Manuel Valls et la « politique des échangeurs »

Manuel Valls étant de gauche, tout le monde s’attend à ce qu’il fasse une politique de droite. C’est l’absurde « principe des échangeurs ».

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Manuel Valls et la « politique des échangeurs »

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 avril 2014
- A +

Par Nicolas Nilsen.

manuel valls

La politique française est super simple à comprendre : il y a des cours de ScPo pour ça. Notamment ceux sur « la politique des échangeurs »… Je les ai suivis à l’époque et donc je peux vous en expliquer le principe sans problème…

Ce qui rend la vie politique française passionnante, ce n’est pas seulement qu’il y ait la « gauche » et la « droite » – ce serait trop simple – c’est qu’il y ait également la droite de la gauche et la gauche de la droite ; et aussi des gens soi-disant de droite qui font une politique de gauche, et des gens de gauche qui veulent faire une politique de droite… C’est pour ça que le pays va mal !

La droite fait une politique de gauche

Si vous êtes un Premier ministre de droite, vous avez évidemment compris dès le berceau que ce sont les entreprises qui créent la richesse. Mais la gauche vous reprochera d’être loin du peuple et de ne pas avoir de cœur (forcément, vous êtes de droite).

Vous devrez donc affirmer solennellement que vous êtes vous aussi soucieux de justice sociale, respectueux des « acquis sociaux », sensible aux exigences des plus démunis, que vous allez défendre l’État-providence et le « modèle social » français etc.

Comme ça votre programme ne sera pas seulement approuvé par vos électeurs de droite, mais il convaincra également la frange des électeurs du camp d’en face que vous devez nécessairement séduire pour gagner dans l’opinion et vous maintenir au pouvoir.

La gauche fait une politique de droite

Si vous êtes un Premier ministre de gauche, en revanche, vous n’avez pas trop à vous inquiéter de votre « volet social » (vous êtes de gauche et c’est donc compris dans le forfait). Mais à l’inverse, on vous reprochera de ne rien comprendre à l’économie et au fait que ce sont les entreprises qui créent la richesse.

Et donc si vous voulez engager un « Pacte de responsabilité » en faveur des entreprises (forcément soupçonné d’être un « cadeau au patronat ») vous devrez affirmer parallèlement que vous allez bien entendu exiger des « contreparties » et accompagner votre pacte de responsabilité d’un « Pacte de solidarité » pour les plus démunis.

Comme ça votre programme sera non seulement approuvé par votre camp, ce qui est la moindre des choses, mais il ne fera pas fuir la frange des électeurs du camp d’en face que vous devez convaincre également pour réussir dans les sondages et vous maintenir au pouvoir. Donc savoir faire de la « rigueur » mais en précisant bien que c’est tout sauf de « l’austérité » ! (qui serait forcément de droite)

L’absurde « principe des échangeurs »

  • Si vous venez de la droite, l’échangeur vous fera passer à gauche.
  • Si vous venez de la gauche, l’échangeur vous fera passer à droite.
echangeur_b
Échangeur Ve République modèle système majoritaire.

Pas le moindre problème : dans la vie politique française, les « échangeurs » c’est la forme banalisée de l’exercice du pouvoir. Comme sur les autoroutes, ça se fait insensiblement, sans même que l’électeur ne s’en rende compte. Même pire : il le demande. Prendre un homme de gauche pour faire une politique de droite (ou l’inverse) quelle joie, quelle délectation, mais comme c’est génial ! Bien sûr que ça ne peut pas marcher.

Prenez Manuel Valls…

Le nouveau Premier ministre est de gauche ? Donc tout le monde s’attend à ce qu’il fasse une politique de droite. Les gens seraient même étonnés s’il annonçait qu’il va faire une politique de gauche ! On l’a même nommé pour ça ; on l’a fait passer par l’échangeur et hop, il roule de l’autre côté. Ça fait évidemment hurler la gauche — et surtout la « gauche de la gauche » — mais ce n’est pas grave puisque c’est la droite qu’il faut rassurer.

Et ça fait des décennies que ça dure : vous êtes élu sur un programme de droite ou de gauche et ça merde ? Pas de problème : vous passez par l’échangeur et vous faites l’inverse ! Si vous étiez à droite vous serez un peu plus à gauche. Et si vous étiez à gauche, vous serez un peu plus à droite ! That’s easy !

Il y a évidemment un tout petit hic !

Le problème de cette pratique de la « politique des échangeurs », c’est le FN qui l’a soulevé : si la droite fait comme la gauche et si la gauche fait comme la droite, Marine le Pen a beau jeu de dire que c’est « l’UMPS », du pareil au même : t’es à gauche tu fais une politique de droite ; t’es à droite tu fais une politique de gauche. En gros c’est “blanc bonnet, bonnet blanc”…

Contre les échangeurs : rouler carrément au Centre !

Le seul moyen d’éviter que les gens de droite roulent à gauche et que les gens de gauche roulent à droite, ce serait d’avoir des gens qui roulent carrément au centre : un centre puissant, humaniste, libéral et européen. Ce serait plus simple et cela éviterait tous les têtes-à-queue que ces deux camps nous infligent inlassablement depuis des décennies.

Mais il faudrait évidemment pour cela qu’existent au centre des libéraux courageux, déterminés, ayant une colonne vertébrale et un programme solide ! Et pas seulement quelques personnalités sympathiques mais qui se satisfont d’être à la tête d’un parti qui n’a jamais ambitionné de mobiliser assez de personnes pour remplir complètement une cabine téléphonique !

Aux États-Unis, il y a également les démocrates et les républicains. Mais il y a aussi le mouvement « libertarien » (Ron et Rand Paul et d’autres) qui – heureusement – commence à convaincre de plus en plus de gens. Peut-être les libéraux français finiront-ils par se révéler ? Ils n’ont pas besoin d’échangeurs : ils roulent au centre et ont une autoroute ouverte devant eux. Mais encore faut-il qu’ils se réveillent ! Marre des marmottes. Et qu’ils accélèrent : marre des escargots !


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  • Selon un sondage, 74% des Français souhaitaient un changement de 1er ministre et la première déclaration de Manolo est d’annoncer qu’il va faire comme le précédent ! LOL
    Je ne sais pas ce qu’il a obtenu d’Ayro ? Les deux oreilles et la queue !
    S’il balançait ces saloperies aux chiens il faudra prévenir BB de cette maltraitance.

  • « Même pire : il le demande. »

    Absolument ! C’est l’autio-alternance, le Nirvana du culte voué à l’alternance, dont la cohabitation n’est qu’un stade intermédiaire.

  • Le seul échange réel est entre « je roule pour vous » et « je roule pour moi », et celui-là se fait toujours dans le même sens.

  • « Peut-être les libéraux français finiront-ils par se révéler ? Mais encore faut-il qu’ils se réveillent ! Marre des marmottes. Et qu’ils accélèrent : marre des escargots ! »

    Réveillés ils le sont, mais il manque un tigre dans le moteur avec suffisamment de charisme, de clarté, d’éloquence, d’intégrité et d’humilité, qui donnerait l’élan nécessaire pour que les libéraux se fassent entendre et comprendre à travers le pays.

    • Ce qui me fait peur c’est d’attendre encore longtemps, très longtemps ce fameux messie…

      • n’attendez pas un « fameux messie »… il n’existe que dans les religions… mais juste un (des) personnes intègre(s) qui réussisse(nt) à grande échelle, c’est-à-dire dans tout le pays, à faire entendre et comprendre le libéralisme.

        • Hum, dc les libéraux devraient se mettre au travail pour trouver (vite) le tigre ou (la panthère) en chacun d’eux !

  • J’espère qu’ils ont pensé à protéger les parquets à Matignon avant l’arrivée de Valls ; les dents ça raye !

  • Ils sont tous sur la même route surtout, il n’y a que la voie qui change. L’un des phénomènes majeurs de notre époque c’est l’écroulement de l’état-nation, sa perte d’influence sur les structures sociales. La France, particulièrement conservatrice sur ce point, braque à peu près tout le monde sur le sujet. Personne ne semble porter l’alternative fédéraliste (pour la France, je ne parle pas de l’Europe) : ok pour que ce soit minoritaire, mais là c’est carrément inexistante. C’est pour moi le signe d’une absence d’opposition, le signe qu’il n’y pas d’échangeur. Politique de droite / politique de gauche ? suivant les lignes de clivages du 20è siècle, peut-être.

  • Contre les échangeurs : rouler carrément avec Nous Citoyens !

  • Il n y a jamais eu et il n y aura jamais de libertarianisme en terre latino meditterano catholique ( sécularisée ou pas)

    Le libertarianisme est l enfant de la civilisation protestante.
    Max Weber avait raison.
    Les libéraux latins ou méditerranéens ( nord ou sud) n est qu une minorité anecdotique forcément perdante dans ces choix majoritaires ( démocratie différent de liberté)

    L exception qui confirme la règle.
    La seule crainte est que le latin arrivera tôt ou tard au nom de l égalité, de la démocratie et de la lutte contre les inégalités a transformer les pays protestants libéraux en social démocratie

    C est le cas des USA et leur latinisation croissante.

    • C’est vrai, c’est du Gustave Le Bon

    • « … et il n y aura jamais de libertarianisme en terre latino meditterano catholique »

      Qu’en savez-vous ? vous avez une boule de cristal ? et donc ? perdu d’avance ? alors, on fait quoi ? on baisse les bras en regardant la télé les doigts dans le nez ?

    • « il n y aura jamais de libertarianisme en terre latino meditterano catholique »

      Et il n’y aura jamais de libéraux qui prédisent l’avenir, non plus.

      • Le doigt et la lune.

        • En regardant la lune, le sage dit au doigt dans le nez qui sortait de la boule de cristal: Plus le singe monte haut et plus il montre son cul

          • @Nadege

            Beaucoup d agressivité qui coupe court a toute discussion. Finalement même comportement (agressif défensif passionné non pragmatique) que les musulmans quand on s attarde sur certaines critiques de fond.

            Ça m enleve le goût de la discussion

            Et ça confirme le Max Weber

            Bien évidement le plus simple est de nuancer le « il n y aura jamais de libéralisme » par il est statistiquement quasi inenvisageable de voir le libéralisme s installer dans nos latitudes de part notre construction ethno politico culturo religio génétique et j en passe .
            Une civilisation est un « meme » darwinien dépassant l ensemble des individus qui le constituent
            La nôtre n est pas sur une trajectoire libérable et en plus elle est en confrontation darwinienne avec d autres civilisations dont l anglo-saxonne et essaye d imposer sa vision. ( égalitaire et constructiviste)
            La démocratie et le vote majoritaire biasent cette confrontation civilisationnelle et le plus adapté finalement perd.

            Que faire ? Je n en sais rien. Croire que la blabla politique liberal peut changer quelque chose est au mieux naïvement optimiste au pire constructiviste

            Je pense personnellement aussi difficile que ça peut paraître mais quand par je ne sais quelle magie on se retrouve dans une minorité dans sa civilisation décadente, le plus honnête est de partir renforcer le plus adapté. Ce n est pas de la trahison.

            Hélas pour moi, je n ai pas réussi a démarrer ni une startup pour acquérir ma liberté et accessoirement rendre le monde californien meilleur et ni je ne suis devenu un VC ou un business angel pouvant vivre a Zürich. Alors je suis condamné a la frustration de rester ici.

            Et non je n ai pas dis que la lucidité est de regarder la télé.

            • L’agressivité n’était dans mes intentions. Votre pessimisme sûr de lui quant à un retour des « lumières » m’a heurtée et votre « Le doigt et la lune », pour indiquer l’idiot, de trop. Etant donné qu’il n’y a aucune alternative, si ce n’est le libéralisme, qui puisse sauver le pays de la ruine, il faudra bien que les consciences se réveillent, de gré ou de force. Probablement il sera trop tard et ne se pourra se faire, hélas, dans la douceur.

  • Article très sympathique. Bon pour moi il y a deux solutions :
    La première pessimiste, et pourtant probable, est qu’il est changé les escrocs socialistes qui ne changeront rien et Manuel Valls va se griller pour longtemps dans ses ambitions présidentiels.
    La deuxième : est que Valls est le plus à même de faire une vrai politique de l’offre libéral dans la poursuite du pacte de responsabilité. Sachant que Matéo Renzi est en train de créer un modèle qui pourra justifier une tel politique. Notre nouveau premier ministre a peut être proposer à Hollande vous me laisser faire où je démissionne et je me replace en position présidentiable.
    On peut rêver.

  • Nicolas permettez-moi (qui n’a pas fait Science-Po) de vous éclairer.
    Tout d’abord, une remarque préliminaire de Maurice Druon
    «Il existe deux partis de gauche en France,
    dont l’un s’appelle par convention la droite».
    Pour comprendre le conflit qui les opposent, Max Gallo nous éclaire : «ils se chamaillent sur le perron pour faire oublier qu’ils se partagent la maison ».
    Donc, une fois les rênes de le politique économique livrée à une poignée d’oligarques bruxellois, ce qui distinguent ces deux groupes, c’est la politique « sociétale » : les uns sont absolument PROGRESSISTES; on les nomme la Gauche (mariage inverti, « genre », …), les autres sont un peu moins PROGRESSISTES (mais surtout parce que leurs électeurs ne le sont pas du tout), ceux-là sont nommés la Gauche.
    Reconnaissons que Sciences-Pot-Paris ne s’attarde pas trop sur cette mutation. Allez plutôt chez le think tank Terra Nostra.
    Amicalement.

    • Le souci il est là : reconnaître que les projets familiaux ne se construisent plus sur le genre des personnes qui signent un contrat, ce n’est pas particulièrement « progressiste » ou « conservateur », c’est juste prendre en compte la réalité, c’est matériel. On peut à la rigueur se demander si on ne devrait pas plutôt renforcer les libertés individuelles (c’était l’ambition initiale du PACS qui a été très vite dénaturée, une idée de contrat libre), mais pour le coup ça pourrait être taxé de « progressiste » vu notre habitude à nous référer systématiquement à des autorités e(x)tatiques.
      De manière générale on se retrouve avec des camps, qui se disent de gauche et de droite, pour savoir si il faut ou non prendre en compte la réalité (au final les deux sont le plus souvent à défendre des fantasmes). Il y a une croyance en France qui veut que, sous prétexte qu’elle soit le résultat d’un consensus, la réalité soit idéologique et sans support matériel.

  • Chaises musicales pour « l’élite » (avec retraites cumulables) et société asphyxiée pour les autres.

    Le problème n’est pas seulement le gauche/droite potemkine médiatique, le problème c’est une société figée depuis au moins 40 ans.
    Et un pays qui n’a connu que des défaites depuis Waterloo.

    Même en considérant que Napoléon était génial, il n’aurait pu faire ce qu’il a fait sans un encadrement capable de « mettre en musique » de façon efficace les ordres qu’il donnait, et aussi d’entraîner les hommes dans des situations incertaines.

    Je me suis demandé pourquoi lui et pas les autres ensuite. Une explication est qu’en 1791, un tiers des cadres militaires était nommé par en haut (top-down) et les deux autres tiers par « en-bas » (bottom-up).
    Ainsi, les soldats élisant les sous-officiers, ces derniers élisant les officiers subalternes, etc.
    Napoléon, une fois au pouvoir, a bénéficié des effets de cette mesure.

    C’est une méthode qui devrait être mise en oeuvre aujourd’hui dans toute l’administration, jusqu’aux plus hauts niveaux.

    Ainsi il n’y aurait plus la consanguinité débilitante qui empoisonne notre France « moderne » avec ses chaises musicales et sa planification technocratique.

    Pour mémoire quelques résultats de ce poison : le paquebot France, ferraillé, le Concorde, jamais vendu et les centrales nuclaires qui vont nous coûter un max maintenant qu’elles sont vieilles.
    Et à venir, suite aux « échangeurs » un peu trop visibles : passage du socialisme au socialisme-national étatique.

    L’exil, la misère et/ou le sang. Choisissez votre avenir.

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