme.

« Il y a eu Moïse, il y a eu Socrate, il y a eu le Christ, il y a eu Newton, Descartes et il y a moi », a écrit un jour Saint-Simon. Émile Faguet l’a bien décrit en disant de lui : « c’est un fou, très exactement, beaucoup plus nettement que Rousseau lui-même, mais c’est un fou très intelligent, comme il arrive ; qui a eu comme l’intuition de ce qui devait être le plus grand objet des préoccupations du siècle ; et il n’est personne qui soit plus intéressant à étudier ».

Une interprétation technologique de l’histoire

Saint-Simon est d’abord le père de ce que Berlin appelle « l’interprétation technologique de l’histoire », qui a beaucoup influencé la doctrine matérialiste de Marx lui-même. Et selon Berlin, celle de Saint-Simon « est à certains égards une vision bien plus originale et bien plus tenable ».

À la suite des économistes libéraux, il va attirer l’attention sur le rôle des facteurs économiques dans l’histoire. Saint-Simon est en effet l’un des premiers à avoir défini les classes au sens moderne du terme, c’est-à-dire comme des entités sociales d’ordre économique, reposant directement sur les progrès de la technologie, sur les progrès dans la manière de se procurer, de distribuer et de consommer les produits. La société actuelle est divisée en deux classes hostiles, la classe des exploitants et celle des exploités, la classe des propriétaires oisifs et celle des travailleurs productifs.

Mais le nouvel ordre social prôné par Saint-Simon est un ordre autoritairement centralisé et hiérarchisé, mis en place par une élite restreinte de producteurs et de savants disposant d’un pouvoir total. Pour lui, comme pour son disciple Auguste Comte plus tard, la liberté individuelle, loin de coopérer à l’ordre social, est au contraire le principe même du désordre.

L’apologie du dirigisme et du gouvernement des élites

C’est pourquoi, contrairement au libéralisme classique, Saint-Simon estime que l’activité économique exige une réglementation : « L’organisation sociale doit avoir pour objet unique et permanent d’appliquer le mieux possible à la satisfaction des besoins de l’homme, les connaissances acquises dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers » (L’Organisateur).

Cette élite éclairée sera donc composée de savants, d’ingénieurs, d’industriels et d’artisans. Il est intéressant de savoir que Saint-Simon a recruté ses premiers disciples à l’École polytechnique : Auguste Comte, Prospère Enfantin, Victor Considérant. « Il faut, écrivit Enfantin, que l’École polytechnique soit le canal par lequel nos idées se répandront dans la société ». De fait, l’école est devenue un foyer saint-simonien ardent. Une tradition incarnée par le Groupe X-Crise en 1931 et qui s’est fait sentir jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Au cœur de toute cette conception, explique Isaiah Berlin, il y a la science, ou plutôt le scientisme, c’est-à-dire la conviction que la société ne doit pas être gouvernée de façon démocratique, mais par des élites qui comprennent les besoins et les possibilités technologiques de leur époque. « La souveraineté ne consiste pas alors dans une opinion arbitraire érigée en loi par la masse, mais dans un principe dérivé de la nature même des choses, et dont les hommes n’ont fait que reconnaître la justesse et proclamer la nécessité » (L’Organisateur).

C’est à Saint-Simon que nous devons l’idée d’un capitalisme d’État, d’une organi­sation rationnelle de l’industrie et du commerce, dans l’inté­rêt de la société. Cette idée, écrit Berlin en conclusion, peut revêtir « des formes tempérées et humaines dans le cas, par exemple, du New Deal américain ou de l’État socia­liste anglais de l’après-guerre ». Mais elle prendra « des formes violentes, implacables, brutales et fanatiques dans le cas de sociétés directement planifiées comme le fas­cisme ou le communisme ».

Œuvres de Saint-Simon : Vues sur la propriété et la législation (1814) ; L’Industrie (1816-1818) ; L’Organisateur (1819-1820), Catéchisme des industriels (en partie rédigé par son secrétaire A. Comte, 1823-1824) ; Nouveau Christianisme (1825).


Sur le web. Initialement publié sur 24hGold.

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  • Dès que ça devient intellectuel, plus personne pour commenter ! Les seuls billets qui attirent, le cul de Conchita et le climat ! avec l’horrible question « Comment on va niquer dans le futur, pendant les congés payés ? sur des plages de sable blond ou sur la banquise ?

  • Mdr Homo-Horcus!
    Un mal sans remede le socialisme et les commentateurs le sentent parfois plus que d autre fois.

  • Homo-Orcus excusez.

  • Je vais essayer de faire mentir Homo-orcus.

    Je crois que le saint-simonisme apparait comme une variante (et le précurseur) du socialisme de droite (même si Enfantin serait plutôt un précurseur du communisme) : planisme économique, dirigisme, rejet de toute idée d’ordre spontané en font une forme de socialisme mais reconnaissance du principe hiérarchique comme mode de régulation sociale, refus du principe général d’égalité des revenus, reconnaissance au moins partielle du droit de propriété le distinguent du socialisme de gauche. Les socialistes de gauche ont confié la gestion des affaires à une élite auto-proclamée « l’avant-garde du prolétariat » mais celle-ci est censée disparaitre à terme.

    Or, ce socialisme de droite a eu de nombreuses variantes sur le plan international mais avec moins d’unité que le Marxisme ce qui fait que les libéraux ont eu moins d’empressement à le connaitre et à le combattre. Pourtant de telles idées ont imprégné l’Amérique latine (notamment la révolution mexicaine), la Turquie (mouvement des jeunes turques) le monde arabe (nationalisme arabe, partis baas même si le discours tiers-mondiste rapproche ces partis d’un socialisme de gauche ). Une certaine unité n’est-elle pas cachée derrière la diversité par ailleurs indéniable de ces partis et mouvements ?

  • Merci pour ces éclairages – J’ai mis en construction un panthéon des nuisant, ceux qui s’étant trompés ont ravagé plus ou moins le monde et je me suis aperçu que les Français s’arrêtaient à Rousseau, la reprise étant assurée par Marx et sa clique ainsi que Lassalle. Alors, faut-il inclure Saint-Simon ?
    SI je le considère nuisant, il vaudrait mieux y mettre Comte à ce compte. D’autre part, est-ce que le positivisme a vraiment changé le monde ? Non pas vraiment, pour l’instant je reste avec mon panthéon.

    • Pour ma part,s’agissant de l’heritage de Saint-simon,je pense en premier lieu a la Chine ou la Russie.

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