Blanc bonnet ou… bonnet blanc ?

Faut-il se résoudre à endosser un uniforme dans certaines situations sociales ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Blanc bonnet ou… bonnet blanc ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 29 mars 2014
- A +

Par Bénédicte Cart.

Réunion cardiologues

Il y a quelque temps, lors d’un déjeuner au soleil, en grande conversation au sujet de tout et de rien, vient une remarque anodine « tiens tu as mis un jean aujourd’hui », bon je suis légèrement vexée mais je ne tiens pas rigueur à mon interlocuteur qui enchaine sur « et pour le travail tu décides de porter un uniforme ? ».

Là c’en était trop pour mon petit égo, je ne comprenais pas et commençais à chercher à savoir ce que mon interlocuteur voulait dire par ‘uniforme’. Me connaissant bien pour savoir à quel point je tiens à ma liberté vestimentaire, me questionner sur l’uniforme au travail avait une teinte angoissante pour moi. Je voyais déjà la scène très précisément : aucun suspens le matin, plus de réflexion, de choix devant mes montagnes de possibilités, arrangements. Non aujourd’hui comme hier, comme avant-hier, les mêmes couleurs, formes… aucune originalité ni fioriture, la joie du matin devrait se transformer en routine amère. Je me suis questionnée, mais bon sang que diable lui était-il passé par la tête pour me parler, à moi, d’uniforme ?

Reprenons. Monsieur faisait peut-être référence au costume pour homme ? Faut-il un équivalent pour femme ? J’ai longtemps eu un travail qui nécessitait de porter un uniforme, sauf que dans la structure où j’étais employée, ma patronne ne m’imposait rien. Et, je m’en suis donné à coeur joie, oser des associations que je m’imaginais, me renouvelant chaque soir. Je pouvais profiter pleinement de toutes mes jolies acquisitions et cerise sur le gâteau, mes bons choix étaient reconnus et appréciés.

Alors pourquoi un uniforme dans ces conditions ? Dans un élan passionné, je vous dirai qu’il n’est pas nécessaire de (s’) imposer une tenue vestimentaire. En effet, le bon goût doublé de bon sens devrait être suffisant pour trouver le juste équilibre vestimentaire. Oui mais voilà, cela fait beaucoup de bon.

Un soir d’été, je débute mon travail avec une robe légèrement échancrée dans le dos, et la robe suivant le mouvement, l’échancrure devient décolleté profond. Ma patronne, attrapant une épingle à nourrice et moi au passage, arrange cette affaire en quelques secondes et me permet de continuer plus sereinement. Je l’en remercie et la gratifie d’un sourire complice. Cette légère bévue ne se serait pas produite si j’avais eu un uniforme.

Et si un jour le « bon » me quitte ? Si je suis complètement libre de m’habiller comme bon me semble est-ce que je saurais tous les jours comment le faire justement ? Toutes mes questions étaient là et je rejoignais l’interrogation de monsieur en osant imaginer me trouver un uniforme de travail.

Mais est-ce à moi de décider ou dois-je suivre un mouvement ? Je décidais d’interroger mes collègues qui portaient le fameux uniforme. Pour certains, les conditions étaient supportables, pour d’autres il s’agissait d’une bêtise (ou quand leur patron impose un « déguisement » ou encore leur demande de se munir eux-même de certains vêtements, chaussures…). Une amie, par choix s’habille toujours de la même manière. C’est pratique, me dit-elle, et puis elle ne trouve rien à son goût et préfère confectionner ses vêtements elle-même. Pourquoi pas, elle semble à l’aise et se satisfaire de cette décision.

Et puis j’ai travaillé en blouse blanche. Ah, mes idées préconçues : est-ce que cela va me donner plus de crédit ? Ou faire de moi quelqu’un de plus intelligent (comprendre : mes propos seront intelligents puisque je porte la blouse du savoir). Sur moi, rien ne s’est produit. J’étais toujours la même, blouse (100% coton) blanche sur petite blouse (100% soie) grise. Oui cela facilite la reconnaissance des rôles de chacun, l’habit fait ici le moine et c’est bien pratique pour mettre des petites étiquettes au-dessus de la tête des individus que nous croisons (médecins, patients, autres…)

Mais attention, n’allons-nous pas un peu trop vite en besogne ? L’uniforme facilite les interprétations, les raccourcis. Je me suis toujours demandé pourquoi les patients me demandaient des informations médicales tout en sachant que je n’étais pas médecin : la blouse blanche ? La volonté de savoir, d’accéder et de comprendre un discours parfois complexe que seule une poignée d’individus maitrise parfaitement : ceux qui ont une blouse blanche. Eh bien non, l’habit ne fait pas toujours le toubib, j’avouais sans honte mon ignorance et proposais de partir ensemble à la chasse aux connaissances.

Est-ce qu’aujourd’hui je mets un uniforme ? Oui et non…c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Je décide, c’est vrai, de ce que je porte tous les matins, j’accommode, je colore, j’adapte. Mais avant tout je réfléchis, tout dépend du contexte et, au final, mes associations sont souvent similaires. Il y a une certaine cohérence, un fil conducteur qui est ma pensée : oui nous pouvons utiliser notre tête pour nous habiller et oui cela peut aller très loin (jusqu’à changer de vernis au dernier moment).

L’uniforme est à l’intérieur de nous, nous le créons, il fait partie de notre identité et nos vêtements, si nous savons les choisir sont le reflet de notre esprit.

Voir les commentaires (16)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (16)
  • C’est amusant hier je retweetais à mon réseau cet article sur le fait qu’en raison d’uniformes il avait été décidé de n’avoir que des serveurs hommes au sommet de la Haye : http://www.madmoizelle.com/sommet-la-haye-sexisme-242747 . Il fallait des uniformes identiques et que le service ne distraient pas les hôtes …donc pas de serveuses voilà l’explication qui a été donnée …

    Oui oui vous avez bien lu des serveuses c’est distrayant, ça empêche d’être sérieux car ces messieurs ça faits bouillonner leurs bourses.

    Votre échancrure pourquoi l’avoir dissimulée ? Pourquoi avoir honte de votre féminité ? Savez-vous que la dissimuler dans le monde du travail c’est une façon pour le patriarcat de dire si tu travailles dans notre entreprise, monde d’homme, la femme que tu es doit s’effacer.

    Les femmes doivent pouvoir s’habiller comme elles veulent. Notre corps n’est pas plus sexuel que celui de l’homme. Notre corps est seulement plus objetisé que celui de l’homme et c’est aux hommes d’apprendre à se contrôler.

    Faut-il un équivalent pour la femme à l’uniforme de l’homme ?

    NON. C’est plutôt aux hommes de casser leurs codes vestimentaires. L’uniforme, c’est l’uniformité, l’uniformité est une contrainte, une contrainte c’est une atteinte à ma liberté, l’uniformité c’est la négation de l’individualité et donc rien de libéral.

    Toute différente est la question de la blouse blanche (la mienne est d’une autre couleur 🙂 et je la mets juste pour des questions d’hygiène sinon je suis en jean pull ou t-shirt ; quand j’aurai de l’argent pour m’installer il n’y aura pas d’uniforme chez moi sauf à vocation d’hygiène. Porter la blouse comme symbole du savoir c’est triste. Comme si huit ans d’études se résumaient dans du tissu !!!!!!!! Une femme est plus crédible si elle met l’uniforme ? Possible ….. on me prends souvent pour l’assistante si j’ai un collègue masculin à coté de moi qui lui aussi n’est pas en blouse. C’est insupportable et me mets hors de moi systématiquement. Les mentalités doivent changer mais ça n’est pas une question de tissus mais d’éducation.

    Super article pose de vraies questions sociétales…

    • [Notre corps est aussi sexuel que celui des hommes…] Conneries!

      Les hommes sont excités visuellement. C’est pourquoi plus de 90% des personnes qui regardent du porno sont des hommes!

  • Il y a 2 raisons de porter un « uniforme » au travail :
    – être identifié par les clients et leur donner une image de l’entreprise
    – marquer sa place sans l’entreprise, c’est à dire sa position dans l’organisation et la hiérarchie

    On pourrait discuter sur les aspects tradition, culture, efficacité et sur les rapports entre collègues de travail que peuvent induire un marquage strict qui se rapproche d’une organisation militaire et rendent plus rigide ces rapports.

    Vous semblez ne vous intéresser qu’à l’aspect liberté individuelle et affimation de votre indépendance et de votre individualité. Le sujet n’est pas focément anodin en ce moment ou le dictateur de Corée du Nord veut imposer sa coupe de cheveux à l’ensemble de la population.

    Mais bon … Au moins l’article est reposant pour les méninges !

    Cependant je me pose une question peut-être légèrement provocatrice : allez vous à la messe en tongs et en short pour marquer votre individualité ?

    Notez bien que je respecte vos croyances et je ne pense pas que la foi puisse être impactée dans un sens ou dans l’autre par une tenue vestimentaire.

    • Cependant je me pose une question peut-être légèrement provocatrice : allez vous à la messe en tongs et en short pour marquer votre individualité ?

      Mais vous avez raison… de la poser. L’uniforme et le vêtement c’est aussi la soumission. A l’autorité divine ou profane du chef d’entreprise c’est pareil. Contrôle des esprits. Moi je me suis faite refuser l’entrée du Vatican pour accrochez vous épaules non couvertes !!! Comme si mes épaules allaient provoquer un nouveau déluge !

      C’est une propriété privée donc ok. Je rentre pas. Mais faut voir les archaïsmes vestimentaires de cette société !

    • Et bien, pour Adèle et pragma, je pense que je respecte les autres donc je cache l’échancrure quand je juge que cela est nécessaire et quand je me trouve dans des lieux religieux (synagogue, mosquée, temple bouddhiste, église) je le suis avec bienséance, donc non au tong, short.
      Merci je suis touchée par votre sympathie à mon égard. Et pragma, j’aime l’idée de reposer vos méninges!

      • simple question, vous avez l’habitude de fréquenter à la foi :  » synagogue, mosqué, pagode, église  » ?

         » l’éclectisme ? ho , j’en ai fait un peu à l’école, mais j’étais pas trés forte … « 

        • Ma foi, je n’y parviens pas j’ai des soucis pour la multiplication de mon corps…!
          Par contre je ne comprends votre phrase sur l’éclectisme, éclairez-moi!

          • c’est parce que vous etes trop jeune. c’est une phrase tirée d’un sketch des inconnus: une personne pas trés fute fute confondait l’éclectisme avec l’athlétisme… plus loin, elle confondait la polygamie avec la polynésie, répondant au speacker qu’elle n’ y était jamais allé…

  • En effet, l’origine de cette idée d’uniformiser les gens est arrivée en France par l’éducation Catholique qui l’imposa durant des siècles, et les français y sont toujours aussi fidèles et bon public. Cela fait déjà une petite décennie que l’on voit revenir la blouse dans les commerces, industries, et de nouveau dans les écoles privées.. Un amour bien Français qui traverse les modes et les siècles.

    La France en a même fait hériter l’Algérie qui impose encore aujourd’hui le port de la blouse à l’école.
    En effet, l’uniforme est un moyen de dépersonnalisation permettant d’imposer une discipline de groupe
    ou le principe des sanctions est mieux accepté par sentiment d’appartenance au « groupe uniformisée ».

    Ce principe est toujours employé dans l’armée, la médecine et toutes les institution de notre république, qui fut pourtant l’inventeur des droits de l’homme, mais aussi créateur de nombreuses dictatures de par le monde.

    L’acceptation de porter un uniforme est un signal pertinent de soumission à ceux qui l’imposent aux autres et leur assure une emprise infaillible sur leurs concitoyens, c’est le bon moyen de bafouer tout droit au choix personnel de l’individu.

    Bien sur, cela ne dérangera personne puisqu’en règle générale cette disposition majoritairement « convenue » est obligatoire et donc généralement punie par défaut d’obtempérer (en hôpital, ce refus
    équivaut au licenciement). Mais sans doute notre société courre vers la nécessité d’uniformisation publique et pour une consolidation de laïcité (lutte des marques, indécence, puritanisme,etc..)..

    • Je suis d’accord sauf qu’un enfant n’est pas encore un citoyen libre. Il est soumis à l’autorité de ses parents qu’ils ont délègué à l’école. Il doit forcément y avoir un niveau où l’individualité doit s’exprimer et être encouragée mais le port de la blouse à l’école primaire ne me choque pas (au contraire) pour des raisons de socialisation et les raisons de discipline que vous évoquez.

      Dans le monde du travail, on pourrait aussi invoquer des raisons de discipline mais je privilégie au contraire (en règle générale) l’aspect liberté/individualité pour l’intérêt même de l’entreprise autant que celui des employés.

    • Il me semble que l’armée romaine était en uniforme, donc bien avant « l’éducation catholique ».

  • Merci pour vos articles Contrepoints.

    Deuxième paragraphe: « C’en était trop! » et pas [sans était trop]

  • L’homme est un animal social, et la société se fonde par des codes culturels.
    Ne trouvez-vous pas légitime de pouvoir rapidement distinguer les membres de sa tribu. Relisez la Bible, ou les écrits de Jules César, depuis millénaires nous portons ces signes de reconnaissance: tatouages, vêtements, coiffure…
    On peut même observer une plus grande diversité de ses signes de reconnaissance comme un indice de délitement du « vivre-ensemble ».

    • A la fois similitude et diversité des signes me semble-t’il : volonté d’apartenir à un groupe mais aussi de se distinguer.

      Et il m’a tojours semblé que dans un groupe d’individus se formaient naturellement des sous-groupes.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Un article de l'IREF.

Dès la fin des années 1980, une première série de réformes a été opérée en Suède par le gouvernement social-démocrate, transférant aux municipalités la responsabilité des écoles et leur laissant une grande liberté pour l’affectation et l’utilisation des ressources en fonction du contexte et des besoins locaux. Puis au cours des années 1990, le gouvernement conservateur-libéral a voulu donner aux parents la liberté de choisir l’école de leurs enfants et favoriser la concurrence entre les établissements pour notamme... Poursuivre la lecture

Le politologue, conférencier et professeur d’université américain Yasha Mounk retrace dans un livre qui devrait faire parler de lui, les conséquences et les dangers d’une idéologie actuellement très en vogue aux États-Unis, et qui se rapproche de plus en plus de chez nous en Europe.

Sous couvert de bonnes intentions, elle s’annonce un facteur de divisions, voire de conflits haineux et montants.

 

La fin de l’universalisme

Par un retournement inouï de l’Histoire, la ségrégation raciale est réapparue en de nombreux lie... Poursuivre la lecture

L’uniforme a la cote. Gabriel Attal veut l’expérimenter à grande échelle.

À droite comme à gauche, nombreux sont ceux qui s’en réjouissent : source d’économie pour les familles, il présente l’avantage d’effacer les différences sociales apparentes et aide indubitablement à la concentration des enfants. Il manifeste en outre une appartenance évidente à l’établissement et flatte le penchant si français pour la nostalgie et le vintage.

 

Le retour d'un vieux serpent de mer... pas sans contradictions !

Une fois passés en ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles