Le déficit public français toujours hors de contrôle

Les indicateurs de la gestion des finances publiques sont toujours plus médiocres.

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Déficit public (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Le déficit public français toujours hors de contrôle

Publié le 30 avril 2014
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Les indicateurs de la gestion des finances publiques sont toujours plus médiocres. L’indulgence de la Commission européenne envers le laxisme budgétaire français semble arriver à son terme.

Par Yann Henry.

L’INSEE dévoilait le 31 mars derniers plusieurs indicateurs économiques clé concernant l’état de l’économie française. De manière opportune, ces publications intervenaient le lendemain du second tour des municipales, qui ne furent guère favorables au pouvoir en place. Ces indicateurs se sont révélés être assez médiocres.

À la fin de l’année 2013, la dette trimestrielle de Maastricht des administrations publiques s’établissait à 1.925,3 milliards d’euros, soit 93,5% du PIB. C’est bien au-delà des 60% tolérés par le traité de Maastricht (dépassés en 2003) et très au-dessus des 91,3% prévus initialement :

dette publique

On aura aussi noté que, contrairement à ce qui est régulièrement dénoncé, il n’y a pas d’austérité en France (si ce n’est pour les ménages). En effet, les dépenses publiques ont progressé l’année dernière de 23,5 milliards d’euros (+2,0% par rapport à 2012). À 1.176,1 milliards d’euros, elles représentent désormais 57,1% du PIB, soit un plus haut niveau historique :

dépenses publiques

Un second indicateur annonce une dégradation des comptes publics, il s’agit du déficit public. Celui-ci s’élevait pour 2013 à 4,3% du PIB. Cet indicateur, plus suivi, est celui sur lequel la Commission européenne demande le plus de garanties. Non seulement, le seuil de 3,0% (imposé par les traités) n’a pas été respecté (comme chaque année depuis 2008), mais la prévision de 4,1% faite durant l’automne par Bercy s’est avérée erronée. Bercy devrait transmettre ces jours-ci des prévisions actualisées pour les années 2014 à 2017 à la commission des finances de l’Assemblée nationale, puis au Parlement et à la Commission européenne. Celles-ci sont particulièrement attendues à Bruxelles, qui anticipait (avant même les publications de l’INSEE) un déficit de 4,0% pour 2014 (contre 3,6% pour Bercy). Il s’agissait de la 39ème année consécutive de déficit, le dernier budget à l’équilibre remontant à 1974 :

déficit public

J’avais parlé dans un article récent du sénateur socialiste de la Nièvre Gaëtan Gorce. Pour ce dernier, François Hollande n’avait « ni les moyens » ni « la volonté de dégager 50 milliards d’économies supplémentaires » et ses annonces étaient un « leurre destiné à enfumer » la Commission européenne. Celui-ci avait raison, si ce n’est que la Commission européenne n’est plus dupe (l’a-t-elle d’ailleurs jamais été ?). J’évoquais également la possibilité d’un durcissement de ton de la Commission qui pourrait tout de même finir par s’impatienter. Il semblerait qu’un tel infléchissement ait débuté.

img contrepoints268 déficit publicÀ l’annonce des déficits, Simon O’Connor (porte-parole du commissaire aux Affaires économiques Olli Rehn) a ainsi reconnu que « ce n'[était] pas une très grande surprise » et a exhorté le gouvernement français à prendre des « mesures supplémentaires » dans le programme de stabilité qu’il doit présenter d’ici à fin avril. Les dirigeants européens semblent aussi s’agacer de ces reports répétés. Il faut dire que ceux-ci se multiplient : en 2008 Sarkozy avait déjà obtenu un délai alors que François Hollande avait promis en 2012 un retour sous les 3,0% pour 2013… Olli Rehn, a également proposé de « rafraîchir la mémoire » du gouvernement français qui « a déjà profité, dans le cadre de la procédure pour déficit excessif, de deux reports de calendrier ». Jeroen Dijsselbloem (président de l’Eurogroupe) et Mario Draghi (président de la Banque centrale européenne) sont sur la même ligne. Pour le premier, « la France s’est déjà vu accorder plus de temps » et « doit remplir ses obligations et mener les réformes qu’elle s’est engagée à réaliser », alors que pour le second « les États européens ne devraient pas se départir des efforts de consolidation. »

Pourtant les dirigeants français continuent à ignorer les mises en garde en continuant à jouer sur l’opposition factice entre austérité et croissance. Ainsi, pour François Hollande, « il ne s’agit pas de faire des économies pour faire des économies. Il ne peut être question de fragiliser la croissance qui repart. » Pour Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, « il ne s’agit pas de ne pas se moderniser ou de ne pas assainir, mais les conditions de la remise en place ne doivent pas tuer l’objectif ». Le nouveau ministre des Finances, Michel Sapin, a déjà dit vouloir discuter du « rythme » de réduction du déficit. Dans un langage technocratique il a déclaré sur France Inter que si ce « cap » n’est pas abandonné, « c’est le chemin, c’est le rythme lui-même qui sera discuté dans un intérêt commun ». Le président français et le gouvernement réussissent à faire consensus contre eux et ne pourront même plus compter sur la complicité du nouveau premier ministre italien, Matteo Renzi. Celui-ci avait beau parler de « pacte de stupidité » à la place de « pacte de stabilité », le déficit public italien est revenu sous les 3,0% dès 2013 (2,8%).

Le gouvernement s’est donc tourné vers son partenaire allemand pour plaider sa cause et Michel Sapin a ainsi réservé sa première visite à l’étranger à son homologue allemand Wolfgang Schäuble. La tâche s’annonce donc ardue pour Michel Sapin et le gouvernement français qui n’affichent aucun effort réel pour faire repasser le déficit budgétaire sous les 3,0%. Pourtant l’indulgence de la Commission européenne envers le laxisme budgétaire français semble arriver à son terme. La proximité des élections européennes (le 25 mai en France), qui devraient voir de fortes poussées des partis eurosceptiques, empêche pour l’instant un durcissement trop marqué des positions, mais la période de grâce devrait très bientôt toucher à sa fin.


Publié initialement sur 24hGold.

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  • Et qu’attends la CEE pour arreter d’exhorter la France et appliquer des sanctions ? ils ne veulent pas car tous copains comme cochons et tous à nous mettre dans la meme merde !

    • La CEE n’existe plus.

      Et ce qu’elle attend est très simple: rien. Parce qu’ils ne peuvent rien faire. Il suffit de voir les réactions des français. Quand l’Union Européenne critique la politique du gouvernement français, que dit la majorité? Que l’Union Européenne est vilaine, pas gentille et veut nous couler!
      D’ailleurs on notera le paradoxe qui veut que, d’un coté, les français avoue détester leur gouvernement et ne pas lui faire confiance, alors que de l’autre, ils le défendent stupidement contre l’U.E…

      Si les français étaient moins cons, les pressions de Bruxelles seraient utiles. Mais comme ils défendent bêtement leur gouvernement, l’U.E ne peut rien pour nous. La moindre sanction est vécu par nos cons citoyens comme une agression alors que vu le comportement de nos dirigeants elles seraient légitimes.

      Je finirai en posant une question, toute bête: pourquoi il y a un petit smiley en bas à gauche de la page?

  • la situation est insoluble :

     » la proximité des elections européennes qui devraient voir une forte poussée des partis euroseptique empèche tout durcissement de la commission …  »

    tout est la ! c’est surement quand aprés les elections , quand on aura eu effectivement une montée des partis europhobe, comme le FN en france arrivée en tète , que la commission va durcire le ton … die grosse commission,wiefiele division herr guénéral !! nous allons les bombarder !!!

    la france peut bien attendre pendant cent ans pour ajuster ses déficits, car elle n’a personne en face d’elle : qui a envoyé des rafales en pologne ? l’allemagne ? non, la france ! si la france se retire de l’euro, l’euro est mort, et sans l’euro, les  » bruxellois  » sont morts …

    seul un retrait important d’argent extraeuropéen, asiatique par exemple ( a la faveur d’une crise en chine ou au japon ) ou américain, ou des pays du golfe, pourrait faire monter les taux d’interet auquel emprunte l’homme malade de l’europe .

    • Pourquoi extra-européen ?

      • Vous avez la forme de si bon matin ❗

      • j’ai lu quelques part ( je ne sais pas si c’est vrai ) que la crise grecque avait éclaté vraiment lorsque le japon avait rapatrié des quantité considérable de fond aprés le tsunami de 2011.
        lacher la france est trés politique, et ni la BCE , ni bruxelle ne pourront si résoudre.
        le problème de l’europe c’est que l’allemagne, traumatisé par la deuxième guerre mondiale , ne peut pas se résoudre à en prendre la direction , le leader ship …

        • « éclaté vraiment », ça signifie quoi ?

        • La grosse crise n’est pas pour demain. Mais on y arrivera à petits pas. La France se fera taper sur les doigts par la commission, aura une amende de quelques milliards à payer, et fera ce qu’elle voudra tant que des institution achèteront ses obligations. C’est le jour ou les investisseurs se feront plus rares, méfiance oblige, et demanderont des intérêts plus élevés que la crise apparaîtra. Ce n’est pas l’Allemagne, mais la BCE, des fonds de pension européens, ou pas, des particuliers européens ou pas …

    • Les retraits massifs de fonds étrangers sont déjà le cas aujourd’hui. Les investissements étrangers en France sont devenus risibles, et notamment en provenance des USA ou de Chine. Or, qu’est ce que ça a changé? Rien! Au contraire, notre Montebourg national a considéré que c’était la preuve flagrante qu’il lui fallait pour achever de diaboliser les méchants étrangers, et promettre de protéger les gentils lapins/victimes de France.

      Ce fut le signal de repli qu’attendait le gouvernement pour donner un aspect de plus en plus nationaliste à leur politique.

  • Cela serait intéressant d’avoir le dernier graphique avec dépenses par rapport aux recettes (et non par rapport au PIB…)

  • Les commentaires sont fermés.

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