« La France adolescente » de Patrice Huerre et Mathieu Laine

Au lieu de présenter la France comme une vieille décrépite, en déclin, les auteurs de cet ouvrage la comparent à une adolescente, à qui ne manque que de devenir adulte.

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« La France adolescente » de Patrice Huerre et Mathieu Laine

Publié le 4 avril 2014
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Par Francis Richard.

laine_france_adolescente_2Voilà un livre écrit à quatre mains, très original. Et, finalement, plein d’espoir. Ce qui ravit l’éternel optimiste que je suis, prompt à déceler en toutes choses et en tout être humain la meilleure part et à la mettre en valeur. Qu’y a-t-il d’original dans ce livre, paru il y a un an ? Au lieu de présenter la France comme une vieille décrépite, au déclin (voire au trépas) annoncé, les auteurs la comparent à une adolescente, à qui ne manque que de devenir adulte. Certes comparaison n’est pas raison, mais, en l’occurrence, celle-ci est fructueuse.

Des deux auteurs, Patrice Huerre est le spécialiste des adolescents, tandis que Mathieu Laine est celui des entreprises et des États. De leur rencontre est né ce projet qu’il faut bien qualifier d’iconoclaste, parce qu’il bouscule bien des idées reçues, celle notamment d’un déclin français inéluctable.

L’adolescence est la période des mutations, qui touchent à l’intime, particulièrement à la sexualité et aux parties les plus privées du corps. Ce temps de changement est aussi un temps de fragilisation et de fatigue, qui ne peut que provoquer doute et désarroi.

La France est de même au cœur de mutations qui l’ont affectée, et l’affectent, profondément. La population de la France a vieilli, tandis qu’une population immigrée, représentant 8% de la population totale seulement, est cependant perçue comme importante parce qu’elle s’est concentrée dans les régions Île France, Rhônes-Alpes et PACA (en Suisse, par comparaison la population immigrée représente 23% de la population totale…). La place croissante des femmes dans la société a bouleversé la donne en deux trois décennies. L’individualisme des hommes et des femmes, qui revient pour chacun d’entre eux à être libre de choisir sa vie, s’est développé…

De même que les mutations, qu’il subit, peuvent entraîner l’adolescent au repli sur soi et à la solitude, la France, encouragée par les hommes de l’État, rejette avec mépris « le monde extérieur, désigné comme coupable universel », dénonce « les règles d’un jeu vécu comme subi, plutôt que de s’y adapter » : « Or, l’adolescence, comme le monde actuel, ce n’est finalement rien d’autre que la fin d’une quiétude enfantine et l’acceptation de l’inquiétude essentielle du monde. » Sans incertitudes il n’y aurait pas de vie. Ou alors, si on peut appeler cela une vie, une vie d’habitudes et de servitudes.

Pour conjurer ses peurs, la France, comme l’adolescent, doit affronter ses mutations et ne doit pas leur donner une interprétation erronée. Prenons l’exemple des migrations humaines. Elles ont « toujours favorisé la croissance, l’innovation, les recettes fiscales et l’aide aux plus pauvres » : « Si l’immigration est aujourd’hui source de difficultés économiques, et donc politiques, c’est uniquement parce qu’une partie des immigrés qui arrivent sur notre sol ne vient pas y chercher du travail, mais des allocations. Plus qu’à l’ouverture des frontières, c’est donc à un système d’assistanat encouragé par l’État qu’il faudrait s’en prendre. » Pour conjurer ses peurs, la France doit reprendre confiance en elle. Elle ne doit pas refuser l’incertitude et ne pas ignorer le risque – le principe de précaution généralisé et constitutionnalisé est mortifère. Elle ne doit pas se réfugier dans le déni et dans le blocage. Elle doit prendre ses responsabilités.

Il faut dire que la France a une longue tradition de déresponsabilisation : « Cette tradition est celle de l’État centralisé et centralisateur, d’origine colbertiste puis jacobine, qui depuis des siècles étouffe toutes les velléités d’initiative individuelle depuis le plus jeune âge et prétend guider les citoyens jusque dans leur vie privée. » C’est la même déresponsabilisation des adolescents à laquelle conduisent des parents surprotecteurs, laxistes ou autoritaires à mauvais escient, et incapables de tenir les promesses qu’ils font. Les hommes de l’État sont ainsi tour à tour laxistes quand ils sont pris d’une frénésie dépensière pour fidéliser leur clientèle électorale – avec pour corollaire un endettement galopant – et autoritaires quand ils sont pris d’une frénésie sécuritaire au moindre fait divers monté en épingle comme s’ils voulaient alors montrer leurs muscles. Ils ne tiennent pas leurs promesses ou, quand ils les tiennent, elles sont déraisonnables…

img contrepoints202 France adolescenteTout se passe comme si les émotions dominaient et organisaient l’ajustement au monde, laissant raison et réflexion au vestiaire. La déresponsabilisation se manifeste par l’immixtion de l’État partout. Les citoyens sont considérés comme d’éternels immatures qu’il faut protéger des dangers du monde et qui sont entretenus dans cette immaturité en ne leur laissant pas le moindre espoir d’émancipation : ils ne seront jamais adultes, libres et responsables. Et les hommes de l’État, on ne sait par quelle opération du Saint-Esprit, sont les seuls à savoir ce qui est bon ou mal pour eux… les empêchant de chercher à ou de vouloir devenir autonomes.

Le rapport des Français au travail est curieux. Comme parmi les adolescents, certains sont hyperactifs, beaucoup apathiques… Les hommes de l’État leur ont fait admettre cette idée saugrenue qu’on peut créer de l’emploi en les dissuadant de travailler. Ils l’ont admis d’autant plus facilement qu’elle les confortait dans leur vision du travail : « [Le travail] n’est jamais considéré comme un bien en lui-même, au service de l’épanouissement individuel et des relations interhumaines et, par ricochet, de la prospérité d’un pays. En France, le travail est perçu au pire comme une malédiction, au mieux comme un moyen. » Ce sont pourtant les pays dans lesquels on travaille le plus qui sont les plus prospères et où le chômage est le plus bas. Cherchez l’erreur…

Si elle veut devenir adulte, la France doit cesser de jouer les victimes. Mais cela ne lui sera pas facile. Dans aucun autre pays ne se sont autant développés les droits-créances tels que le droit au logement, le droit au travail, le droit à l’égalité des salaires, le droit à la santé (qui a remplacé le droit aux soins), le droit au bonheur… Ces droits, qui n’en sont pas, dispensent de se prendre en mains : « On attend de l’autre ce qu’on refuse de faire soi-même. »

Face aux mutations qui s’opèrent en eux les adolescents ont deux attitudes : la volonté de maintenir le statu quo (rester en enfance) ou la fuite en avant (potentiellement destructrice), qui procèdent de deux mécanismes, deux faces d’une même médaille : apologie de l’ordre ancien et contestation de l’ordre naturel. Les Français ont le même défectueux rapport à l’histoire. Ils souffrent d’une part d’une sévère contradiction entre la vision de long terme et les échéances électorales et d’autre part d’une sévère distorsion de l’histoire (qui devrait être compréhension du passé) : ils l’interprètent et l’appellent désormais mémoire, laquelle est à l’origine de mythes. « Au premier rang de ces mythes issus d’une vision déformée du passé, figure le soi-disant modèle social, qui n’est évidemment un modèle que de nom, puisqu’il cumule les ratés et les handicaps tout en interdisant toute évolution. » Le soi-disant modèle social français, c’est en effet un chômage structurel élevé (10%), des déficits publics et sociaux abyssaux, 8 millions de pauvres, un système de retraite non financé, des services publics pléthoriques, une école qui fabrique 120.000 laissés-pour-compte par an…

À ceux qui veulent maintenir ce statu quo idéalisé, s’oppose la gauche de la contestation qui attribue tous les maux du monde au capitalisme et à la société de consommation et qui voudrait à la fois la décroissance et le retour à l’originelle pureté de l’homme, conciliant les deux tendances adolescentes du conservatisme et de la révolution. Aussi, en France : « Toute tentative de progrès se heurte systématiquement à la double opposition de ceux qui s’accrochent au passé et de ceux qui réclament au contraire une complexe table rase. »

Pour devenir adultes les adolescents doivent explorer le monde et prendre des risques. Les parents doivent empêcher que ces risques ne soient inconsidérés et ne pas entraver pour autant l’expérimentation qui leur permettra d’acquérir les compétences qui leur seront utiles dans le monde de demain. Mais les parents n’y parviennent pas toujours. Soit des parents ne voient pas les conséquences des risques pris par leurs adolescents, soit, à l’inverse, ils entravent leur expérimentation. Dans les deux cas, les adolescents peuvent être amenés à prendre des risques excessifs. De même, les élus politiques français sont-ils amenés à convaincre les Français de tester des capacités nouvelles qui sont autant d’errements politiques irresponsables, tels que « diminuer la durée du travail pour créer de la croissance, augmenter les dépenses publiques quand leur surpoids est devenu notre croix collective, ou emprunter plus massivement pour guérir un pays malade de ses dettes ».

Pourtant, en dépit de tout ce qui vient d’être dit, tous les espoirs sont permis à la France, si elle est bien l’adolescente que décrivent les auteurs : « Lorsque nous aurons surmonté nos habitudes et nos atavismes, lorsque nous serons parvenus surtout à nous défaire de l’idéologie nécrosante du tout-État pour accepter de donner leur chance aux individus et à l’ordre qu’ils font naître, par leurs actions, alors nous inaugurerons une ère nouvelle de liberté, la seule capable d’offrir aux citoyens la pleine maîtrise de leur destin. »

Au préalable, pour cela, il faudra que les Français s’attellent à un travail d’introspection, d’analyse et de thérapie, en étant sincères, en rompant avec le court-termisme, en s’ouvrant au monde et aux autres, en retrouvant le goût de l’effort, en renouant avec la volonté farouche de travailler, d’inventer et de produire, en redevenant libres, réellement : « La liberté réelle, c’est celle qui place l’homme et ses forces créatives au cœur de tout projet de société. Et il est fallacieux de croire que cette libération des individus pourrait aboutir à une anarchie quelconque, synonyme de désordre et de malheur, comme se plaisent à le répéter certains idéologues. Car c’est au contraire en poursuivant leurs intérêts personnels, altruistes comme égoïstes, que les individus libres concourent, sans en avoir conscience, à l’intérêt de tous et à un véritable ordre sociétal. »

Patrice Huerre, Mathieu Laine, La France adolescente – Et si on la laissait grandir?, JC Lattès, 2013, 264 pages.


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